Bon alors qu’est-ce qu’on fait ? - Bernard Lyon

jeudi, 14 juillet 2005

Submitted by Craftwork on February 3, 2017

Bon et maintenant qu’est-ce qu’on fait ?

« Conditions objectives », « les hommes seraient donc pantins sans volonté », « laisser le mouvement du capital faire le job à notre place ».
Toutes ces formules qui nous sont adressées, expriment une conception du processus révolutionnaire très éloignée de celle des initiateurs de Meeting. Les conditions objectives et tout ce que désignent ces termes sont des formes réifiées de la relation sociale qu’est le rapport capitaliste d’exploitation du prolétariat. Rapport qui est activité contradictoire des deux classes, rapport qui se renouvelle sans cesse. L’objectivité en soi du capital fixe, face à la pure subjectivité du prolétariat comme relation d’exploitation, n’existe pas dans la conception que les formules citées ici impliquent. Dans la conception de l’exploitation que ces formules supposent, elle est réduite à la domination, les classes sont dans un rapport d’extériorité.
L’entrée en crise d’un rapport de domination, ainsi conçu, ne peut pas être crise du rapport actif des deux pôles et crise de chaque pôle dans sa radicale opposition à l’autre. Dire que la contradiction ferait le job à notre place, suppose que la contradiction ne serait pas celle des classes, suppose que l’on comprend les classes comme des objets, l’action des révolutionnaires deviendrait à ce moment-là l’élément essentiel en ce qu’elle induirait le dépassement révolutionnaire.
Quand on dit qu’à la question : Que faire ? (Ou comment faire ?) On ne peut que répondre « rien », c’est à tout ce qui vient d’être dit que cela réfère, « Rien » n’a rien de cynique il signifie d’abord, que si tous les gens qui parlent maintenant de communisation mourraient demain, cela ne changerait strictement rien au devenir révolutionnaire. Nous ne sommes en rien indispensables à la révolution : La révolution est prise dans le rapport aliéné, elle est autoproduction des individus immédiatement sociaux mais ces individus n’existent pas avant, ce n’est qu’après que chacun sera irremplaçable.
Cela dit (si l’on peut dire) la question de l’hiatus entre la situation actuelle et la situation révolutionnaire reste pendante. La production du dépassement ne peut se concevoir comme un simple développement de l’extension et du niveau actuel des luttes de classe, une transformation qualitative radicale est nécessaire. La production de la situation révolutionnaire n’est pas la production de conditions, de la révolution, lorsque qu’une situation existe sous la forme de conditions objectives et subjectives, elles restent séparées et la situation n’est pas révolutionnaire. Les rapports d’exploitations dans leur reproduction se présentent comme extériorisés vis-à-vis des pôles, comme des conditions objectives du côté du capital et subjectives du côté du prolétariat, et ainsi les conditions de la révolution ne seront jamais réunies, jusqu’à la production du rapport révolutionnaire. Dans une conception de la révolution comme devant avoir des conditions adéquates, les conditions sur lesquelles les révolutionnaires peuvent s’imaginer avoir une influence, ce sont les conditions subjectives, trivialement « la conscience ». Bien sûr cette conscience ne peut être que conscience de classe, pour ceux qui posent la révolution comme action des prolétaires. La conscience est organisation des prolétaires, organisation ouvrière, autonomie de la classe, c’était le cas dans la situation programmatique des luttes de classe contre le capital, mais il ne pouvait alors être question de communisation, la révolution était et ne pouvait qu’être, d’abord généralisation de la condition prolétarienne, dans la supposée médiation, que devait être la période de transition socialiste, la contre-révolution réelle du socialisme réel.
Or tout le problème est là : Le prolétariat ne peut plus poser sur, sa propre base, aucun dépassement du capital, car le prolétariat est immédiatement en contradiction avec sa propre existence comme classe du capital, dans sa contradiction à la classe capitaliste. La médiation à l’abolition de la classe, au travers de l’affirmation de la classe, ne peut plus être avancée, c’est irréversible en ce que le prolétariat n’a plus de positivité à affirmer. D’une part le travail a été inessentialisé dans la production, le « savoir ouvrier » comme coopération est passé définitivement dans le capital fixe, dans le système des machines, grâce à la commande numérique et la télématique. D’autre part la communauté ouvrière a été atomisée dans le moment où le prolétariat segmenté et précarisé a été réellement mondialisé avec la fin du « tiers monde » et la formation des pays « émergents ». Le mouvement ouvrier et l’identité ouvrière, liés à des capitalismes nationaux eux-mêmes dépassés, ont disparu.
La restructuration du capital, qui a vaincu la vague de luttes ouvrières des années 60/70, a créé un nouveau monde capitaliste très justement appelé « global ». La fin du keynésianisme, du fordisme, de la guerre froide (qui même congelée en coexistence pacifique des systèmes économiques, posait, dans le système socialiste -le fameux modèle-, la résolution des contradiction de l’autre système, ce n’est pas rien. Quand l’URSS a implosé on est restés bouche bée, alors que c’était la preuve, de ce que l’ultra-gauche disait depuis les années 20 : « l’URSS c’est le capitalisme et elle s’effondrera comme tel ». Le problème c’était, sans doute, que beaucoup auraient espéré que la chute du « capitalisme d’Etat », entraîne dans sa chute le capitalisme occidental, on n’avait pas imaginé que la chute de l’URSS et des démocraties populaires, n’était qu’un aspect de la restructuration mondiale.
Non seulement tout cela n’est pas rien, mais si ce n’était pas faux on emploierait bien le mot de révolution.
L’organisation de classe à perspective révolutionnaire, (même si cette perspective ne pouvait être que le socialisme), l’affirmation de la classe, étant totalement dépassées, quelle est la situation des révolutionnaires (des partisans du communisme) ? - Disons le tout net : Ils sont orphelins à jamais, s’ils n’avaient pas fait leur deuil du mouvement ouvrier, c’est-à-dire, s’ils lui avaient cherché des substituts qui puissent affirmer leurs conditions contre le capital (femmes, jeunes, immigrés,...), ils n’auraient pas pu élaborer, en lien avec les nouvelles luttes prolétariennes d’après le programme, la perspective du dépassement communiste immédiat du capital (cette élaboration s’est étalée des années 70 aux années 90)
1° La redéfinition sur la base de la restructuration du rapport capital /prolétariat du contenu de la révolution des prolétaires : leur autotransformation en individus immédiatement sociaux dans la communnisation.
2°La ressaisie des luttes du prolétariat comme productrices des problématiques théoriques, comme théoriciennes.
3° Le retour sur soi de la production de la critique théorique communiste du capital comme étant un élément réel des luttes.

