La lutte "sale" des nettoyeurs de train en Italie, septembre 2001 juillet 2002 - Lotta Sporca/Centro di Ricerca per l’Azione Comunista, Turin 2002

samedi, 29 mai 2004

Submitted by Craftwork on January 24, 2017

(Extraits de la conclusion)

« L’unique tâche d’un homme qui pense et aime la vérité consistait - en face de la première explosion du soulèvement des ouvriers de Silésie - non pas à penser en maître d’école mais plutôt à étudier le caractère qui lui est propre. Pour cela il faut avant tout une certaine perspicacité scientifique et un certain amour des hommes, tandis que pour l’autre opération une phraséologie toute prête, immergée dans un creux égoïsme, suffit amplement.
« L’émeute industrielle si partielle soit-elle, renferme en elle-même une âme universelle.
« (...) une révolution sociale se place au point de vue de la totalité, parce qu’elle part du point de vue de chaque individu réel, parce que l’être collectif dont l’individu s’efforce de ne plus être isolé est le véritable être collectif de l’homme, l’être humain. »

Marx, Gloses marginales critiques à l’article le Roi de Prusse et la réforme sociale, Spartacus, 1970, trad.. J. Camatte, pp. 85 et 88-89 [1].

La lutte des nettoyeurs de trains pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses à qui se place, dans le processus d’organisation de classe, du point de vue de la transformation des relations sociales actuelles.
Les réflexions qui suivent se sont construites à la suite des initiatives de fin avril et ont été intégrées et modifiées au jour le jour au cours de discussions entre camarades intéressés par cette expérience.
L’étalement dans le temps du conflit (de l’automne passé au mois d’avril de cette année), son intensité en trois moments distincts particulièrement significatifs (mi-décembre 2001, février et avril de cette année), son caractère simultanément local et national, la fraction de la classe concernée, ses contenus et les formes de lutte imposent une analyse et une réflexion sur l’état actuel du conflit de classes, tout autant que les questions qui restent en suspens et les problèmes encore ouverts.
« (...) les actions autonomes n’ont été que rarement considérées comme les premiers symptômes d’un nouveau mouvement dont l’organisation ne pouvait apparaître et se développer que dans la lutte elle-même. Pratiquement, les tentatives d’analyses essaient d’expliquer l’échec de ces actions, soit par leur “manque d’organisation”, soit par l’inexistence d’un parti révolutionnaire, le “manque de conscience”, le retard idéologique, etc. Toutes ces critiques relèvent en fait des schémas anciens ou traditionnels (...). » [2]
À notre avis, l’autoclarification du mouvement réel et de ses limites est un moment essentiel du développement de l’autonomie prolétarienne, entendue également comme capacité autonome de construction [3]..
L’autoclarification, par conséquent, est un effort de compréhension de la dynamique d’une lutte dans ses limites et dans ses perspectives, destiné à saisir les motifs d’intérêt qui sortent du cadre du conflit particulier, un effort qui ne s’éteint pas avec la fin de la lutte, dans la mesure où son but est de l’insérer dans un processus géographiquement et temporellement plus ample, en en saisissant les conséquences imprévisibles dans l’immédiat.
Il n’est pas possible d’estimer sur le fond l’ampleur de l’écho, pour le mouvement général de la classe, d’un événement particulier : sa réelle réception et son enregistrement sont des choses que l’on ne peut connaître que quand le fleuve karstique de la lutte de classes, dans son parcours accidenté et invisible, revient à la surface et montre ce qu’il a retenu et fait sien.
Quand une lutte, accumulant toute une série de contradictions non résolues et de questions sans réponses, tend vers un point de rupture et a déjà éprouvé la force qui naît de l’union des travailleurs, elle a devant elle différentes perspectives. Elle peut être récupérée par les secteurs les plus dynamiques du système de reproduction des rapports sociaux actuels, ou réprimées, ou bien elle peut s’étendre aux autres secteurs de classe avec lesquels elle a su tisser des relations et fournir, peut-être même indirectement, une riposte a une condition commune. Naturellement ces perspectives ne s’excluent pas mutuellement, et les différentes combinaisons des deux premières dans l’action du parti de l’ordre, n’interdit pas le développement de la troisième, qui, au contraire prend souvent forme en relation avec le comportement de la classe dominante et en réaction à celui-ci. [4]

