Sur les émeutes de novembre

dimanche, 2 avril 2006

Submitted by Craftwork on June 15, 2017

Quand les banlieues brûlent, ce qui nous détruit calcine !

texte programmatiste (et plus !) trouvé sur Indymedia

Nous proposons ici une analyse des émeutes de novembre 2005. Comme cela est d’actualité aujourd’hui nous tenons à rappeller qu’il est important de ne pas tomber dans le piège que l’Etat nous tend, à savoir nous diviser entre soi-disant "casseurs" et soi-disant "manifestants pacifiques". Nos intérêts fondamentaux sont les mêmes : la lutte totale contre l’Etat, contre le parti de l’ordre.
A propos des émeutes de novembre 2005 en France :

Quand les banlieues brûlent, ce qui nous détruit calcine !

"... Ce qui importe ce n’est pas ce que tel ou tel prolétaire, voire le prolétariat tout entier, se figure comme but aux différents moments. Ce qui importe, c’est ce qu’il est, et ce qu’il doit faire historiquement, conformément à sa nature : son but et son action historiques lui sont tracés de manière tangible et irrévocable (donc définitive et non révisable) dans sa situation d’existence comme dans toute l’organisation de l’actuelle société bourgeoise. Le prolétariat exécute le jugement que, par la production du prolétariat, la propriété bourgeoise prononce contre elle même." "... Pas plus qu’on ne juge un individu sur l’idée qu’il se fait de lui même, on ne saurait juger une telle époque de bouleversement sur sa conscience de soi ; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives et les rapports de production." (Karl Marx, émeutier de 1871)

"... A vous tous qui jugez le cramage de voitures, le cramage des écoles, des abris bus, vous êtes l’ennemi des pauvres, les félons, les fourbes. C’est de solidarité que nous avons besoin, pas de votre morale de petit bourgeois." (Des émeutiers. Le 10/11/05)

SITUATION INTERNATIONALE DE LA LUTTE Si nous avons choisi ici de parler des dernières émeutes de novembre 2005 qui se sont déroulées en France, ce n’est pas par admiration ou apologie des émeutes pour les émeutes mais, plus prosaïquement parce que nous voyons là une des expressions, un des moments, certes contradictoire, mais également plein de vitalité, de la lutte de notre classe sociale : le prolétariat.

Pour nous, la misère sociale n’est pas spécifique à tel secteur du prolétariat ou à telle zone géographique en l’occurrence aux jeunes et/ou chômeurs de telle banlieue. Précisément, cette misère sociale est générale -mondiale- à l’ensemble du prolétariat.

Où que nous habitions, quelles que soient nos conditions de survie, nous subissons tous, à des degrés divers certes, le même rapport social destructeur en tant que n’ayant que notre force de travail à vendre, en tant qu’étant dépossédé de tout par le capitalisme et, avant tout, de notre propre humanité.

Et au delà des différentes allures que peut prendre ce rapport d’exploitation, au-delà des diversités locales, la nature de la lutte, notre lutte, reste la même, au même titre que les objectifs que cible le prolétariat : attaque de la marchandise, de la propriété privée et autres concrétisations de l’état bourgeois (entreprises, magasins, transports, palais de justice, commissariats,...).

Alors que démarrent les émeutes en France, au même moment, le 25 octobre, de violents affrontements secouent l’Oranie algérienne, à Arzew, englobant tous les secteurs du prolétariat et tous les quartiers de la ville. Là aussi c’est la mort d’un jeune manifestant qui a joué le rôle de détonateur. Mais qui a fait le lien ? Qui a assumé la similitude des circonstances et l’identité de la lutte ? Et ces mouvements s’inscrivent dans la longue liste de luttes prolétariennes, bien souvent occultées, qui s’affirment ici et là dans le monde entier. Par exemple, en Chine, rien que pour l’année 2004, des dizaines de miliers de conlits sociaux (74000 selon les chiffres officiels) ont secoué le pays.

Malheureusement, comme similitude aussi, nous subissons de plein fouet la non reconnaissance, par notre classe, par nos frères de chaîne en lutte dans une région, de la lutte d’autres prolétaires dans d’autres zones du monde ! Et pourtant, le prolétariat entier, sur toute la surface de la terre, est concerné par chacune de ces luttes !

