lundi, 31 mai 2004
Sur le courant communisateur - Alain de Bernard Lyon
Le mouvement communisateur est l’effectuation même de la révolution, ce dont nous parlons c’est d’un courant politique favorable à la communisation si le mot n’était pas imprononçable ce serait le courant « communisationniste ». Ce courant est l’héritier direct de l’ultra-gauche mais un héritier qui a fait un sérieux inventaire ! Il a critiqué radicalement tout le corpus de l’ultra-gauche il a repris et achevé la critique du programme ouvrier entamée par elle mais qui se limitait à la critique les médiations de l’affirmation du prolétariat à savoir le syndicat et le parti en conservant l’élément essentiel l’organe de pouvoir, le conseil d’où le nom de conseillistes qu’ont eu les ultra-gauches les plus conséquents ceux qui ne récupéraient pas le parti d’une façon ou d’une autre. Le concept de communisation est apparu dans la critique de l’ultra-gauche et celui de courant communisateur est né dans l’approfondissement de cette critique et dans l’élaboration d’une théorie dépassant la vision de la révolution comme résultant de l’accession du prolétariat à l’autonomie, autonomie qui était sensée révéler une nature révolutionnaire postulée du prolétariat autonomie qui serait comme un ultime préalable à la révolution et à fortiori au communisme.
Il faut partir de la situation immédiate dans laquelle se constitue le courant communisateur, c’est-à-dire d’abord de la critique du démocratisme radical et ensuite de la critique du programme d’affirmation du prolétariat bien que ce programme soit maintenant et depuis longtemps dépassé, c’est ainsi que le courant communisateur apparaît publiquement (même si la critique du programmatisme et la reconnaissance de la restructuration capitaliste ont précédé de dizaines d’années celle de démocratisme radical).
Le courant communisateur est donc un courant politique ou théorique qui développe une conception de la révolution,. en critiquant le démocratisme radical, et son dérivé politicien le citoyennisme, comme forme possible d’une contre-révolution à venir, mais il fait cette critique en posant que ce nouveau réformisme n’est en rien rabattable sur ce qu’était le réformisme ouvrier ; face aux courants révolutionnaires de l’époque de l’affirmation programmatique du prolétariat. Ce qui signifie que le courant communnisateur ne va pas ( ou en tout cas ne devrait pas) opposer la juste ligne révolutionnaire à la fausse ligne réformiste démocrate-radicale comme si le démocratisme radical pouvait ne pas exister .Il ne saurait y avoir de promotion fondée d’une ligne juste, parce que le démocratisme radical est produit comme la limite même de la lutte de classe dans la période présente, période où la contradiction du prolétariat et du capital ne porte plus son propre approfondissement comme avenir du capital. Le prolétariat portait cet avenir intégré dans sa pratique : pratique dans laquelle il cherchait à s’affirmer pour libérer des forces productives que le capital ne saurait plus qu’entraver. Le démocratisme radical est indissociable de la perspective d’abolition des classes et nous sommes embarqués avec et contre lui !
Dans la période actuelle où être en contradiction avec capital c’est être en contradiction avec sa condition de classe, la lutte de classe a comme dynamique la mise en cause de cette appartenance de classe, cette mise en cause contre le capital s’exprime fréquemment de manière autonomisée comme affirmation de l’Homme comme individu déjà au-delà des classes, dans une forme à la fois anticipatrice et rétroactivement antéprogrammatique, c’est dire à la manière des théoriciens utopistes et du jeune Marx, d’avant la solidification du programme ouvrier socialiste. Cette apparente résurgence de l’humanisme théorique est causée par la forme restructurée de l’exploitation, qui n’apparaît plus relever de la seule mise en œuvre du travail, mais être maintenant dans la nature même d’un travail, qui ne pouvant donc plus être libéré pose l’Homme et non plus le travailleur, comme objet de la libération. Dans les luttes le prolétariat ne se pose plus idéologiquement comme classe pour soi (politico-syndicale), bien au contraire le caractère de masse de sa lutte, apparaît comme une intersubjectivité non subsumée par l’action de classe comme un tout ; c’est dans cette mesure que l’idéologie de l’Homme et de l’individu est propulsée, c’est, pour nous, dans le cadre de l’autonomisation de la dynamique de la période, l’idéologisation inévitable et transitoire d’un mouvement qui porte, médiée par la crise, l’abolition des classes. L’affirmation dans les luttes, contre les grands shows de la mondialisation et contre les contre-shows de l’anti-mondialisme, d’une subjectivité révolutionnaire individuelle qui, se situant déjà dans un au-delà du capital peut rejoindre, malgré son illusion humaniste, l’intersubjectivité en acte à laquelle on a pu assister dans les AG et les collectifs du mouvement du printemps 2003, ce peut être une prémisse de l’autotransformation des prolétaires en individus immédiatement sociaux. Dans le mouvement de 2003 les syndicats ont été maintenus/laissés dans leurs rôles institutionnels de représentants des grévistes auprès de l’Etat, ce n‘était plus du tout parce qu’ils organiseraient la grève, mais exactement au contraire parce qu’ils ne l’organisaient pas dans le quotidien, et se trouvaient renvoyés à une fonction qui ne dominait rien et qui, dans les « temps forts », mettait en scène un « suivi » d’un mouvement gréviste inter-subjectif et non pas autonome.
