Problématiques de la restructuration

Submitted by Craftwork on May 5, 2017

Il est nécessaire de reformuler la question de la restructuration par rapport au travail déjà effectué dans des numéros précédents de “Théorie Communiste”. Le travail sur la restructuration est entrepris depuis T.C.3 (Mars 1980), sous diverses formes, en abordant divers sujets et au travers de diverses formulations se voulant synthétiques ; en outre dans T.C.10 se trouve une description empirique de celle ci .

 

Nous avons d’abord analysé les axes de la baisse tendancielle du taux de profit, portant la crise du mode d’exploitation, de valorisation et d’accumulation  qui s’achève dans les années 1970. Nous avons simultanément cherché à comprendre les caractéristiques et la spécificité de la lutte de classe dans l’ancien cycle, tant d’un point de vue “pratique” (analyse des luttes), que “théorique” (gauchisme ; évolution des concepts de l’ultra-gauche : auto-organisation, humanité, auto négation ; évolution des syndicats...). Avec TC7, nous sommes passés, à partir d’un matériel empirique plus important,  à la recherche d’une définition synthétique du nouveau cycle de luttes, comme nouvelle configuration de la contradiction entre le prolétariat et le capital.

La principale conclusion à laquelle aboutit le texte de TC 7 est de définir la contradiction entre le prolétariat et le capital au niveau de la reproduction de leur rapport, c’est–à–dire dans ce qui est l’auto présupposition du capital. Situation qui détermine l’identité entre l’existence comme classe du prolétariat et sa contradiction avec le capital, véritable noyau du nouveau cycle. Ce  qui contient la résolution de toutes les limites et apories du programmatisme, constitutives de tous les cycles antérieurs. La formulation du nouveau cycle de luttes au travers des analyses de TC7 (principalement la conclusion), puis du texte sur les coordinations (TC10) et enfin de la lettre d’annonce de la réunion mort-née de Juillet 88 (TC10 p. 77 - texte à la base de la rencontre avec Maëlstrom), conforte également la disparition d’une identité ouvrière confirmée dans la reproduction du capital. Disparition d’une identité ouvriére, coalescence entre la constitution comme classe du prolétariat et sa contradiction avec le capital,  fournissent la clé de la compréhension d’un cycle de luttes du prolétariat contre le capital, se résolvant dans l’abolition du capital, et par là même dans la production du communisme.

La question de savoir si le prolétariat s’affirme, ou affirme un de ses aspects, ou se nie, ne se pose même plus. Nous devrions tout de même en arriver à ne plus avoir à dire que le prolétariat s’abolit lui–même en abolissant le capital, tant la chose devrait être évidente (cf. la critique de l’auto négation - TC7). En outre, concevoir le dépassement du capital à partir du développement historique de la contradiction entre le prolétariat et le capital, c’est–à–dire de leur implication réciproque dont le résultat est la reproduction du rapport capitaliste, nous a fait insister sur le fait qu’il ne peut il y avoir de transcroissance entre les luttes actuelles et la révolution, mais dépassement produit dans un rapport social, la crise, qui est toujours un rapport entre les classes. Ces luttes sont définitoires de cette implication contradictoire et reproductrice du capital.  Ce qui évite de tomber dans la glorification stérile de certains aspects du nouveau cycle, comme les luttes des “pauvres”, des ‘exclus”, des émeutes diverses, ou de l’autonomie et des coordinations.

Cependant, si l’analyse du nouveau cycle est en grande partie satisfaisante, c’est sa compréhension globale comme contradiction entre prolétariat et capital qui l’est beaucoup moins. Nous avons le plus grand mal à inclure et définir ce cycle de luttes dans l’implication réciproque entre les deux termes de la contradiction du mode de production capitaliste, c’est à dire dans les modalités nouvelles de l’exploitation et de l’accumulation. Ce que nous avons énormément de mal à saisir c’est la restructuration du procès de valorisation. Pour simplifier, si nous tenions de façon assez satisfaisante les nouvelles modalités du cycle de luttes, de l’action du prolétariat, ce que nous avons beaucoup plus de mal à définir, c’est de quelle transformation de l’exploitation un tel cycle de luttes relève, quel est en définitive le contenu de la restructuration.

