Le De profundis du démocratisme radical

dimanche, 21 janvier 2007

Submitted by Craftwork on June 15, 2017

Aux dernières nouvelles Bové sera donc finalement quand même le candidat des collectifs antilibéraux. Après que Buffet - pour sauver ses députés et ses maires grâce à la mansuétude du « social-libéralisme » comme elle dit - ait essayé de les traiter comme le PS a traité la PC dans les années 80, les antilibéraux ont regimbé et désigné par acclamations « Josébové » comme leur candidat, ce dernier rebondissement ne change rien à la question qui me semble devoir se poser depuis quelques temps déjà : Le cycle du démocratisme radical est-il terminé ?

Ouvert en 1995 le cycle du démocratisme radical s’est peut-être globalement terminé autour de 2005. Un certain nombres de faits vont dans ce sens, je les cite ici en vrac :

Les régimes de gauche en Amérique Latines appliquent des politiques orthodoxes qui se rattachent soit au libéralisme le plus courant avec Lulla au Brésil et Bachelet au Chili, soit à un genre de blairisme 3ème voie avec Kirchner en Argentine, soit une politique de pur clientélisme rentier pour Chavez. Celui-là s’entoure d’une « bolibourgeoisie », pas pire que la bourgeoisie normale, qui gère la distribution d’une partie de la rente pétrolière à un prolétariat miséreux, c’est tant mieux, mais ça n’a rien à voir avec le développement durable et, l’économie solidaire, les altermondialistes vont encore devoir se trouver de nouveaux héros.

- Les beaux jours des Forums Sociaux Mondiaux de Porto-Alegre et de la démocratie participative sont finis.
-ATTAC s’est effondré dans le ridicule d’un trucage des élections internes

- Les FSM après Porto-Alégre, à Londres puis en Inde et en enfin en Afrique se sont banalisés et ne sont plus que des rencontres d’ONG et d’Humanitaires en quête de partenaires et de coopération avec les Etats locaux (surtout en Afrique).

- Le cycle des contre-sommets combatifs ouvert à Seattle s’est terminé à Gênes L’objectif de démocratie des peuples s’évapore et ne laisse la place qu’à des revendications immédiates non articulées à un quelconque horizon prenant la suite de socialisme, non seulement tout horizon d’au-delà du capital a disparu depuis longtemps avec la disparition du programmatisme à la fin des années 80, mais dans la seconde partie des années 2000 même l’horizon démocrate - radical, horizon pourtant interne au capitalisme, a disparu.
En 2003 le démocratisme radical c’était le mouvement contre la guerre en Irak, cela aura été sa dernière manifestation importante.

- Lors du mouvement contre le CPE il n’y a pas eu d’expression démocrate radicale, aucun contre-plan démocratique n’a été avancé, à l’inverse de ce qui c’était passé en 2003 lors du mouvement contre la réforme de retraites, où toutes sortes de contre-programmes pour défendre les 37,5 années de cotisations avaient été élaborés et où le démocratisme radical était tout simplement la langue spontanée de tous les participants au mouvement. Pour le CPE il n’y a eu aucune défense sérieuse du CDI et le seul contre-plan existant est resté dans le non-dit, puisqu’il s’agissait de la « sécurité sociale professionnelle » que les syndicats ont gardée sous le coude, tant c’est un projet qui entérine la précarisation et qui est partagé par le MEDEF et la gauche comme la droite politiques sans susciter d’opposition, ce qui prouve la profondeur de l’intégration de la restructuration dans les représentations sociopolitiques. Pendant le mouvement il n’a pas non plus été question de la mondialisation comme explication de la précarisation.

- En 2005 le bon peuple avait répondu « merde » à la question « approuvez-vous ce qu’on vous fait ? » Mais la rhétorique altermondialiste n’avait plus embrayé, le refus pur et simple n’était adhésion à rien.
En France la tentative de faire un front pour capitaliser le « Non de gauche » a été un complet échec, elle se fondait sur l’idée que le « non » aurait été un « oui » à une autre Europe, un oui altermondialiste. De même la volonté d’articuler une candidature antilibérale au mouvement contre le CPE est un non-sens puisque le mouvement anti-CPE n’était pas démocrate-radical, ne portait aucune alternative, d’ailleurs on ne peut le comprendre en-dehors de son rapport aux « émeutes de banlieue » qui ne portait aucune revendication, mais était « antisocial », s’opposait au capital tel qu’il apparaît hors la production, comme la société.
Tout le corpus idéologique du Démocratisme Radical s’est évaporé, les luttes, dont il était l’expression des limites, ne génèrent plus une mise en forme de ces limites postulant une adéquation du capital à son image idéologique de producteur de la richesse et de donneur d’emploi. Les limites des luttes semblent immédiates à elles-mêmes, les luttes se réduisent à leur caractère revendicatif, elles ne se donnent plus comme pouvant être projet de réaménagement social, les militants DR ne « méritent plus de claques » on ne peut plus leur attribuer un quelconque rôle dans la limitation des luttes et dans leurs fins. Avec le CPE la chose a été aveuglante, le projet retiré, le mouvement s’est arrêté comme on éteint la lumière !