Envers et contre toutes les idéologies bourgeoises, nous affirmons que ces luttes sont nôtres, sont l’expression de notre classe.

Le présent texte affirme haut et fort que ce sont nos frères de classe qui se sont battus dans la rue et continuent à le faire !

PAS LE CHOIX !

Contrairement toujours à tous ces idéologues bourgeois, abrutis par la beauté de leur monde pourrissant des sociologues aux plâtriers d’extrême gauche et autres forcenés de la paix sociale- nous ne nous vautrons pas dans un décorticage d’économie politique pour comprendre le pourquoi du comment de nos luttes dans les banlieues de novembre 2005. Car nous affirmons que le prolétariat n’a pas d’autre choix que d’abattre le capitalisme, l’ensemble de cette société de merde ! Il n’y pas de porte de sortie, il n’y a pas de choix pour nous tous, prolétaires, sinon de faire ce que nos frères de classe dans les cités ont fait : tout foutre en l’air, point barre ! Sans tortiller du cul.

Non, nous ne décortiquerons pas cette réalité que nous vivons tous, parce que cette réalité, nous la connaissons tous, et parce que nous nous adressons ici à nos frères de classe, à nos camarades, à des prolétaires, c’est à dire à tous ceux qui s’unissent et s’affirment comme une force vive d’opposition pratique à la propriété privée. Une force qui renaît de ses cendres à chaque fois que nous prolétaires, que nous soyons jeunes, chômeurs, étudiants, ouvriers précaires ou non,... nous nous mettons ensemble à nous révolter contre l’Etat bourgeois.

C’est la dépossession totale de nos vies, dans chacun de nos actes, opérée par cette société, c’est l’absence totale de tout avenir sous les auspices de cette société, qui sont à l’origine de cette lutte et de la violence de ses actes.

Pas plus, nous ne sombrerons dans des prétendues classifications des prolétaires émeutiers, car contrairement aux bourgeois qui aiment nous dire "immigrés", "banlieusards", "RMIstes", "musulmans", etc... c’est à dire à nous empoisonner avec des considérations ethniques, raciales, géographiques, sectorielles, religieuses, etc... nous affirmons, paraphrasant la Commune de 1871 : "c’est la racaille ? Eh bien, j’en suis !". Oui, mille fois oui, les casseurs, les cailleras, les sauvageons... sont le prolétariat dans ce qu’il a de plus intense, de plus beau : la haine totale, la rage totale contre cette société ! En novembre 2005, la multiplication des foyers émeutiers et la rapidité de l’extension géographique de la lutte exprime que, dans les actes, il y a eu un dépassement des divisions raciales, religieuses, des rivalités de quartiers, etc.

* * * * *

Les prolétaires en lutte dans les cités ont affirmé cela clairement, ils l’ont craché à la face de la bourgeoisie : aucune négociation démocratique, aucune revendication, sinon celle, saine et humaine, révolutionnaire en somme, de la mise à mort brutale de cette société !

Et c’est bien là ce qui désespère l’ennemi bourgeois !

Et ce qui désespère bien plus les amoureux de cette société de merde, c’est la violence de classe qu’ont manifestée ces prolétaires. Aux idiots utiles qui narguent notre lutte en prétendant que nos émeutes ne contiennent aucun programme, nous répliquerons que la violence de classe avec laquelle ont renoué nos frères contient le seul programme qui soit digne de ce nom : la destruction du capitalisme par la révolution. Et la révolution se fait par la violence ! Et si la violence est fulgurante, c’est bien parce que nous n’avons que trop tardé à l’employer dans son essence la plus acerbe, c’est-à-dire comme critique finale de ce monde marchand ! Cette violence est inéluctable, c’est une réponse de classe face à la violence du Capital.

Car ce qui s’est passé dans les banlieues en novembre 2005, en France, est et reste une révolte contre l’Etat bourgeois, contre les expressions de cette société de merde, le capitalisme.

Et l’Etat ne s’y est pas trompé !