L’intersubjectif est tout à fait différent de l’autonomie, en ce que l’autonomie renvoie à la classe telle qu’elle est dans le capital, face au capital, et pour le capital, alors que l’intersubjectif pose un prolétariat qui n’est (tendanciellement) plus par et pour le capital, en n’étant plus pour lui-même ; l’intersubjectivité le renvoie au-delà de lui-même, elle n’est pas une subsomption, elle pointe l’autotransformation en rapports immédiatement sociaux.
« classe contre classe c’est fini, on va vers : la classe contre les classes »
L’autonomisation de la dynamique c’est aussi bien l’apparition même d’un courant se disant pour la communisation, que l’idéologie immédiatiste humaniste radicale ; il y a de l’immédiatisme dans le courant communisateur, et par l’autocritique englobante de cet aspect de lui-même le courant appelle à lui des éléments en train de se dégager des formes programmatiques ultimes (Le prolétariat ne devra-t-il pas se constituer en dernier préalable à la communisation ? Aufheben)
La dispersion de la grève de 2003 , le caractère de lutte pour la lutte, l’intermittence de la grève, le « partage du travail » avec le syndicalisme relégué à la représentation, sans que quiconque ne s’en offusque ni ne s’en félicite, le caractère convivial des cadres/lieux de l’action, indiquent beaucoup sur le processus d’abolition des classes : emparement désobjectivant du capital dans les faits, sans proclamation, sans flonflons, ni drapeaux. Même la délégation/relégation des syndicats à certaines fonctions dit quelque chose d’essentiel, en ce qu’il y aura des délégations de tâches, toujours dans les faits, mais délégations sans gloire et révocables à tout instant, comme aimaient le dire les conseillistes de la belle époque, cependant maintenant, la révocabilité c’est l’oubliabilité !
Donc le courant communisateur face maintenant au démocratisme radical ( en totale opposition avec les reliquats fossilisés de l’ultra-gauche qui sermonnent les mouvements sociaux de redevenir des luttes de classe bien programmatiques qu’ils ne peuvent plus être) critique la disparition de tout horizon révolutionnaire, non pour tâcher de le rétablir, mais pour poser la production du dépassement, mais qu’est-ce que cette critique peut-elle poser s’agissant d’un dépassement à produire ? C’est ici que les analyses théoriques entraînent naturellement avec elles une promotion du communisme, voire de la communisation. C’est ici que peut exister une tendance à espérer ce parti de la communisation. Dans notre activité d’édition de discutions, de réunions, de recherche de moyens de faire connaître nos positions, cet aspect promotion est incontournable, il peut d’ailleurs être lié à des aspects alternativistes, car cette promotion est aussi une autonomisation de ce que qui est l’essentiel de la période.
Il faut aussi s’attendre à voir des concepts,, comme la production de l’immédiateté sociale des individus être utilisés dans des problématiques d’autonomie de la classe, qui continueront de se placer dans un cadre finalement encore programmatique. Nous allons donc avoir des échos de deux côtés d’une part auprès de partisans de l’autonomie, de filiation tant anarchiste qu’ultra-gauche, et d’autre part auprès de franges « radicales » activistes, théorisant comme communnisation leurs démarches alternativistes. La volonté de vivre le communisme maintenant est produite dans la lutte de classe maintenant, il ne s’agit ni de considérer cette volonté comme un revival anachronique du phalanstère, ni comme un réformisme, ni comme une anticipation de la communisation, mais comme un élément réel de la lutte de classe, avec lequel la polémique est nécessaire, sans assimiler cette volonté au démocratisme radical ni y voir un « allié privilégié », d’autant plus que vis à vis de ce courant, la théorie du prolétariat classe du capital - classe de la communisation est le sujet même de la polémique.
