La grève du bureau de poste de Luxemourg

La Grève

La grève générale contre la conscription dans l’armée dans le Luxembourg occupé par l’Allemagne nazie en 1942.
Voilà un compte rendu au sujet de la grève au bureau de poste général de Luxembourg (pays du Luxembourg) en 1942, écrit par le fils de l’un des participants, et utilisant les feuilles de mémoire de son père.
Compte-rendu par George Kieffert, né en 1950, et fils de Michael Kieffer, un technicien du département de téléphonie du bureau de poste de Luxembourg qui, avec sa femme, a été membre de la résistance au nazisme pendant la seconde guerre mondiale.

Submitted by Rafaelle on August 30, 2019

Prélude
Pendant le tumulte et la confusion qui avait reigné pendant la nuit du 9 au 10 mai 1940, quand les forces de l’Allemagne nazie ont traversé les frontières belge, hollandaise, luxembourgeoise, il y avait peu de temps pour avoir une pensée pour le Grand-Duché, pour la deuxième fois en 100 ans, il était envahi par l’Allemagne.
Le Luxembourg (un pays de la taille du Dorset (région anglaise) n’avait pas d’armée prête à l’action, et avait une politique de neutralité non-violente et stricte. La petite résistance, par une poignée de policiers et autres officiers tenant la frontière, essayant de faire obstacle à l’armée allemande avait été rapidement écartée d’une main leste par la Wehrmacht allemande.

Il était vrai que, le 9 mai 1940, le gouvernement allemand avait essayé d’encourager la famille royale luxembourgeoise, ainsi que le gouvernement, à rester derrière, annonçant :

Pour ce qui est du gouvernement du Reich, il assure le gouvernement du Grand-Duché luxembourgeois que l’Allemagne n’a pas l’intention de mettre en péril l’intégrité et l’indépendance politique du Grand-Duché par ses actions. Que ce soit maintenant, ou par le futur.
La Grande duchesse Charlotte, avec sa famille, était déterminée à ne pas rester dans un pays sous contrôle nazi. Mon père avait fait partie de l’équipe des télécommunications qui avait installé la hotline, une ligne directe depuis la frontière entre le Luxembourg et l’Allemagne jusqu’au palais du Grand-duché, quelque chose comme 25 km plus loin. Cela avait permis à la famille royale d’être prévenue de l’invasion avant tout le monde. A huit heures du matin le 10 mai, la grande duchesse et le gouvernement avaient traversé la frontière française à Rodange, la partie la plus au sud-ouest du pays. A ce moment, les tanks allemands approchaient, le reste du pays était déjà occupé. Elle venait de débuter un voyage qui devrait l’amener jusqu’en France, puis en Angleterre, avant de l’emmener potentiellement au Canada. Arrivant au palais du Grand-duché, les troupes allemandes l’avaient trouvé vide et avaient considéré cela comme étant le premier acte hostile de ce petit pays.
Le grand Reich avait toujours considéré le Luxembourg comme faisant partie du grand Reich allemand. La population parlait en dialecte allemand, qui n’était pas si différent du Hunstrück, à l’est de la Moselle et apprenait l’allemand dès la première année de l’école primaire. Ainsi, il n’était pas excessivement surprenant que les allemandes voient les luxembourgeoises comme étant leurs cousines ou que les troupes de l’occupation allemande soient surprises d’être accueillies par une population des plus hostiles. Alors que l’armée se retirait, étant remplacée par une administration civile, les officières mises en garde que, derrière eux, une bande de criminels allait arriver. Ce groupe était mené par la bande de Gauleiter Gustav Simon, un professeur ayant totalement raté sa carrière. Le Grand duché à été annexé par la région Gau-Moselland, ce qui comprenait les villes romaines de Trier et de Coblentz.
Mené par le Volksdeutsche Bewegung (le mouvement du peuple allemand), la panoplie entière du parti nazi et des organismes alliés se sont rapidement implantés, voulant incorporer le Luxembourg au Reich allemand. À tous les niveaux de l’administration, les positions responsables revenaient à l’Allemagne et, très rapidement, le parti nazi à assumé le contrôle de tous les aspects de la vie sociale et familiale.