Plusieurs analyses ou hypothèses furent avancées : l’appropriation des forces sociales du travail ; la valorisation qui parcourt l’ensemble de ses conditions. La première formulation pêchait par le fait qu’elle ne tenait compte que du procès de production immédiat, même si pour celui ci elle est juste. Nous avons tenté par la seconde de conférer à la restructuration une allure et un contenu plus conforme à la reproduction d’ensemble du rapport entre prolétariat et capital. Cependant cette formulation si elle était intuitivement intéressante et descriptive, frisait sans cesse l’ "hérésie", en ce que la valorisation semble être partout et nulle part, ce qui est  difficile à nier si on veut conserver une certaine réalité à notre restructuration, si on veut qu’elle soit autre chose qu’un nouvel habillage de l’ancien. Il n’empêche que le point essentiel qui apparaissait dans ces diverses formulations était le fait que la contradiction entre le prolétariat et le capital avait pour contenu essentiel son propre renouvellement, d’où l’identité entre la constitution du prolétariat comme classe et sa contradiction avec le capital, et par là le dépasement des limites programmatiques de la lutte de classe.

Bien sur le principal résultat du procès de production capitaliste, de l’exploitation, a toujours été le renouvellement du rapport capitaliste entre le travail et ses conditions. Si cela est inclu dans le concept même de capital (ce n’est rien d’autre que son auto présupposition), la manière dont, dans les relations entre les classes, dans leurs luttes, et dans les modalités de la valorisation du capital, cette auto présupposition se produit, est quant à elle éminement historique.

En subsomption formelle, la non–spécification totale du travail productif de valeur comme travail salarié (cf. le début du texte sur le programmatisme dans ce numéro), la non-intégration de la reproduction de la force de travail dans le cycle propre du capital, la valorisation comme contrainte au surtravail, la non-absorption du travail vivant par le travail objectivé du fait même du procès de travail, font que le prolétariat est constitutivement à même d’opposer au capital ce qu’il est dans le capital. La contradiction ne se situe donc pas au niveau de l’auto-présupposition, c’est à dire qu’elle ne peut avoir pour contenu l’identité dont nous parlions.

En ce qui concerne la subsomption réelle, la détermination du procès d’auto présupposition qui caractérise le cycle de luttes, c’est la production d’une identité ouvrière, confirmée à l’intérieur même de la reproduction du capital. D’où trois niveaux dans le cycle de luttes :

a - une affirmation de cette identité (partis communistes, syndicats, certaines fractions social-démocrates), qui contrairement à la situation en subsomption formelle ne peut contenir comme son développement une perspective révolutionnaire autre qu’un capitalisme organisé ou keynésien de gauche - d’où le gauchisme qui appartient à ce même niveau comme une perpétuelle insatisfaction ;

b - l’auto-organisation, c’est à dire la rupture avec l’intégration de la reproduction et de la défense de la condition prolétarienne à l’intérieur de la reproduction propre du capital, elle reléve également de la capacité pour le prolétariat de se rapporter à lui–même dans son implication contradictoire avec le capital ;

c - l’auto négation : aboutissement des pratiques et théorisations précédentes, puis se posant face à elle comme devant en résoudre les impasses. L’autonomie se retourne contre elle même quand, de plus en plus dans la fin de l’ancien cycle, elle doit  intégrer le refus du travail, le sabotage, les émeutes, les pillages (cf. TC7).

