mardi, 28 juin 2005
Sur les forums... - R.S.
Depuis un an, les interventions sur le forum du site Meeting ont contribué à un débat sur la communisation. Telles que les contributions apparaissent sur le site, dans la façon dont elles se succèdent, morcelées, passant du coq à l’âne, elles ne donnent, au premier abord, qu’une impression de cacophonie. Leur présence dans la version papier était nécessaire, mais il n’était pas question de les reprendre tel quel.
Pour en rendre compte nous avons choisi de regrouper les contributions autour de six thèmes. Ce regroupement n’implique pas une reprise in extenso des interventions : nous avons pratiqué des coupes, des rapprochements, nous avons utilisé des extraits d’une même intervention dans des rubriques différentes. Les forum demeurent consultables sur le site dans leur forme originelle, ils sont clos en ce qui concerne les matériaux du n°2. Toute nouvelle contribution participera de la préparation du n°3.
Problèmes de la définition du courant communisateur
* Un des thèmes développé dans la revue est ce courant communisateur, en accord avec les cinq thèses énoncées dans le point 4 de l’invite, en train, parait-il, d’émerger. Plusieurs auteurs tentent de définir ce qu’est ce courant (par exemple Bernard Lyon : Existe-t-il un courant communisateur ? : « Oui et non, oui dans la mesure très étroite ou il existe bien des gens qui posent la révolution comme production immédiate du communisme, non dans la mesure où ces partisans de la communisation ne constituent pas encore vraiment un courant. ») Mais au bout du compte les divers auteurs ne definissent pas une aire réellement existante mais s’assignent une mission. Notamment par rapport à l’alternativisme, incarné principalement par l’Appel, qui constitue par exemple le sujet de plus de la moitié des thèses de Denis : « Il y a une aire qui pose la question de la communisation dans la lutte des classes ». Quand on sait que les auteurs, post-situationnistes, de l’Appel considère la lutte des classes comme une catégorie dépassée on se dit qu’intégrer leur besoin de communisme tout en le critiquant ne va pas être facile. Cela n’empêche pas les auteurs de rester optimistes : « L’existence d’un mouvement qui pose la question de la communisation et tente d’y répondre comme il l’a toujours fait (..) Joue alors (dans le moment révolutionnaire Nda) un rôle important voire déterminant car ce que la pratique du mouvement communiste apportera à la révolution c’est la problématique de la communisation. » (Denis). Une énigme clef en main ?
Asymétrique
* Je vois pas mal d’inconvénients à parler de « courant communisateur », sauf à définir « communisation » autrement qu’en tant que dépassement des limites produisant la révolution communiste...(...) Le problème, c’est qu’à partir de là, il y a de fait plusieurs acceptions conceptuelles de « communisation », et cela ne me paraît pas sain, pour identifier une revue ou un site, pour faire avancer le schmilblick théorique, pour solliciter des contributions diversifiées s’inscrivant dans les problématiques ouvertes. (...)
J’essaye de reformuler des choses que j’ai cru comprendre et que je crois partager :
Le "courant communisateur" ne se définirait pas comme pratiquant déjà la communisation, en tant qu’ensemble de mesures révolutionnaires du prolétariat abolissant le capital en s’abolissant lui-même comme classe du capital, mais comme l’existence :
d’une part des éléments théoriques (conceptuels) qui fondent un accord sur certains points acquis (...)
d’autre part des pratiques qui interviennent dans l’écart, entre leur respect et la transgression de la règle du jeu de l’exploitation qui définit le prolétariat comme classe du capital. Toutes les luttes actuelles sont perdantes, mais toutes ne perdent pas le même combat, entre celles qui le mènent aux limites - remise en cause du rapport d’exploitation et de l’identité du prolétariat comme classe exploitée (pléonasme, car si elle n’est plus exploitée, elle n’est plus une classe)- et celles dont l’objectif s’inscrit dans ces limites -par exemple, faire bouger le curseur salarial, le taux de plus-value relative.
Un enjeu est, me semble-t-il, que ces deux éléments se rencontrent.
« Peut-on être « révolutionnaire » ? » Question intéressante. Pour moi il n’y a pas d’identité du révolutionnaire, et affirmer ceci dépasse la critique de l’objectivisme militant. Il n’y a que des activités qui puissent être révolutionnantes, dans certaines situations. Ce sont celles qui agissent en faisant apparaître l’écart, et en le creusant. Encore faut-il préciser, pour ceux qui ne pourraient se passer du label, que ces actions ne sont pas révolutionnaires de s’inscrire déjà dans le processus de communisation (la révolution), mais de poser en actes les bonnes questions (de l’abolition du capital et de la classe). Pour cela, point nécessaire d’en connaître la théorie, à preuve les exemples donnés sur lesquels s’appuient les avancées théoriques de façon pragmatique et empirique. C’est en ceci que le rapport de la théorie aux pratiques est nouveau, où le conceptuel ne peut plus se passer des luttes traduisant l’écart, et où les luttes sont directement un enjeu théorique. (...) Il y a donc bien quelque chose à faire, qui n’est pas de programmer le Grand Soir de la communisation ou d’accumuler d’improbables actions communisantes au sens où elles seraient déjà communisation, mais quelque chose pour oeuvrer à la jonction du conceptuel et de la pratique, dans la pratique. En ce sens on peut parler de « courant communisateur », avec les précautions que cela implique. Nier son existence serait dénier le travail théorique accompli comme les actes sur lesquels il se fonde...
Patlotch
* Je considère que l’État social et la société de consommation conjugués ont intégré le prolétariat dans le cours de la restructuration du capitalisme et que celui-ci désormais en larges franges (surtout chez les salariés syndiqués) ne défend plus que ses intérêts capitalistes (augmentation du pouvoir d’achat, salaires, avantages sociaux...) par les syndicats surtout et parfois par les partis réformistes (les Partis socialistes et les Partis communistes officiels se laissant encadrer par cette logique). Mais qu’il existe un mouvement de rupture qui se vit comme immédiatisme de la communisation qui s’incarne dans des lieux comme les squats, les villages autogérés, les communes rurales, les communes urbaines, qui développe le mouvement de la mise en commun, qui se défait de sa dépendance au travail salarié, qui vit de l’autogestion des entreprises, de l’agriculture autonome, de la récupération, du vol, de formes d’auto-organisation qui se développe un peu partout notamment en Europe et en Amérique latine (comme en Argentine, voir l’article de R.S.) et dont la frange radicale se fait porteuse d’un mouvement de communisation qui s’exprime très bien dans un écrit comme l’Appel. Ce mouvement n’est pas classiste strictement (précaires, assistés sociaux, bourgeois et petits-bourgeois déclassés ou en rupture...) Il est héritier des autonomes des années 70 entre autres. (...) La communisation s’y opère parfois comme un immédiatisme mais il peut être aussi porteur de ruptures révolutionnaires à long terme.
Calvaire
* Le danger est que les participants de Meeting soient d’accord sur l’idée que la revue doit promouvoir un « débat » au sein du « courant communisateur », mais ne s’entendent ni sur le sens de l’expression « courant communisateur », ni même sur celui du mot « débat » : ce qui, au moment du bilan, risque de donner lieu à des discussions sans fin, chacun jugeant la réussite du projet à l’aune de sa définition de celui-ci. Plusieurs ont souligné que, dès lors que le concept de « communisation » entre sur le marché élargi du blabla, il se prête à toutes sortes de dérives. Je pense nécessaire d’insister sur ce qu’il est et n’est pas du point de vue de Meeting : est-ce si difficile ? "Courant communisateur" a l’inconvénient de s’entendre comme courant de ceux qui sont d’ores et déjà entrés en communisation, qui la pratiquent, en contradiction avec le fait qu’elle est le moment des actes d’abolition, des faire de l’abolition du capital et d’invention de communisme : en somme « courant communisateur » comporte une ambiguïté alternativiste s’il n’est pas défini comme l’ensemble des problématiques qu’il ouvre en tenant fermement le concept de « communisation ».