L’altermondialisme qui était la forme la plus connue et la plus synthétique du démocratisme radical a disparu totalement d’un paysage maintenant occupé par l’invraisemblable alliance Chavez - Ahmadinejab, sont caractère ubuesque souligne cruellement la disparition de l’altermondialisme intelligent des années 90, la fin de la rêvée 5ème internationale des rescapés du « pablisme ».

Du point de vue du caractère général des luttes, la situation serait donc que la contradiction du prolétariat au capital non seulement ne pose plus une appropriation du capital par la classe du travail (le socialisme du programme), mais ne pose pas non plus une mise en conformité du capital à lui-même comme travail social dans le partage des richesses (l’économie solidaire et le développement durable). On peut imaginer que l’alternativisme (qui est l’essence du DR car ce qui doit succéder au capital est un « autre » développement de ce qui est, au sens propre une alternative et pas un dépassement révolutionnaire) est aussi obsolète de même que l’immédiatisme - qui considère que la révolution est toujours immédiatement possible - ne pouvant plus incriminer les citoyennistes, devrait reconnaître que la limite réelle des luttes c’est le capital qui se reproduit. L’alternativisme et l’immédiatisme qui se sont constitués dans le début du nouveau cycle de lutte - démarré à la fin de la restructuration - dans et par la liquidation du programmatisme, ne disparaîtront pas mais ne pourront plus faire l’impasse sur la crise économique du capital comme médiation au rapport révolutionnaire.

Cette petite chronique devrait paraître sur le site Meeting chaque 2ème et 4ème semaine du mois, ce sera soit un texte provoqué par un événement du moment, soit un document moins d’actualité, mais qui ne constitue pas à priori une proposition d’article pour Meeting-papier.

Tempus Fugit

Commentaires :


  • Le De profundis du démocratisme radical, leniveleur, 24 janvier 2007

    mais le cadavre bouge encore, il me semble

    Tu y vas peut être un peu vite en besogne pour enterré le démocratisme radical

    Ce qui me gêne c’est que tu ne parle que l’exemple français, le démocratisme radical est il propre à notre beau pays ?

    Et ce qui vient de se dérouler au Mexique pendant des mois c’est quoi ?

    Amitiés

    Leniveleur


    • Le De profundis du démocratisme radical, , 26 janvier 2007

      Hey Theleveler ! et Salut à tous,

      Oui le cadavre du DR bouge encore, oui ce n’est pas qu’un phénomène spécifique à la France et à la Navarre, j’ai évoqué les FSM de Porto Alègre, Lula, Chavez, Kirchner , mais le Démocratisme radical comme orientation synthétique, comme idéologie cohérente et englobante me semble plus qu’à l’agonie, et dans le texte que tu as mis sur la liste Meeting et que j’ai demandé de mettre à la suite de ma chronique il y a je crois une confirmation de ma formule : « Les FSM après Porto-Alégre, à Londres puis en Inde et en enfin en Afrique se sont banalisés et ne sont plus que des rencontres d’ONG et d’Humanitaires en quête de partenaires et de coopération avec les Etats locaux (surtout en Afrique). » puisque voici se qu’on y trouve : « Une optique « basiste » qu’il s’agit de mettre en oeuvre ‘dès maintenant, immédiatement’, sans attendre l’apport miraculeux d’éventuelles révolutions lointaines. Les espaces à conquérir abondent : ‘La lutte contre le sida en Afrique pour assurer la prévention et les médicaments nécessaires aux malades, les nouvelles variantes de l’économie solidaire en construction ou les logiciels libres d’informatique représentent des défis importants’. » . Je n’ai pas beaucoup réfléchi à Oaxacha et je ne peux rien en dire de sérieux mais il m’a semblé que ce mouvement ne se conformait pas aux conceptions de l’EZLN, qu’il ne développait pas un discours se voulant de portée « intergalactique » que le mouvement se centrait sur un objectif précis le retrait du gouverneur et d’ailleurs que les communautés indigènes se sont mises de côté quand elles ont vu la façon dont ça tournait, (tout ça sous toute réserve bien sûr). En tout cas bien finis les contre-sommets, bien finie la taxe Tobin, bien finie l’autre mondialisation. La déconfiture apparente du DR en France n’est qu’un symptôme mais un symptôme important si l’on pense à l’audience internationale du Monde Diplomatique avec ses éditions en une dizaine de langues, et à l’écho qu’a eu notre « french farmer » national.