Il faut nous placer dans la perspective d’un certain succès, donc il faut que nous sachions que nous allons être mal compris, c’est tant-pis/tant-mieux ! L’autonomisation de ce qui est la dynamique du cycle de luttes est un phénomène absolument normal,, et totalement naturel à la période et, d’une certaine façon, il n’y a aucune mauvaise compréhension des thèmes que nous élaborons, la polémique est plutôt un élément constitutif des thèmes mêmes ! La tentative de rapprochement que nous faisons entre nous, est aussi une sortie de la clandestinité. Les moyens dont il est question dans l’Appel (à un parti de la communisation) sont des moyens globalement pris dans une perspective alternativiste, mais nous devons chercher à avoir ces moyens : rencontres, publications, locaux, imprimeries, nous devons développer un réseau sans chercher un quelconque purisme, la diversité de nos publications actuelles nous garantissant de ne pas perdre notre possibilité d’élaboration conflictuelle de nos analyses.
Le courant communisateur est déjà l’aire dans laquelle à nous sommes, l’époque de la traversée du désert (la restructuration) est finie. Le projet de revue internationale est essentiel. Il est souhaitable que s’organise une rencontre internationale, sur des thèmes que cette première réunion devrait faire émerger. Ces thèmes pourront être utilisés comme moyen d’analyse par des gens qui n’auront pas l’idée de se considérer comme étant sur des positions communisatrices. Je donnerai comme exemple, la condition prolétarienne comme une contrainte de la classe capitaliste, ou l’immédiateté des classes.
Notre projet sera un élément de polarisation du courant, nos propres divergences garantissant que nous ne risquons pas d’instaurer un unanimisme stérile ! Parce que la fin du programmatisme ( le paradigme ouvrier de la révolution) est reconnue sous divers noms : « vieux mouvement ouvrier » « travaillisme » ou tout simplement et clairement « socialisme » nos analyses correspondent à un besoin, la communisation est un concept attendu, les concepts sont intégrés en fonction des besoins en utilisant toutes les ambiguïtés que ces concepts renferment,. la critique de ces utilisations sera pour nous une voie essentielle, pour comprendre comment la communisation peut s’initier comme réponse pratique, c’est à dire ambiguë, contenant sa propre limite. La révolution sera confrontée à la contre-révolution, et en essayant de ne pas faire d’amalgame et de politique-fiction, la réception du concept de communnisation, sera pour nous un champ de confrontation, non pour lutter contre l’alternativisme, mais pour faire exister une conception, où crise et production du dépassement sont intriqués et ne sont ni produits l’un par l’autre ni produits tous-deux par « le capital » mais sont tous-deux la lutte de classe. C’est parce que certains disent qu’ils veulent vivre le communisme et répandre l’anarchie que nous pouvons nous concevoir dans un mouvement communisateur, même si personne ne vivra le communisme ni ne répandra l’anarchie !
Si nous ne concevons notre action, ni comme une lutte pour la construction d’une sorte de succédané de parti,, ni pour une quelconque hégémonie de nos analyses, nous la concevons bien comme partie-prenante et activité d’extension de cette aire de la communisation, en sachant. qu’elle ne sera pas une anticipation de la communisation réelle. La communisation réelle l’approfondissement de l’intersubjectivité de la lutte pour la lutte devenant communisation des rapports contre le capital, dépassant le jusqu’au-boutisme des revendications de défense de la condition prolétaire. Le dépassement c’est la transformation de la défense de la condition prolétaire en son abolition, sans qu’elle change d’orientation ni d’acteurs, acteurs qui se transformeront en individus immédiatement sociaux contre le capital pour et par cette lutte. Si cette aire n’est ni un parti ni une anticipation du communisme elle est un espace politico-pratique c’est-à-dire qu’il est à la fois un « lieu » théorique et des lieux physiques, lieux de vie et de rencontres, lieux d’élaboration de notre compréhension des luttes et du cours du capital et des lieux de rassemblement des moyens sa divulgation. C’est pourquoi la réponse, à la normande, à la question de François : Existe-t-il un courant communisateur ? est à la fois oui et non, oui dans la mesure très étroite où il existe bien des gens qui posent la révolution comme production immédiate du communisme, non dans la mesure où ces partisans de la communisation ne constituent pas encore vraiment un courant. Pour que ce courant existe-il faut tout d’abord, qu’il ait conscience de lui-même, et ensuite, il faut que ce courant pose que cette communisation ne peut être que l’action du prolétariat abolissant son exploitation par la classe capitaliste, abolissant cette classe et sa propre condition de classe, abolissant les classes. L’existence du courant communisateur est donc l’existence d’une aire polémique à l’interne mais cette existence même est le produit de polémiques.