S’il faut souhaiter une activité (un faire), des partisans de la communisation, qui articule la perspective communisatrice du monde avec les luttes actuelles, il est évident que cette articulation ne peut être que théorique, que de l’ordre de l’analyse, de l’ordre du discours. Pour autant elle ne peut être révolutionnaire, c’est-à-dire vraie, que si elle se considère comme élément réel, que si elle ne se pose pas la question de sa socialisation ultérieure, de sa diffusion, de son intervention.
La théorie est un élément réel des luttes dans son contenu, dans ce qu’elle dit. La cohérence et l’efficience de la théorie communiste, élaborée sur la compréhension du capital restructuré et du prolétariat en contradiction immédiate avec l’existence des classes, en fait un élément réel des luttes, un élément produit par les luttes actuelles, cette élaboration se fait au travers de personnes, qui parce qu’elles ne parlent qu’en leur nom propre, font une théorie de la révolution qui ne parle pas au nom du prolétariat et qui se place dans la perspective de l’abolition des classes, qui ne sera pas l’action d’un sujet mais bien l’abolition de toute subjectivité séparée (sujet en soi devant l’objet en soi). Etre élément réel des luttes, c’est comprendre les luttes dans la perspective de la révolution sans les évaluer, sans les comparer à un archétype de la bonne lutte, sans les insérer dans une quelconque stratégie.