En mobilisant 12000 flics et gendarmes sur tout le territoire dont quelques 3000 mobilisés sur Paris et sa banlieue pour le seul week end du 11 novembre ! En arrêtant à tour de bras : 4770 interpellations, dont la moitié après la fin de émeutes, débouchant sur 4402 gardes à vue. En frappant de peines sévères les émeutiers pris dans les filets de la répression : 763 prolétaires ont été écroués, dont plus d’une centaine de mineurs (118), le plus jeune étant âgé de 10 ans. 135 informations judiciaires ont été ouvertes. En mettant en place de nouvelles réformes pour nous faire taire. En établissant l’Etat d’Urgence, après les couvre feux instaurés dans sept départements, visant une quarantaine de communes.

Face à ceux qui nous immolent sur l’autel du profit, qui nous emmurent vivant dans les taules ou les hôpitaux psychiatriques, qui nous forcent à produire de la merde en continu et à l’ingurgiter aussi sec, qui nous consolent de maladies qui deviennent héréditaires, de médicaments débilitants et jeux imbécilisants, et qui nous assassinent, tout simplement, sans état d’âme aucun, face à eux, notre seule réponse est : MORT A VOTRE SYSTEME !

C’est la critique par les armes, Messieurs les amateurs de subtilités philosophiques. C’est prendre le mal à la racine !

Non, nous ne voulons pas d’un monde qui nous châtre, et nous ne voulons surtout pas d’unique perspective d’avenir, et de devenir, qu’une société assurant plus ou moins proprement notre exploitation, dans le cadre, ô combien perfectible, de la rayonnante démocratie ! Nous n’en avons, d’ailleurs, jamais voulu !

La lutte du prolétariat dans les banlieues (étymologiquement : zones de bannissement) est une tentative d’offensive, avec des forces et des faiblesses, certes, visant à abattre ce monde. Elle a été dirigée d’abord vers ce qui affirme la présence de l’Etat, l’économie marchande, la propriété privée !

Cette lutte dans les cités est en phase avec certaines des luttes actuelles les plus notables de notre classe, parce qu’elle porte en elle le projet d’abolition de ce monde, et parce qu’elle contient les limites précises de tout projet qui ne parvient pas à se développer dans la durée, en se donnant des perspectives. Et c’est précisément notre propos ici, d’affirmer que nous ne voulons pas que nos luttes restent des traînées de poudre !

Nous affirmons que ces luttes dans les banlieues sont en phase avec les autres expressions de notre classe partout dans le monde, que ce soit celles qui secouent ce pays de merde ces dernières années, comme celle de Moulinex (où nous avons mis le feu à un bâtiment de l’usine), d’ACT à Angers, en janvier 2003 (où nous avons brûlé des produits finis), de Cellatex à Givet, dans le Nord (où 5000 litres d’acide furent déversés dans un affluent de la Meuse) ou encore de Daewoo, dans l’Est (où cette usine est partie totalement en fumée) ou celles qui secouent d’autres régions du monde comme l’Algérie, la Bolivie, l’Iran, l’Argentine, l’Irak, etc.

Les émeutiers de novembre 2005 ont marqué un pas qualitatif important, parce qu’ils ont montré qu’il nous faut brûler aussi les illusions démocratiques qui nous gangrènent encore dans nos actes de lutte, en clair : que le seul avenir possible est celui de la révolte intransigeante, sans aucune illusion sur ce monde et ses ardents défenseurs !

Dans la lutte, notre classe tend à perdre ses illusions démocratiques et cherche à instaurer un rapport de force, de classe, contre l’ennemi bourgeois, en dehors et contre toutes médiations démocratiques. Mais dans nos pratiques de lutte même, dans nos paroles, dans nos attitudes et dans nos habitudes, il reste une grande part de cette merde qui nous rattache à cette société, dont nous sommes socialement autant les actuels reproducteurs que les futurs fossoyeurs. Nous avons du mal à sortir des chemins tout tracés de la contestation pacifique, nous avons du mal à piller, à saboter, à détruire parce que nous avons encore trop en nous le respect de la propriété privée et des institutions bourgeoises.