Le courant communisateur est/sera le produit de bagarres politiques-théoriques,et il mènera immédiatement ces bagarres contre plusieurs adversaires : Contre le démocratisme radical d’abord, contre l‘opposition unilatérale au démocratisme radical ensuite, contre les tentations alternativiste (tout en les intégrant d’une certaine façon théorique critique), contre les reliquats fossilisés de l’ultra-gauche, contre les restes de programmatisme prolétarien encore présents chez des gens qui nous sont proches, contre, surtout peut-être, la très puissante tendance à substituer l’humanité au prolétariat (en les assimilant l’un à l’autre) comme « faisant » la révolution, cette tendance intègre par-là la soi-disant disparition du prolétariat (éventuellement au profit de la multitude ) éliminant toute dynamique de l’exploitation et du capital, et posant que c’est à tout moment que la communisation est possible, ou au mieux qu’il existe des opportunités à saisir ou à manquer, et enfin contre la forme radicale de cette dernière tendance, qui éternise le capital et importe chez les communistes la pure idéologie économique moderne de la classe capitaliste, celle de l’auto-dépassement d’un capital qui aurait aboli la valeur, ou l’ayant vidée de son contenu le travail abstrait se valoriserait dans la spéculation, la théorie de la valeur-travail étant consubstantielle à la théorie de l’exploitation, le prolétariat est ainsi nié radicalement, d’ailleurs cette thèse va de pair avec l’idée que le travail n’est maintenu par les capitalistes que pour occuper/aliéner les prolétaire,s seuls les capitaux archaÏques se valorisant encore sur l’exploitation du travail. Le courant communisateur est un courant polémique, mais ses participants sont dans les luttes de classe sans jamais se poser « en tant que » communisateurs nous sommes dans les luttes de classe avec nos conceptions et même parce que nous les avons, mais nous n’y sommes jamais « en tant que » pour autant le courant sans être en concurrence avec les démocrates radicaux doit se faire connaître, ses thèses doivent devenir incontournables. Les positions communisatrices sont indispensables, vu le sens actuel du mouvement du capital et des luttes, vu le développement des conflits, et de guerres terroristes « privées » et d’Etat, il faut que le citoyennisme et l’altermondialisme ne soient pas hégémoniques, il faut que toujours, existe la critique révolutionnaire acharnée, des « solutions » démocratiques qui sont aussi déjà des solutions militaires, quand voit des pacifistes européens combattre l’empire jusqu’au dernier irakien ou au dernier palestinien. Il faut avoir les moyens d’indiquer dans les luttes et de manière non-idéologique, c’est à dire non - promotionnelle la perspective communiste, car si la démocratie est actuellement la réponse à tout, le caractère jamais achevé, et maintenant guerrier, de la restructuration, commence à apparaître. Le cours des luttes et du développement du capital sera encore long avant que le dépassement se produise ; dans la crise de ce cycle de luttes initié au début des années 90 , ce dépassement produit contient le développement du courant communisateur, d’abord comme critique de la limite des luttes, limite et critique de la limite étant toutes deux produites par ces luttes. Bien que la communisation ne sera pas la victoire de ce courant son apparition n’est pas le résultat d’une évolution interne de la théorie communiste mais bien celui des luttes de classe ne développant plus l’affirmation du travail, mais tendant à se remettre en cause comme le montre les critiques du travail et même si ces critiques importent dans le travail c’est dire dans le prolétariat la contradiction entre le capital et le prolétariat. Le courant communisateur dans les luttes c’est empiriquement la théorie élément réel des luttes.
Communisation vs socialisation
La question de la communisation est celle du dépassement par le prolétariat, ou plutôt par les prolétaires, de leur action défensive, en une activité d’emparement du capital, qui soit non pas une socialisation, c’est à dire un mode de gestion de l’économie, mais la constitution d’une communauté d’individus qui soient immédiatement ses constituants. La communisation se fait au travers de l’emparement des moyens de subsistance, de communication, de transport, et enfin de production au sens restrictif. La communisation des rapports, la constitution de la communauté humaine/le communisme se réalise pour, dans et par la lutte contre le capital, dans cette lutte on ne peut pas opposer la prise en main des moyens matériels et la transformation des prolétaires en individus immédiatement sociaux c’est la même activité. La radicale différence avec la socialisation c’est que ce n’est pas un changement de la propriété des moyens matériels. Il n’y a pas dans la communisation appropriation des biens par une quelconque instance : Etat, commune, voire conseil, qui représente qui domine les prolétaires en action d’expropriation du capital et qui en fasse ainsi une appropriation. Le changement de régime de propriété est la constitution d’une nouvelle forme d’économie : le socialisme, même si actuellement il s’agira plutôt d’économie solidaire et heureusement, car lorsque le socialisme était réellement possible, le communisme ne l’était pas. La communisation ne constitue pas une économie, elle se sert de tout mais n’a pas d’autre but qu’elle même. La communisation n’est pas lutte pour le communisme elle est le communisme qui se constitue contre le capital.