I

Revenons à la lutte des nettoyeurs de trains, en voyant rapidement l’organisation du travail et la composition sociale des travailleurs.
Les tâches, la taille de l’équipe et sa composition contractuelle et sociale, le type de roulement, etc., changent selon le type de train et sur la base du travail à effectuer.
Les équipes sont formées sur les plateformes par les chefs de garages en fonction du personnel disponible et des exigences du travail de la journée.
Le travail est à cycle continu : sept jours sur sept, 365 jours par an.
40% des trains qui arrivent dans les garages ou dans les gares repartent immédiatement, le nettoyage doit donc être fait just in time, tandis que les 60% restants repartent dans la journée.
Trois type de travaux sont faits dans les trains.
Le premier, appelé « volante » et qui requiert à peu près trois-quart d’heures par train est effectué sur les trains de banlieues qui convergent sur Milan de toute la Lombardie, par des équipes de 10 personnes en moyenne (...).
Sur quelques trains, selon le cas, et en général sur les trains « longue distance » (appelés « trains du choléra »), est effectué le second type de travail dit « particulier », qui nécessite environ 4 heures et est payé aux entreprises adjudicataires selon le temps passé ; par exemple, les housses des appuis-têtes les plus sales ou les sièges en mauvais état sont remplacés.
Le troisième type de travail, qui est périodiquement effectué sur tous les trains, et appelé « radical » : les wagons sont sortis des rails, leur partie inférieure est nettoyée ; à l’intérieur on applique un traitement ad hoc, et à l’extérieur on efface les graffitis et autres inscriptions.
Pour le nettoyage « radical » sont employés seulement les anciens, les mieux payés, qui travaillent 5 jours par semaine.
Pour les nettoyages « particuliers » et pour toutes les tâches en général plus complexes des traitements ad hoc, sont employés des travailleurs « fixes » [5] qui travaillent par roulement de 8 heures (7 heures et 37 minutes effectives). Environ 40% sont des immigrés.
Pour le nettoyage « volante », sont employés quasi exclusivement des travailleurs immigrés, embauchés à l’initiative des chefs de garage sur un contrat précaire, qui travaillent par roulement de 6 heures (6 heures effectives !).

La segmentation interne donnée par les différents profils contractuels, qui correspondent essentiellement aux origines différentes des travailleurs, n’ont été dépassées que partiellement durant la lutte ; les travailleurs jouissant de la plus grande ancienneté, rejetant les conditions de ré-embauche revues à la baisse ont fait « la locomotive » et les travailleurs les plus jeunes et précaires, « la remorque ».
On peut cependant diviser les travailleurs en deux groupes.
Le premier est celui des travailleurs italiens, pour la majorité des immigrés « historiques » du Sud, avec un contrat « fixe », de meilleures conditions de rétribution et une grande ancienneté (10-20 années de service), dont certains doivent leur propre ascension et celle de membres de leur famille, à leurs liens avec les syndicats.
Beaucoup sont d’anciens ouvriers d’usine mis à la porte durant le cycle de restructuration à cheval entre la seconde moitié des années soixante-dix et la première moitié des années quatre-vingt. Ils ont en général un bas niveau de scolarisation et la plupart du temps les plus âgés parlent exclusivement le dialecte de leur région d’origine ; ils ont une faible qualification professionnelle, de la difficulté pour trouver un autre emploi, et souvent ils ont un autre travail.
Même parmi les travailleurs italiens il y a une part de précaires, qui depuis toujours ont un contrat à durée déterminée (« Ça fait trente ans que je subis l’attaque de l’article 18 [6] », a observé amèrement un travailleur interviewé).
La majorité a famille et enfants, et elle est consciente du fait que les nouvelles conditions de travail auraient entraîné une drastique diminution de salaire (les salaires nominaux sont inchangés depuis dix ans, et tournent entre 900 et 1000 euros).
Les délégués et les travailleurs les plus actifs ont tous une expérience syndicale et politique acquise au cours de leurs précédents emplois :

- Ils en ont retiré une pratique syndicale et une conception combative de l’organisation, critique par rapport à l’actuelle politique syndicale qu’ils jugent indigne du vrai syndicalisme.

- Ils sont sans cesse en conflit avec les permanents, qui se débarrassent de leur travail comme s’il s’agissait d’un travail quelconque avec le même esprit qu’un banquier ou un charcutier quand ils font le leur, et ils regrettent que les permanents de la FILT [7] soient presque tous des cheminots, alors que peu d’entre eux viennent du support ferroviaire.

- Ils ont un sens aigu du rôle de délégué, à tenir, selon eux, avec orgueil et responsabilité sans jouer les prima donna (même quand ils sont sous l’attique de la gare !).

- Ils sont sincèrement choqués que quelques délégués prennent une charge représentative seulement pour bénéficier des heures de délégation syndicale, et ils pensent que dans une situation aussi éclatée, où ce n’est pas comme à l’usine avec les ateliers, mais 1000 personnes sur 12-15 bases distantes de 6-7 kilomètres ou plus, les délégués devraient faire leur devoir et non se la couler douce.

- Ils ne supportent pas que les travailleurs prennent la carte du syndicat, comme ils s’abonnent au stade, convaincus d’être dans une catégorie qui donne envie de vomir et qui n’a relevée la tête que pour peu de temps.

- Tous jettent de la merde sur le gouvernement de centre-droite et sur l’arrogance des patrons, peu, seulement les syndicalistes de base, se souviennent des méfaits du centre-gauche.