      Le démocratisme radical n’a jamais été l’obstacle à la communisation le DR, idéologie se construisant sur les limites des luttes et les mettant en forme ne produisait pas (ou ne produit toujours pas) ces limites, donc s’il est, comme je l’avance ici, réduit à n’être plus qu’un ectoplasme cela ne n’ « ouvre la voie » à rien. Il y aura toujours DES discours démocratiques s’articulant aux luttes, la question c’est l’existence d’un CORPUS et de structures allant avec, promouvant une alternative d’ensemble au libéralisme et/ou au capitalisme.Pour donner encore un exemple franco-français, la Ségo a réussi, au moins dans sa bagarre contre les éléphants du PS, à recycler les éléments les plus digestes (déjà pourrissant) du DR : la démocratie participative, l’expertise citoyenne, prendre le pouvoir pour le rendre au peuple en restant à son écoute ( « commander en obéissant » disait le « SOUS commandant »), il est probable que cette captation d’héritage n’a pas été pour rien dans l’explosion des antilibéraux, même si le recul du PC devant son sabordage est aussi essentiel.

      Pour finir, la question c’est : Est-ce que les luttes de classe actuelles portent encore le DR comme LEUR mise en forme ?



  • « Réinventer l’émancipation » : quelle voie vers la démocratie radicale ?, , 26 janvier 2007

    ecrit par SERGIO FERRARI, NAIROBI, Date : Mercredi, 24 janvier @ 00:00:00

    Sujet Solidarité

    in "le courier"

    DEBAT - En Afrique comme en Amérique, les acteurs sociaux s’interrogent sur leurs relations avec le pouvoir politique et les partis. Echos du Forum social mondial.

    Beaucoup des grands thèmes politiques et internationaux de l’actualité ont « atterri » pour quelques jours dans la capitale kenyane. La septième édition du Forum social mondial (FSM) constitue un cadre propice pour les approfondir à la chaleur des apports des acteurs sociaux les plus variés. La relation entre les mouvements sociaux, la société civile en général, les partis politiques et l’Etat a occupé différents espaces de discussion ces derniers jours, confirmant des différences sensibles entre l’Afrique et l’Amérique latine et à l’intérieur de ces continents mêmes.

    Changer le pouvoir

    « Cela n’est pas seulement un débat essentiel, mais un exercice qu’il faut absolument approfondir », affirme Antonio Martins, cofondateur du FSM en 2001 en représentation d’Attac-Brésil. Et quand il dit « essentiel », M. Martins sait qu’il provoque la colère de certains militants de la gauche internationale qui attribuent aux mouvements un « rôle subalterne », ceux-ci devant « chaque quatre ou cinq ans, au moment des élections, transférer leurs décisions aux partis ». « Il faut réviser les conceptions qui considèrent les partis politiques comme représentants et les mouvements sociaux comme représentés », insiste le jeune militant brésilien.

    Membre du groupe qui organise le conclave africain, Antonio Martins revendique l’apport significatif du FSM comme espace-clé pour débattre et construire une nouvelle culture politique citoyenne, car « sans une forte pression des mouvements sociaux, on ne modifiera pas les mécanismes du pouvoir ». Son programme est clair : « Réinventer l’idée d’émancipation, ré-élaborer le concept de démocratie à partir de la participation et délégitimer la violence du système. »

    Une optique « basiste » qu’il s’agit de mettre en oeuvre « dès maintenant, immédiatement », sans attendre l’apport miraculeux d’éventuelles révolutions lointaines. Les espaces à conquérir abondent : « La lutte contre le sida en Afrique pour assurer la prévention et les médicaments nécessaires aux malades, les nouvelles variantes de l’économie solidaire en construction ou les logiciels libres d’informatique représentent des défis importants. »