Mais si l’action communisatrice est le débouché de la lutte de classe dans la crise révolutionnaire, la même action d’emparement peut être, comme on l’a vu, communisation ou socialisation , toute action de ce type peut être l’une ou l’autre, tout dépend de la dynamique, tout dépend du cadre en constante transformation, c’est à dire que tout dépend de la lutte contre le capital qui s’approfondit et s’étend ou se ralentit et périclite très vite. Tout dépend aussi de la lutte dans la lutte contre le capital. La constitution du communisme est intriquée avec la constitution d’une forme ultime d’alternative héritière du socialisme. La tendance à la constitution d’instances cherchant à faire de l’emparement des moyens matériels une socialisation économique, sera permanente jusqu’à la communisation complète. Cette permanence d’une tendance contre -révolutionnaire au sein du mouvement de la révolution, c’est l’existence jusqu’au bout d’une dimension « programmatique » d’affirmation et de libération du travail. Le maintient de ce programmatisme est produit par l’existence non encore abolie du capital, tant que le capital existe face au prolétariat, même au prolétariat en train de l’abolir, c’est à dire en train de s’abolir lui même, le prolétariat conserve un reliquat de positivité et même cette positivité du travail est réactivée dans le procès révolutionnaire puisque la reproduction sociale devient dans ce procès dépendante de l’action des prolétaires. Le seul dépassement de cette dimension c’est la victoire de la communisation qui est l’abolition acquise de la classe capitaliste et du prolétariat. Le dépassement de cette contre-révolution ne sera pas toujours irénique, il ne se fera pas toujours « dans le mouvement », elle ne sera pas une version vraie et accélérée du « dépérissement de l’Etat » prévu dans le socialisme. Toute forme étatique ou para - étatique fera toujours tout pour se maintenir au nom même de la nécessité de son dépérissement ultérieur !. C’est au nom même de l’abolition des classes que la démocratie radicale fera tout pour maintenir ou restaurer des structures électives, selon elle nécessaires pour éviter la constitution d’une nouvelle couche dirigeante auto - instituée et incontrôlée. La constitution du communisme est intriquée à la constitution d’une forme ultime du socialisme.
La lutte pour « ramener à la raison » les fractions du prolétariat les plus en pointe dans l’expropriation du capital, sera d’autant plus violente qu’elle se présentera comme la défense de la révolution démocratique, refusant que des « minorités » ne compromettent les acquis de la majorité.
La communisation n’aura jamais d’acquis, toutes les expropriations constituant la communauté immédiate seront remises en cause en tant que pures expropriations, prise en main sauvages, elles seront proclamées socialisations dès que le mouvement ralentira, et que se constituera une instance para - étatique, pour défendre ce qui, à ce moment là, apparaîtra comme des acquits et comme des é1éments de la constitution d’une possible nouvelle économie. Tout se passera sur le plan géographique, sur le plan horizontal, et non sur le plan sectoriel différenciant les types d’activités. Les limites seront partout et l’intrication révolution/contre-révolution générale dans des conflits multiples et chaotiques. L’extension est le mouvement de la victoire, le ralentissement celui de la contre-révolution par la défense des acquis. La lutte du capital pour reprendre le contrôle social sera double sans que cela soit une stratégie. D’une part Etats et consortiums lutteront sur des bases relativement claires pour rétablir leur domination et relancer l’exploitation, d’autre part la société capitaliste se maintiendra sur des bases totalement ambiguës de pouvoirs populaires et d’autogestion , ces fractions pouvant se combattre ou s’allier, en fonction de la situation et donc du développement du mouvement de communisation. Des fractions du prolétariat insurgé seront écrasées, d’autres seront « retournées », se ralliant à des mesures conservatoires de survie, d’autres insurrections prendront le relais. Certaines fractions retournées/engluées relanceront les expropriations sauvages, et l’organisation de la lutte par ceux qui luttent et uniquement pour la lutte, sans représentation, sans contrôle par quiconque au nom de quoi que se soit, reprenant la constitution du communisme qui n’est pas un but de la lutte, mais le contenu de la lutte. Les idéologies contre-révolutionnaires seront nombreuses, à commencer, peut-être, par celle de la survie de l’économie : préservons des mécanismes économiques, ne détruisons pas toute logique économique, pour pouvoir en construire une nouvelle ensuite ou plutôt immédiatement liée à elle, celle de la démocratie.