Patlotch
« Que faire ? »
* Maintenant, la question du « Que faire ? », ou du moins du « qu’en faire ? » (de la théorie de la communisation, nda) est tout de même posée, sauf à envisager de la conserver pour des jours meilleurs. (...) Elle mène sa vie en tant que telle depuis un certain temps, et la porter à connaissance sur Internet n’est pas un geste sans conséquence, sans effets, et sans responsabilités nouvelles pour ceux qui l’ont décidé.(...)
Comment interpréter ce qui se passe avec la sortie de la clandestinité de ces idées ? Je vois deux aspects :
1) ce qui est « vrai » finit toujours par se savoir, il n’y a donc pas de raison de s’en plaindre. Cela tient à cette interprétation du passé et du présent dans une cohérence à couper le souffle à tous ceux qui essayent de comprendre ce qui s’est passé et où nous en sommes : cela rend compte et c’est énorme, c’est cela qui séduit d’abord, en particulier ceux qui n’acceptent pas le bradage de la théorisation révolutionnaire, dont je suis. Il y a donc un véritable choc théorique, à ne pas négliger. (...)
2) il existe une attente, parce que l’altermondialisme, les grenouillages à gauche de la gauche et les repositionnements accélérés (de la LCR, du PCF et de toute la diaspora « communiste » y compris une bonne part des anars etc.) ne satisfont pas les révolutionnaires : le démocratisme radical amène à de grands écarts pour abandonner le programmatisme, et pour certains ça ne passe pas comme une lettre à la poste. Il y a donc des personnes disponibles pour faire autre chose que ce qui est proposé par le militantisme radical. (...) La difficulté, c’est qu’il n’y a rien de « militant » à en faire, sauf à les déformer, et c’est sans doute là que réside la difficulté une fois que ces idées sont diffusées, dans la contradiction entre pertinence critique, et saisie des moments où la connaissance de cette théorie peut changer la posture dans une situation donnée, de luttes, ou au demeurant d’absences de luttes. Cela génère un rapport au temps politique qui n’est pas celui auquel sont habitués les militants le nez collé sur l’événement : un nouveau rythme, un apprentissage de la patience, qui n’est pas celui des petits pas, des étapes, des compromis, de la « transcroissance possible »...
Patlotch
* Les textes signés R.S. ont les limites de reculer à plus tard toute action, toute pratique et toute théorie prenant en compte les luttes actuelles parce qu’il ne peut y avoir de transcroissance entre les luttes et pratiques actuelles et la communisation comme révolution généralisée.
Calvaire
* J’ai pas spécialement réfléchi à ça, mais, en gros, ça tourne autour d’un « Que faire ? ». Pourquoi ?
Nous sommes confrontés là à une théorisation, je dirais pour ma part une démonstration, qui peut laisser coi : « - quoi !? alors, "il va falloir attendre ?" Merde, c’est complètement "démobilisateur" ce truc ! » ou bien - « si je comprends bien, tout ce qu’on peut faire, c’est participer à un machin qui rentre dans le rang, à un moment donné, à un stade donné de son évolution ? », alors on se dit qu’il y a quelque chose qui cloche, pas possible que les hommes fassent l’histoire mais qu’ils soient obligés d’attendre les circonstances propices... ou que ceux qui s’y collent soient envoyés au casse-pipes pour du beurre, puisqu’il n’en sortira rien, que des conditions qui finiront un jour ou l’autre, au bout d’un procès, par apparaître, par se prêter à ce que les "vrais révolutionnaires" abandonnent la posture « repos du guerrier » ». Voilà qui effondrerait tout volontarisme, toute tradition militante, hors quelques situations qui bousculent les limites, dans l’écart (référence au texte Théorie de l’écart) . (...)
J’ai dit ailleurs que je jugeais nécessaire de faire connaître les thèses communisatrices. A qui ? La tentation, c’est les milieux où "ça bouge" et donc les milieux militants, mais alors, on est vite coincé, parce que d’une certaine façon, ce sont les moins réceptifs, et pour cause. J’ai même l’impression que le démocratisme radical s’installe tellement comme idéologie que cela produit une résistance accrue : évidemment, on vient déranger la belle "remise en perspective" qui tourne la page, souvent avec les mêmes, du programmatisme. J’ai autour de moi des collègues, ni syndiqués, ni grévistes, ni « politisés », qui d’une certaine façon sont spontanément plus lucides, sur le travail, sur leur exploitation, et qui n’en arrêtent pas la donne au « bon service public », aux « bons salaires », aux « bons effectifs » etc. Cela ne signifie pas qu’ils vont se mettre en lutte demain matin, mais bon... il y a "quelque part un vécu" avec lequel ne trichent pas ceux qui ne refoulent pas ce qui les étouffe. (...)
Autre question : me semble qu’on manque d’analyses concrètes de situations actuelles, par ex. « qu’est-ce qui se passe avec ce référendum ? ». On peut toujours mettre ça de côté, faire de l’histoire en temps long, mais s’il n’y a pas de prise sur le présent, l’ici et maintenant de luttes quoi qu’on en pense, les thèses communisatrices n’auront aucune chance de montrer leur pertinence au delà d’un cercle très limité, et pointant (par habitude) des militants jugés plus avancés que les autres, pour leur "anticitoyennisme"... Il y a donc un besoin d’augmenter l’utilisation de la théorie, sans quoi c’est le champ libre à l’idéologie à un moment où elle s’affirme en puissance. En ce sens, j’avais apprécié les textes Journal d’un gréviste, et sa critique, comme les commentaires de RS sur les grèves de 2003. Au demeurant, c’est la force de ses textes, qui théorisent dedans.
Patlotch
* Il faut être attentif aux risques d’une posture d’observateur extérieur à son objet, armé d’une référence théorique figée. (...) . Comme l’impression que ça se mord la queue, en boucle sur les acquis et des critères qu’on possèderait à coup sûr, et un peu sourd à ce que « le mouvement social réel » peut justement « inventer », révéler de surprises, pour peu qu’on y soit attentif ou qu’on s’y colle.
Patlotch
* La pensée magique qu’est-ce donc ? Cette manière de théoriser l’absence et une action rêvée. Le mot phantasme peut-être s’accorde t-il plus avec mon propos. Il y a quelque chose d’incantatoire presque de l’ordre du rituel (et obligatoire) de nos milieux à absolument "fairequelquechose". Est-ce de la culpabilité ? Les conséquences d’un vie chiante et monotone ? ou peut-être d’un hobby du dimanche ? (...) A vrai dire que pouvons-nous vraiment faire ? Des livres ? des brochures, distribuer des tracts ? Les bourgeois savent mieux le faire que nous ! et puis chui pas imprimeur ou libraire ! Je n’ai pas envie de distribuer des tracts à mes potes qui vivent dans ma cité, ni devant chez Flins.