Nous avons du mal à nous reconnaître commme prolétaire, cmme classe, à rompre avec le fatalisme hérité de la paix sociale, de la contre révolution. Combien des nôtres laminés par le quotidien, cassés dans leurs luttes, éliminés, massacrés pour faire admettre à nos enfants la logique impitoyable de ce monde ? Nous qui, dans nos mouvements présents dans les écoles, les postes, les transports en communs et les docks de Marseille, etc. nous nous laissons engluer le cerveau par les projets de réforme de l’Etat et tergiversons sur le bon aloi de tel vote de telle réforme du Code Pénal, du Code du Travail, de la Sécurité Sociale, de l’immigration, etc. Nous qui nous étonnons de nous prendre sur la gueule le GIPN (flics d’élite) comme les postiers du CTC de Bègles ou le GIGN (gendarmes d’élite) et les FUMACO (commandos de marine) comme les marins de la SNCM de Marseille, nous ferions mieux de réfléchir à comment nous organiser contre la répression à laquelle s’expose chacune de nos luttes !

Les émeutiers de novembre 2005 donnent une bonne leçon à tous ceux qui rêvent d’ébranler l’ordre établi mais qui n’osent pas s’y risquer.

Parce qu’elles rompent avec les protestations orchestrées par ces agents de la bourgeoisie au sein du prolétariat que sont les syndicats, les douze nuits d’incendie social auront d’autant plus fait mal à la bourgeoisie et développé la réponse immunitaire du prolétariat face à tous ceux qui essaient de le gangréner de leurs saloperies.

Oui ! Les prolétaires émeutiers de novembre 2005 ne revendiquent rien ! Ou mieux dit, ils ont transformé la revendication en attaque frontale de leur propre condition de classe. Ils se torchent le cul avec le "devoir républicain !" Ils ont attaqué tout ce qui les définit socialement et les produit :

Les flics (217 blessés) : parce que ce sont des flics, bordel ! et qu’ils assassinent les plus pauvres d’entre nous, qu’ils tabassent les grévistes et les manifestants. Rares sont les quartiers qui ne pleurent pas un des leurs, assassiné par ces cerbères là ! Les pompiers, dont certains sont rattachés au corps de l’armée, parce qu’ils sont intervenus contre notre lutte, entre autres, en éteignant les incendies que nous avons allumés ! Les jounaflics, parce que ce sont des balances, des indicateurs, parce qu’ils racontent des saloperies sur nos luttes ! Les institutions scolaires : parce que l’école c’est ce moule dans lequel on coule chacun de nos gosses pour leur inculquer l’acceptation de la société bourgeoise dans sa globalité, parce qu’on les y prépare à être de bons petits producteurs et reproducteurs de la force de travail : disciplinés, obéissants... (92 collèges touchés sur un total de 5200/49 lycées sur 2500/106 écoles sur 5100) Les éducateurs sociaux, de rue, de proximité, de ce que vous voulez, parce que leur fonction sociale c’est de nous transformer en bons citoyens, en privilégiant la conciliation, en tempérant les conflits, en nous faisant la morale, en nous faisant accepter n’importe quel taf de merde payé des clopinettes, en nous pacifiant, certains allant jusqu’à balancer aux mairies les noms des fauteurs de trouble ce qui veut dire, entre autres choses, suspension des allocations.. En les frappant et les dépouillant, les émeutiers ne s’y sont pas trompés ! Les sociétés de transports en commun : parce que pour nous trimballer comme du bétail, des temples du commerce ou des bagnes salariaux à nos clapiers, ils inondent leurs réseaux de vigiles, de contrôleurs zélés et autres agents de médiation qui exigent qu’on dise bonjour au conducteur, qu’on paye son voyage, qu’on soit sage, qu’on ne dégrade rien, qu’on ferme notre gueule... (140 bus caillassés en région parisienne, dont 10 bus attaqués par des cocktails Molotov, soit 5 millions d’euros de dégâts !). Tous ceux qui gèrent notre misère dans ces clapiers que sont les cités, du genre syndicats de co locataires, parce que ces gens là balancent aux flics n’importe quel prolo qui "tient les murs" dans un hall... Ces entreprises, installées en zone dite franche (exonérées d’impôts en échange de créations d’emplois dans les quartiers et qui embauchent ailleurs). En région parisienne, une centaine d’entreprises ont été touchées. Des médiathèques, des bibliothèques, ces hauts lieux de la culture bourgeoise qui se donnent comme mission de préparer les futurs citoyens de demain ! Des gym nazes (plus de 14 millions d’euros de dégâts !) : parce que c’est là qu’on y fait suer notre rage de classe ! Des commerces et autres temples de la marchandise (74 bâtiments privés touchés). Des bureaux de Poste (51 établissements touchés, une centaine de véhicules incendiés), des centres EDF, des Mairies, etc. 233 bâtiments publics, en tout, atteints. Les bagnoles des autres prolos, parce qu’elles sont à la fois le symbole de la réussite sociale à laquelle ils n’accéderont jamais et l’âme vivante de ce qui enchaîne le prolétaire à son travail, de cette ordurière respectabilité ouvrière ; c’est la bagnole pour les loisirs de merde, pour consommer et pour turbiner !

