La grève des chemins de fer Pullman en 1894 - Howard Zinn

Howard Zinn à propos de la lutte militante par les travailleuses dans l’entreprise des chemins de fer Pullman ainsi quelques jours après, contre une baisse des salaires, le fait que des employées se fassent virer, pendant laquelle 30 personnes ont été tuées dans une répression violente, par plus de 14 000 membres de la police, miliciens et soldats.

Submitted by Rafaelle on May 9, 2020

Deux années après la grève “Homestead Steel Strike », en mai 1894, les travailleuses de l’entreprise Pullman Palace Car sont entrées en grève. Le quidam lambda peut avoir une idée du support reçu principalement des récits dans les données directes des voisinages de Chicago dans les premiers mois de la grève, d’après une liste des contributions, qui ont été rassemblées par le révérend William H. Carwardine, un Pasteur méthodiste de la ville de l’entreprise pendant trois ans (il avait été renvoyé après avoir apporté son soutien aux grévistes).

Typographical Union #16, Painters and Decorators Union #147, Carpenters’ Union No. 23, Thirty-fourth Ward Republican Club, Grand Crossing Police, Hyde Park Water Department, Picnic at Gardener’s Park, Milk Dealers' Union, Hyde Park Liquor Dealers, Fourteenth Precinct Police Station, Swedish Concert, Chicago Fire Department, German Singing Society, Cheque from Anaconda, Montana