On peut faire une petite liste de « conditions » pour que l’articulation luttes actuelles/révolution puisse être autre chose qu’une pétition de principe.

1° Etre partie prenante des luttes, soit personnellement et directement, soit par une attention intense et engagée au travers des diverses sources possibles, sans avoir aucunement l’idée que des positions communisatrices puissent infléchir de quelque façon que ce soit la cours des luttes actuelles.
2° Attacher la plus grande importance à la caractérisation du cycle de luttes, dans son unité contradictoire avec le cycle du capital, comme mouvement de production de la situation de crise révolutionnaire du rapport d’exploitation entre les classes, au terme de ce cycle.
3° Se sentir intiment investi dans la formation d’un courant pour la communisation, dont l’existence même est un élément réel des luttes, courant présent, avec et par l’écart qui se forme dans le bouclage, de la limite démocrate-radicale, des luttes actuelles.
4° Enfin, et peut-être surtout, avoir une parfaite cuirasse contre les accusations d’attentisme et d’objectivisme, accusations de confiance dans un mouvement automatique du capital amenant au dépassement communiste. Ces accusations ne comprennent strictement pas l’objectivité du capital comme un rapport social, et ne pouvant évidemment pas développer une activité autre qu’un alternativisme pratique, nos critiques s’adressent à nous pour leur fabriquer la théorie qui donnerait, à leur immédiatisme de pur principe, le lustre du discours théoriciste qu’ils ne cessent de dénoncer chez nous.

Tous ces points sont la déclinaison de la formule : « participer aux luttes en communiste » en l’opposant à « en tant que communiste » où le « en tant que » signifie qu’être communiste est manipulable et distinguable de soi, et où communiste est une appartenance politique impliquant une intervention soi-disant anti-inéluctabiliste, qui n’est en fin de compte qu’une tactique alternativiste de « la révolution ou pas ».

Si la question de la diffusion de la théorie communiste ne se pose pas, est-ce parce qu’elle aurait la faculté se répandre par la force de sa justesse ? A cette question on pourrait répondre oui. Il serait anachronique, d’avoir une activité spécifique de socialisation des analyses et des perspectives, actuellement élaboration et diffusion sont une même activité avec deux moments à peine techniquement distinguables. La théorie n’est plus le grand arrière de la propagande et de l’agitation, les analyses ne se déclinent plus en slogans et en listes de revendications. La théorie peut être énoncée de manière plus exhaustive ou plus condensée, plus globale ou plus ponctuelle, mais elle ne cesse pas d’être destructrice, révolutionnaire en elle-même, elle n’est plus programme..
Le caractère théoricien des luttes pratiques, rejoindra le caractère dissolvant de la lutte théorique, en ce qu’elle est un élément réel des luttes, en ce qu’elle ne leur enseigne rien, et cela se passera étonnamment vite. Les luttes s’empareront des moyens matériels (le capital fixe) et des moyens théoriques (les analyses du capital) là où ils se trouvent. Il y aura un court-circuit dans l’angle mort du dépassement, dans la dimension imprévisible de la communisation. L’effort supplémentaire demandé aux prolétaires pour être communisateurs contient ce court-circuit. Prétendre, comme le font Dauvé et Nessic, qu’une révolution contrainte par la crise ne serait pas la vraie communisation, (qui ne pourrait être belle et bonne que si elle était volontaire et librement décidée), c’est ne pas intégrer la crise comme activités et la contrainte comme situation révolutionnaire de totale immersion, mais seulement, à la manière du programme, comme conditions extérieures. La contrainte c’est la détermination à l’insurrection qui est le contraire de la passivité. La marque de la liberté sera aussi l’emparement de la théorie de la communisation. Dire que la rencontre de la théorie et de la pratique serait une pétition de principe onirique serait considérer les prolétaires en lutte comme des décérébrés et la théorie comme des élucubrations fumeuses sans aucun rapport avec le réel (deux considérations au demeurant largement partagées, et pas seulement par de fieffés contre-révolutionnaires). Il est possible et même probable, que dans la formation de la situation révolutionnaire, les élaborations théoriques soient ré-exprimées dans les termes de la transformation des luttes, cette nouvelle expression serait une première phase de l’emparement du discours théorique par la pratique. Ce sera le court-circuit qui n’a rien de magique, c’est une transformation tant du côté des luttes pratiques que du côté de la lutte théorique, c’est une rencontre dans laquelle les luttes de classes reconnaissent ce qu’elles accomplissent : la constitution d’une communauté révolutionnaire qui ne veut plus être le prolétariat.