    « Les relations entre les partis et les mouvements sont complexes et sont conditionnées par l’existence d’un pouvoir d’Etat », modère Javier Díaz Canseco, militant du Parti socialiste péruvien. Défendant les structures partisanes, il souligne que « les mouvements sociaux - et pas seulement les partis - pratiquent aussi des négociations avec l’Etat. »

    Codifier les rapports entre mouvements et partis

    Pour le militant péruvien, aujourd’hui, en Amérique latine, ont lieu des phénomènes novateurs tels que « l’émergence des peuples indigènes qui ont une autre conception de la démocratie ». La démocratie participative que ces peuples défendent et exercent prouve que « la démocratie n’est pas une invention de l’Occident ».

    M. Díaz Canseco voit dans le FSM le résultat d’une construction collective « entre mouvements et partis » et propose, pour le futur, une série de « codes » qui permettraient d’assurer une relation correcte entre partis et acteurs sociaux : l’autonomie des uns envers les autres, la transparence dans l’échange, le contrôle mutuel et un suivi attentif envers ceux qui détiennent le pouvoir.

    Leopoldo Mansai, militant social et membre d’une ONG chrétienne du Cameroun, acquiesce : « La priorité est de redéfinir la relation de la société civile de [son] pays avec les partis politiques. » Récemment créés, ceux-ci ont encore pour objectif d’assurer la réélection des gouvernants.

    Contrôler, dialoguer

    Analysant la jeune histoire politique camerounaise depuis l’indépendance, M. Mansai souligne le rôle joué par la société civile - en dialogue avec les partis - pour élaborer la Constitution de 1996 et pour observer les dernières élections de 2002, évitant des risques de fraude. Des priorités, commente Titi Nwel, de la Commission Justice et Paix de l’Eglise catholique camerounaise, qui en disent long sur les différences de dynamiques politiques et même de nature de la société civile entre l’Afrique et l’Amérique.



  • Le De profundis du démocratisme radical, , 7 février 2007

    Déclaration adoptée le 24 janvier 2007 par l’Assemblée des Mouvements sociaux réunie à Nairobi lors du 7e FSM [1]

    Nous, les mouvements sociaux d’Afrique et du monde entier, nous sommes venus ici à Nairobi, au Forum Social Mondial (FSM) 2007 pour célébrer l’Afrique et ses mouvements sociaux ; l’Afrique et son histoire permanente de lutte contre la domination étrangère, le colonialisme et le néo-colonialisme ; l’Afrique et ses contributions à l’humanité ; l’Afrique et son rôle dans la quête d’un autre monde.

    Nous sommes ici pour célébrer et réaffirmer l’esprit du Forum Social Mondial qui est un espace de lutte et de solidarité ouvert à tout le monde et aux mouvements sociaux quelle que soit leur capacité de paiement.

    Nous dénonçons les tendances à la marchandisation, à la privatisation et à la militarisation de l’espace du FSM. Des centaines de nos frères et sœurs qui nous ont souhaité la bienvenue à Nairobi, ont été exlu(e)s en raison des coûts élevés de participation.

    Nous sommes également profondément préoccupés par la présence d’organisations qui travaillent contre les droits des femmes, les droits des secteurs marginaux et contre les droits sexuels et la diversité en contradiction avec la Charte des Principes du FSM.

    L’Assemblée des mouvements sociaux a créé une tribune pour que les Kenyans, Kenyanes et les autres Africains et Africaines, venus de divers horizons, présentent leurs luttes, leurs alternatives, leurs cultures, leurs talents et leurs capacités. C’est aussi un espace pour que les organisations de la société civile et les mouvements sociaux interagissent et partagent les thèmes et les problèmes qui les touchent.

    Depuis la première assemblée en 2001, nous avons contribué à édifier et à consolider avec succès les réseaux internationaux de la société civile et ceux des mouvements sociaux. Nous avons renforcé notre esprit de solidarité et nos luttes contre toutes les formes d’oppression et de domination.

    Nous reconnaissons que la diversité des mouvements et des initiatives populaires contre le néo-libéralisme, l’hégémonie du monde capitaliste et les guerres impérialistes, sont une expression de la résistance mondiale.

    Nous devons maintenant avancer vers une étape d’alternatives effectives. Beaucoup d’initiatives locales existent déjà et elles doivent être amplifiées : ce qui se passe en Amérique latine et dans d’autres parties du monde - grâce à l’action conjointe des mouvements sociaux - montre le chemin pour mettre en pratique des alternatives concrètes à la domination du capitalisme mondial.