Un plébiscite était annoncé pour le référendum du 10 octobre 1941, et parmi les questions habituelles sur le statut marital, le groupe du Gauleiter avait ajouté deux questions sur la nationalité et la langue maternelle. Il était clairement indiqué que la réponse « Letzeburgesch » à chacune des deux dernières questions était prohibée, comme le Luxembourgeois n’était ni une langue ni une nationalité. Il faut donc imaginer la colère du groupe Gauleiter quand il s’est rendu compte, la veille de l’annonce des résultats, que 97 % des personnes avaient répondu « Letzeburgesh » à chacune des deux questions.
C’est dans ce contexte que la prochaine étape vers une intégration devait être franchie. Le dimanche 30 août 1942, dans le Hall des exhibitions du Luxembourg, Simon Gauleiter avait proclamé un décret annonçant que tous les jeunes hommes du Luxembourg nés entre 1920 et 1924 devaient aller servir dans la Wehrmacht ou dans la Waffen-SS. Tout cela sous les acclamations des supportrices, ainsi que sous les acclamations d’une foule de l’autre côté de la frontière allemande.
Elles n’avaient pas entendu parler des précédents plébiscites, pas non plus de la devise de ce pays : «Mir woelle bleiwe waat mir sinn » (nous voulons demeurer ce que nous sommes). L’appel pour un service militaire obligatoire devrait transformer le stoïcisme de ce pays dominé par l’agriculture en colère et en action directe.
Le 23 août, des rumeurs avaient circulé. Quand le décret confirmant la nationalité allemande des luxembourgeoises et des personnes d’Alsace-Lorraine avait été publié dans une gazette de Berlin ; la publication de cela avait été interdite au Luxembourg, et les journaux allemands étaient interceptés à la frontière. Cependant, et cela n’était pas surprenant, une copie de la gazette officielle de Berlin avait rejoint le Luxembourg, la nouvelle ainsi que la peur s’était répandue comme une traînée de poudre. L’annonce de la grande déclaration par Simon le 30 août 1942 avait simplement jeté de l’huile sur le feu. La Résistance avait annoncé que cela n’allait pas en rester là : « nous ne sommes pas prussiennes, si leur volonté est d’appeler notre jeunesse, nous allons nous défendre. »
Ce comportement par l’Allemagne allait mener vers une grève générale dramatique, la seule en pays occupé. Je suis redevable au monographe de Roger Gaspart au sujet de la grève dans le bureau de poste principal du Luxembourg, grève qui ne se sera passée que à un seul endroit, et aura duré une heure.
La pression grandit
Le lundi matin du 31 août, la tension grandit : dans l’équipe dirigeante du bureau de poste principal, les conversations étaient toutes au sujet de la proclamation. Virtuellement, le travail était arrêté – dans une ambiance calme, il y avait des rumeurs selon lesquelles des grèves avaient débuté dans le milieu de l’acier, dans le sud industriel du pays, et dans la région de Wiltz, une petite ville des Ardennes. À l’approche de toute employée allemande, les groupes se dispersaient, chacune retournant travailler.
Cette après-midi, il y avait eu la confirmation de grèves à Wiltz, plus spécifiquement dans l’école primaire. Dans l’équipe du bureau de poste, les équipes des postières sont devenues de plus en plus militantes. Il y a eu des demandes pour prendre la résolution de commencer une grève. « Montrons à ces prussiennes que nous haïssons ce que nous pensons de toute cette affaire. » Les membres les plus jeunes de l’équipe, les personnes les plus à même d’être appelées dans l’armée, les personnes qui avaient le plus à perdre matériellement parlant dans l’affaire sont les personnes qui ont montré le plus de retenue et de modération. Mais à ce moment, il ne s’agissait seulement que de discours.
Le changement pour la nuit est arrivé tard, dans l’après-midi, et une atmosphère de colère renfrognée a régné dans un travail qui n’était seulement que sporadique et désordonné. Alors que seulement quelques sacs de courrier étaient ouverts, un semblant de travail continuait d’exister et des sacs de courrier partants, presque vides, étaient préparés à l’envoi. Seuls des lettres et des colis, destinés à des luxembourgeoises qui avaient été déportées vers l’Allemagne pour un travail forcé étaient portées consciencieusement.
Mardi 1er septembre 1942
Au matin, l’équipe de tri du bureau avait décidé de démissionner en masse du VdB (Volksdeutsche Bewegung – le mouvement du peuple allemand), un organisme dans lequel les allemandes essayaient de recruter les luxembourgeoises grâces à la menace, en les amadouant, en les trompant.
