a short review in French of Les émeutes en Grèce, a book mainly by Théo Cosme (Théorie Communiste) about the Greece riots of 2008.
An English translation of Les émeutes en Grèce can be found here.
Théo Cosme, « Les émeutes en Grèce », Senonevero, Marseille, 2009, 136 p.
Senonevero est un éditeur militant lié au groupe Théorie Communiste pour qui « une époque est maintenant révolue, celle de la libération du travail, celle du prolétariat s’affirmant comme le pôle absolu de la société : l’époque du socialisme. La révolution sera l’abolition du mode de production capitaliste et de ses classes -le prolétariat comme la bourgeoisie- et la communisation des rapports sociaux. ». Une note dans le présent ouvrage indique : « Précisons que par communisation et abolition des classes nous entendons, dans le cours même de la lutte révolutionnaire, l’abolition de l’Etat, de l’échange, de la division du travail, de toute forme de propriété, l’extension de la gratuité comme unification de l’activité humaine. Ce sont là des « mesures » abolissant le capital, imposées par les nécessités mêmes de la lutte contre la classe capitaliste. C’est ce contenu de la révolution à venir que, dans le cycle de luttes actuel, les luttes annoncent chaque fois que le fait même d’agir en tant que classe apparaît comme une contrainte extérieure, une limite à dépasser. ».
Les émeutes en Grèce est constitué de courts textes écrit par les groupes grecs TPTG et Blaumachen (groupes communistes anti-autoritaire) et d’un texte de Théorie Communiste (de 46 pages).
La crise permanente de l’éducation (texte de TPTG) contribue à la compréhension du contexte des émeutes en retraçant et analysant les luttes récurrentes qui ont marquées l’éducation en Grèce pendant ces dernières années (manifestations, grèves et occupations d’universités) en opposition à la restructuration néolibérale de l’éducation publique (intensification du travail, diminution du financement, sélection plus grande). Luttes exprimant la crise de l’éducation comme vecteur d’ascension sociale et de légitimation des rapports capitalistes.
L’occupation, pas la démocratie ! (texte de Blaumachen) s’appuie sur l’expérience du mouvement dans les universités en 2006 pour étayer une critique de la représentation et du formalisme démocratique, opposant participation et créativité aux rapports spectaculaires.
D’autres textes (écrit en janvier et février 2009) retracent de façon détaillée les événements pendant la période des émeutes, depuis l’assassinat d’Alexis Grigoripoulos, 15 ans, par un flic en exercice. Est décrit l’enchaînement des combats de rue contre la police, des attaques contre les commissariats, banques et les commerces de luxe, des manifestation et des occupations (occupations d’universités, de bâtiments publics, et du siège de la centrale syndicale, qui ont été des centre d’organisation et d’information au mouvement et parfois ont servi aussi à réunir des assemblées de quartier).
Mais ces différents textes valent surtout comme information factuelle ( écrit « à chaud » et accompagné de tracts et déclarations des participants, ils nous font aussi un peu toucher l’ « esprit » du mouvement) permettant de mieux appréhender le texte de Théorie communiste qui constitue le cœur de l’ouvrage et propose une analyse théorique des luttes.
Le plancher de verre (texte de Théorie communiste)
Pour Théorie Communiste (TC) les émeutes en Grèce, première réaction du prolétariat dans la période qui s’ouvre avec la crise capitaliste de 2008 marquent un nouveau développement dans la lutte des classes. La crise du capital est caractérisée comme une crise de sa reproduction, c’est pourquoi elle apparaitrait d’abord, comme en Grèce, dans « les secteurs de la société ou sa reproduction prend une forme spécialisé par rapport à la société même ». Ce qui fait en Grèce de la jeunesse précarisé (la « génération 600 euros ») le principal acteur de cette crise de reproduction. Cela dans un contexte ou le capitalisme et l’Etat corrompu qui est son organe cristallisent au sein du mouvement étudiant une «défiance sociale, faite de haine et de mépris ». De cette situation découlent les caractéristiques du mouvement, sa composition, ses objectifs, ses pratiques, ses limites et ses résultats positifs.