    En tant que mouvements sociaux des cinq continents réunis à Nairobi, nous exprimons notre solidarité avec les mouvements sociaux d’Amérique latine dont les luttes persistantes et continues ont conduit aux victoires électorales de la gauche dans plusieurs pays.

    Actions

    Nous appelons à une ample mobilisation internationale contre le G8 à Rostock et Heiligendamm (Allemagne) du 2 au 8 juin 2007.

    Nous mobiliserons nos communautés et mouvements le Jour de l’Action Internationale en 2008.

    Nairobi, 24 janvier 2007

    Notes :

    [1] Plus de 2000 personnes participaient à cette assemblée qui a été animée par Trevor Ngwame d’Afrique du Sud et Wahu Kaara du Kenya.



  • Le De profundis du démocratisme radical, Patlotch, 16 février 2007

    Grand bon soir à toussétoutes, bonsoir de bons soirs grands !

    Ces réflexions théoriques à partir d’éléments très concrets rejoignent mes fumosités d’un temps, sur la pertinence du démocratisme radical comme cycle jusqu’à la révolution.

    Sinon, très bonne initiative que cette chronique, et bonne mesure que d’avoir suspendu, ne serait-ce que pour un temps, le genre forum. La forme me semble plus compatible avec le bon rythme, le juste tempo, dans lequel peuvent s’exprimer des idées fécondantes, confondantes, ou confrontantes. Poil aux denses.

    Bon courage à toussétoutes donc.

    Amical’


    • Le De profundis du démocratisme radical, FC , 2 mars 2007

      En plus de voir finir le démocrartisme radical, expression qui comprends ceux qui luttent contre le citoyennisme, le citoyennisme, l’alternativisme et même l’immédiatisme, vous souhaitez également l’agonie de la société capitaliste et conssumériste. Je n’y voit rien à redire et donc ne questionerais ni votre tactique, internet et quelques brochures en langage codé mais je suis chagrin que votre théorie communiste manque de modernité, quid de la critique du patriarcat comme système économique utile aux multiples reproduction des élites et des classes, des luttes homosexuelles en tant que critique de la répréssion sexuelle ?


      • Le De profundis du démocratisme radical, Sinistre Spectacle, 16 mars 2008

        Thèses sur leur démocratie

        « La démocratie, c’est Sarkozy. »

        Une banderole (Rennes, novembre 2007)

        « Pourquoi les chiffres fascinent-ils tant de simples d’esprit et les impatients toujours friands de références et de certitudes ? Un chiffre ne se discute pas, en quelque sorte par définition ; il y a bien une virilité imbécile du chiffre entêté et toujours prêt à s’abriter derrière une espèce d’immunité scientifique. »

        Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs, De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés

        I

        Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, les partisans de l’ordre établi, de gauche comme de droite, n’ont qu’un mot à la bouche : démocratie. Selon leur idéologie, un homme politique est « légitime » dès lors qu’il a été « élu démocratiquement ». En France, pour être élu démocratiquement président, il faut obtenir 50% des voix plus une voix, lors d’un vote à bulletin secret au suffrage universel ( ?) direct. A ce titre, Sarkozy bénéficie d’une « forte légitimité populaire » puisqu’il a obtenu pas moins de 53% des voix le 6 mai dernier. La conclusion logique de tout ceci nous est matraquée quotidiennement par les journalistes aux ordres : si Sarkozy est « légitime », ses « réformes » le sont aussi, donc sont « illégitimes » et « anti-démocratiques » toutes les tentatives d’opposition à la politique sarkozienne.

        II

        Les sarkozystes, de droite comme de gauche, avoués ou honteux, hommes politiques, journaleux ou autre, savent pertinemment qu’il ne leur sera pas possible de se servir durant 5 ans des minables « 53% » du 6 mai 2007 comme d’un bouclier. D’où l’utilité du recours aux sondages : grâce à des instituts de sondages tels que l’IFOP (appartenant à Laurence Parisot, présidente du MEDEF), c’est le 6 mai 2007 tous les jours ! 57% des Français adorent Sarkozy par ci, 60% des Français condamnent la grève par là, une majorité de Français approuvent les tests ADN… et ainsi de suite. Le seul problème, c’est que ces sondages ne valent rien : les échantillons de « sondés » ne sont pas « représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus » (ce qui est l’extravagante prétention des instituts de sondage), ils sont uniquement représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus acceptant de répondre au sondage. De surcroît, au risque d’enfoncer une porte ouverte, la formulation des questions joue pour beaucoup dans les réponses obtenues : voila pourquoi plusieurs sondages réalisés le même jour et portant sur le même thème aboutissent à des résultats très différents.