Un ouvrier du bâtiment
* Il y a peut-être une passe, dans l’écart (référence au texte Théorie de l’écart, dans ce n°), une carte à jouer d’un enjeu pour Meeting au présent, (...)des possibilités de « travail » dans l’écart, un débouché fonctionnel à la mouvance « communisatrice » : du grain à moudre. (...) On aurait une virtualité de mise en chantier qui n’aboutirait pas à considérer que quoi qu’on fasse ne pourrait être qu’alternativiste
Patlotch
Quel rapport au programmatisme ?
* Je pense que le n°1 de Meeting est plus une juxtaposition de textes aux orientations prédéterminées qu’une véritable élaboration collective. Mais peut-être est-ce parce qu’il s’agit d’un premier numéro et que, dans l’avenir, la « synergie » (pour parler comme les managers) se fera plus évidente. A titre d’exemple, je ne comprends pas que vous publiiez, si ce n’est par opportunisme, un texte de la CNT-AIT intitulé Classe contre classe, titre qui résume à lui seul la vérité du programmatisme que vous attaquez.
Daemon
* Reproduire un tract, rédigé pendant un temps très particulier, dont la diffusion est évidemment une attitude interventionniste et possède par là (mais même cela est à expliciter) un contenu programmatiste. Mais « programmatiste » est-il une critique suffisante pour exclure de « la revue pour la communisation » un texte ?
Caïn
* J’ai participé à la rédaction (peu) et surtout à l’approbation du tract signé U.L. Marseille CNT-AIT, je ne comprends pas Daemon lorsqu’il parle de relents de gauchisme à propos de ce tract. Durant les grèves de 2003, les camarades qui étaient partie prenante dans les AG, les manifs, les débats avec leurs collègues de travail ont pu vivre les tentatives de manipulation et de récupération des gauchistes, des réformistes, bref de tous les démocrates. Si Daemon parle de programmatisme en citant un tract il ne sait rien du fonctionnement de la CNT-AIT, de son non-centralisme-démocratique si cher aux gauchistes.
Hélène
* Ce qui posait problème pour moi, dans le tract de la CNT-AIT, c’était son titre, Classe contre classe, et ce qu’il sous-entend : le programmatisme, c’est-à-dire ce que d’autres camardes désignent très justement comme le programme du mouvement ouvrier classique détruit pas la restructuration : montée en puissance, affirmation de la classe à l’intérieur du capital au travers du parti d’avant-garde et dans la perspective d’une période de transition, étape dans la construction du communisme. Rien de plus, rien de moins.
Pour le reste, je connais mal le fonctionnement et les stratégies de la CNT-AIT et à vrai dire, elles ne m’intéressent pas. Il me suffit, au fond de savoir, qu’il se réclament peu ou prou du syndicalisme, donc du programmatisme, et que cela est indépendant de leurs pratiques du moment, et même du contenu théorique qu’ils donnent à leur activité, notamment au refus ou à l’adhésion au centralisme démocratique. Ce qui est plus intéressant, c’est, je crois, que l’activité de la CNT-AIT comme celle des autres formes de syndicalisme radical / révolutionnaire démontre précisément l’impossibilité devenue évidente du syndicalisme (l’incapacité à dépasser le stade groupusculaire en serait la preuve) dans le contexte d’un au-delà du programmatisme, c’est-à-dire la communisation, qui ne s’enferme pas, ou pas totalement, dans les apories du démocratisme radical ou même de l’anticitoyennisme.
C’est pourquoi, eu égard à ce qui précède et à cela seulement, je n’ai pas compris -et je ne comprends toujours pas- les raisons de faire figurer ce texte dans la perspective d’une critique (au sens d’analyse) du programmatisme et de ses avatars modernistes autour desquels s’organise le néo-gauchisme.
Daemon
* Je n’ai jamais eu la nostalgie des sections syndicales et des cortéges bien rangés et si je regrette qu’il y ait si peu de révolutionnaires c’est d’aujourd’hui dont je parle. Meeting est un outil précieux pour ceux et celles qui aimeraient ne plus vivre avec le capitalisme comme seul présent et comme seul avenir mais son audience reste confidentielle et la révolution n’est pas dans l’air du temps. Quant au programmatisme que tu pointes dans le tract Classe contre classe ce dernier a eu le courage de dénoncer le service public en pleine vague de défense des valeurs démocratiques et de ne proposer rien d’autre que de tout fiche en l’air. Quant au salariat cela fait belle lurette qu’il mine de plus en plus nos vies et qu’être prolos y’en a marre !
Hélène
Cours de la lutte de classe / communisation
* Le texte de François qui ouvre la revue constitue de fait une très bonne critique (faite pourtant à priori) de ce que la démarche de Meeting a de bancal : « L’éloignement du but force à et permet de se contenter de l’abstraction la plus générale du processus de communisation et d’une définition très politique du sujet communisateur. » Et effectivement après avoir lu Meeting on n’a pas vraiment l’impression « d’en savoir plus » sur la communisation. D’une certaine manière les auteurs l’admettent eux mêmes puisqu’ils parlent d’« énigme »(R.S) pas sur d’être résolu « ou jamais » (Denis). La définition de la communisation qui revient le plus souvent est « immédiateté sociale des individus » ce qui est bien beau mais très vague. » Mais un problème qui me parait plus important est la façon dont Meeting problématise la révolution en faisant abstraction du cours que prennent et vont prendre les choses.
Asymétrique
* Je crois tout simplement que le filon est épuisé, que la logomachie théoriciste a cessé de faire illusion, ici, l’abstraction confine au vide intersidéral, alors que la pensée commence par différencier, eût dit Hegel (il s’agit d’un commentaire sur le texte Théorie de l’écart). Se poser pendant trente ans la question de savoir comment le prolérariat peut strictement comme classe s’abolir et abolir toutes les classes du même geste, sans trouver de réponse, revient à poser sans doute une mauvaise question ; mais que cette question soit mauvaise, parce qu’elle ne produit pas de résultat, personne ne le soulève. Pas un gramme d’analyse, mais pas un chouia, de l’Etat, de la production, de la question de la valeur, contre des tonnes d’incantation négatives : ce que la révolution ne sera pas, pas de transcroissance, pas de transition, rupture immédiate mais produite, continuité des luttes à la révolution sans confusion entre elles, contradiction au capital égale autocontradiction etc. etc. ad nauseam. Pas d’autonomie, pas de reviviscence, pas de passé à restaurer, à sauvegarder, pas de présent hors du capital, pas d’extériorité et pourtant rupture du ressort spéculatif etc. à force de négation, on est dans le cirage galactique. Du paradoxe plat, non maîtrisé, la certitude que la dynamique de classe seule produit le communisme - quoi d’autre, en effet ? « L’auto-contradiction » : à quoi d’autre ? Y a-t-il contradiction à autre chose que soi ? Y a-t-il quiconque pour s’en soucier ? Voire ! mais on fait de la théorie quand même, monsieur. Alors allons y à notre tour, foutons la pagaïe : la révolution devra tout à ce qui HORS du capital aura subsisté comme mode de sociation.