Le second groupe de travailleurs est en majorité composé d’immigrés : même si quelques uns d’entre eux font un travail plus complexe et absorbant, et si quelques autres sont devenus chefs d’équipe, l’immense majorité travaille avec des contrats à durée déterminée, beaucoup à temps partiel, et est trimbalée entre les divers garages, quais et plateformes, pour suppléer aux milles éventualités imposées par un turn over élevé.
Ils sont souvent d’immigration récente et ne parlent quasiment pas italien, même s’ils ont un niveau de scolarité plus élevé que leurs collègues italiens ; ils gardent pour eux le strict minimum de leur salaire et envoient le reste à leur famille, en Asie du Sud (Inde, Pakistan, Bangladesh, Sri-Lanka), en Amérique latine et en Afrique du Nord.
S’ils adhèrent à un syndicat, ils le font exclusivement pour les « services » que celui-ci garantit. Aucun d’entre eux n’a d’expérience politique antérieure dans son pays d’origine dans des formations communistes ou une expérience de conflit avec les autorités politico-judiciaires.
Ces travailleurs ont fréquenté les assemblées générales, ils ont participé à la grève et ont été parmi les derniers, le 25 avril, à quitter la gare centrale, mais ils n’ont pas trouvé chez les autres travailleurs la disponibilité nécessaire pour les consulter et les informer régulièrement de ce qui se passait ; ils n’ont pas été perçus comme des camarades de travail. [8]
Cette « masse critique » de travailleurs immigrés précaires tend à être la moins sensible à la logique du chantage au licenciement, dans la mesure où elle a toujours dû prendre en compte cette instabilité dans sa propre situation de travail. [9] Elle a suivi la lutte moyennant un rapport de confiance avec quelques travailleurs à l’intérieur de l’équipe ou du garage, mais elle n’a pas exprimés ses propres besoins : la force explosive des contradictions qu’elle vie sur son poste de travail et dans la société.
Les travailleurs « fixes » de leur côté, on fait de la nécessité de donner la parole à ces travailleurs une question subsidiaire, les reléguant à un rôle secondaire, sinon marginal ; ainsi ils n’ont pas pris en charge, dans une logique de soutien mutuel, leurs exigences et ils n’ont pas su allier leurs propres objectifs avec ceux des travailleurs disposant de garanties moindres, socialement moins protégés [10].
Quoi qu’il en soit, sans nous laisser aller à des hypothèses sur ce qui aurait pu arriver, nous pouvons affirmer que la composante des travailleurs précaires, immigrés pour la plupart, aura en Italie, dans les services en général mais pas seulement, un rôle toujours plus déterminant. Il faut en saisir dès à présent le potentiel offensif pour la lutte de classes, en stimulant l’organique participation et la tendance à entraîner le conflit vers une émancipation sociale plus globale.
Dans les interviews et dans les discussions, des attitudes racistes se sont montrées de la part de quelques travailleurs parmi les plus anciens, qui attribuent aux immigrés la dégradation de leur propre condition et acceptent tacitement que leur charge de travail soit augmentée. L’existence de ces attitudes est prise en compte par les travailleurs immigrés comme une partie intégrante de leur condition  ; les camarades intervenus directement dans le conflit ont cherché en conséquence, par-dessus tout, à faire en sorte que les travailleurs se socialisent entre eux [11].
Lorsque la situation contractuelle vacille, la précarité s’étend à ce que l’on appelle les travailleurs garantis, faisant du coup s’évanouir la différence entre « fixes » et « précaires ». C’est cette condition de commune incertitude que l’on peut utiliser comme bras de levier pour affirmer la tendance à la transformation de la condition prolétarienne.
La force de la classe devient une force effectivement propulsive dans la mesure où, dans la lutte même, sont dépassées ses luttes internes.
Les formes d’organisation du travail qui modèlent l’action collective, dans ce cas le travail en équipe et dans différents garages, sont l’adhésif initial, tandis que l’effort pour impliquer de manière positive tous les travailleurs des différents secteurs de l’entreprise, ici les autres travailleurs de l’entreprise de service et les autres travailleurs des chemins de fer, est un moment ultérieur du développement de la force de la classe. Le premier moment n’est pas complètement accompli, le second, pour autant que nous le sachions, a été seulement partiellement ouvert.
Entrer immédiatement en contact, au lieu d’attendre dans les garages ou sur les plateformes, une oreille collée à la radio et un œil sur la télévision, comme le font les autres travailleurs, aurait jeté les bases pour une réelle construction organique [collegamento] de la lutte, comme cela c’est passé par contre en partie plus tard.
La « Coordination nationale » a cherché, non sans difficultés, suppléer ce déficit initial, sachant que, même la volonté la plus généreuses des travailleurs les plus actifs, ne peut remplacer les exigences réelles qui jaillissent des luttes.
La tentative de se coordonner avant l’échéance du 6 mai [date de fin des contrats précaires, N.d.T.] a été un travail de jonction d’anneaux différents et un travail minutieux de tissage - pour paraphraser un de ses organisateurs - qui a impliqué les travailleurs les plus actifs, peut-être RSU [12], adhérents aux syndicats, fortement représentatifs sur les lieux de travail, mais isolé et peu pris en considération, déjà auparavant, par la bureaucratie syndicale, qui s’est levé le cul seulement quand le couvercle de la marmite à sauté.
Les appartenance syndicales différentes des travailleurs, avec les degrés relatifs d’implication, et les fortes poussées locales pour se concentrer sur soi, même après que les relations aient été en partie établies, donnent le cadre général dans lequel se sont déroulées les choses. Dans une telle situation, l’action peut être d’autant plus efficace et incontrôlable que l’autonomie des initiatives locales et le caractère horizontal de la communication sont importants, que la coordination est souple et interchangeable ; a contrario l’action sera d’autant plus inefficace qu’elle sera déléguée a un organisme central, non contrôlable par les travailleurs, simple gérant d’un flux d’informations et de décisions provenant du centre.