        III

        L’invocation permanente des si merveilleusement démocratiques « 53% » du 6 mai 2007 et la mise en avant des divers sondages favorables à Nicolas Sarkozy participent d’une seule et même problématique : il s’agit pour la bourgeoisie de trouver une justification à la poursuite et la radicalisation des contre-réformes néo-libérales (initiées par le social-démocrate François Mitterrand il y a 25 ans) sans se référer à une quelconque morale. En effet, la bourgeoisie ne peut pas se référer à sa propre morale, en tant que classe sociale, pour une raison simple : elle n’en a pas, elle est parfaitement amorale. Seul compte pour elle le pognon. Habituellement, elle s’en fout plein les poches par des méthodes nettement répréhensibles (guerres impérialistes, exploitation des esclaves salariés…), mais elle ne répugne pas non plus à s’enrichir grâce à la pléthorique et très hypocrite industrie de la bonne conscience : CD pour sauver le Darfour, livres de Nicolas Hulot, produits bio, places pour le prochain concert du chanteur degauche à la mode, cartes d’adhérent au Parti Socialiste ou à Attac... Certes, il faut reconnaître que Sarkozy s’acharne (en fait, depuis 2002) à redonner un nouveau souffle aux religions et à leur morale toujours en faveur des riches : en nommant la catholique intégriste Christine Boutin dans son gouvernement (et une ou deux musulmanes, pour ne pas faire de jaloux), en promettant la destruction de la loi de 1905 sur la laïcité, et cætera. Mais les classes populaires du pays sont massivement athées, et il est probable que les curés – même secondés par les imams, les rabbins et autres gourous – échouent à les convaincre de l’utilité de se faire exploiter plus pour gagner moins. Et, de toute façon, Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa et sa clique savent pertinemment que remplir de nouveau les lieux de cultes de pauvres est un projet de longue haleine ; d’où, en attendant un hypothétique succès de ce projet, le rappel fréquent des « 53% » et, surtout, des derniers sondages bidons en date.

        IV

        Les réactions des partisans de l’ordre établi face au mécontentement généré par la politique sarkozienne – et, surtout, face aux formes par lesquelles il s’exprime – aident à comprendre ce qu’est, pour eux, la démocratie. Quand le premier ministre François Fillon dénonce les actuelles grèves dans les facs comme étant « politiques », cela peut surprendre quelques personnes crédules qui se demanderont : comment nos dirigeants peuvent-ils se réclamer de la démocratie tout en faisant un usage dépréciatif de l’adjectif « politique » ? C’est très simple : pour la classe dirigeante et ses laquais, la démocratie idéale est une démocratie-marché dans laquelle l’individu-consommateur bénéficie de tout un tas de libertés de choix : Leclerc ou Auchan, Quick ou Macdo, TF1 ou Arte, VSD ou Paris Match, et bien d’autres dilemmes tout aussi cruels… Pour ce qui est de la politique, par contre, dans la démocratie si chère à nos gouvernants, cela consiste uniquement à choisir, à chaque élection, entre quelques candidats qui se disputent sur la manière adéquate de gérer le capitalisme mais qui, tous sans exception, acceptent le postulat de base du caractère éternel de l’État et des classes sociales.

        V

        Dans la conception dominante de la démocratie, il est préférable que les masses ne s’intéressent pas à la politique. C’est pour cette raison que nos dirigeants n’hésitent pas à faire ouvertement l’éloge de la « majorité silencieuse », celle qui ne prend pas part activement à la vie de la Cité. Ce concept de majorité silencieuse est, pour le Pouvoir, un joker de luxe : à chaque fois qu’il est un tant soit peu dérangé par les actions de tel ou tel secteur de la population (jeunes des quartiers populaires/cités qui caillassent les flics, salariés du public en grève…), il peut opposer à celui-ci sa fameuse « majorité silencieuse » qui condamne lesdites actions. Et, puisque cette fameuse « majorité » favorable au gouvernement est « silencieuse », ceux qui l’invoquent sont, bien entendu, dispensés de prouver qu’elle existe.