Jef
* Le communisme est bel et bien une essence à réaliser, mais qui ne se tiendrait pas tapie de tout temps dans les décombres de la domination. C’est l’essence à inventer, bien plutôt, qui certes rejoue des éléments empruntés au précapitalisme, l’immédiateté sociale de l’individu, notamment, qu’il n’y a pas lieu de « choisir » depuis l’apesanteur d’un libre-arbitre quelconque, mais auxquels il s’agit d’être fidèles dans leur réagencement même, réagencement forcé par les conditions propres au capital : le communisme serait ainsi la persévérance du pré-moderne à travers le procès d’individualisation proprement moderne, la survivance de l’immédiateté sociale à travers la dissolution des rapports de pouvoir personnels de jadis : à la fois contre l’individualisation bourgeoise, l’apparence de cette forme spécifique d’individualisation des rapports humains, et contre ses conditions, les rapports sociaux capitalistes.
Jef
* Je pars de l’analyse de l’auto-organisation et essaie d’en évaluer les mesures de rupture, de dépassement et c’est là que s’inscrit selon moi le mouvement de communisation.
Un peu de R.S. pour commencer
« L’autonomie ne peut plus être la perspective des luttes, mais il y a encore de l’auto-organisation comme mise en forme, sans perspective, de ce que l’on est. On s’auto-organise comme chômeurs de Mosconi, ouvrières de Bruckman, habitants de bidonvilles..., mais ce faisant quand on s’auto-organise, on se heurte immédiatement à ce que l’on est qui, dans la lutte, devient ce qui doit être dépassé. L’activité même, ses objectifs, ses modalités d’effectuation se retournent contre ce qui devient la pure et simple existence dans les catégories du mode de production capitaliste : l’auto-organisation. En Argentine, l’auto-organisation n’a pas été dépassée, elle ne peut l’être que dans la phase terminale d’une insurrection communisatrice. Les luttes sociales en Argentine ont annoncé ce dépassement. » (R.S.)
L’élaboration théorique qui pour moi s’inscrit dans des pratiques politiques et sociales sous peine de s’abstraire radicalement du réel efficient et historique s’inscrit pour moi dans la critique de l’autonomie comme démonstration des limites de la radicalité ultime actuelle qu’est l’auto-organisation que nous vivons aujourd’hui et par la théorisation et les pratiques visant la communisation comme destruction de l’isolement autonome (...).
Je considère par contre que cette insurrection communisatrice qui se vit dans un très court laps de temps dont parle R.S est une vision grand-soiriste de la révolution et que la communisation s’effectue à deux niveaux : la mise en commun actuelle qui se développe et de l’autre ce mouvement de rupture générale qui ne pourra se vivre que dans la généralisation de la communisation du point de vue immédiatiste : « S’organiser veut dire : partir de la situation, et non la récuser. Prendre parti en son sein. Y tisser les solidarités nécessaires, matérielles, affectives, politiques. ». Nous nous organisons par « une constellation expansive de squats, de fermes autogérées, d’habitations collectives, de rassemblements fine a se stesso, de radios, de techniques et d’idées. L’ensemble relié par une intense circulation des corps, et des affects entre les corps. » Entre autres...
Comme disent certainEs, nous avons déjà commencéEs.
« La prochaine révolution sera communisation de la société, c’est-à-dire sa destruction, sans "période de transition" ni "dictature du prolétariat", destruction des classes et du salariat, de toute forme d’État ou de totalité subsumant les individus... » Communisation - Christian Charrier.
La prochaine révolution sera cela et bien d’autres choses (mais qui ne seront plus des « choses »). Mais elle ne partira pas de nulle part. Ainsi donc la communisation comme révolution sera le processus généralisé, mais en attendant, nous construisons les fondements de cette communisation, nous livrons la guerre révolutionnaire (que nous pourrions appeler aussi « grève humaine ») qui ne trouvera son aboutissement que dans la révolution comme communisation généralisée. Et encore là, ce ne sera qu’un début : le début d’une véritable nouvelle histoire comme le pensait Marx, une histoire commune créatrice...
« Hasta la communisacion siempre ! »
On pourra accuser ces idées d’être gradualistes surtout que je dis que cela est un mouvement expansif mais je conçois cela comme étant plus réaliste que l’insurrection finale ou rapidement exécutée dont parle R.S.
Calvaire
* Ma thèse serait qu’il y a continuité entre d’une part ce que tu (Calvaire) appelles surgescences ponctuelles de l’autonomie, expérimentations, voir création d’un milieu plus ou moins subsistant mais exposé à se figer en alternativisme douillet, et, d’autre part, processus révolutionnaire. Les expérimentations ne sont rien d’autre que la pédagogie de ce processus.
Jef
* Je pense que ces expérimentations forment un mouvement social potentiellement révolutionnaire mais qu’entre l’expérimentation particulière de la communisation et la communisation comme processus révolutionnaire d’ensemble, il n’y a pas de transcroissance. Ce sont deux logiques comme deux mouvements qui se parachèvent mais qui ont leur logique propre, relativement autonome : la communisation et l’hétérogénéité des formes de luttes et de vie révolutionnaires. Il va falloir d’une manière complémentaire que se développent les fondements du mouvement de la destruction : grève humaine, grève sauvage illimitée, sabotage systématique, arrêt généralisé et permanent du travail, destruction des processus de restructuration du capitalisme (destruction des formes suivantes entre autres : démocratisme radical, réformisme, citoyennisme, alternativisme...)...
Calvaire
* Quand je dis continuité, je veux dire qu’il n’y a pas de seuil de continuité entre la dispersion et l’unification du dispersé, entre la résistance et l’offensive, mais que de l’un à l’autre il y a concrescence des moments, sans béance entre la pratique non-révolutionnaire du quotidiennisme et la théorie rêvée du grand bond rassembleur. (...) à ceci près évidemment qu’il s’agirait de jouer l’inintégrabilité tout en maintenant la pression jusqu’à l’asphyxie de l’adversaire. La notion de transcroissance reste obscure à mes yeux. (...) c’est pourquoi si la coordination, le passage à l’offensive est un moment distinct (certes, pas d’alternativisme béat, pas de révolution par submersion progressive sans moment unificateur du négatif, si j’ose dire, mais à l’envers, un pour soi du négatif comme négatif), mais ne sort pas du chapeau d’une poignée de théoriciens patentés décidés, comme par le jeu concordant de leur libre-arbitre, à passer à l’attaque, espérant entraîner le reste des troupes derrière eux.
Jef
Existence du prolétariat comme classe révolutionnaire
* Moi je vois plutôt une bonne partie de la classe que constituent les travailleurs et les travailleuses occidentaux surtout se confirmés et se mirés dans le faste aliénant, dominé et destructeur de la société de consommation, en vivre et le reproduire souvent gaiement. Une fraction large assez complètement intégrée à la production du Capital et une fraction plus large mais aussi plus divisée (en catégories de travail et de sans emplois, en catégories raciales, nationales, de sexe...) qui ne se voit pas confirmée et qui est plus portée à se constituer en communautés de vie et de luttes et d’une manière ultime en communautés révolutionnaires. (...)
Je vois plutôt la disparition d’une classe qui se révèlerait unitaire dans sa constitution comme pôle de la contradiction révolutionnaire et des mouvements pluriels qui se constituent comme révolutionnaires.
Calvaire
* Où se cache le prolétariat comme sujet révolutionnaire ?
Nous pourrions entamer un jeu qui consisterait à retrouver le fameux prolétariat comme sujet révolutionnaire. Où se cache-t-il ? Où en est-il ? Qui est-il ? Existe-il encore socialement, mondialement... une classe unitaire qui se constitue universellement comme la force révolutionnaire par excellence pour et dans son affirmation ou encore son abolition ? Quels faits et événements permettent d’entrevoir cette classe comme sujet révolutionnaire général ?