Les grévistes de chez Pullman ont lancé un appel à une convention par le syndicat du rail American Railway Union pour avoir de l’aide.
Monsieur le Président et les frères du syndicat American Railway Union : notre lutte à Pullman a commencé car nous étions sans espoir. 20 000 âmes, des hommes, des femmes, des personnes plus petites, ont leurs yeux tournés vers cette convention qui se tient aujourd’hui, nous efforçant de sortir d’un grand découragement, de voir une lueur dans le paysage, qui serait amenée par le message que vous seul pouvez nous apporter sur terre.
Vous devez savoir que notre grève a commencé du fait que deux de nos collègues du comité de doléances ont été virés. Il y a également eu cinq réductions de salaires. La dernière a été la plus grande ; elle se montre à presque 30 %, sans la moindre baisse pour les loyers.
L’eau, que l’entreprise achète à la ville pour seulement huit centimes les 1000 gallons nous est revendu avec une différence de 500 %… Le gaz, qui est vendu à 75 centimes pour une quantité de 1000 pieds à Hyde Park, juste au nord, nous est revendu au tarif de 2,25 dollars. Quand nous sommes allés lui dire cela, il a répondu que nous sommes « ses enfants ».
Pullman, l’homme comme la ville, et un ulcère sur le corps politique, les maisons lui appartiennent, les écoles, les églises de Dieu dans la ville, à laquelle il a donné son humble nom.
D’où notre sainte guerre – la danse des squelettes, qui prennent leur bain dans les larmes humaines – qui continue. Mes frères, elle va continuer éternellement, à moins que vous, American Railway Union, y mettiez fin, détruisiez cela.
Le syndicat American Railway Union a alors répondu, demandant à ses membresses dans tout le pays, de ne pas emprunter les wagons affrétés par Pullman. Comme, de manière virtuelle, tous les wagons des trains transportant des passagères étaient des wagons Pullman, cela est donc revenu à un boycott de tous les trains – une grève nationale. Bientôt, tout le trafic sur les 24 lignes qui partaient de Chicago a été bloqué. Les travailleuses débrayaient les trains de marchandises, bloquaient les voies, faisaient décendre les conductrices des trains quand ces dernières refusaient de coopérer. La General Managers Association, qui représentait les propriétaires de l’entreprise, a accepté de financer 2000 agents de police, qui ont été envoyés pour mettre fin à la grève. Mais la grève a continué. L’avocat général pour les États-Unis, Monsieur Richard Olney, un ancien avocat des chemins de fer a émis une injonction de tribunal contre le fait de bloquer des trains, en s’appuyant sur le fait législatif que le courrier fédéral en subissait une interférence. Quand les grévistes ont ignoré l’injonction, le président Cleveland a donné l’ordre aux troupes fédérales d’aller à Chicago. Le 6 juillet, des centaines de wagons ont été brûlés par les grévistes, le jour suivant, la milice d’État est arrivée, et le journal du Chicago Times a rapporté ceci :
« Hier dans l’après-midi, le second régiment de la compagnie C … a calmé un groupe d’émeutières, au croisement de la 49e rue et de la rue Loomis, la police amenant son aide… et finissant le travail. La foule ayant emporté un grand nombre de corps de blessés ou morts, il n’y a aucun moyen de savoir le nombre de personnes qui ont été tuées ou blessées.
Une foule de 5000 personnes s’était rassemblée. Des roches ont été lancées sur la milice, et le commandement a été donné de faire feu. Dire que la foule est devenue folle serait léger.… L’ordre de charger a été donné… et c’est seulement à ce moment-là que les baïonnettes ont été utilisées.… Du côté des émeutières, une dizaine de personnes en première ligne ont été blessées par les baïonnettes. Détruisant des quincailleries, la foule a fait une charge déterminante… Le mot a été passé dans les lignes de la police, de prendre soin de l’officier en charge de chaque régiment. Comme l’occasion le demandait, la demande a été formulée de tirer à bout portant dans la foule. Puis la police a continué en les tabassant à la matraque. Une barrière au fil de fer faisait le tour. Les émeutières avaient oublié ce détail. Quand elles se sont retournées pour fuir, elles ont remarqué être prises au piège.
La police n’a montré aucune pitié. La foule a été acculée contre les fils de fer barbelés et la foule a été battue à grands coups de crosses sans montrer la moindre pitié.… À l’extérieur de la barrière, la foule est arrivée pour porter secours aux émeutières… Une pluie de pierres s’est abattue.
Sur les lieux de la bagarre, tout ressemblait à un champ de bataille. Les personnes qui avaient été abattues par les troupes et par la police était par terre, telles des souches. Dans Chicago ce jour-là, 13 personnes ont été tuées, 53 avaient été blessées de manière sérieuse, il y avait eu 700 arrestations. Avant la fin de la grève, il y avait eu 34 mortes. Avec 14 000 policiers, milice, troupes diverses et variées, la grève venait d’être détruite.
Le meneur syndicaliste Eugène Debbs avait été arrêté pour mépris de la cour, pour violation d’une injonction qui disait qu’il ne pouvait ni dire ni faire quoi que ce soit pour continuer la grève. Il avait répondu : « il me semble que s’il n’y avait aucune résistance contre les conditions dégradantes, notre civilisation entière courrait à sa perte. Après un certain moment, nous atteindrions le point où aucune résistance ne serait possible, et l’esclavage arriverait. »
Au tribunal, Debs avait nié être socialiste, mais pendant les six mois qu’il avait passés en prison, il avait étudié le socialisme, avait discuté avec des codétenus qui étaient socialistes. Plus tard, il avait écrit : « j’ai été baptisée en tant que socialiste au plus fort du conflit… Quand toutes les baïonnettes scintillaient au bout de tous les fusils, la nullité class a été visible au grand jour.… Cela a été ma première lutte socialiste. » Deux années plus tard, il était sorti de prison, et Debs a alors écrit au Railway Times.
« Dans la problématique du socialisme contre le capitalisme, je me suis nourri, je me place du côté du socialisme car je suis en faveur de l’humanité. Le règne de l’or nous a maudit pendant suffisamment longtemps. L’argent ne constitue aucune base claire pour aucune civilisation. Le temps est venu de régénérer la société – nous sommes au commencement d’un changement universel.

Cet article a été pris de l’excellent livre « une histoire populaire des États-Unis » dont l’équipe de working class history recommande chaleureusement l’acquisition sans plus attendre

Posté par Steven le 10 septembre 2006, traduction par Rafaelle Bisbarre.

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