Un aspect important est la solidarité démontrée à divers titres par les autres travailleurs.
A Milan, les travailleurs des ateliers de réparation ferroviaire de Greco, outre le fait de fournir le matériel pour les banderoles Les licenciements ne passeront pas et Non aux licenciements, accrochées sur les murs extérieurs de la gare centrale, se sont déclarés disponibles pour la grèves des travailleurs du nettoyage en avril.
Quelques camarades syndicalistes de base ont contribués à la formation d’une coordination nationale.
Un travailleurs embauché par l’entreprise Gorla à l’occasion de l’adjudication du nettoyage des bâtiments communaux et des écoles, a cherché a mettre en contact le conflit déjà entamé par lui et ses camarades de travail contre l’accord de merde signé par les syndicats avec celui des travailleurs du nettoyage des trains et des gares ; il est intervenu à une assemblée des nettoyeurs de trains à la Chambre du Travail, le 10 avril, dénonçant la duplicité de l’attitude des syndicats qui, entre autre, n’avaient pas mis en rapport les travailleurs de l’entreprise en question qui travaillaient sur des chantiers différents ; il est aussi intervenu le 25 avril, avec ses camarades de travail, pour exprimer sa solidarité avec la lutte.
Ce qui a effectivement manqué c’est la solidarité active des travailleurs du secteur ferroviaire, eux aussi touchés par la restructuration des chemins de fer, qui payent encore leur héritage corporatiste et une incapacité d’action commune avec tous les autres travailleurs du secteur.

II

« Les syndicats parlent toujours d’unité, les groupes de front, de comités, etc. ; dans toute grève où s’exprime l’autonomie de l’action, personne ne parle plus de cela, car la lutte est le fait de tous les travailleurs en marche. »

H. Simon, Nouveau mouvement, 1974, p. 8 [13]

(...)