Calvaire
Je te (l’auteur s’adresse à Calvaire) précise donc simplement ici que si je dis que critiquer la Théorie du prolétariat n’implique pas la disparition de la classe prolétaire et l’abandon de la théorie de la lutte de classe, cela n’implique pas le fait que je sois à la recherche du « prolétariat comme sujet révolutionnaire », ce qui est précisément le fait (pas celui de sa recherche mais de sa découverte) de la Théorie du prolétariat que je critique. Ce n’est donc pas à moi qu’il faut poser la question de cette « existence ». Si je parle de « classe prolétaire » et non de « prolétariat » ce n’est pas une clause de style, c’est justement pour me démarquer de la dite Théorie qui fait de la classe prolétaire un Prolétariat (substance) sujet de la révolution et, pour certains, un référent universel de la révolution communiste, dans son dénuement subjectif, son autonomie, etc. Pour le reste, comme dit l’autre, « il va falloir attendre ».
C.C.
* Je considère aussi le prolétariat comme classe révolutionnaire existante comme de plus en plus un sujet imaginaire des théories communistes (...) Sans le prolétariat comme concept unificateur et sans organisation du mouvement révolutionnaire dès aujourd’hui, la révolution de R.S. et de celles et ceux qui pensent comme lui, il me semble, ne peut sortir que de nulle part. Et une révolution qui sortirait de nulle part me semble ressembler à un lapin qui sort du chapeau de la magie, donc une pensée magique.
Calvaire
* Calvaire cherche le sujet révolutionnaire, le prolétariat à unir etc. Il constate la dissémination du prolétariat, veut savoir « où se cache le prolétariat socialement, mondialement... » Cela sort le prolétariat de sa définition conceptuelle de classe de ceux qui ne peuvent vivre qu’en vendant leur force de travail, et qui n’ont que leurs chaînes à perdre, (...). Néanmoins il peut d’abord se rassurer en constatant que le nombre d’ouvriers, directement et physiquement exploités, augmente dans le monde. Ensuite, cette dissémination même traduit, en proportion de la population, une extension du prolétariat. Enfin le prolétariat tend à se rapprocher de sa définition conceptuelle, à être défini par le chômage, ou du moins par le précariat, davantage que par le salariat : élément fondamental de l’entrée dans ce cycle de luttes, en subsomption réelle, et enjeu théorique, enjeu de connaissance critique, dans la critique du démocratisme radical, des luttes contre-révolutionnaires voulant faire rentrer le prolétariat dans les rangs du salariat (syndicalisme, revenu minimum universel, etc.).
Patlotch
* Je n’ai jamais cherché le prolétariat, je vous pose la question à vous qui affirmez que celui-ci est encore le sujet de la révolution qui se vit dans la contradiction qui mènera au processus de communisation. Mais encore faut-il qu’il existe une classe unitaire révolutionnaire ? Cette classe existe-t-elle toujours potentiellement unitairement ?
Affirmer et théoriser la dissémination du prolétariat ne consiste pas à dire que les travailleurs et les travailleuses sont disparus mais plutôt qu’ils sont porteurs de forces et d’intérêts divergents et que cette force révolutionnaire qu’a pu être le prolétariat n’existe que de moins en moins, voire plus du tout comme sujet révolutionnaire avec ce que cela comprend d’unité.
Calvaire
* D’un côté, Calvaire ne nie pas les antagonismes de classes mais de l’autre, les classes ne définissent plus le dépassement de la contradiction. Bref, à quoi servent les classes dans la théorie de la révolution pour Calvaire ?
Premièrement, le prolétariat est un sujet du capital parce que le capital est objectivité du prolétariat ou pour être plus simple, le prolétariat n’existe que par et pour le capital. De plus, de par ses propres prémices, le capital est à la fois division du travail, atomisation de la population comme société civile, diversités des intérêts privées, etc., d’où l’éclatement du prolétariat en une multitude de catégories sociales : sans-emploi, étudiant, syndiqué, minorité ethnique, etc. Donc, de par sa situation dans le procès d’exploitation, le prolétariat ou la classe des prolétaires est contraint de lutter sur le terrain du capital, ce qui définit sa fameuse dissémination. Et c’est aussi ce qui explique que l’unité du prolétariat est contenue dans son abolition, c’est-à-dire une fausse question préalable à la révolution.
De deux, cette unité tant recherchée par Calvaire n’a existé que pendant le cycle de lutte qui caractérisa la monté en puissance du prolétariat comme adversaire reconnu par le capital. En d’autres mots, tant et aussi longtemps que le procès de production déterminait cette reconnaissance dans le rapport de classe, l’unité du prolétariat avait un sens mais uniquement au travers les formes politiques et économiques de son affirmation à l’intérieur du capital : soit les syndicats et les partis ouvriers. Maintenant que cette reconnaissance - la fameuse identité de classe - fut le point central de la défaite ouvrière des années 60-70, il est donc devenu inutile de s’y rapporter pour définir en quoi le prolétariat est contraint de faire la révolution.
Et enfin, le procès d’exploitation capitaliste de par la dynamique de sa contradiction - la baisse tendancielle du taux de profit - est contraint de dévaluer sans cesse la force de travail afin de valoriser le capital. Cette dévaluation est le contenu de l’inessentialisation jamais achevée du travail vivant, en l’occurrence le prolétariat. Donc, de par sa situation dans le procès comme classe du capital, le prolétariat est contraint d’abolir le capital en tant qu’il lutte contre son inessentialisation. Finalement, la contradiction, de par sa dynamique qui implique et oppose réciproquement les classes, produit son dépassement non comme une volonté générale préalablement concertée dans une unité de classe et consciente de ses intérêts mais plutôt comme abolition des conditions présentes dans une diversité de relations immédiates dont le point commun est la négation du prolétariat par lui-même dans l’abolition du capital.
Amer Simpson
* L’unification du prolétariat, tu peux la voir en tant de crise (SAQ, Vidéotron, la Noranda, pour ne nommer que quelques-unes des grèves ayant secoué le Québec dernièrement). Si l’unification n’éclate pas au niveau de la classe en tant que classe unitaire, c’est qu’il y a tout un tas de dispositifs sociaux pour la maintenir éclatée (ou disséminée pour utiliser tes termes). Lorsque les syndicats évitent le front commun en lui préférant le maraudage, on ne peut alors attendre du prolétariat que la dissidence au sein de son regroupement. Les syndicats (et autres animations sociales- au sens de gestionnaire de la contestation) maintiennent le prolétariat dans cette atomisation par la menace d’exclusion, de sanction, et plus encore vis-à-vis sa propre dissidence. Pourtant, et malgré tout, une conscience classiste se dessine quand même lorsqu’il y a solidarité entre un prolétaire « laissé seul » dans sa grève, et un autre qui refuse de franchir les lignes de piquetage de ce premier. Bien sûr, l’unité reste à être gagner au sens le plus large... Et c’est à partir de ce moment, lorsqu’une large majorité de la classe rejette les structures qui la maintiennent divisée et se trouve unifiée dans sa propre lutte, qu’un saut qualitatif entre conscience de classe et conscience [en devenir] révolutionnaire se formalise. Cependant, et actuellement, le prolétariat n’est pas nécessairement tout uni : il est à unifier- ou plutôt il reste à nous unifier. Tu ne trouveras pas le prolétariat fin prêt pour la révolution, ici-maintenant (...).