Les personnes travaillant de nuit ont rencontré les personnes de jour, et les ont informées de leur volonté. Deux d’entre elles ont été d’accords d’en parler aux postières, pour passer à l’étape supérieure. Plusieurs personnes n’ont pas été d’accords avec cela, ayant peur des représailles, qui pouvaient aller du fait que le bureau de poste soit déménagé, ou à la déportation en camp de concentration ou l’enfermement, ce qui impliquait la perte de l’emploi et donc de tout moyen de survie.
Certaines travailleuses sont arrivées bien en avance, avides de rumeurs, et voulant des informations sur ce qui s’était passé, sentant l’atmosphère électrique, et pourtant, semblant incapable de passer à l’action directe.
La confirmation de la grève par les travailleuses du métal de Esch et de Schifflingen a été reçue. Les cartes de membres de VdB étaient confisquées, certaines étaient déchirées, d’autre personnes criaient « je renonce à la nationalité allemande. » La plupart ont donné leur carte de manière volontaire, plusieurs ont hésité, ayant peur des conséquences à s’opposer de manière ouverte au pouvoir nazi. Au moins, les nazis les avaient laissées à leur poste de travail, ce qui impliquait qu’elles pouvaient toujours aider la famille.
L’arrêt de travail étendu à tout le pays devenait clair si on prenait en compte le nombre de travailleuses ou d’employées dans la ville de Luxembourg, qui n’étaient pas venues travailler. De manière ironique, cela était dû à l’efficacité allemande. Robert Gaspart , qui avait été mis dans l’emploi du temps à la distribution des télégrammes à 13 heures avait été très étonné par la quantité de télégrammes qu’il y avait à traiter de manière urgente. L’origine de ces télégrammes était la DAF (Deutsche Arbeitsfront (le syndicat de marché contrôlé par l’Allemagne)) et tous étaient adressés aux personnes absentes de leur poste de travail. Ces courriers contenaient un ordre de retourner au travail, et parlaient d’une grande menace, ce qui incluait la peine de mort. Les télégrammes sont restés là, sans qu’on s’en occupe et sans les distribuer. Tout est resté en place, comme une mobilisation silencieuse contre le manque d’action positive de la part de l’équipe dirigeante de classement.
Vers 11 heures du matin, les postières sont revenues de leur tournée matinale, qui venait d’être écourtée, que ce soit seules ou en groupes. Le bureau de poste, graduellement, s’est vidé. L’équipe est rentrée chez elle, pour le repas du midi, les discours sur le mouvement de grève ont manqué de la petite étincelle nécessaire à les faire démarrer, tout cela est juste resté de l’ordre de la conversation.
Jusque-là, ça n’avait été qu’une opération escargot, qui avait juste reporté les tournées de distribution. Alors qu’il y avait un sentiment de satisfaction par rapport au fait que l’effort de guerre allemand soit ralenti, il devait également y avoir un sentiment de mécontentement par rapport au fait que plus pouvait être fait.
L’action directe

Mardi 1er septembre, 13h45
De manière graduelle, les postières sont revenues de leur repas de midi pour préparer la distribution du courrier de l’après-midi. Les sirènes retentissaient pour avertir d’un raid aérien, et pour la première fois pendant une annonce d’un raid aérien, l’équipe dans son entièreté s’est réfugiée à l’abri dans la cave. Là, des discussions échauffées et carrément colériques ont continué. JP Ensch, membre de l’équipe d’annonce des raids aériens est parti vérifier qu’aucun occupant n’était dans le bâtiment, il avait aussi vérifié par la fenêtre du troisième étage, qui donnait sur le jardin, et il avait été étonné de voir son collègue et ami Jang Schroeder, 28 ans, rentrer dans la salle de classements, alors qu’il était supposé être en congé. Sortant de l’abri, après le raid aérien, elles ont découvert que le courrier qui avait été rangé, avait été dispersé partout sur le sol – il s’agissait du premier acte ouvertement de sabotage.
Alors qu’elles se pressaient dans la pièce de rangement, une voix a énoncé : « arrêtez le travail ». La voix était celle du jeune homme de 18 ans Leon Alff, qui allait mourir en 1944, après avoir été conscrit dans la Wehrmacht sur le front russe.