Il est intéressant de noter que les trois niveaux se répondent sans cesse et se déterminent constamment les uns par rapport aux autres : l’auto négation des refuseurs du travail contre les auto-organisés, les auto-organisés contre les syndicats... Ce cycle de luttes repose dans sa totalité sur la contradiction qui se développe entre d’une part la création et le développement d’une force de travail mise en oeuvre par le capital de façon de plus en plus collective et sociale, et d’autre part les formes de l’appropriation par le capital, de cette force de travail, dans le procès de production immédiat, et dans le procès de reproduction. Les obstacles à la valorisation, à l’extraction de plus-value, apparaissent alors dans ce qui avait été la force même du capital et qui avait été central dans le passage en subsomption réelle : au niveau du procès de travail, au niveau de la reproduction et de l’entretien de la force de travail, au niveau des rapports entre capitaux, c’est à dire au trois niveaux définitoires de la subsomption réelle. Voilà la situation conflictuelle qui dans le cycle de luttes  se développe comme identité ouvrière, qui trouve ses marques et ses modalités immédiates de reconnaissance (sa confirmation) dans la "grande usine", dans la dichotomie entre emploi et chômage, travail et formation, dans la soumission du procès de travail à la collection des travailleurs, dans les relations entre salaires, croissance et productivité à l’intérieur d’une aire nationale, dans les représentations institutionnelles que tout cela implique tant dans l’usine qu’au niveau de l’Etat. Il y avait bien auto présupposition du capital, conformément au concept de capital, mais la contradiction entre prolétariat et capital ne pouvait se situer à ce niveau, en ce qu’il y avait production et confirmation à l’intérieur même de cette auto présupposition d’une identité ouvrière par laquelle se structurait programmatiquement le cycle de luttes.

Voilà ce que de façon hâtive, nous laissant piéger par la façon dont le problème se posait pour le capital en tant que pôle particulier du rapport, nous avons théorisé comme “particularisation du procès de valorisation”. La restructuration devenant alors le dépassement de cette situation : “la valorisation qui parcourt l’ensemble de ses conditions”. Et là commencent les ennuis, les formules toutes faites, l’impossibilité de s’éloigner d’un iota des formulations rituelles, sous peine de sombrer dans une disparition de la spécificité du rapport capitaliste : l’exploitation, les classes, la plus-value, le travail productif.

Nous nous étions donc enfermés dans un sac de noeuds : la caractérisation du cycle de luttes semblait satisfaisante, mais non ce qui est la même chose posée au niveau de l’ensemble du rapport, le contenu de la restructuration du rapport entre le prolétariat et le capital. A nous en tenir à la définition générale d’un cycle de luttes (TC8 p. 5), c’est le cycle de luttes lui–même que nous ne définissions pas. Nous en étions arrivés à formaliser un contenu de la restucturation frisant l’abandon du rapport capitaliste lui–même.

Il valait mieux repartir différemment, de façon plus pragmatique et historique (c’est la raison d’être du catalogue de la restructuration présenté dans TC10 p. 122) et même, pourquoi pas, se laisser guider par les événements, en supposant qu’ils ne “fortuitent” jamais par hasard (analyse des coordinations, travail sur le Moyen-Orient).

La reprise historique du problème amène à dégager un point essentiel : on ne doit pas amalgamer, considérer au même niveau, plus-value relative et subsomption réelle ; une détermination conceptuelle du capital et une configuration historique. La plus-value relative est le principe formateur et dynamique de la subsomption réelle, principe qui structure puis bouleverse la première phase de celle ci. La plus-value relative est le principe unifiant les deux phases de la subsomption réelle. De cette façon la subsomption réelle a une histoire parce qu’elle a un principe dynamique qui la forme, la fait évoluer, pose certaines formes du procès de valorisation ou de circulation comme des entraves et  les transforme. La plus-value relative, qui affecte le procès de travail et toutes les combinaisons sociales du rapport entre le prolétariat et le capital et conséquemment des capitaux entre eux, est ce qui permet de poser une continuité entre les phases de la subsomption réelle et une transformation de celle-ci. Si on identifie plus-value relative et subsomption réelle, l’évolution devient impossible, sauf à rajouter un élément ou une configuration du procès de valorisation plus ou moins hétérodoxe par rapport au concept de capital, car on a déjà tout (il n’y a pas, en effet, de troisième mode d’extraction de la plus-value). Si les deux coïncident tout ne peut être que donné dés l’instauration historique de la subsomption réelle.  On ne pose entre les deux phases de la subsomption réelle qu’une continuité, un processus de révélation du capital à sa vérité, le changement n’est alors qu’élimination d’archaïsmes, la transformation n’est alors en définitive que formelle ne changeant rien fondamentalement à la contradiction entre prolétariat et capital. A la limite, c’est la notion même de crise entre les deux phases qui disparait, car on ne passe pas réellement d’une configuration particulière de la contradiction à une autre, et la notion de restructuration disparait par la même occasion.