Windigo
* Je vois plus là-dedans des luttes sectorielles réformistes et corporatistes même micro-corporatistes avec quelques actions plus musclées c’est tout. Que défendaient-elles ces luttes d’ailleurs ? (...)
Il peut y avoir une certaine solidarité entre travailleurs mais encore le prolétariat c’était une classe qui existait dans une certaine similitude de conditions et dont l’existence était à ce point exploitée, méprisée et niée qu’elle pouvait prendre conscience de l’importance de la révolution : Nous ne sommes rien Soyons tout. Alors qu’elle est devenue citoyenne de l’Empire et grande consommatrice de biens et de spectacles.
Calvaire
* Bien sûr que ce sont des luttes sectorielles et réformiste ; il n’y a aucun doute à ce sujet. Ce qu’elles défendaient ces luttes ? L’intérêt immédiat- corporatiste- des salariés, rien d’autre. Historiquement, le premier moment de la conscience prolétaire (en général et non en particulier) a toujours été, donc, la conscience de classe. Voilà près de cent cinquante ans, les luttes sectorielles existaient : la lutte pour les huit heures, le salaire, étaient tout autant des luttes réformistes qu’aujourd’hui. Il n’y avait pas plus de conscience révolutionnaire injectée dans la nature du prolétariat qu’il n’y en a à présent. Seulement, les conditions historiques étant tout autres, la conscience révolutionnaire émergea autrement (je suis tenté de dire « plus aisément » puisque depuis cette époque, les dispositifs de contrôle sociaux ont abondé sous diverses formes et se sont même radicalement intégrés à la culture). Bref, le prolétariat a eu ses moments de gloire révolutionnaire avec ce qu’on connaît aujourd’hui. Cependant, le prolétariat est toujours présent, il n’est pas « moins » que ce qu’il était. Je sais, tu dis ne pas affirmer que celui-ci n’existe pas mais bien qu’il s’est disséminé et intégré à l’appareil capitaliste. Bien entendu qu’il est plus disséminé et intégré que jamais- que la forme du prolétariat a changé- sinon l’histoire n’aurait pas évolué d’un iota. La forme ayant changé, le prolétariat garde la même nature, qui est une nature fondamentalement antagonique, en contradiction invariante avec la nature du capital. Le fait que la classe prolétarienne soit, comme tu dis, devenue une « grande consommatrice de biens et spectacles » ne change rien au fait que c’est au sein de cette classe que l’intérêt contradictoire se manifeste toujours ; que c’est dans cette classe qu’on arrive à trouver les luttes les plus combatives et affirmatives (même si ces luttes n’ont ponctuellement rien de révolutionnaires mais laisse présager- dans la quantité de luttes- un saut qualitatif). C’est donc à l’intérieur de cette classe que cette affirmation devient « l’eau qui bout », c’est-à-dire l’exhalaison prolétarienne, la sublimation prolétarienne, dans laquelle la nature passe d’un état quelconque à un état autrement supérieur selon ce que les conditions historiques nécessitent.
Windigo
* Ce prolétariat qui pourrait être un pôle de contradiction révolutionnaire s’exprime en tant que telle quand et comment ? Le premier moment ici et ailleurs dans le monde occidental en reste toujours le premier moment sectoriel, corporatiste et intégrateur peut-être parce que le prolétariat n’existe plus comme « un » sujet révolutionnaire et que dans ce cadre les partis communistes révolutionnaires et autres révolutionnaires lutte-de-classistes, ou técéistes, ou... n’existent qu’en tant que survivance de quelque chose de dépasser...
Calvaire
* Je pense qu’en effet le dit prolétariat n’a jamais été unifié véritablement, qu’il est lui-même traversé par des conflits, des identités, des conditions et des formes diverses... Que le prolétariat uni ne fut qu’un rêve jamais actualisé et réalisable... Que seule la communisation pourrait réaliser les conditions d’une convergence révolutionnaire des multitudes. Le post-marxisme est dans ce cadre l’ouverture du cadre du matérialisme historique à l’analyse et à la contestation révolutionnaire de la diversité des conditions et des formes de la domination.
Calvaire
* Sans un mouvement qui s’auto-organise, qui s’enracine dans différentes luttes (malgré leurs limites qu’il nous faut critiquer certainement), qui produit sa propre théorie mais aussi ses propres pratiques, comment penser le possible avènement de la révolution comme production du communisme ? Est-ce en théorisant dans nos salons et puis sur la scène publique (pour sortir de la clandestinité) que la révolution se produira ?
Calvaire
Existence du prolétariat comme classe révolutionnaire et « éclatement des formes de luttes »
* Antipatriarcat, anticapitalisme, communisme, écologisme, luttes contre les États, contre le nationalisme, contre le racisme, contre l’hétérosexisme... s’articulent aussi d’une manière autonome mais imbriquées comme luttes générales et potentiellement révolutionnaires contre l’ensemble des formes de domination, d’exploitation, de détermination...
Marx apparaît comme celui qui a véritablement réalisé la critique révolutionnaire du capitalisme mais qui a laissé en chemin la critique théorique et en actes des autres formes de domination. (...) La postmodernité est cette époque de relatif éclatement des formes de domination et des formes de luttes, contre laquelle, tout révolutionnaire doit s’élever pour reconduire l’idéal théorique et en actes de la révolution comme synthèse de l’émancipation et comme communisation.
Calvaire
* Quant à la dissémination des formes de domination, ne sont-elles pas ordonnées au maintien du dispositif central de la modernité, à savoir le salariat, qui constituerait donc le mode de domination spécifique de la modernité, eu égard auquel tous les autres ne seraient vivifiés et arrangés qu’à la fin de son maintien (sexisme, racisme, intolérance religieuse, etc.) ? Les luttes dans leur dissémination même attestent la destruction de toute identité assimilable à l’intérieur du cadre de la société capitaliste : fini donc le prolétariat, comme la classe ouvrière, le salariat, les travailleurs et tout ce qu’on voudra dans cet ordre. C’est pourquoi elles sont le communisme en acte, mais sans la force de son hégémonisation, qui ne peut provenir que de leur concaténation, ou coordination. Tandis que toutes les représentations passées de la classe des travailleurs (de la social-démocratie à l’extrême-gauche) n’ont jamais visé qu’à la reconnaissance, la légalisation de la classe, comme dit Edelman.
Jef
* Marx ne se soucie pas de faire la critique des formes de domination non-capitalistes, parce que le capital lui-même se charge de le faire ! cf. le seul Manifeste. L’éclatement dont tu (Calvaire) parles est apparent seulement. Le capital dissout la pérennité des attaches traditionnelles (les décode, disaient Deleuze-Guattari) ou, mieux, les lève, pour pouvoir s’en jouer à son gré (recoder) lorsque le besoin s’en fait sentir, c’est-à-dire quand le ressort de son procès est mis à nu par les forces susceptibles dès lors de le faire sauter : la seule domination est celle de la valeur, ou travail abstrait (travail-monnaie). ex : le sexisme : il n’y a plus d’adhésion naïve au sexisme qui ne soit de mauvaise foi, et la mauvaise foi est la méthode coué négative, la lâcheté auto-castratrice. Dans les périodes de forte croissance, les femmes sont promues à l’égalité avec les hommes, tout au moins accèdent au marché de la force de travail, dans les périodes de récession, il s’agit de renvoyer toute cette armée de réserve au foyer, c’est-à-dire de jouer la division hommes-femmes et de promouvoir toute une culture de culpabilisation de la femme qui prétendrait s’émanciper de son métier de mère, d’épouse et tout le tremblement. Les re-codages actuels ne sont que les cache-sexe produits directement par le capital et la peur qu’il inspire, tendant non pas à dissimuler mais à faire oublier (période de réaction oblige) qu’il n’y va plus que d’une seule affaire : la valorisation de la valeur, si possible le plus fétichiste possible (dominance du A-A’ dans le cycle APM) : revivification des rapports non-capitalistes à l’intérieur de ceux-ci et aux seules fins de leur consolidation par leur escamotage. Retour des rapports abstraits plus fétichisme de la marchandise porté à son comble, telle me semble être la combinaison gagnante de cette fin de tout monde.