Un signe clair d’un changement de fond de la situation, sera la participation de partisans déclarés de la communisation, à des luttes de l’ampleur et de la profondeur de celles qui ont eu lieu en Argentine. Non pas que des Argentins n’aient pas énoncés des buts visiblement communisateurs du type « on fait tourner l’usine, mais on ne veut plus être ouvriers », mais ces formules ne pouvaient pas être insérées dans une perspective plus globale d’un dépassement du capital, qui n’est pas d’actualité.

La présence en communiste, dans ou aux luttes, intègre la vision d’un développement du cycle de lutte d’une durée potentiellement comparable aux autres cycles repérés par Kondratiev.
Le dernier commencé avant la crise de 29 s’est achevé autour de 90. Cela a duré 50 années en 2 branches de 25 ans, l’une descendante de crise des années 30 et l’autre montante à partir de l’entrée en guerre des Etats-Unis en 41 et débouchant sur les fameuses 30 glorieuses, la baisse du taux de profit débute en 65, et la grande période de luttes en Europe et en Amérique va durer jusque vers la fin des années 70. Avec la guerre du Kippour en 73 et le quadruplement du prix du pétrole, la restructuration entre en scène, elle passera par Thatcher, Reagan, Mitterrand, Gorbatchev, pour se finir avec la chute du mur.
A partir de la fin des années 80, nous sommes apparemment dans une nouvelle branche montante d’un Kondratiev, dont si les choses se passent de manière analogue le retournement se situerait à l’approche de 2020.
Evidemment ce n’est pas un pronostic, mais cela intègre que le dépassement du rapport capitaliste fait partie de l’arc historique de capital. Ne pas prendre au sérieux les cycles économiques, serait ne pas comprendre que le rapport du capital à lui-même, dans sa reproduction réussie, existe comme économie avec son développement propre, dans ses catégories réifiées. La crise du rapport d’exploitation se présente toujours comme crise économique avant que d’être visiblement crise de l’économie.
La perspective 2020 n’est en rien sure puisque la caractéristique de ce cycle est d’avoir supprimé toute fixation du mode d’exploitation et donc d’avoir placé la contradiction des classes au niveau de leur reproduction. Cette caractérisation donne l’instabilité récurrente de ce cycle, mais la potentialité temporelle avancée ici, reste essentielle à une présence aux luttes et au cours du cycle, qui ne projette pas sur eux l’impatience immédiatiste, inhérente à la condition paradoxale de révolutionnaire. Cette dimension est un élément immunitaire contre toute dérive immédiatiste et donc alternativiste.
Le « comment faire » pour que cette « foutue révolution » advienne est pour moi absolument lié à cette dimension temporelle. Sans en faire une certitude, « l’horizon 2020 » est constamment à l’arrière plan des conceptions non - immédiatistes de la théorie du dépassement produit. Le dépassement est bien produit par la transformation du rapport des deux classes et n’est pas la transformation de la seule lutte de prolétaires, il intègre l’entrée en crise économique du capital comme un de ses éléments.
La perspective est de longue durée, il ne faut pas assimiler l’entrée en crise avec le dépassement lui-même, le processus révolutionnaire ne débouche pas sur une transition au communisme mais il est lui-même la transition .
Le capital ne sera pas dépassé parce que nous le voulons, nous ne sommes pas les premiers et peut-être pas les derniers à penser que c’est demain la veille. Si les prolétaires ont encore un effort à faire pour être communisateurs, nous en avons un pour être Marathoniens. Le comment faire c’est d’abord tenir la distance, ce qui n’a rien à voir avec attendre.