C’est donc, de l’analyse de la plus-value relative qu’il faudrait partir, pour trouver pourquoi et comment la première phase de la subsomption réelle entre en crise au début des années 1970. Qu’est ce qui s’est constitué, à l’intérieur d’elle même, en entrave à elle, dans cette phase? On retrouve là, la contradiction relative à l’appropriation et à la reproduction de la force de travail, précédemment évoquée. Il s’agit de situer cette contradiction interne de la première phase de la domination réelle relativement à la plus-value relative, et donc d’analyser comment c’est à partir d’elle comme principe dynamique, que se mettent en place les axes de la restructuration. On confère ainsi un sens à ces axes, une signification, une nécéssité par rapport à ce que sont l’exploitation et le capital.

De ce point de vue, par rapport à la production de plus-value relative, les axes qui ont porté la baisse du taux de profit dans la phase antérieure nous offrent la vision des éléments que le capital doit abolir, transformer, ou dépasser dans la restructuration actuelle. Cependant à ce niveau, l’approche est encore empirique en ce que la liste de ce qui est à dépasser ne constitue pas en soi le principe commun du dépassement, la loi de transformation, sa hiérarchisation et structuration conceptuelle. C’est le catalogue exposé dans TC10. Déjà cependant, on peut rassembler tout cela en deux grandes parties, recouvrant la spécificité de la plus-value relative par rapport à la plus-value absolue : le procès immédiat de production ; les combinaisons sociales (reproduction de la force de travail, rapport entre les sections et les capitaux, aires d’accumulation) .

Dans le premier point, nous avons affaire  à toutes les caractéristiques du procès de production immédiat (travail à la chaîne, coopération, production-entretien, travailleur collectif, continuité du procès de production, sous-traitance, segmentation de la force de travail), et à toutes les séparations (travail, chômage, formation), qui fondaient une identité ouvrière et conféraient comme contenu à la contradiction entre les classes la production de plus-value (et non pas cette production comme immédiatement adéquate à la reproduction du rapport social qu’elle produit), à partir de laquelle se jouait le contrôle sur l’ensemble de la société comme gestion et hégémonie. Cette identité ouvrière était inhérente à une contradiction dans laquelle le prolétariat se constitue en force autonome face au capital dans la propre reproduction d’ensemble de celui ci. En deuxième lieu, nous avons affaire aux modalités de l’accumulation et de la circulation (rapport entre production et marché, accumulation nationale, différenciation entre centre et périphérie, division mondiale en deux aires d’accumulation, apparition “matérielle” de la monnaie), qui elles aussi  concourrent à la constitution de cette identité.

Si par rapport à ces deux grandes catégories, qui regroupent ce qui de façon immédiate est apparu comme les obstacles à la poursuite de l’accumulation, on en revient à la plus-value relative comme principe de développement et de mutation de la subsomption réelle, et que l’on se demande en quoi ces éléments peuvent faire spécifiquement, qualitativement, obstacles à la croissance de la plus-value relative, on est ammené à trouver le principe de base synthétique, de la restructuration.