Mardi 1er septembre, de 14h15
Les autorités, alertées du moindre signe de résistance, avaient rapidement agi. Un ordre, déclarant l’état d’urgence et introduisant la loi martiale avait été signé le lundi par le chef de la Zivilverwaltung (chef de l’administration civile) Simon : le directeur des bureaux de poste en Allemagne. Likus faisait rapidement son inspection à l’intérieur de la salle de classements. Il avait rapidement remarqué l’esprit non-calme qui existait, ainsi que l’esprit de mécontentement. Il a adressé quelques mots à Jean Majeres, le gestionnaire du Luxembourg, avant de retourner rapidement vers son bureau. Suivant les ordres de Likus, Jean Majeres avait essayé d’encourager les factrices à retourner à leur poste de travail, mais sa voix manquait de conviction. Il était clair qu’il utilisait à peine l’ordre comme un alibi.
Des appels anonymes ont été entendus dans le hall : « tout le monde dehors » ou « retournez chez vous ». L’atmosphère était électrique. Tout à coup, comme un feu sauvage, ces appels ont fait le tour du bâtiment : « tout le monde au rez-de-chaussée pour protester contre la proclamation par Gauleiter ». Des personnes gestionnaires ou du bureau des virements bancaires au premier étage se sont rassemblées au rez de chaussée. Il était clair que la majorité des travailleuses avait reçu l’appel de manière positive.
Nicky Konz, un jeune gestionnaire de 28 ans cherchait Likus, le directeur allemand, quand il a croisé son supérieur qui a essayé de le dissuader de descendre. Il était effrayé par les événements qui se déroulaient.
À 14h25, Konz a pénétré dans le local de tri, et un silence s’est fait entendre, venant des personnes présentes tous les yeux fixés sur lui. Il était resté à l’entrée, gardant en main un numéro de journal, puis il avait pris calmement la parole, sa voix ébranlée par l’émotion :
Les collègues, vous savez ce qui nous attend. Les prussiennes ont décidé, contre toutes les lois internationales, d’enrôler notre jeunesse dans la Wehrmacht. Cela sans prendre en compte notre promesse solennelle, faites au nom du Führer, du Reich allemand, de garder notre indépendance, que nous avions eu lors de leur invasion le 10 mai 1940.
Et Konz avait alors commencé à lire le texte du communiqué du 9 mai 1940.
À la suite de cela, il y avait eu un silence de mort, qui avait rapidement été interrompu par des protestations bruyantes. Dans le tumulte, personnes n’avait remarqué le gérant, Likus, qui s’était introduit dans la pièce de classement. Lentement, il avait bougé vers le centre de la pièce, où un groupe de jeunes postières était rassemblé autour d’un bureau. Il s’était arrêté là et leur avait demandé de retourner au travail. Nicky Konz voyait Likus et, se dirigeant vers lui, ignorant cet ordre, lui avait dit : « tu vois, ici, Mr Likus, c’est ici que se trouve l’article d’importance. C’est cela qui a été publié dans le Luxemburger Wort du 10 mai 1940. » Alors, il avait lu l’article à nouveau.
On peut seulement penser que les deux avaient déjà eu des échanges et que Konz avait eu des explications avec Likus afin de prouver qu’il avait raison : il parlait avec une telle véhémence et avec tellement de force, devant les collègues ! À la fin de son monologue, il avait demandé à Likus : « eh bien Monsieur Likus, avez-vous quelque chose à répondre à ça ? » et Likus avait alors répondu, en restant évasif : « je refuse d’être amené sur le terrain politique. » Konz avait conclu en s’exclamant « voilà donc comment les Allemands tiennent parole ? » Cela avait été suivi par des applaudissements et finalement la marmite, qui bouillonnait déjà depuis quelques jours, déborda. Comme si toutes personnes étaient libérées, l’assemblée déclara d’une seule voix : « en protestation contre cela, nous arrêtons le travail. Tout le monde dehors. »
Likus était rapidement sorti de la salle de classement, sans aucun doute pour alerter les autorités allemandes. La demande de fermer les comptoirs a été rapidement observée, la porte principale a été fermée, Michel Konz et Metty Schmitz se sont empressés de courir vers le hall principal, alertant les quelques clientes qui se présentaient, fermant l’entrée principale
En l’espace de 20 minutes, toute cela était arrivé, et la majorité de l’équipe dirigeante s’était rassemblée sur le trottoir en face de l’entrée principale, regardant comment tout cela se passait. Un nazi portant un uniforme jaune avait été entendu, qui disait : « La loi martiale vient d’être déclarée, quiconque quitte son poste de travail se fera tirer dessus. » sans aucune cérémonie, l’auxiliaire reçu un coup de coude, et certaines personnes observant le bureau de poste sur le trottoir avaient été transportées pour ne plus voir la scène, à l’intérieur du Café Faber.