Commentaires :


  • > Bon alors qu’est-ce qu’on fait ?, Patlotch, 14 juillet 2005

    Quelques remarques

    si tous les gens qui parlent maintenant de communisation mourraient demain, cela ne changerait strictement rien au devenir révolutionnaire. Nous ne sommes en rien indispensables à la révolution : La révolution est prise dans le rapport aliéné, elle est autoproduction des individus immédiatement sociaux mais ces individus n’existent pas avant, ce n’est qu’après que chacun sera irremplaçable /// Si la question de la diffusion de la théorie communiste ne se pose pas, est-ce parce qu’elle aurait la faculté se répandre par la force de sa justesse ? A cette question on pourrait répondre oui. Il serait anachronique, d’avoir une activité spécifique de socialisation des analyses et des perspectives, actuellement élaboration et diffusion sont une même activité avec deux moments à peine techniquement distinguables.

    Je sens bien l’insistance pour qu’il n’y ait pas de dérive militante, propagandiste, et j’en partage la nécessité, mais formulé comme ça, quelque chose m’échappe. Soit ce qu’on fait dans « le courant communisateur » est inutile, et alors ceux qui s’en réclament devraient admettre qu’ils se font plaisir plus qu’autre chose, soit cela sert à quelque chose, précisément du fait qu’il y a un écart dans le cours du cycle actuel, et que la théorie en est partie prenante. Où alors, il faut considérer que tous ceux qui, par leurs actions, posent les limites de la reproduction sont un objet extérieur qu’« en théoricien » on observe en coulisses. Car si l’on participe à des luttes, on ne peut faire abstraction de ce qu’on en pense et cela a nécessairement un impact sur ce qu’on y dit et fait. Que cela n’accélère pas le cours du cycle est une chose claire, du fait que le prolétariat n’est pas seul à en décider pas son action, comme pôle dans l’unité du tout dont la règle est celle de l’autre pôle (« le dépassement [...] intègre l’entrée en crise économique du capital comme un de ses éléments »). Que ça ne puisse potentiellement et de plus en plus produire des effets sur les comportements dans les luttes me semble, plus que souligner le paradoxe de la posture, conduire à une contradiction, quand il est affirmer plus loin : « 3° Le retour sur soi de la production de la critique théorique communiste du capital comme étant un élément réel des luttes. » En tant qu’individu partageant les thèses du courant communisateur, il me semble évident qu’on ne peut pas faire, ou ne pas faire, la même chose que ceux qui ne les partagent pas. Sans quoi le « courant communisateur » serait auto-contradictoire, renvoyé au fait qu’il ne fait qu’élaborer de la théorie séparée, une « abstraction théorique », sans jamais pouvoir poser, avant la déclenchement de la communisation, la question du « mouvement communisateur et ses tâches théoriques et pratiques » (Trois thèses sur la communisation). Il faut sans doute admettre que si les thèses communisatrices se diffusent, ceux qui s’en "empareront" ne feront plus exactement la même chose. J’ai même l’impression que c’est mon cas, mais peut-être que je me trompe.

    Le caractère théoricien des luttes pratiques, rejoindra le caractère dissolvant de la lutte théorique, en ce qu’elle est un élément réel des luttes, en ce qu’elle ne leur enseigne rien, et cela se passera étonnamment vite

    Ne faut-il pas, pour que les deux se rejoignent, que le « caractère théoricien » soit exprimé, diffusé etc. et n’est-ce pas ce que fait Meeting ? Est-ce « rien » ?