Tant que nous n’aurons pas compris tout cela, la bourgeoisie nous tiendra solidement par les couilles, et nous nous époumonerons toujours à défendre tout ce qui nous corsète dans la dépendance économique, le travail salarié, tout ce qui nous maintient enchaîné jour après jour par le biais des illusions démocratiques que suppure cette société. Une des forces de la démocratie : c’est de nous faire croire que la manière dont ce monde est structuré est la seule possible.

FORCES ET FAIBLESSES

Il s’agit ici de tenter d’articuler le rapport entre les forces (puissances) et les faiblesses (impuissances) du prolétariat durant ces émeutes.

Au delà de sa rage dévastatrice, ce mouvement est intéressant à plus d’un titre :

De par ses objectifs/ses cibles : comme nous l’avons relaté plus haut, les émeutes ont visé les institutions organisant le travail et la répression au quotidien, enluminant le monde de la marchandise et consolidant la paix sociale... Pour informations, les dégâts ont été chiffrés à 200 millions d’euros, dont seulement 23 pour les bagnoles cramées, ce qui relativise le bourrage de crâne médiatique international qui a saturé les reportages de bagnoles incendiées pour créer une opinion publique offusquée, décourager les élans de solidarité et empêcher que les prolétaires d’ailleurs se reconnaissent dans les objectifs autrement plus larges du mouvement.

De par son extension géographique : 25 départements touchés (environ 300 communes) sur les 96 que compte le pays. Voilà un aspect nouveau comparativement aux mouvements de lutte antérieurs. Les émeutes de novembre 2005 expriment un saut de qualité parce qu’elles dépassent, dans une certaine mesure, le localisme, limite castratrice qui est une caractéristique de beaucoup de luttes actuelles du prolétariat

De par son cadre organisationnel : actions commandos ciblées opérées par des groupes invisibles, extrêmement mobiles et efficaces, refusant la confrontation directe avec les flics ; rejet quasi global de montrer son visage aux médias ; tentative certaine de s’organiser efficacement ; tentative de développement géographique, même l’extension de ces luttes s’est plus produite comme le feu qui prend de l’ampleur dans les herbes sèches, fabrication en série de cocktails molotov comme à Evry (banlieue parisienne) où un atelier pourvu de plus de 150 bombes incendiaires a été découvert...

En cela, cette lutte rompt avec les diverses manifestations de ras le bol qui ont secoué les banlieues ces 25 dernières années. Qui se souvient des Minguettes, de Vénissieux, dans la banlieue de Lyon, en 1981, luttes dévoyées et cassées habilement par le Parti Socialiste en Marche des dits "Beurs" et transformées en 1983 avec comme "objectif raisonnable" l’égalité des droits puis, en Convergence 84 avec pour emblème les mobylettes, parce qu’elles marchent au mélange ? Qui se souvient de Vaulx en Velin en 1990 et de Sartrouville et Mantes-la-Jolie en banlieue parisienne, un an après ? Qui se souvient de la ZUP de la Petite Hollande, à Montbéliard, en juillet 2000, qui finit par secouer tout le département ?

Les illusions démocratiques de Citoyenneté et d’Egalité de chances ou d’Etat Providence, et autre foutaise "d’ascenseur social" en ont pris un coup ! Les prolétaires ont senti dans leurs tripes que la bourgeoisie les écrase de son mépris et ne prend même plus des pincettes pour les assigner à leur rôle de producteur de valeur. Que ceux qui ne courbent plus l’échine au travail, crèvent ! Et le cynisme verbal d’un Sarkozy n’en est que plus explicite..