À Milan, le 5 décembre, il a suffit d’un simple bouche à oreille pour organiser l’occupation des quais. En février il a suffit d’une assemblée de quelques minutes à la gare centrale, dans laquelle seuls les syndicalistes s’interrogeaient sur ce qu’il fallait faire et voulaient discuter démocratiquement sur comment continuer, alors que tout le monde savait, depuis une semaine de mobilisation, ce qu’il fallait faire et l’avait déjà fait.
Bien que la lutte eût un caractère national, la nécessité de relations entre les différentes réalités territoriales a été prise en compte comme priorité seulement après février . Le syndicat, même débordé et victime à plusieurs reprises des railleries des travailleurs, a pu cependant se poser comme unique instance en mesure de traiter pour tous les travailleurs. Les contestations, plutôt vives, n’ont pas été absentes - injures et bousculades contre les « vendus » au cours de l’assemblée de la Chambre du Travail à Porta Vittoria à Milan en février et une bagarre avortée dans le souterrain du quai n.6 à la gare centrale.
Les travailleurs les plus actifs, qui ont fait confiance à la présumée honnêteté et détermination des différents délégués et envoyés syndicaux, qui semblaient vouloir conduire la lutte jusqu’au bout [14], ont tenus les autres travailleurs jusqu’au 25, en leur faisant croire que les quais de toutes les gares d’Italie seraient occupés dès 10 heures du matin ; il s’agissait bel et bien d’une escroquerie, uniquement destinée à créer l’attente d’un « grand événement », tenir à l’œil les travailleurs et en même temps maintenir le « moral des troupes ».
Le syndicalisme de base (CUB) [15], de son côté, a oscillé entre la nécessité d’être reconnu au niveau de l’entreprise (à travers les élections des RSU) et à la table des négociations à Rome, et un soutien tiède à la lutte : son apport, durant les journées d’avril, a été visiblement insuffisant (nonobstant le fait que quelques uns de ses adhérents soient engagés en première ligne dans le conflit).
En d’autres termes, le syndicalisme de base a admis dans son action une sorte de « division sociale du travail » dans la lutte : les travailleurs directement impliqués luttaient, d’autres supportaient, d’autres encore négociaient  ; de cette manière l’action des premiers est subordonnée aux exigences de la médiation, et vient implicitement légitimer a priori le résultat de la négociation elle-même, quel qu’il soit [16].
Les travailleurs qui sont montés sur les toits [de la gare centrale de Milan quelques jours après la signature de l’accord du 25 avril, et qui ont entrepris une grève de la faim, N.d.T.] ont été l’exemple vivant des oscillations continues du militant syndical habilissime à flairer les mensonges, doté d’une remarquable capacité d’organisation et d’entraînement, prompt à prendre sur lui la responsabilité d’initiatives de lutte de façon autonome, mais dans le même temps capable d’accepter, et par-dessus-dessus tout de faire accepter, les pires saloperies, incapables de mener jusqu’au bout la critique de l’organisation syndicale, prompt à prendre en charge la démobilisation. Ces travailleurs, à peine mis au courant de la « grille technique », vendue comme un accord, ont dit que pour eux ça ne changeait rien, que ce communiqué, ils auraient pu le faire de chez eux et l’expédier, et 30 minutes après deux des leurs sont descendus en dessous pour convaincre les autres de la bonne qualité de l’accord.
Ils s’étaient demandés, les jours précédents, ou mieux les nuits précédentes, pourquoi c’était à eux et à quelques autres, de tout coordonner [Si erano domandati... perchè toccasse a loro e a pochi altri, coordinare...] sans que les permanents bougent d’un pouce, et pourtant ils se sont laissés convaincre par ceux-ci qui ont su toucher leur sens des responsabilités.
S’ils n’étaient pas descendus, cette « masse de débiles qui contrôlent encore la gare, avec à sa tête quelques jeunes cons et des vieux cons qui ne font rien d’autre que semer la zizanie » (pour reprendre les mots d’un syndicaliste) auraient pu s’énerver et occuper les quais ou quelque chose de ce genre. Dans tous les cas, s’ils n’étaient pas descendus pour parler avec les permanents, ils auraient implicitement délégitimé le syndicat.
Plus grand est le sens des responsabilités de ces travailleurs dans les confrontations avec l’organisation, c’est-à-dire plus est développé leur conscience politique, et plus est annihilé leur instinct social et leur sentiment d’appartenance à la classe.
Les délégués « de gauche » balancent entre la fonction de représentants au sein des travailleurs des revendications syndicales et celles de représentants des travailleurs au sein du syndicat, demeurant quoi qu’il en soit embourbés dans le marais démocratique de l’action syndicale.
La nuit du 24 avril - quand à 22 heures la grèves de 48 heures proclamée par les syndicats était terminée, mais on n’avait pas d’informations sur la marche des tractations à Rome, qui duraient depuis l’après-midi, sans qu’aucun déblocage ne soit entrevue - la situation est devenue encore plus problématique.
Les délégués, appelés par les travailleurs sur leur portable, continuaient à répondre : « Pour le moment, on ne peut rien garantir, parce que eux ne garantissent rien, ne faites rien, nous ne savons rien, il n’y a rien, restez assis là où vous êtes et ne faites rien. »
Les uniques certitudes étaient d’une part la pression des chefs et des petits chefs pour faire reprendre le travail et d’autre part la volonté des ouvriers de faire une grève illimitée, jusqu’à l’éclaircissement définitif de leur propre futur.
L’entreprise n’avait pas renoncé, durant les jours précédents, à réquisitionner les travailleurs, les contraignant à assurer le service minimum, bien que la loi établisse que la réquisition étant de la compétence de la Préfecture, elle ne peut être le fait de l’entreprise pour laquelle on travaille (encore moins lorsque l’ordre est expédié par télégramme !).
Jusqu’à la nuit, en outre, quelques travailleurs avaient continué à se rendre dans les garages et les gares, appelant à ne pas travailler, tandis que les représentants syndicaux cherchaient à expliquer, en pur langage démocratico-syndical, le « renvoie des responsabilités de la situation sur l’entreprise », à laquelle il fallait répondre en tenant son « propre poste de travail » et par l’autoréduction des cadences, en essayant de faire croire aux travailleurs que Gorla [la société privée de nettoyage], les payerait pareil.
D’un côté les ouvriers, comme en février, n’avaient pas l’intention de reprendre le travail, de l’autre, la pression de l’entreprise et l’absence d’informations précises n’étaient pas faits pour les aider.
Exemplaire est aussi la rigidité avec laquelle le même bonze syndical a traité les informations sur les « tractations en dents de scie ». [trattative saltate]

- Dis-moi, quelles informations officielles tu as ?

- Aucunes...

- Alors me casses pas les couilles ! Tu as un représentant syndical ? (en référence à un envoyé qui revenait de Rome) - Tu lui fais confiance ? Alors écoute ce qu’il te dit !
Très probablement, jusqu’à ce que les conditions objectives à l’intérieur du processus de crise-restructuration-précarisation soient matures, il sera difficile que prenne forme non seulement une critique du syndicat, mais de la forme et de l’action syndicale en tant que telle. On ne doit pas voir dans la rupture un donné de fait, mais une tendance qui constitue, jusqu’à aujourd’hui, une hypothèse de travail politique qui coupe les ponts avec les aspects les plus néfastes du vieux mouvement ouvrier [17]].
Cette hypothèse politique est interne à la dialectique du « anticiper-suivre » et à la capacité de faire « précipiter » le mouvement réel, qui est le sens profond de toute théorie et pratique d’une minorité révolutionnaire.

III

« Donc, quelle sera la méthode ? Celle de la démonstration théorique, de la culture ? Nous devrons attendre encore plusieurs siècles pour “préparer” les prolétaires ? Non, par Dieu, la voie de la propagande n’est pas la théorie mais le sentiment, en tant que celui-ci est le reflet spontané des besoins matériels dans le système nerveux. »