Il s’agit de tout ce qui peut faire obstacle au double moulinet de l’auto présupposition du capital, à sa fluidité. On trouve d’une part toutes les séparations, protections, spécifications qui se dressent face à la baisse de la valeur de la force de travail, en ce qu’elles empêchent que toute la classe ouvrière, mondialement, dans la continuité de son existence, de sa  reproduction et de son élargissement, doive faire face en tant que telle à tout le capital : c’est le premier moulinet, celui de la reproduction de la force de travail. On trouve d’autre part toutes les contraintes de la circulation, de la rotation, de l’accumulation, qui entravent le deuxième moulinet, celui de la transformation du surproduit en plus-value et capital additionnel. N’importe quel surproduit doit pouvoir trouver n’importe où son marché, n’importe quelle plus-value doit pouvoir trouver n’importe où la possibilité d’opérer comme capital additionnel, c’est à dire se transformer en moyens de production et force de travail, sans qu’une formalisation du cycle international (pays de l’Est, périphérie) ne prédétermine cette transformation. La fluidité de chacun des moulinets n’est mis en oeuvre que dans et par celle de l’autre.

Globalement, la resrtucturation se définit comme la dissolution de tous les points de cristallisation du double moulinet[1] de l’auto présupposition du capital, et cela depuis tout ce qui constitue l’identité ouvrière, jusqu’à la séparation entre centre et périphérie, la séparation du cycle mondial en deux aires d’accumulation et enfin au système monétaire. Il est pittoresque de remarquer que depuis TC7 (p.10), les quatres prélables à la restructuration que nous énumérions évoquaient ces thèmes sans que nous parvenions à une synthèse satisfaisante. L’erreur à éviter consisterait à ne considérer que le premier moulinet comme transformation du rapport entre prolétariat et capital, le deuxième moulinet étant réduit à un rapport du capital à lui–même, c’est–à–dire à un rapport des capitaux entre eux. Il est vrai que le deuxième moulinet ne se ramène pas au premier, il ne faut pas lui dénier sa spécificité, c’est celui dans lequel le surproduit revient comme capital additionnel face au résultat du premier, celui où la force de travail est reproduite dans un abaissement de sa valeur et dans son élargissement. La transformation du rapport entre prolétariat et capital ne se situe pas plus au niveau du premier que du second moulinet pris de façon séparée.

L’exploitation qui est le contenu de ce rapport se décompose en trois moments : achat-vente de la force de travail ; subsomption du travail sous le capital ; transformation de la plus-value en capital additionnel, c’est–à–dire en nouveau moyen de travail et force de travail modifiée. Avec la restructuration actuelle, ce sont les deux bras du moulinet qui deviennent adéquats à la production de plus-value relative en même temps que le procès de production immédiat, leur intersection, qui confère à chacun son énergie et la nécessité de sa métamorphose. C’est en ce sens que la production de plus-value et la reproduction des conditions de cette production coïncident. C’est la façon dont étaient architecturées d’une part l’intégration de la reproduction de la force de travail, d’autre part la transformation de la plus-value en capital additionnel et enfin l’accroissement de la plus-value sous son mode relatif dans le procès de production immédiat, qui devinrent entraves à la valorisation sur la base de la plus-value relative.

Cette non-coïncidence entre production et reproduction était la base de la formation et confirmation dans la reproduction du capital d’une identité ouvrière, elle était l’existence d’un hyatus entre production de plus-value et reproduction du rapport social, hyatus autorisant la concurrence entre deux hégémonies, deux gestions, deux contrôles de la reproduction. L’adéquation entre la plus-value relative et ses trois déterminations définitoires (procès de travail, intégration de la reproduction de la force de travail, rapports entre les capitaux sur la base de la péréquation) implique la nécessité de la coïncidence entre production et reproduction et corrolairement la coalescence entre la constitution et la reproduction du prolétariat comme classe d’une part et d’autre part sa contradiction avec le capital.

 

Tout ce développement sur la définition de la restructuration pour en revenir au “programme de travail” relatif à cette analyse. On ne peut se contenter d’une analyse d’emblée synthétique, sous peine de retomber dans la gymnastique conceptuelle.