Le mouvement en France est en cela à l’image des émeutes des banlieues qui secouèrent l’été anglais de 1981, en riposte aux plans d’une Thatcher (dont Sarkozy reste la pâle copie) qui cherchaient à répondre aux besoins du capital par les licenciements massifs, de nouvelles taxes et des restrictions des allocations sociales.

Mais, s’il est important de souligner les forces de cette lutte comme nous venons de le faire plus haut, il est également capital de définir les verrous qui ont bloqué son extension et l’ont mise en veilleuse.

Au lieu de larmoyer avec les pleureurs habituels sur la nature des dégâts, qui chialent devant le massacre de leur monde de merde (c’est dire combien ils y tiennent) comprenons d’abord pourquoi les émeutiers ont agi ainsi et ce, à tous les niveaux. Dans quel univers sont ils nés ? Analysons cela pas seulement sous l’aspect de la misère sociale, affective, etc... mais aussi sous celui de la rupture d’avec la génération passée, celle de leurs parents qui ne leur ont bien souvent transmis que la défaite, ne leur ont transmis aucune tradition de lutte, aucun repère classiste. Le prolétariat, sa solidarité, sa force collective, sa mémoire, son sentiment réel d’appartenir à un même corps, c’est quoi pour eux ? Situons cette lutte dans son époque, c’est à dire celle où se succèdent en série des défaites prolétariennes se traduisant par une déliquescence des critères de classe et des liens prolétariens, à une époque où l’individualisme le plus crasse prend le pas sur la communauté de lutte. Comprendre ceci, c’est aussi situer le niveau atteint par la lutte de novembre 2005 sur le plan de sa conscience -sa propre compréhension de ce qu’elle est, son identité de classe et dans quoi elle s’ancre historiquement- oui, de sa capacité à se comprendre elle même, et de voir où elle va.

Nous constatons effectivement qu’elle n’a pas su où elle allait après avoir critiqué la soi disant société de consommation par la consumation ! Tout est parti en fumée,... et après ? Ce constat demeure bien plus dramatique que quelques bagnoles cramées de prolos qui ne sont pas descendus dans la rue prêter main forte à ceux qui affrontaient les flics. A nous de comprendre la raison fondamentale de la non extension de la lutte à l’ensemble des secteurs de notre classe et au-delà des banlieues, et qui l’a empêché de dépasser les limites d’un vaste brasier.

Et là nous devons invectiver ce pauvre imbécile de prolétaire qui ne se reconnaît pas dans cette révolte, qui reste rivé devant sa télé trépanatoire, sa lampe magique, pendant que sa caisse est immolée au dehors ! Ou ces parents qui s’apitoient sur l’état de "leur" école, critiquée par les flammes, apeurés de ne savoir comment l’état parviendra à bourrer le chou de leur progéniture de mensonges et à la domestiquer !

Si l’ordre bourgeois perdure, ce n’est pas seulement en raison de l’exploitation de notre classe par la bourgeoisie, c’est aussi parce que la bourgeoisie parvient à s’associer des prolétaires à la défense de son propre projet, de ses propres infrastructures destinées à nous encadrer, nous pacifier, nous diriger, telles les crèches dont la fonction essentielle est de permettre aux parents d’aller produire, de cracher de la valeur et aussi d’apprendre à leur prole (leurs enfants) les règles de vie de cette société de merde !

Lorsque des prolétaires défendent "leur" école, "leur" crèche, etc... cela signifie fondamentalement qu’il n’y aura pas de saut qualificatif dans la lutte. Au lieu de s’associer et renforcer la lutte, ils défendent leur boutique afin que l’économie continue de fonctionner.

Ces saloperies sans nom d’écoles, de crèches, etc. sont là pour que nous puissions aller vendre notre force de travail. C’est tout. Et si les prolétaires les ont ciblées, c’est qu’ils ont tapé sur tout ce qui les faisait gerber instinctivement (l’instinct du prolétaire, le sauvage dans la cité qui fait tant frémir les civilisés !) et consciemment.