Démocratie et économie solidaire seront sur le plan idéologique les deux grandes constructions à abattre, elles se combineront avec d’autres systèmes en fonction des lieux. Elles se combineront surtout avec l’idéologie des communautés qui peuvent être les plus diverses : nationales, raciales, religieuses, ou purement locales, et c’est probablement les plus dangereuses, parce que se présentant comme spontanées et inévitables. Les communautés seront déclinées à l’infini et ces idéologies peuvent prendre toutes les couleurs politiques : conservatrices, réactionnaires, démocratiques et bien - sûr, avant tout révolutionnaires, et là l’intrication révolution /contre-révolution est la règle. Cependant il ne faut pas imaginer la lutte anti - idéologique comme différente de la communisation elle-même, c’est dans la communisation que se combattent les idéologies, parce qu’elles font partie de ce que le mouvement abolit. Dans la lutte communisatrice le côté militaire ne peut pas être différencié mais là constitution du communisme ne peut pas ne pas avoir à s’opposer sur ce plan là à la contre-révolution. Les aspect de violence ouverte ne déboucheront pas sur la constitution d’un front, si un tel front se constituait la révolution aurait perdu, au moins là où ce front se situerait, et jusqu’à sa résorption. La révolution sera à la fois géographique et sans front, les départs de communisation seront toujours locaux et en expansion immédiate et très rapide, comme des départs de feu, même éteints ces feux couveront sous l’autogestion et les communautés citoyennes. Le communisme sortira d’un immense pugilat, le processus de communisation sera bien une période de transition, mais pas du tout une période calme de construction socialiste et/ou démocratique entre une période chaotique révolutionnaire et le communisme, mais sera bien le chaos même entre le capital et le communisme. Il est clair qu’une telle anticipation, bien que raisonnée, n’a rien d’emballant ! Ce n’est pas la barbarie qui n’a pas de sens, mais ce n’est pas la voie royale des lendemains qui chantent ! Mais c’est une perspective qui s’ancre dans la situation actuelle du capital et des luttes, dans la lutte actuelle entre la restructuration et la résistance du prolétariat. C’est une perspective qui pose le dépassement de ces luttes, non en droite ligne, mais dans la crise qui vient de la restructuration actuellement en place. C’est en fin de compte la seule perspective réaliste, face à l’impasse citoyenniste, de l’alternative démocratique radicale au capitalisme ultra libéral, c’est la seule réponse dont la réalité ne dépende pas de la justesse d’une stratégie. L’intrication révolution/contre-révolution implique toute 1 `organisation que se donne le mouvement de la lutte de classe, une coordination, un collectif (mais plutôt la première que la deuxième ) ou toute autre forme, peut être la lutte organisée, ou tendre à une représentation de cette lutte, et à évoluer, dans une situation de délitement de l’Etat, vers une forme para - étatique. Il ne s’agit pas d’une opposition entre organisation et spontanéité (tout est toujours spontané) mais de l’opposition entre expropriation et appropriation, communisation et socialisation, cette dernière nécessitant que la société existe c’est dire qu’elle soit différenciable « des gens », « gens » dont nous allons parler maintenant. Dans les luttes récentes on a vu les prolétaires en lutte, construire entre eux ce qu’on peut appeler une intersubjectivité, non subsumée par une unité idéologique syndicale et politique et laisser les syndicats organiser une représentationpurement scénique de cette unité, qui bien que représentation nécessaire, n’a pas empêché cette inter - subjectivité, qui n `a pas empêché l’organisation réelle est quotidienne. C’était bien une inter - subjectivité en ce que c’étaient des sujets face à leur objet le capital. Dans le mouvement d’abolition du capital il y a désobjectivation de celui - ci, il y a abolition du rapport sujet - objet du rapport capital - prolétariat (rappelons que cette abolition est le contenu du processus révolutionnaire , la communisation et que tant qu’il n’est pas achevé, on a toujours ce rapport sujet - objet, même si le sujet et en train d’abolir son objet en tant que tel, c’est dans ce rapport que l`abolition se fait, c’est à dire que les prolétaires abolissent le capital qui les fait prolétaires, sujets face à l’objet, la société capitaliste tout entière ) le processus révolutionnaire de désobjectivation du capital est donc aussi processus de désubjectivisation du prolétariat c’est ce processus que nous désignons comme auto - transformation des prolétaires en individus immédiatement sociaux., cette transformation n’est jamais acquise, avant d’être achevée, en ce sens ce sont les prolétaires qui font la révolution jusqu’au bout, parce que jusqu’au bout, ils abolissent le capital qui les fait prolétaires.