 

            I - Définition du cadre théorique

(Cela ne signifie pas qu’il faille dans l’exposition attaquer par toute une explicitation conceptuelle)

  • Définir le concept de restructuration en rapport avec celui de crise et plus globalement d’histoire du capital, critiquer là dessus les approches régulationnistes ou braudéliennes qui refuse le concept de capital en faveur d’un simple historicisme éternisant le capital ou tout au moins rendant son dépassement pour le moins improbable.
  • Théoriser la différence entre plus-value relative et subsomption réelle.
  • Etablir cette notion de double moulinet (une société spécifiquement capitaliste). Voir peut-être à ce propos du côté de la notion de “formation économique et sociale”.
  • La crise de la période précédente : on peut largement s’inspirer, avec un autre fondement théorique, des ouvrages régulationnistes. Comprendre la crise comme crise de l’exploitation, donc dans les trois moments évoqués précédement, ce qui implique de partir non du “fordisme”, mais de la non-adéquation entre, d’une part la plus-value relative, et d’autre part le procès de production immédiat et les deux moulinets, ce qui permet de tenir ensemble procès de travail, de reproduction de la force de travail, et la métamorphose de la plus-value en capital additionnel (aire nationale, coupure du cycle mondial), et de reprendre ce que l’on a pu dire sur les axes de la baisse du taux de profit (TC4).

 

            II - La restructuration

L’étude essentielle en ce qui concerne la restructuration est celle du cycle mondial du capital. “L’internationalisation”, ou “mondialisation” du capital n’est pas une caractéristique à côté d’autres caractéristiques comme la reproduction de la force de travail, la monnaie, ou le procès de production immédiat, ou le rapport entre production et circulation. La mondialisation du cycle du capital est la forme générale de la restructuration, ce n’est qu’ainsi qu’existe la fluidité du premier moulinet et bien sur aussi celle du second. Elle n’est pas la dynamique,  qui est le double moulinet, mais la synthèse de toutes les caractéristiques, une sorte d’abstraction intermédiaire.

Le problème est : comment mener, découper le travail. Il faudrait tout d’abord se débarasser des problèmes historico-endogènes de certaines régions, en les traitant pour elles mêmes, ce qui bien sur est une limite de l’analyse d’un point de vue théorique, mais permet par la suite d’aller à l’essentiel. Il s’agit du Moyen-Orient et de l’U.R.S.S. (et les pays de l’Est). Il n’y a pas d’études particulières à mener sur l’Amérique du Sud, l’Afrique ou l’Asie (que l’on retrouvera de façon thématique à partir des notions de tiers-monde, d’économie informelle, de la dette) . Une fois ces cas traités, l’étude peut se moduler ainsi :

 

            1 - Le procès de production immédiat (production de plus-value)

  • automation (force sociale du travail)
  • économie informelle (la plus-value relative peut être la base de développement de la plus-value absolue, là où l’exploitation capitaliste n’est pas encore développée).
  • taylorisme (délocalisation - ce qui ne limite pas la question de la délocalisation ).

L'articulation et l'implication de ces trois éléments déterminent l'équilibre entre plus-value absolue et plus-value relative, dans cette période. Implication car polarisation et diffusion du capital ne sont pas exclusives, la notion de flexibilité est au centre de cette implication.

 

            2 - Gestion, reproduction de la force de travail

  • segmentation
  • formation
  • entretien
  • exode rural (tiers monde)
  • économie informelle
  • segmentation mondiale
  • flexibilité de la force de travail
  • délocalisation
  • les populismes : sociétés duelles

Des thèmes sont communs entre 1 et 2, c’est l’angle d’attaque qui est différent. La distinction entre 1 et 2 est délicate et ne se justifie pas forcément.

 

            3 - Le marché mondial, cycle international du capital, mondialisation, en tant que transformation de la plus-value en capital additionnel.

  • L’espace sur lequel se déroule 1 et 2 est illimité, le rapport d’exploitation est susceptible de faire sien toute disparité locale et historique.
  • Fin de la dichotomie entre centre et périphérie, ce qui ne signifie pas la fin de la polarisation de l’accumulation.
  • Fin de l’accumulation sur aires nationales, conflit “ethniques”, l’actuel nationalisme.
  • Système monétaire et financier coiffant et rendant cohérent l’ensemble, ramenant à un commun dénominateur les disparités productives et représentant en chaque capital particulier la contrainte à la mondialisation.