Jef
* La foi que la seule forme de domination centrale est celle du capitalisme me semble négliger abondamment le fait que le marxisme historique (de fait surtout le marxisme-léninisme peu importe ses formes) qui défendait cette thèse, s’est noyé (avec des degrés différents) dans la continuité du patriarcat, la destruction techno-industrielle des formes de vie, la continuité de l’étatisme, le nationalisme, l’hétérosexisme, le racisme... et qu’il a suscité la réaction que fut la nouvelle gauche, l’éclatement des luttes (écologistes, féministes, gaies et lesbiennes, antiracistes...) et que cet éclatement fut un des moteurs du morcellement postmoderne de la contestation et de la perte de la théorie et du mouvement unificateurs que sont le mouvement et la théorie révolutionnaires. Ce que je cherche en conséquence, c’est de repenser ce mouvement et cette théorie comme mouvement général contre toutes les formes de domination et compréhension de la relative autonomie de ces formes et des luttes forcément qui s’y opposent. Plutôt que de continuer l’orthodoxie marxiste en négligeant tout ce qui n’est pas la critique, en actes ou non, du capitalisme.
Calvaire
* Le capital se fout des races, des sexes, des religions. mais s’il les a perpétués, en réalité bien plutôt recréés, aggravés, c’est qu’il a trouvé à sa disposition toute une série de ressorts susceptibles de faire s’étriper entre soi la chair à canon de valeur. C’est pourquoi l’unification dont tu parles est capitale : celle des vélocyclistes, des ornithophiles, des homos, mais aussi des noirs états-uniens, des paysans sans terre du Brésil et des femmes battues en Europe et en islam ; mais tant que cette unification n’aura pas lieu sur la base de la guerre au capital, qui produit l’ensemble des conditions d’insupportabilité de la vie sous toutes ses formes, à savoir la guerre généralisée, toutes ces luttes seront au mieux l’appoint d’arrivistes en quête de strapontins gouvernementaux chargés de les relayer sans rien toucher aux conditions qui les produisent.
Jef
* Camarade , tu est tombé dans le négrisme le plus total ! (l’auteur de ce mail s’adresse à Calvaire). En effet, il n’existe plus de sujet révolutionnaire conscient de lui-même mais ce n’est pas pour ça qu’il n’existe plus d’OBJET révolutionnaire. Ta théorie (qui est la même que Négri), mettant la subjectivité comme facteur central, n’est ni « post »-marxiste ni (encore moins) matérialiste. Un des plus grands apports de Marx (un des seuls d’ailleurs) est la méthode d’analyse en conditions objectives et conditions subjectives.
Force est de constater que les conditions subjectives (perceptions unitaires et commune du monde,etc...) ont bien changées . Mais ce n’est parce que la perception du monde a changé que celui-ci a changé . Tout au plus le système capitaliste a évolué (en suivant d’ailleurs dans les grandes lignes ce que Marx avait plus ou moins démontré : destruction de la force de travail, baisse du taux de profit, etc.) . Pour ce qui est de la création de valeur par les activités « immatérielles » excuse-moi mais c’est une grosse connerie ; l’extension de la marchandisation de tout comportement humain et l’extension mondiale du capitalisme n’est que la tentative de résister à la crise d’un système non-viable ... et là on reste toujours dans ce que Marx avait démontré.
Comme le dit Tiqqun, on est passé du moment économique du capitalisme à un moment politique du capitalisme. C’est-à-dire que toute l’organisation sociale revisitée par les cybernéticiens a pour but de maintenir politiquement le système face à son impossibilité économique. C’est dans ce sens, je crois, qu’il faut comprendre le développement de l’économie immatérielle. Ce que tu appelles « disséminations » est , à mon avis (mais aussi à celui des situs, et post-situs), une stratégie politique de destruction des conditions subjectives du communisme .
Ca a d’ailleurs si bien marché que même les « penseurs » de gauche radicale (comme Négri ou toi apparemment) claironnent la fin du prolétariat et donc des contradictions objectives pour mettre en avant la subjectivité. Le processus de communisation est à l’inverse de toute ces thèses, le processus qui visent à l’abolition du prolétariat en tant que catégorie OBJECTIVE et non en tant que catégorie SUBJECTIVE. C’est le processus qui met fin au régime de séparation généralisé qui organise la société capitaliste post-moderne .
Leckert
* Cette classe unitaire-sujet révolutionnaire qu’on appelait le prolétariat, fruit de l’imaginaire théorique de Marx et des autres, me semble morte et enterrée depuis déjà un certain temps.
Calvaire
* Je crois que le centre du problème dont cette théorie souffre (les positions de Calvaire, nda), et dont toutes les variantes post-modernes sont pitoyablement affligées, est la classification du capitalisme comme une forme d’oppression alors que le trait fondamental du capitalisme est plutôt l’exploitation.
C’est avec la richesse issue de l’exploitation et centralisée dans les mains de quelques-uns que le système d’oppression et d’exploitation est construit. Là réside la base matérielle la plus solide de n’importe quelle théorie révolutionnaire : pas de pouvoir sans contrôle des ressources par les gens au pouvoir. Si la bourgeoisie peut se payer la police, les prisons, les tribunaux, l’armée, les médias et toutes les autres institutions de répression et de contrôle social, c’est uniquement grâce aux richesses immenses qu’elle vole quotidiennement aux travailleurs et aux travailleuses du monde entier. Dans ce vol réside tout le pouvoir de l’ennemi.
En ce sens, vouloir « un matérialisme historique de la complexité, pluraliste, qui ne centralise pas son analyse autour des seules contradictions socio-économiques (...) » exige de démontrer que le contrôle des ressources et des richesses n’est pas l’élément central de tout pouvoir. En l’absence de cette démonstration pour l’instant, force m’est de constater que puisque les travailleurs produisent toute la richesse et qu’ils ne la contrôlent pas toute, ils sont collectivement l’objet de l’exploitation capitaliste. D’où mon accord avec Leckert pour constater qu’il existe effectivement un groupe social - une classe - qui est un objet révolutionnaire, puisqu’il peut par une action communiste priver les oppresseurs et les exploiteurs de leurs ressources et de leurs richesses.
Ayant posé que le prolétariat existe comme objet - donc tout ce qu’il y a de plus matériellement -, examinons maintenant sur quelles bases se situe la prétendue « refondation » du matérialisme historique que l’auteur semble avoir à coeur.
Constatons d’emblée que ce que l’auteur nomme « la constellation post-moderne des déterminations » ressemble plutôt à un fourre-tout revendicateur néo-gauchiste qu’à une conception cohérente des phénomènes sociaux. On y trouve pêle-mêle l’étatisme (une idéologie), la gestion impériale (une technique de pouvoir), le capitalisme et le patriarcat (deux formes d’exploitation) sans que ne soient expliqué comment et pourquoi « ces formes de dominations » constituent « une pluralité relativement autonome mais aussi relativement unitaire ».