La communisation et la socialisation ne forment pas une contradiction, la contradiction reste capital - prolétariat, elle ne devient pas une contradiction interne au prolétariat, même si il y a un devenir de totale opposition entre les deux perspectives, elles sont intriquées, et prises toutes deux dans la contradiction capital/prolétariat. La lutte du prolétariat contre le capital devient abolition des classes par l’expropriation du capital mais cette action même, dans son opposition au capital, redonne une force à l’affirmation du travail quand elle est stoppée par la classe capitaliste (c’est là qu’existent les acquis qu’on a vus). C’est l’affirmation conjoncturelle du travai1 par l’impossibilité du communisme et non plus l’impossibilité du communisme par l’affirmation structurelle du travail. Cette affirmation provisoire et par défaut du travail, avance bien un état social, dont le devenir serait un Etat social donc une forme contre-révolutionnaire, le mouvement du prolétariat doit éventuellement s’opposer à ce qu’il vient de poser. Le procès d’auto-transformation en individus immédiatement sociaux, peut, dans la lutte contre le capital et donc contre la classe capitaliste, être aussi une lutte contre des prolétaires défendant la condition prolétarienne. Lutte de la communisation contre la socialisation.
Ce texte essaye de montrer un peu plus « concrètement » ce que signifie la formule « la contre-révolution se construit sur les limites de la révolution » . Dans la période où eurent lieu les tentatives révolutionnaires de 17 à 37, la structure générale de la contradiction prolétariat/capital, portait l’affirmation de la classe du travail et donc la construction du socialisme, maintenant la contradiction porte la mise en cause de l’appartenance de classe et donc la structure générale pose la communisation. Cette structure n’empêche pas que les limites existent toujours, même si le sens du mouvement en est le dépassement. La limite est consubstantielle à chaque mesure révolutionnaire et cette limite n’est dépassée que dans la mesure suivante, c’est le caractère de classe du mouvement de communication qui est sa limite, il est le dépassement de son propre caractère limité, puisqu’il est abolition des classes et donc du prolétariat.
Le prolétaire est l’individu privé d’objectivité, dont l’objectivité est face à lui dans le capital, il est réduit à la pure subjectivité, il est sujet libre, porteur d’une force de travail ne pouvant devenir travail en acte qu’après avoir été achetée, et donc mise en œuvre par son propriétaire capitaliste, le sujet libre est relié à l’objectivité en soi, le capital fixe qui subsume sa force de travail, se la soumet et se l’incorpore dans le procès de travail. L’abolition du capital c’est l’abolition de l’objectivité en soi, dans l’emparement des moyens matériels, et l’abolition du sujet prolétaire dans la production de l’individu immédiatement social. C’est ce que nous appelons la désobjectivation et désubjectivisation simultanée produites par l’emparement de la totalité sociale, action qui la détruit comme distincte des individus. La totalité distincte c’est la société indépendante, de par sa division en classe, et sa représentation dans la classe dominante . L’abolition des classes c’est l’abolition de la société, la création de la société socialiste voire communiste, c’est toujours et encore le maintien de l’indépendance de la communauté, par rapport à ses membres, qui ne sont sociaux que par la médiation de la société. La communisation c’est la fin de toute médiation entre les individus, mais dans la révolution, il y a encore médiation par le capital, puisque l’activité est abolition du capital ! La communisation »en tant qu’elle est médiée par son objet même, porte toujours la possibilité que sa médiation s’autonomise, dans la constitution de la révolution en structure différente de l’action révolutionnaire. Sans cesse cette tendance existera qui est l’institutionnalisation de la révolution, l’institutionnalisation du communisme donc la socialisation de la société, pas la socialisation immédiate de l’individu.
Un meeting permanent
La revue « Meeting » se donne comme objectif de polariser un courant, qui affirme que le débouché révolutionnaire de la lutte de classe, est la communisation immédiate de la société, et en aucune façon l’instauration d’une période transitoire de construction d’une économie sociale destinée à créer les bases d’un communisme ultérieur. Cette publication a un mode de fonctionnement très collectif et très ouvert, elle se veut un « meeting » permanent. Le fonctionnement par forum électronique et par Assemblées Générales créera des liens directs personnels qui sont la seule organisation qui vaille. Les participants sont engagés dans des actions, des groupes très divers et par eux ces activités se trouvent mises en réseau et en débats. Ce réseau est autant la confluence de bilans de luttes que l’analyse du sens du cours des luttes et du cours du capital ( avec lequel elles constituent dans et contre l’exploitation le mode de production capitaliste) qu’une démarche de résistance théorique et pratique à l’agression permanente que constitue la restructuration jamais achevée du capital, résistance à la contre-révolution permanente, qui opprime, réprime et désespère les prolétaires isolés, et les petits bourgeois déclassés qu’il y a parmi nous.