Amadeo Bordiga

Les travailleurs, dans leur action, ne sont se pas limités à la grève, qui certes aurait occasionnée quelques désagréments mais n’aurait pas cassée la routine des transports de la force de travail « banlieusarde » et le système de transport ferroviaire ; ils sont allés jusqu’à l’occupation des quais et au blocage routier. Ainsi, ils n’ont pas limité leur rage d’action à une seule gare, mais ils l’ont élargie à la ville entière, se déplaçant en masse d’un lieu de travail à l’autre.
Du point de vue de la capacité offensive, ça a été le moment le plus haut atteint par cette lutte, qui s’est déployée sur le terrain de l’adversaire le frappant quand et où il l’attendait le moins, neutralisant temporairement sa capacité de réaction - ils nous évacueront des quais, alors nous occupons les rues ; ils utilisent des jaunes, alors on les fout dehors ; ils savent que nous irons ici, alors on les attaquera ailleurs.
L’imprédictibilité des actions, le caractère indéchiffrable des codes de communication, les canaux de relations invisibles ont été constamment recherchés par les grévistes, mais pas toujours complètement réalisés. Par exemple, le matin du 22 avril, les travailleurs en repos s’étaient donné rendez-vous à la gare centrale, pour se diriger ensuite en un point précis pour bloquer les trains de marchandises qui transportaient des automobiles à peine sorties d’usine et attendues dans l’urgence. À peine sortis de la gare, ils se sont trouvés face à un déploiement considérable des forces de l’ordre, ce qui a empêché l’action programmée. (Cela n’est que l’une des lourdes interventions intimidatrices de la police.)
Lorsque la grève démarre le 23 avril, les travailleurs ont une seule chose en tête : aller sur les quais et y rester. La façon dont ils avaient testée leur force en décembre et en mai, à travers la conquête d’une identité collective, avait rendu l’action explosive. Pour cela aussi, les pratiques qui n’étaient pas l’occupation des quais ont eu un médiocre appeal, étant considérées par les travailleurs comme une simple « garniture » de la lutte, tout au plus un terrain de préparation : on savait que la partie serait jouée sur un autre mode. Ces pratiques ne font pas autre chose que diluer le potentiel efficace de la lutte, démoralisent, sont synonymes de perte d’argent dans l’enveloppe de la paye, frustrent la volonté de faire, désorientent : on nous disperse en autant de groupes qui s’interrogent sur quoi faire, alors que dans l’action on est un tout.

[Le chapitre IV est consacré à la lutte des mineurs de Jiu de Roumanie en 1999 ; le chapitre V aux luttes de Cellatex et Moulinex. En exergue de celui-ci, il y a la citation suivante :

« La classe des travailleurs et la classe capitaliste n’ont rien en commun. Il ne peut pas y avoir de paix entre la faim et la pauvreté qui règnent parmi les millions de travailleurs et les quelques uns qui composent la classe patronale, qui possèdent toute la richesse de la vie. »

Préambule des IWW, 2 janvier 1905

(...)

VI

« Le prolétariat réclame une approche spécifique qui permette de saisir le développement subjectif...
Le prolétariat concret n’est pas un objet de connaissance : il est travail, lutte, il se transforme : on ne peut pas, en définitive, l’atteindre théoriquement, mais seulement pratiquement, en participant à son histoire...
Cette classe ne peut être connue seulement qu’à partir d’elle-même, seulement à condition que celui qui l’interroge introduise la valeur de l’expérience prolétarienne, mette les racines dans sa situation et fasse sien l’horizon social et historique de la classe ; pour autant que l’on rompt avec les conditions immédiatement données par le système d’exploitation. »

C. Lefort, L’expérience prolétarienne. (Retraduit de l’italien)..

Les luttes « sales » comme celles-ci [y compris Cellatex et Moulinex, N.d.T.], peuvent stimuler les militants qui entendent se libérer des illusions démocratiques et des représentations sociologiques du prolétariat.
Les militants qui n’entendent pas être les dindons de la farce doivent par dessus tout comprendre ce qui se passe, participer directement et contribuer à l’ « externalisation » (pour utiliser à notre manière le mot préféré des patrons) des motifs de la lutte, en s’appuyant sur l’universalité de l’expérience prolétarienne, sur la créativité et sur le goût pour le partage actif.
Qui a participé activement à la totalité du conflit connaît les difficultés auxquelles on est confronté, difficultés qui ne peuvent être résolues par des proclamations, des slogans, des idéologies et des pratiques d’appareil.
La nécessité de créer des expériences/instruments de communication directe et de soutien mutuel (comme une caisse de solidarité, des initiatives de contre-informations locales et des moments de réflexion collective) a émergé, une nécessité qui est et sera toujours plus à l’ordre du jour dans les luttes futures.
De cette façon, chacun pourra sortir du rôle de « tifoso » et devenir co-auteur de son propre destin.
Quand on participe à une lutte de l’ « extérieur », il n’est pas toujours facile de faire comprendre les raisons de son propre intérêt et de sa disponibilité pour y participer.
Expliquer que l’on n’est ni les représentants d’un parti ou d’un syndicat ni des journalistes - alors que l’on pose un tas de questions et que l’on cherche à enregistrer paroles et images -, expliquer cela lorsque son propre parcours est en devenir, n’est pas simple, y compris pour soi-même.
Qu’il s’agisse de traduire un tract dans une autre langue, de recueillir des fonds ou de mettre à disposition des connaissances, des expériences, des lieux de rencontre et des instruments de communication, la contribution d’une subjectivité militante est entièrement à définir dans la perspective du mouvement réel.