    En tout cas, je sens comme une pirouette rhétoricienne et ça me laisse sur ma fin. Je crois que la distinction « agir en théoricien/ en tant que théoricien » pèse sur celle, nouvelle et plus large, entre « agir en "communisateur"/ agir en tant que "communisateur" », parce que la première est définie par et essentiellement pour ceux qui élaborent (aussi) la théorie « au sens restreint », et que la seconde est appelée à évoluer dans ce cycle, et c’est précisément l’intérêt de Meeting de le poser.

    Patlotch, 14 juillet



  • > Bon alors qu’est-ce qu’on fait ?, jef, 15 juillet 2005

    "On ne peut que répondre « rien », c’est à tout ce qui vient d’être dit que cela réfère, « Rien » n’a rien de cynique il signifie d’abord, que si tous les gens qui parlent maintenant de communisation mourraient demain, cela ne changerait strictement rien au devenir révolutionnaire. Nous ne sommes en rien indispensables à la révolution : La révolution est prise dans le rapport aliéné, elle est autoproduction des individus immédiatement sociaux mais ces individus n’existent pas avant, ce n’est qu’après que chacun sera irremplaçable" nous dit BL.

    voilà qui est parfaitement inouÏ. avant le communisme pas de communisme, après seulement, quelque chose qui n’est pas du tout bien que nous le pensions déjà : les individus immédiatement sociaux qui seront indispensables etc.

    a-t-on entendu parler, je ne dis pas de Hegel, la réponse va de soi, et c’est non, mais seulement de dialectique ? même les bordiguistes italiens de n+1 (tiens, je n’ai pas oublié de mentionner le lien mais pensais avant aujourd’hui que cela ne servait à rien) soutiennent que le futur agit déjà sur le présent. si c’est pour régresser en deçà du bordiguisme, je dis adieu.

    j’entends venir avec ses gros sabots l’anathème jeté à la face du nombrilisme petit-bourgeois :"penser sauver sa carcasse, déjà, puis en plus qu’on est indispensable, quelle misère !, quelle non-science !". un peu de sérieux. le communisme est en acte la ripsoste "d’individus indispensables", à lamachine sociale qui cherche à les broyer, ou n’est que du stalinisme, une forme de modernité, une version orientale du capital, bref la même vieille merde que l’ on prétend vider, mais réhabilitée sous sa forme archäique directement abrahamique : l’égalité comme moulinet auquel toute singularité est tenue de passer. on ne va pas nous refourguer le matérialisme historique, par pitié.

    qui est indispensable à la révolution ? l’histoire ? le capital seul, sûrement ? mais on nous dit ne pas attendre qu’il fasse tout le boulot. qui le fait, sinon ceux qui sont certainement indispensables, ou les mots n’ont aucun sens, car si celui qui fait un boulot n’est pas indispensable à l’effectuation du boulot, on ne sait plus de quoi on parle, sinon de capital : seulement dans le capital, les individus comme individus sont dispensables, inutiles, nuisibles même, de trop. je ne suis pas pour le capital.

    ou bien comme dit Simon, "on s’autotransforme à partir de ce qu’on est", même s’il est évident qu’il trahit par là une pensée vraie qu’il refuse de reconnaître, il s’agit d’un lapsus en quelque sorte : on ne se transforme qu’à partir de ce qu’on n’est pas encore pleinement et qu’on est pourtant déjà en quelque sorte. car ce qu’il entend par ce qu’on est c’est : prolétaire. si les prolétaires ne disposaient que de ce qu’ils sont comme prolétaires pour faire la révolution, cette révolution n’adviendrait jamais, au grand jamais. on se transforme en donnant définitivement la préséance à ce qu’on n’est pas encorepleinement mais que l’on est déjà, ou que l’on est demanière schizoïde, séparée à l’intérieur d’un même corps. l’âme des contraires est paradoxale, pour tout dire elle est double : il y a deux natures qui se broient, le processus révolutionnaire correspond à un changement de sens du procès de destruction réciproque des contraires au sein de chaque individu encore disposé au communisme. le communisme est déjà là à quelque degré, ou l’on n’en parlerait pas, sauf à jouer à l’ânerie du clivage ^^etre/pensée ;