 

            4 - La contradiction entre prolétariat et capital en tant que mondialisation

La mondialisation n’est pas ce qui transforme le procès de production immédiat, la reproduction de la force de travail, la rotation du capital ; ce sont plutôt les transformations de 1, 2 et 3 comme dépassement des limites antérieures sur la base de la dynamique de la plus-value relative qui construisent la mondialisation. En ce sens la mondialisation n’est pas une extension planétaire, mais une structure spécifique d’exploitation et de reproduction du rapport capitaliste. Elle est le contenu comme forme de la restructuration du rapport entre prolétariat et capital : segmentation, flexibilité, abaissement de la valeur de la force de travail  dans les combinaisons sociales de sa reproduction et de son entretien, sont en eux–mêmes des processus de diffusion illimités, tout comme la transformation de la plus-value en capital additionnel ou l’appropriation des forces sociales du travail.

  1. a) Reprendre tous les points de 1 et 2, en montrant qu’ils ne peuvent être mis en oeuvre que mondialement. C’est là que doit intervenir l’analyse de la fin de la séparation du cycle mondial en deux blocs (Est et Ouest), en ce qu’elle n’était pas qu’une séparation d’aires capitalistes d’accumulation, mais mise en forme mondiale d’un rapport entre capital et travail, (ce qui justifie une analyse préalable de cette question bien particulière).
  1. b) Reprendre aussi le 3, qui tel quel n’est encore qu’une vision partielle de la mondialisation, en ce qu’elle n’intégre pas qu’une telle transformation de la  métamorphose de la plus-value en capital additionnel n’existe que si le procès de production immédiat, où se forme la plus-value, et le renouvellement du face à face avec le travail, où elle devient capital additionnel, exprime un procès de production et une reproduction de la force de travail eux mêmes restructurés.
  • Le nouveau cycle comme contradiction mondiale.

Le sens de cette restructuration par rapport au concept de capital, sa nécessité, et la signification historique du capital. Montrer qu’il y a une histoire du capital, que le contenu de la restructuration n’est pas fortuit par rapport à ce qu’est le capital.

Si le rapport contradictoire entre le prolétariat et le capital n’est mis en oeuvre, n’existe que comme cycle mondial, l’analyse de ce rapport contradictoire ne peut en rester à la déduction abstraite de la coalescence entre la contradiction entre le prolétariat et le capital et la formation ou l'existence du prolétariat comme classe, ou considérer comme immanent à chaque lutte, le caractère mondial de cette contradiction (ne serait–ce pas même une limite possible de ce cycle dans la reproduction du capital ? ). Cela confère à la coalescence un contenu spécifique, lui donnant vie et matière en tant que dépassement du programme et tout simplement du mode de production capitaliste. La mondialisation est une forme organisatrice du rapport de prémisse.

 

15 Mai 1993.

 

“Le procès de production capitaliste reproduit donc de lui–même la séparation entre travailleur et condition du travail. Il reproduit et éternise par cela même les conditions qui forcent l’ouvrier à se vendre pour vivre, et mettent le capitaliste en état de l’acheter pour s’enrichir. Ce n’est plus le hasard qui les place en face l’un de l’autre sur le marché comme vendeur et acheteur. C’est le double moulinet du procès lui-même, qui rejette toujours le premier sur le marché comme vendeur de sa force de travail et transforme son produit toujours en moyen d’achat pour le second. Le travailleur appartient en fait à la classe capitaliste, avant de se vendre à un capitaliste individuel. Sa servitude économique est moyennée et, en même temps, dissimulée par le renouvellement périodique de cet acte de vente, par la fiction du libre contrat, par le changements des maîtres individuels et par les oscillations des prix de marché du travail.

Le procès de production capitaliste considéré dans sa continuité, ou comme reproduction, ne produit donc pas seulement marchandise, ni seulement plus-value ; il produit et éternise le rapport social entre capitaliste et salarié.”

(Marx “Le Capital”, Ed Sociales t.3, p. 19-20)

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