VII

« La bourgeoisie et le prolétariat sont enfants d’une époque nouvelle. Tous les deux tendent, dans leur action sociale, à éliminer toutes les survivances du passé. Ils doivent, en vérité, mener une lutte tout à fait sérieuse, mais celle-ci ne peut être menée jusqu’au bout qu’à partir du moment où bourgeois et prolétaires se trouvent seuls et face à face. Le vieil armement doit être jeté à la mer afin que le navire soit « prêt pour la bataille », à la différence qu’alors la bataille ne se déroule pas entre deux navires, mais à bord du même bâtiment, entre les officiers et l’équipage. »

F. Engels, La question militaire prussienne et le parti ouvrier allemand, 1865. (Retraduit de l’italien).

Au cours de la lutte le balancier peut incliner soit vers la dissolution pratique des contenus de la civilisation du capital, soit vers sa consolidation, en jouant sur la division et la concurrence (par exemple travailleurs « fixes » contre travailleurs précaires et vice versa, travailleurs d’une localité donnée contre une autre et ainsi de suite).
Le prolétariat, en tant qu’il est à l’intérieur du rapport capitaliste, oscille entre la nécessité de sa propre reproduction sociale et la lutte contre cette nécessité. Dans cette dynamique interne à la lutte entre les classes, il ne peut y avoir séparation des deux termes, sinon la contradiction qui est à la base de la polarisation sociale disparaît [se non viene consumata in profondità la contradizzione che sta alla base della polarizzazione sociale].
La résolution de l’énigme de la libération du prolétariat réside dans sa capacité à libérer les énergies emprisonnées dans les rapports de production actuels, en l’utilisant pour la transformation de la société qui emporte sur son passage tout le vieux monde de l’économie politique.
Qui interprète une lutte comme rupture, même momentanée, de la reproduction des rapports sociaux capitalistes, qui pense que la tension vers l’autonomie de la classe s’enregistre soit dans l’approfondissement des contradictions existantes - brisant le modèle bourgeois des rapports sociaux, comme la division sociale, raciale et sexuelle du travail -, soit dans le développement de capacités d’organisation adéquates au conflit, ne peut que saisir les éléments positifs présents dans la lutte des nettoyeurs de trains.
L’appareil mobilisé pour saboter la « lotta sporca » devait par dessus tout empêcher que, pour le « pont » du 25 avril, le trafic ferroviaire soit bloqué ou ralenti.
Il devait aussi empêcher que cette lutte entre positivement dans l’imaginaire social et qu’elle soit reconnue, dans ses contenus et ses formes, comme une lutte de tous les prolétaires.

Il existe une K7 vidéo réalisée par Autoprol retraçant la lutte au jour le jour.

[1] La traduction italienne dit : « ...parce que la communauté, contre la séparation de laquelle l’individu réagit, est la véritable communauté de l’homme, l’essence humaine. »

[2] Nouveau Mouvement, H. Simon, 1974, p. 3.

[3] L’autonomie prolétarienne est un processus historique à travers lequel le prolétariat se rend conscient de sa propre condition et des moyens aptes à la dépasser. Quelques-uns de ces moments peuvent être :- refus de la soumission aux lois de l’économie que la capital présente comme naturelles. En pratique, refus du productivisme et de l’idéologie de la hiérarchie du travail.- organisation de la violence prolétarienne illégale et anti-institutionnelle, capable de s’opposer, dans la défense de la classe, à la violence de l’État, non pas dans le sens de la construction du « bras armé » du prolétariat, mais comme autogestion de l’affrontement par les prolétaires eux-mêmes ;- critique et dépassement des conceptions hiérarchiques et autoritaires sur le terrain social et individuel (moralisme, répression, etc.), et des obligations fonctionnelles à la soumission des prolétaires à la classe dominante, par l’intermédiaire de moments d’organisation qui, remettant en cause la division entre fonctions de direction et fonctions d’exécution, initie l’unification du travail intellectuel et manuel, aujourd’hui dans la lutte, demain au sein de tout le complexe de la vie sociale.

[4] Sa généralisation à l’intérieur d’un contexte de difficile gestion des contradictions sociales - perte de légitimité du pouvoir politique et chute verticale de crédibilité des organisations historiques du mouvement ouvrier dans lesquelles une partie importante de la classe ouvrière est encadrée et encadrable ; forte tension à la rupture avec l’ordre social existant au cœur de l’exploitation capitaliste, dans le secteur tertiaire (transports, système de santé, entretien des aires urbaines, etc.) et dans le système de formation, éducatif et scolaire - amènerait à la formation d’organes qui se placeraient dans une perspective de double pouvoir ; dans un tel cas les énergies accumulées par le mouvement social pourraient trouver un débouché insurrectionnel.

[5] « fissi », en italien. Il s’agit en fait de travailleurs « garantis », possédant un contrat de travail à durée indéterminée. (N.d.T.)

[6] La modification de l’article 18 du Statut des travailleurs qui est un acquis de l’« Automne chaud » de 1969 et interdit le licenciement en l’absence de « cause juste », prévoit que, pour quelques catégories de salariés, en particulier dans le Sud, et enfin de rendre plus flexible les conditions d’embauche, le licenciement reconnu abusif n’entraîera plus la réintégration mais sera compensé par une indemnité financière (N.d.T.).

[7] La Fédération des transports de la CGIL.(N. d.T.).