Mardi 1er septembre, 15 heures 05
Nicky Konz et Marcel di Marco étaient dans le couloir du premier étage, regardant vers le bas, le petit jardin. La discussion portait sur les événements des cinq dernières minutes. La porte de l’escalier s’est ouverte d’un coup, et deux officiers SS en costume noir, visiblement pressés, ont fait leur entrée. Un seul regard avait été suffisant pour que Nicky Konz et Marco di Marco retournent dans leurs bureaux « il a s’agi des dernières paroles que j’ai échangées avec Nicky. À peine une demi-heure plus tard, j’entendais qu’il était parti. » A rapporté Marcel di Marco après la guerre.

Mardi 1er septembre à 15h10
Likus était toujours présent dans la salle de rangement quand Gaspart s’est approché avec la main au-dessus des papiers destinés à son bureau. Lui aussi avait l’intention de participer à la grève. À ce moment, l’officier Sicherheits-Dienst (SD) était entré par une porte de côté dérobée : « tout le monde reste où il est ! Toute personne quittant son poste de travail se fera tirer dessus. » L’officier avait ensuite écrit un papier avant de commencer à le lire :
A la suite de l’explosion du nombre de grèves et à l’arrêt du travail dans la ville de Luxembourg, un état d’urgence a été déclaré pour toute la zone du chef de l’administration civile. L’application de la loi martiale doit être étendue. Immédiatement, des exécutions sommaires des grévistes seront perpétrées par fusillade. Le chef de l’administration civile – signé Gustav Simon.
Il donna comme ordre : « que tout le monde retourne au travail. Personne ne quitte le bâtiment sans ma permission ! »
À 15h30, des officiers allemands SD en uniforme montaient la garde à chaque entrée. À l’intérieur, tout le monde se demandait qu’elles allaient être les conséquences de leur acte, maintenant que la Gestapo était impliquée.
Un membre de l’équipe dirigeante appela dans la salle de classement, cherchant la boîte contenant les cartes du VdB. Clairement, les membres du bureau de poste étaient terrifiées, tout le monde désirait remettre la main sur les cartes de membres qui avaient été retournées le matin même.
Aux alentours de 16h,Siekmeyer, le député en chef de l’administration civile était arrivé et, admirant la situation, avait demandé de manière sarcastique : « eh bien ! Où se trouve la grève ? » alors que tout le reste semblait être revenu à la normale et que le temps d’attente pour le courrier du Reich se montait seulement à quelques jours.
En une demi heure, les bureaux du deuxième étage avaient tous été vidés de leurs occupantes, et toutes avaient été emmenées par la Gestapo pour des interrogatoires préliminaires.
Des réactions violentes
Avec une grande attention pour le travail fourni, la Gestapo a attendu que l’équipe ait finie le travail avant d’appeler chacun d’eulles dans leurs bureaux pour les interroger. Pierre Theissen, qui était guichetier, avait été questionné vers 17 heures, l’interrogatoire durant jusqu’à 22 heures. Bien sûr, il avait nié avoir pris part à une quelconque action de grève, comme chacune des autres personnes. Il avait été chanceux que le responsable de sa section, un membre du parti nazi sans doute motivé par l’envie de se sauver lui-même, avait déjà juré solennellement que toute son équipe était restée à son poste tout le temps.
A la fin de son roulement à 21h30, Roger Gaspart avait reçu l’ordre de monter. Un Petit à petit, Gaspard a réussi à se calmer, tout en répondant à des questions factuelles, qui lui donnait officier SD avait alors voulu en savoir un peu plus à propos de tout ce qui pouvait ne pas aller dans sa vie personnelle. De même pour ses collègues. L’attention était portée sur des détails particulièrement précis. Aucune tentative n’avait été faite pour qu’il s’accuse lui-même ou aucun de ses collègues. Un air de calme non-réaliste.