        VI

        Cette glorification de la « majorité silencieuse » par la bourgeoisie et ses merdias se change instantanément en une haine non dissimulée pour les classes populaires à chaque fois qu’il n’est plus possible de cacher le fait qu’elles sont majoritaires – au regard même des critères démocratiques dominants – à ne pas penser comme il faut (c’est-à-dire : à ne pas penser comme l’élite). Suite à la victoire du non lors du referendum du 29 Mai 2005, les partisans de l’Union Européenne capitaliste nous ont alors expliqué que ce salaud de peuple (en particulier ces salauds d’ouvriers, qui ont presque tous voté non) était tour à tour ou simultanément : nazi, inculte, ringard, réactionnaire, poujadiste, illettré, antisémite, nationaliste, archaïque, conservateur… De même, si la vaste majorité des salariés et de la jeunesse a soutenu les grandes grèves de février à avril 2006 – et que des millions d’entre eux ont pris part aux manifestations – ce n’est pas parce qu’elle avait de bonnes raisons de refuser le CPE et son monde… Non, détrompez-vous : c’est uniquement parce que tous ces gens-là n’étaient que des naïfs manipulés par les syndicats et l’extrême-gauche, ou alors des staliniens, ou bien des débiles inaptes à comprendre les sacrifices rendus nécessaires par la mondialisation, ou enfin des anti-démocrates qui osent demander le retrait d’une loi votée par les députés – ces inénarrables « représentants de la Nation ».

        VII

        La réponse des gouvernants aux récents blocages (des trains par les cheminots, des avions par les stewards et les hôtesses d’Air France, des facs par les étudiants…) est sans ambiguïté : envoi des CRS, des gendarmes mobiles, matraquages, lacrymos, gardes à vue, projet d’élargissement du service minimum au transport aérien, assimilation des grévistes à des « terroristes », menace d’intervention de l’armée... Ces réactions de fureur nous rappellent opportunément que « la démocratie-marché sera fluide ou ne sera pas » (cf. Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs…), que les flux (de marchandises, de personnes, d’informations…) y jouent un rôle prépondérant et que sa devise est : « tu bouges ou tu crèves ! » (Ibid).

        VIII

        Le blocage des facultés nous permet de constater encore une fois que le vote à bulletin secret est une arme entre les mains des anti-grévistes. Ces derniers savent bien que les grèves commencent à main levée et se terminent à bulletins secrets. Le président de la République le sait aussi, qui veut rendre obligatoire le vote à bulletin secret au bout de huit jours de grève dans une usine, une administration ou une faculté. Ce type de vote – que l’on veut nous imposer au nom de la démocratie, mais qui rend possible bien des tricheries – est complètement en phase avec la présente tendance à déresponsabiliser les masses, à les infantiliser, à faire en sorte qu’elles n’aient rien à assumer – et surtout pas leurs opinions politiques. Les partisans de la conception dominante de la démocratie rejettent le vote à main levée parce que la démocratie dont ils font l’apologie ne peut fonctionner que si la société n’est, conformément aux fondements de l’idéologie « libérale », qu’un agrégat d’individus égoïstes préoccupés uniquement par leur intérêt personnel. Or, lors d’un vote à main levée en AG, après débats, chacun se détermine en tant que membre d’un collectif. Le vote à bulletin secret est nettement plus acceptable, puisque les individus passent par un isoloir – le terme n’est pas anodin – avant de glisser leur bulletin dans l’urne. Cependant, le vote à bulletin secret sera bientôt remplacé par le vote électronique à domicile, qui permettra encore plus de fraudes et règlera également le fâcheux problème posé par tous ces gens qui ont tendance à discuter – catastrophe ! – aux abords des bureaux de vote.