  • > Bon alors qu’est-ce qu’on fait ?, Hélène, 15 août 2005

    Bonjour,

    Que faire ?Quoi faire ?Qu’est-ce qu’on fait ?Je serais tentée de dire :on vit.Certes la réponse est lapidaire alors encore un effort pour être explicative.Le mouvement ouvrier est mort,les organisations que le prolétariat reconnaissait comme viviers d’hommes et de femmes capables de provoquer un renversement brutal et total sont soit vidées de leur coquille soit totalement intégrées à la bonne marche du capitalisme,c’est une révélation pour personne sur ce site mais le redire entraine plusieurs points.

    Il n’y a plus de lieux fixes où les pratiques et les analyses se rejoignent,se contredisent,se synthétisent ,il reste des "mouvements sociaux" ,des temps forts ou faibles ,une vraie partition de musique !Et comme pour toute partition elle s’interprète selon l’entrée des différents instruments.Mais qui écrit la musique ?C’est ici que l’improvisation est chez elle,que l’écoute est primordiale et les "ratés" aussi.Le chef d’orchestre n’est plus l’indispensable moteur ou modérateur des musiciens ces derniers

    sont bien assez rôdés cela fait plus de 150 ans qu’ils jouent.

    La coupure (si masculine) entre la vie sociale au turbin et la vie "à la maison" a reçu un sacré coup,puisque les lieux de retrouvailles entre hommes ont abandonné leur fonction de formation et de transmission de l’histoire du mouvement ouvrier.C’est ni bien ni mal,c’est ainsi.

    Etre communisateur ou agir en tant que communisateur est un débat qui parle de la maîtrise des situations en fait,du contrôle des concepts et des affects lorsqu’il y a luttes qui se voient qui "passent" à la télé ou sur les radios.Mais quand il n’y a soi-disant rien(en fait la vie tout simplement)qui se passe de visible le débat se tarit rapidement.

    A propos de l’alternativisme:il se veut le laboratoire d’expérimentation d’une société future égalitaire et entièrement organisée selon les besoins de chacun et les désirs de tout le monde.Le hic c’est que les deux termes renvoient l’un à l’économique(le premier)l’autre à l’intime(le deuxième)alors qu’il n’y a pas plus incontrôlables que des désirs accumulés malgré toutes les meilleures volontés du monde .

    Les textes et les interventions (merci à leurs auteurs)ont permis de clarifier la définition de certains termes employés depuis l’épisode/correspondance de Calvaire,je tenais à le préciser.

    Hélène



  • > Bon alors qu’est-ce qu’on fait ?, Patlotch, 8 octobre 2005

    J’ai cliqué sur "répondre à cet article", mais je ne le ferai pas, pas plus qu’à ce qui ressort pour R.S. d’une "évidence" > ; du moins ne le ferai-je pas directement. Accessoirement, il serait peut-être utile que dans ce forum on puisse ouvrir des sujets indépendamment des textes proposés pour la revue papier. Je ne crois pas qu’il soit pertinent (CC ?) de préserver de façon cloisonnée sa spécifité médiatique : je crois davantage à une articulation des deux.

    Une autre chose, ou la même dit autrement, de l’ordre de l’évidence, c’est que Meeting et ici son forum sont seuls, sauf erreur, à tenir une place devenue incontournable, aujourd’hui, pour qui ne peut définitivement plus s’aveugler aux lendemains qui chantent de la démocratie radicale, quel que soit le nom qu’on lui donne et sa valeur théorique : de l’anti-citoyennisme à la révolution comme dépassement produit, il n’y a qu’un pas. Dans la mesure où nous cherchons ensemble lequel et comment, la question est commune à ceux qui l’envisagent comme un 100 mètres haies (taxés par Théorie communiste d’"immédiatisme") ou comme un marathon (BL) : révolution à produire immédiatement en mettant le paquet militant adéquat dans l’action directe, ou à saisir comme moment d’une possibilité révolutionnaire (= faire la révolution) dans l’implication réciproque de la lutte des classes. Sans se reconnaître dans ces deux catégorisations qui me semblent accaparer et réduire le débat, nombreux peuvent se sentent concernés par l’idée de "communisation" : rupture révolutionnaire avant une période de transition comportant des mesures directement communistes, et non après ou dans une transition interne au capitalisme, par étapes ou graduellement dans un schéma de type démocratie radicale > socialisme : en somme, si le communisme est bien « à commencer par ses fins », Lucien SEVE, c’est après une rupture et non pour la produire). "Nombreux", tout est relatif, mais rapporté au forum censé témoigner de l’intérêt de la chose révolutionnaire, c’est pas la peine de se raconter des histoires : quelque chose n’a pas marché, et yapuka remettre sur le métier.