Salariés et chômeurs (contraints ou plus ou moins volontaires) précaires, ou fonctionnaires montrés du doigt, nous sommes attaqués, avec toute la classe du travail salariée, notre résistance ce sont nos luttes, notre réseau en fait partie. C’est même dans notre réseau que nous pouvons résister le mieux. Le courant communisateur ne s’imagine pas communiser un quelconque morceau de la société, il lutte pour la communisation, c’est à dire qu’il lutte pour que le débouché communisateur soit présent, comme pratique théorique d’auto-analyse des luttes. La résistance à la pression capitaliste c’est la pratique théorique collective, c’est l’entraide, c’est la récupération et la réorientation, de moyens à la fois de vie et d’action. Si l’on n’adhère pas à « Meeting » la participation au projet est la participation à un réseau qu’il serait d’une ironie un peu pédante de l’appeler parti. Le milieu « anarchiste de gauche » ou anticitoyenniste radical devrait pouvoir aussi se polariser par rapport au projet « Meeting ». L’auto-analyse des luttes n’est pas une intervention mais au contraire se fonde sur la participation aux luttes, l’autoanalyse agit dans les luttes et par les luttes car ce sont elles qui posent les problématiques théoriques, qui sont théoriciennes. Même si la revue ne cherche pas à se diffuser largement elle peut fournir la matière de tracts, d’affiches, des thèmes de réunions.
« Hasta la communisacion siempre ! »
Le projet est à long terme et il est ambitieux, la frange qu’il vise est relativement large et présente partout, elle jouxte le courant libertaire avec lequel elle polémique et qu’elle pousse à l’autocritique. Le courant communisateur dépasse l’anti-citoyennisme, reprend ses critiques contre l’altermondialisme et leur donne un grand réalisme en ne considérant pas que l’altrermondialisme puisse ne pas être, mais au contraire en partant de l’inévitabilité du démocratisme radical. il donne à sa critique une issue positive. La communisation ne fournit pas une norme pour juger les luttes et les idéologies, elle fournit une anticipation de leur dépassement. L’anticipation de la communisation articule les luttes actuelles à la révolution, parce qu’elle est une pratique théorique maintenant, et pas un aboutissement en soi, hors du cours de la contradiction des classes
Le dépassement produit du capitalisme est l’auto - dépassement des luttes contre le capital, contre son mouvement de restructuration poursuivie allant vers sa crise révolutionnaire (s’initiant comme crise économique). La pratique théorique pro-communisation est élément réel inévitable de ce dépassement produit, justement, parce qu’il est produit. La discussion pour savoir si la communisation est un mouvement automatique ou une action volontaire, est une question issue du programme d’affirmation du travail, dans lequel le prolétariat se posait comme héritier du capital, à la fois inéluctablement et comme profitant des faiblesses du capital transitoires du MPC laissant une opportunité à saisir ou à manquer. Le dilemme d’une inéluctabilité qui n’était finalement qu’une possibilité,, était résolu par la forme parti, ou éventuellement celle du syndicat, chargée d’assurer la saisie des manettes, et d’appliquer les lois de l’histoire, en développant les forces productives que le capital laissait en panne ! Le programme socialiste était toujours un programme d’achèvement de la tâche historique du capitalisme , si le programme n’existe plus c’est aussi la marque de cet achèvement. La contradiction capital/prolétariat ne se reproduit pas à un niveau supérieur pris en charge par un prolétariat gérant sa propre disparition, concomitante à la dégénérescence de l’Etat .La tâche historique du capital aura été d’inessentielialiser le travail dans la production. Maintenant la lutte contre l’alternative ne pose pas une autre alternative qui serait, de fait, sinon ouvertement, un retour au programme socialiste ni une communisation, qui serait non seulement production immédiate du communisme contre le capital, mais encore cela immédiatement (tout de suite) c’est à dire, fantasmatiquement, non-produite , c’est à dire non - incluse dans la crise généralisée du capital. La lutte pour la communisation se place dans la perspective du dépassement produit dans lequel la radicalisation des luttes et l’entrée en crise du capitalisme ne font qu’un sans que l’un ne déclenche l’autre, le processus est inéluctable mais il est le processus heurté et chaotique de la contradiction des classe : exploitation/luttes de la classe.
Le courant communisateur va être l’analyseur du courant anticitoyenniste et du courant libertaire - la critique radicale « négative » voulant abolir le démocratisme radical pour libérer la lutte de classe,et la critique « positive » libertaire voulant seulement peser sur l’alternative officielle pour la gauchir. Les deux courants seront soumis par la perspective communisatrice à une provocation à l’autoanalyse. L’impasse citoyenniste et l’impossibilité de l’abolition de cette impasse débouchent sur l’exigence du communisme universel sans transition, le caractère époustouflant, démesuré de l’exigence est médié par le sérieux et l’inépuisable patience des gens qui lancent le projet. Notre optimisme radical et tranquille est notre seule arme, il nous a porté jusqu’à la situation dans laquelle la communisation prouve se possibilité réelle, par l’évidence de la résolution qu’elle est du problème de la révolution prolétarienne abolissant le capital et le prolétariat. Nous sommes en meeting permanent jusque là.
Comments