        IX

        Lorsqu’ils sont confrontés à ceux qui dénoncent le charlatanisme de leur démocratie de consommateurs apolitiques, atomistiques et fluides, les valets du système capitaliste s’en sortent très souvent par une acrobatie sophistique du genre de celle-ci : « mais, au fond, puisque vous aimez si peu la démocratie et que vous êtes communistes, pourquoi n’iriez-vous pas vivre en Corée du Nord ? ». Certes, le caractère outrancier de la question lui ôte son pouvoir de nuisance. Mais, parce que des propos de ce type sont récurrents – un président d’université, ancien mao mais toujours salaud, ne vient-il pas de traiter les grévistes de « Khmers rouges » ? – ils requièrent qu’on y consacre quelques lignes. Tout d’abord, remarquons que le régime nord-coréen n’est guère plus dictatorial que le régime gabonais que Sarkozy considère comme démocratique (cf. ses propos du 27.07.2007, à Libreville). Parions que si les dirigeants nord-coréens annonçaient la découverte dans leur pays d’importantes réserves de pétrole ou de gaz naturel, il ne s’écoulerait pas une heure avant que Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa ne range Kim Jong-il dans la catégorie des « démocrates ». Quant à Bernard Kouchner, s’il n’a pas encore rédigé de rapport affirmant que les travailleurs nord-coréens sont bien traités, c’est simplement parce que le groupe Total, son employeur, ne le lui a pas demandé. Le stalinisme, dans toutes ses variantes, est coupable du meurtre de millions d’exploités, à commencer par les plus révolutionnaires d’entre eux ; et la clique bureaucratique au pouvoir en Corée du Nord a beau être peinte en rouge, elle n’en reste pas moins une classe dominante donc, pour nous, une cible à abattre. De plus, les staliniens ont à maintes reprises volé au secours du pouvoir français (lors des grandes grèves de 1936, à la Libération, en Mai 68…) et, sans leur précieux concours, il y a bien longtemps qu’une révolution l’aurait balayé. Ce sont donc les philistins démocrates qui auraient une bonne raison de faire un pèlerinage en Corée du Nord : c’est grâce au stalinisme (de notre point de vue : à cause de lui) que la forme de démocratie dont ils se réclament perdure.

        X

        Les démocrates bien-pensants aiment voir partout des atteintes à leurs « libertés » (liberté d’étudier, liberté de travailler, liberté de circuler…) et les dénoncer vigoureusement. Ces dénonciations horrifiées paraîtraient plus sincères si leur conception étriquée de la liberté (selon la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qu’ils invoquent fréquemment contre les grévistes, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ») ne s’était pas imposée hier par des méthodes qu’ils condamnent aujourd’hui lorsque d’autres y ont recours. En effet, pour que la bourgeoisie française triomphe de la monarchie absolue et la remplace par un régime parlementaire, il a fallu en passer par des mesures éminemment dictatoriales et liberticides (y compris, bien sûr, avant la période robespierriste de la Révolution). Seulement, la Révolution française ne relève pas de l’actualité, elle fait partie de l’Histoire. Comme la connaissance historique tend à disparaître, les bataillons de démocrates militants ont beau jeu de montrer du doigt les « fachos d’extrême-gauche » (rien que ça !) qui entravent leur « liberté ». Mais si l’on demandait à ces fervents démocrates de renoncer immédiatement à bénéficier de toutes les avancées sociales et économiques qui résultent de luttes populaires et non pas d’un vote à bulletin secret au suffrage universel, combien s’y risqueraient ? Ce serait pourtant la moindre des choses, s’ils veulent être en accord avec leurs idées. S’il y en a parmi ces gens-là qui se soucient de la cohérence de leur démarche, on ne saurait trop leur conseiller de travailler à une interprétation globale de l’histoire de France, avec pour boussole leur conception de la démocratie. N’en doutons pas, le résultat serait détonnant : on imagine d’ici les passionnants développements sur les thèmes « insurrection de juillet 1830 : un complot des barricadiers contre la liberté de circulation des Parisiens », « grève des cheminots d’août 1944 : les soldats allemands pris en otage » ou encore « 2 décembre 1851 : des prolétaires hostiles à la démocratie se soulèvent contre un président élu au suffrage universel ».

        XI

        Quant à nous, nous disons clairement que les grèves, insurrections et révolutions dont nous nous voulons les continuateurs ont toujours été, du moins à leur commencement, le fait d’un nombre restreint d’individus. Mais les minoritaires d’hier – Sans-Culottes, Communards, Résistants – dominent les sommets de l’Histoire tandis que les « majorités silencieuses », si chères à l’orthodoxie démocrate, n’y ont aucune place. Si cela peut consoler ces braves démocrates, dans la panoplie des misérables « libertés de… » dont ils disposent, il y a aussi celle de regarder silencieusement – quand ce n’est pas, carrément, en applaudissant des deux mains – les capitalistes mettre à mort la planète. Comprenez-les : après tout, les Bush, Sarkozy, Merkel, Prodi et Cie sont parfaitement légitimes … N’ont-ils pas été élus démocratiquement ?

        Thèses sur leur démocratie

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