    Je vais pas pointer les défauts des autres, ni même la difficulté réelle du projet initial, puisque les débats autour du lancement de ce type de revue traduisent assez un accouchement dans la douleur Cf en 2002 Communisation et les articles en 2004 du numéro 1 de Meeting

    Je veux plutôt faire un point en ce qui me concerne : j’ai découvert l’idée de "communisation" à partir du livre de Roland Simon > THÉORIE DU COMMUNISME, volume 1, dont la cohérence était à la fois nécessaire pour me convaincre de rompre avec mes positions antérieures, et susceptible de m’embarquer dans une perception de la communisation limitée aux positions de Théorie communiste. L’utilisation précipitée de concepts mal digérés pouvait alimenter l’impression d’une utilisation idéologique, "militante", du corpus conceptuel, et d’un parti pris dans les débats du « courant communisateur » dont je ne saisissais pas les tenants et les aboutissants, alors que je n’avais de fait pas de position arrêtée : je cherchais à comprendre certaines inconséquences, et particulièrement le fait que beaucoup ne s’expriment pas en toute franchise et n’alimentent pas de leurs réflexions ce qu’ils avaient contribué à mettre en branle (-haut de combat de classe car, pour autant que la fréquentation des prolos ait un intérêt, on y apprend au moins sans théorie à appeler un chat un chat). Il m’est apparu que les questions que je posais "naïvement" à l’aveuglette ne pouvaient obtenir de réponses claires sans mettre en question le consensus sur lequel reposait Meeting.

    Les choses s’étant un peu éclaircies pour moi, je peux donc considérer que mes interventions printanières ont pu provoqué des effets dissuasifs, et j’en suis confondu. Il y a certes d’autres causes au fait que la sauce n’a pas pris... un douloureux et long Calvaire qui ne demandait pas l’euthanasie... de toutes aussi longues et autrement douloureuses contributions au pied desquelles qui trouverait à (re)dire ? (Jef) Comment ne pas être deux fois candidat à se faire ramasser ? (Amer S. peut-être, moi un peu, encore que passer pour ce que je suis ne me gêne pas).

    Toujours est-il que le silence de ce forum est insupportable parce qu’il n’est pas juste : il ne correspond pas au besoin de causer (parler pour provoquer des effets) autour de l’idée de communisation, que ce soit en termes théoriques ou en témoignant des situations que vivent les uns ou les autres, acculés dans l’impasse de considérations ou de pratiques qui s’épuisent et dévoilent à leurs yeux leurs limites, que ce soit dans le rapport au boulot, au non-boulot, à la vie non vécue avec ses pis-allers pratiques ou psychologiques, si bien que plus personne ne prétendrait sans ridiculte se donner en modèle "communiste", quand nos actions ne font plus que mettre en scène notre impuissance sous-spectaculaire, et commune.

    Ben voilà, c’est-à-dire que nous voilà au pied du mûr, sachant que pas un n’est plus avancé que l’autre, et qu’il faut faire avec ou contre, quelque chose : ben alors, qu’est-ce qu’on fait ?... Meeting, pourquoi pas ?

    Patlotch, 8 octobre

    ?¿ ? ¿ ?¿ ? ¿ ?¿ ?¿ ?

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