[8] Le marché mondial du travail puise quotidiennement dans une masse prolétarisée et à prolérariser qui se déplace de la périphérie aux centres de l’exploitation capitaliste. L’appareil de disqualification, mobilisé par le système dominant contre ces prolétaires, rend chronique leurs conditions d’exclusion et est un élément constituant du racisme « démocratique ». (...).

[9] En situation de précariat, quand elle devient sujet social actif dans une lutte, la force de travail multinationale peut difficilement être encadrée et contrôlée par les syndicats ; dans d’autres situations, lorsqu’elle accède à la stabilité, elle peut au contraire constituer la colonne vertébrale de l’organisation syndicale et en devenir l’élément dynamique, comme c’est arrivé pour les secteurs manufacturiers de la région de Brescia et de Varese, où à la mi-mai a éclaté la première grève de travailleurs immigrés contre les conditions de travail et la Ligue Bossi-Fini.
En Italie, comme cela s’est passé en Allemagne, en France et en Suisse, le syndicat peut être un instrument d’intégration et un canal de représentation politique pour une partie de la force de travail multinationale, relativement plus protégée et défendable avec un rapport de travail plus stable, de meilleurs conditions de logement, de plus grandes capacité linguistiques ; et c’est précisément cette plus grande intégration qui l’expose de façon continue au chantage du licenciement.

[10] On a eu un exemple des conséquences de cette attitude le 25 avril, alors que de la table de négociation à Rome est communiqué la « grille technique » (*) : il était évident que celle-ci ne disait absolument rien sur les travailleurs précaires (dont les contrats s’achevaient le 6 mai sans qu’ils leur soit proposé de les renouveler), mais ceux qui le feront remarquer seront peu nombreux et quasiment personne ne cherchera à l’expliquer aux intéressés, pénalisés entre autre par des difficultés de compréhension dues à la langue ! Vendue comme une victoire, si elle avait été correctement comprise dans son contenu - ou mieux dans son absence de contenu - cette « grille » aurait fait monter la colère et provoqué la réaction des travailleurs précaires, qui se seraient exprimés immédiatement dans le blocage des quais.
(*) La « grille technique » est l’accord de principe signé par le gouvernement, la Ferrovie dello Sato, les syndicats et quelques entreprises adjudicataires, qui fixe les bases de la négociation à venir. Pour la CGIL l’accord permet de sauver l’occupation, obligeant les entreprises à appliquer l’accord. (Lotta sporca, p. 22) - N.d.T.

[11] Par « socialisation », nous n’entendons pas le brin de causette sur les journaux de foot, et les considérations sur les starlettes, les soubrettes, le courrier des lecteurs [letterine] ou les railleries pe’ fa’ passà ‘a jurnata [pour passer le temps, en napolitain dans le texte], mais le processus à travers lequel une condition de commune oppression est reconnue comme telle et critiquée à partir des divers points de vue des sujets.

[12] Les RSU sont des sortes de conseils d’entreprise, liés à une tradition italienne remontant aux années 70 (le nom des RSU date, lui, des années 80) . N.d.T.

[13] Dns la traduction italienne les « groupes » qui renvoient dans le texte aux « avant-gardes » radicales, deviennent la « gauche traditionnelle ».

[14] La conscience d’arriver « au bout de la fin » n’a pas d’importance que l’objectif soit atteint ou non, pour autant que ce soit en luttant ; c’est ce qui est ressorti dans plusieurs discussions avec les travailleurs (« To the bitter end [Jusqu’à la fin amère] », dit un mineur anglais des districts charbonniers durant la grève du milieu des années quatre-vingt).

[15] La CUB (Confédération unitaire de base), s’est formée en 1991. Elle rassemble les RdB (Rappresentanze di Base) , la FMLU (un syndicat alternatif fondé chez les métallos dans les années 90). La CUB est actuellement le regroupement le plus important au sein du syndicalisme « alternatif ». N.d.T.

[16] Une gestion collective des tractations est possible, mais elle présuppose un niveau de non séparation entre les « représentants » et les « représentés » qui dérive d’un rapport de force dans lequel la lutte économique est un étage d’un conflit plus ample qui revêt les caractéristiques d’une véritable guerre sociale. [la note cite ensuite l’exemple des négociations de Dantzic en août 1980 qui étaient suivies en permanence par l’ensembledestravailleurssitués à l’extérieur, et celui des piqueteros argentins qui ne proposent des représentants qu’au dernier moment pour des raisons de facilité - N.d.T.]. Dit autrement, le plan de la lutte et le plan de la négociation sont des plans différents et par certains côtés antithétiques, dans lesquels le premier peut être dirigé par les travailleurs eux-mêmes, et c’est le seul plan sur lequel ils peuvent se commettre ; l’autre, à moins d’une mise en œuvre absolument transparente et « assembléiste » des tractations, conduit en grand secret et sans possibilité de contrôle, est un plan sur lequel on ne doit pas parier un sou !

[17] On peut faire remonter le débat sur le vieux mouvement ouvrier à ces petits groupes ou individus isolés qui dans les années 30 essayent de faire un premier bilan des expériences révolutionnaires des années du premier après-guerre (...) [Le reste de la note fait référence au « communisme des conseils » et cite Bourrinet, Canne Meier.... N.d.T.

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