Fait encore plus intriguant, l’État est déconstruit en deux concepts : « l’étatisme », donc en définitive une idéologie, et « la gestion impériale et généralisée des modes et formes de vie », donc une pure et simple technique de pouvoir. On est en droit de se demander où se trouve le matérialisme dans cette conception de l’État ? On pourrait croire qu’elle est entre parenthèses (« ...de la famille et de l’école à l’entreprise, de la psychiatrie à la prison,... »), mais même cette énumération agglutine des institutions matérielles (la prison) avec des idées (le racisme) et des phénomènes sociaux (écocide).
Avec une telle confusion sémantique, pas surprenant qu’on ne soit pas capable de définir les forces sociales en présence autrement que comme une « constellation » de « pluralités » « autonomes » et « unitaires ». Ou que l’auteur s’autorise à qualifier de « radicale » la « généralisation des militantismes particuliers » sans se demander si ces particularismes ne sont pas justement ce qui fait que la vague de contestation actuelle n’a rien de radicale. Rien de radical parce qu’on ne peut pas poser le problème de la révolution mondiale sans unifier les forces qui s’opposent matériellement à la société.
La seule force matérielle connue capable d’unifier toutes les oppositions, l’auteur l’analyse commes’il était un publicitaire éperdu de « market segmentation » qui croule sous les différentes catégorisations identitaires dont les sondeurs électoraux se font une joie d’analyser le comportement dans l’isoloir. Ainsi, le prolétariat ne serait plus qu’une successions de « couches diversifiées à l’infini ou presque d’individus aux conditions et identités diverses, aux formes de travail diverses ou de sans emplois ».
D’un côté, nous l’avons vu, on défini l’ennemi comme un ensemble de forces autonomes mais unitaires, sans expliquer où réside ni leur unité ni leur autonomie. Sans expliquer les liens que ces forces entretiennent entre elles. Sans expliquer leur provenance historique. Sans expliquer que ces forces ennemies ont, elles, ce programme honni qu’elle suivent partout dans le monde.
D’un autre côté, on fait disparaître le prolétariat sous la baguette magique de la diversité alors que partout au monde lesconditions de travail et de vie se nivellent par le bas. Alors que partout au monde les « classes moyennes » disparaissent, les écarts de richesses se creusent, le salariat se généralise. Alors que le prolétariat, plutôt que de disparaître comme l’affirment certains, a plutôt tendance à se généraliser, alors que de plus en plus de couches sociales peu identifiées au mouvement ouvrier ont subi une prolétarisation accélérée. Les employés, le secteur des services, les enseignants, les travailleuses et travailleurs du secteur de la santé voient de plus en plus leur condition s’approcher de la condition ouvrière, au point où ces couches sociales vivent aujourd’hui dans les mêmes conditions générales que les couches ouvrières.
Privé de conscience révolutionnaire, le prolétariat est constamment tenté par des dérives identitaires, nationales et raciales, qui paraissent pouvoir lui fournir des garanties de sécurité et de stabilité. Tant que ne renaîtra pas une conscience de classe forte, une compréhension globale de ce qui unit nécessairement les travailleurs entre eux, le prolétariat sera tenté par une fermeture et une division identitaire, malgré les forces matérielles qui de plus en plus nivellent sa condition.
C’est là le danger de cette pseudo-théorie que des intellectuels de droite ont répandu dans les universités et qui est tellement vide de substance qu’elle est même incapable de se nommer sans faire référence à ce à quoi elle réagit. Post-moderne, post-gauchiste, post-marxiste, autant d’appellation pour « ces moutons qui se prennent et qu’on prend pour des loups ». (Marx, préface de l’Idéologie Allemande)
Marx en liberté
* Le capitalisme est effectivement un système central d’accaparement et d’exploitation de la vie en général. Mais est-il le seul mode de domination ?
L’étatisme n’est pas dans le cadre de cette théorie une simple idéologie mais un mode de contrôle, d’accaparement, de domination, d’exploitation, par l’État, sa gouvernance et ses classes dirigeantes. « La gestion impériale et généralisée des modes et formes de vie » n’est pas seulement une technique de pouvoir mais un ensemble pluriel mais relativement autonome dans ses sphères (ceux qui en contrôlent, qui y travaillent et assurent la pérennité des institutions ne sont pas les mêmes et n’instituent pas les mêmes modalités de pouvoir et ne vaquent pas nécessairement aux mêmes intérêts : pouvoir des humainEs sur l’écologie des autres formes de vie, pouvoir sur l’instruction, pouvoir sur les malades, pouvoir sur les dits délinquants, pouvoir sur les dits fous...). Le racisme n’est pas non plus une simple idéologie. Il est le concret de l’oppression de catégories de personnes basée sur la catégorisation et la gestion / domination d’un groupe identitaire dominant de même que pour le sexisme, une partie du nationalisme... Et il y aurait encore tant à dire... Et certainement le capitalisme s’est construit en englobant une partie des autres formes de domination, en en profitant, mais la simple abolition du capitalisme à mon avis ne peut être l’abolition de toutes les formes de domination. L’Union Soviétique en est un des plus beaux exemples qui ont aboli le capitalisme comme système d’exploitation d’entreprises et d’intérêts privés (conception qui était limitée j’en conviens) pour faire perdurer un enfer de tendance totalitaire marqué par une pluralité organique mais également autonome de formes de domination.
Je n’ai pas dit non plus que le mouvement révolutionnaire est la « généralisation des militantismes particuliers ». Mais qu’il n’existe aujourd’hui, et j’ai dit ailleurs que cela va contre le mouvement révolutionnaire, qu’une « généralisation des militantismes particuliers ». Ces militantismes posent des questions parfois radicales contre les modes de domination mais ont leur limite dans la dissémination et dans leur impuissance à détruire ces formes. Seul le communisme des formes de vie et des individus pourra détruire l’univers de la domination, le communisme comme abolition de toutes les formes de domination et de toutes les séparations hiérarchiques. Et le mouvement social de la communisation ne pourra s’unir parce que pluriel que dans la lutte révolutionnaire contre toutes les formes de domination.
Effectivement, le qualificatif de néogauchiste me va bien. Car les gauchistes sont ceux qui de tout temps comme disait l’un des plus célèbres gauchistes (avant qu’il ne sombre dans le réformisme écologiste) sont ceux qui se sont opposés à toutes les formes de centralisation, d’exploitation et de domination. Mais le gauchisme a vue sa limite comme dissémination des formes de luttes en luttes parcellaires : la nouvelle gauche. Ma critique est aussi une tentative de compréhension et de dépassement de ce gauchisme en reprenant ces acquis. (...)Mais disons simplement comme exemple pour l’instant que le patriarcat n’est pas la même chose que le capitalisme, qu’il a une existence propre, une relative autonomie, mais qu’il est unitaire avec le capitalisme dans la concrétisation historique du monde de la domination dans lequel nous vivons aujourd’hui. Ils sont imbriqués l’un dans l’autre. Un constat semblable est la base d’un discours qui dit, comme celui que je tiens, qu’il existe une pluralité unitaire mais aussi relativement autonome de formes de domination. C’est aussi la base d’un travail généalogique des formes de pouvoir qui habitaient des pensées comme celles attribuées à Nietzsche, à Michel Foucault et à bien d’autres, mais repris dans le contexte d’une théorie de la communisation.
Calvaire
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