Après environ 45 minutes, tous les détails avaient été enregistrés, et Gaspart avait alors reçu la consigne d’attendre dans le couloir, face au mur, sans parler à la grosse dizaine de collègues qui attendaient de part et d’autre de lui. Finalement, comme beaucoup d’autre, on lui avait dit de rentrer chez lui.
Le jour suivant, il avait été arrêté, et amené jusqu’au quartier général de la Gestapo pour un interrogatoire particulièrement musclé. Finalement, après un jugement sommaire, il avait été renvoyé pour être déporté vers le camp de ré-éducation de Ruwer, en Allemagne. Les personnes envoyées là-bas, parmi lesquelles se trouvait Roger Gaspart, allaient être enrôlées de force dans la Wehrmacht et être envoyées sur le front russe. Roger Gaspart avait fui et avait écrit l’histoire de la grève de 1942 au bureau de poste de Luxembourg.
Bien sûr, d’autre personne n’avaient pas été aussi chanceuses. Nicky Konz avait été transporté jusqu’au camp de concentration de Hizert, comme Likus, ayant été jugé comme étant le seul témoin visuel existant. Il avait été jugé coupable et avait été mis à mort par balle le 3 septembre. Pendant l’interrogatoire par la Gestapo, Jang Schroeder avait cédé, et avait été tué par balles à Hinzert le jour suivant. Metty Schmitz était mort le 23 mai 1944 après avoir été torturé par la Gestapo. Michael Kons était mort de ses blessures qu’il avait subies sur le front russe, dans un hôpital militaire, le 31 janvier 1944. D’autre sont morts dans les camps de concentration de Moabit, Mauthausen, Neugammen et de Eschershausen. Deux sont morts en combattant dans les rangs de la résistance.
Comme un résultat de cette grève générale, 21 personnes braves ont été exécutées, et plus de 100 avaient été remises à la Gestapo. Quelque chose comme 13 000 personnes avaient été conscrites dans la Wehrmacht, et 3000 y sont mortes pendant que 500 réussissaient à s’échapper et à déserter. Un grand programme de relocalisation a alors eu lieu, avec des intellectuelles, des professeuses comme des membres de ma famille par exemple, qui ont été déménagées jusqu’en Pologne, ou en Tchécoslovaquie. Plus de 5000 personnes ont alors été déportées et plusieurs milliers ont été transportées en camp de concentration ou alors ont été emprisonnées.
Un ajout après coup
Dans ce petit pays qui a une communauté particulièrement liée, où chaque personne connaît tout le monde, la résistance contre l’envahisseur a toujours été une chose particulièrement dangereuse ; avec le danger toujours présent, des personnes collaborant, profitant de tout ce qui peut leur profiter, il est particulièrement difficile d’imaginer cela en Angleterre ou n’importe où qui n’a pas souffert de l’occupation par une force ennemie. Si une personne était attrapée dans un acte de résistance, cela signifiait pour elle une mort certaine. De ce fait, se contenter de parler était certainement la chose la plus sûre.
Un moment pareil de résistance spontanée et héroïque coûte beaucoup de vie et cela a très peu fait entendre parler de soi dans la presse de la résistance. Cet acte devient insignifiant au regard du nombre de personnes mortes en Grande-Bretagne. Pendant longtemps, ce pays était resté seul, et avec le Canada, a offert un sanctuaire à la famille luxembourgeoise Grand-Ducal, ainsi qu’a son gouvernement qui avait été en exil pendant la guerre. Mais il a s’agi d’une affirmation de courage et d’identité nécessaire, venant d’un pays sous le joug de l’oppresseur. Cela voulait dire que les libérateurs allaient pouvoir être regardé dans les yeux avec fierté le jour de la libération. La description par William Churchill, décrivant le pays comme « un courageux petit Luxembourg », étant bien méritée.
Mais tout cela a un aspect beaucoup plus personnel : en écoutant mes parents, je me suis souvent demandée, dans les mêmes circonstances, j’aurais agi comment ? J’aurais sauvegardé ma conscience grâce à des petits actes de résistance qui n’auraient eu de signification qu’auprès de moi ? Ou, comme Nicky Konz, j’aurais fait barrage à l’oppresseur en en souffrant les conséquences ? En vérité, je ne connais pas la réponse et j’espère ne jamais avoir à être dans une telle situation pour ne pas avoir à la connaître.

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