Ainsi selon TC : « De façons cohérente les objectifs, les cibles, de ces émeutes ont été les institutions où la reproduction du mode de production acquiert une forme séparée par rapport à la société dont elles sont les institutions de reproduction tant politiques qu’économiques et idéologiques, ainsi que les formes de la circulation dans lesquelles le capital fait retour à lui-même. ».
Alors que la crise capitaliste apparaît comme une « panne d’avenir », la jeunesse, libre de toutes illusions politiques ne présente pas de revendications, elle s’en prend aux symboles de la civilisation marchande et aux institutions devenues incapable de jouer leur rôle dans la reproduction des rapports capitalistes en leur apportant une légitimation.
C’est aussi la démocratie, aussi bien comme forme gouvernementale que comme mode de fonctionnement pour le mouvement qui est aussi contestée : « En tant que crise de la reproduction c’est l’existence même d’un rapport avec l’Etat et quelques institutions que ce soit qui est contestée : le mouvement ne produit ni revendications, ni représentant. »
Un des apports importants des émeutes selon TC aura été d’éclairer « le moment coercition, comme inclus dans la reproduction du mode de production capitaliste et non comme simple répression policière… » . Mais « elles ont montrés cette inclusion comme étant, de façon interne, leur propre manque, dans la mesure où l’attaque de ce moment et de toutes les institutions qui le mettent en œuvre est demeuré séparé de la production. ».
La séparation de ce mouvement d’avec la production (qui a participé à la force de son attaque concentrée contre les institutions séparée de la reproduction), a été sa limite, son « plancher de verre », sa réalisation essentielle est de l’avoir fait apparaître comme telle.
Le fait que les instances de production soient restées étrangères au mouvement a contribué à son caractère minoritaire et à l’échec de ses tentatives d’élargissement, mais aussi à ce que l’appartenance de classe soit apparue comme une contrainte extérieure. Il y avait ainsi selon l’analyse de TC un balancement contradictoire au sein des luttes entre remise en cause de l’appartenance de classe (restée minoritaire du fait de sa séparation d’avec la production) et tentative de se développer comme mouvement d’auto-organisation prolétarienne (impuissante pour la même raison).
Pour TC la deuxième tendance n’est pas capable de dépasser l’horizon du capitalisme, en effet « ce qui annonce la rupture ce n’est pas le refus des médiations mais la remise en cause de ce qui fait qu’il y a médiation : être une classe. ».
C’est la tendance à la remise en cause de l’appartenance de classe qui porterait l’avenir, un avenir pour lequel la crise présente ouvre des possibilités : « Quand le rapport contradictoire entre le prolétariat et le capital se situe au niveau de la reproduction, la contradiction du prolétariat au capital contient la remise en cause du mouvement dans lequel il est lui-même reproduit comme classe. C’est là maintenant le contenu et l’enjeu de la lutte des classes ».
Pour TC c’est donc la présence de cette remise en cause dans ses luttes qui caractérise le mouvement grec comme une avancée dans la lutte des classes : « Actuellement, la révolution est suspendue au dépassement d’une contradiction constitutive de la lutte de classe : être une classe est pour le prolétariat l’obstacle que sa lutte en tant que classe doit franchir/abolir. Les émeutes en Grèce ont posé cet obstacle, formalisé la contradiction et elles en sont restée là. Ce fut là leur limite, mais la contradiction est maintenant posée pratiquement pour ce cycle de lutte dans le capitalisme restructuré et sa crise. ».
On a avec Les émeutes en Grèce un livre ambitieux, dense et stimulant sur le plan théorique. Son intérêt dépasse l’éclairage du mouvement grec qu’il décrit et analyse. Il nous semble en effet que les questions qu’il s’efforce de creuser sont des questions dont le mouvement révolutionnaire ne peut faire l’économie s’il veut se hisser à la hauteur des enjeux actuels.
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