La transformation qualitative du mouvement viendra le jour où les contemplateurs de la lutte, menée par leurs frères, seront forcés, par les attaques du capital, à se relever, quitter leur télé, sortir leur nez des torche culs bourgeois avec lesquels ils se bouchent les oreilles et se chloroforment l’esprit ! Le prolétaire indigné de voir les bagnoles cramer etson merdique quotidien bousculé, rejoint en cela le parti de l’ordre.

Hé ! L’émeutier ! Tu crames ma bagnole ! Mais comment vais je aller au chagrin ? Hé ! L’émeutier ! Tu crames l’école, la crèche ! Mais comment vais je caser les bambins pour aller au turbin ! Hé ! Le routier ! Tu bloques les routes ! Mais comment vais je pouvoir faire le plein d’essence ? Hé ! Le cheminot ! Tu fais grève ! Mais comment vais je me déplacer pour aller skier ? Hé ! Le traminot ! Tu bloques les trains ! Mais comment vais je pouvoir aller faire les soldes ?

Voilà ce qui fait que chacun ne se reconnaît pas dans la lutte de l’autre et, surtout, fait que celui qui ne joint pas la lutte défend sa petite vie misérable de citoyen, amoureux de la consommation et des objets marchands !

Le capital est arrivé à tellement bien compartimenter, cloisonner les secteurs du prolétariat que chacun se croit différent de l’autre. Que dire de cette division au niveau international !

Se solidariser avec le mouvement de novembre 2005 c’est le reconnaître comme de notre classe, c’est trancher dans le lard d’avec toutes les saloperies déversées dessus par la bourgeoisie !

Une extension de la lutte signifie obligatoirement un saut qualificatif. Sortir des banlieues et faire le lien avec les autres luttes, au-delà des frontières géographiques et sectorielles. Ceci implique vouloir, penser cette extension et l’organiser à un niveau plus conséquent. Ceci implique élargir les contacts, tisser des liens, organiser la continuité. Ces ramifications multiplient les possibilités d’attaque du monde de la marchandise sur tous les fronts : non seulement brûler des marchandises, mais en bloquer la circulation, en saboter la production, s’opposer à tout ce qui protège la propriété privée,... multiplient les possibilités de se réapproprier les marchandises et de les utiliser pour répondre aux besoins de la lutte, attaquant ainsi le fondement de la dictature de l’argent, de la bourgeoisie, de l’Etat capitaliste.

LE PARTI DE L’ORDRE

"Pendant les journées de juin (NdA : de 1848), toutes les classes et tous les partis s’étaient unis dans le parti de l’ordre en face de la classe prolétarienne, du parti de l’anarchie, du socialisme, du communisme. Ils avaient "sauvé" la société des entreprises des "ennemis de la société". (Karl Marx, 18 brumaire)

Ah ! Les salauds ! Il leur aura fallu peu de temps pour montrer leur vrai visage. A chaque fois que nos luttes secouent la pétaudière bourgeoise, tous ces cancrelats qui se soucient de notre cher petit bien être sous le joug de l’esclavage salarial, qui nous aiment serviles, responsables, respectables, c’est à dire citoyens, foncent se réfugier dans leurs trous pour frémir de terreur et demander à leur maître bourgeois : l’ORDRE ! Que règne encore et toujours la terreur bourgeoise !

Et nous sommes heureux que, devant la montée de la violence prolétarienne, tous ces gens aient jeté, ensemble, tous confondus, leurs masques, pour nous faire taire, en réclamant des mesures expéditives ! Ils font l’unanimité sur la défense de ce monde face à notre rage dévastatrice !

Mais le Parti de l’Ordre c’est aussi les citoyens défendant leur école et autres lieux d’encadrement du prolétariat, même si ici nous mettrons plus l’accent sur les forces politiques organisées. Car force est de constater que l’ensemble du prolétariat ne s’est pas reconnu dans ces émeutes. Qui d’entre nous n’a pas entendu ses "collègues" de taf vomir sur les enragés des cités ? Peu d’entre nous y ont vu le ras le bol des mesures d’austérité joyeusement pondues par l’Etat bourgeois ces dernières années.

Et comme d’habitude, certains prolétaires ont joué le rôle de larbins zélés des bourges en réclamant à l’Etat l’intervention de l’armée, l’emprisonnement inconditionnel de tous les émeutiers. Ces abrutis totaux, ces esclaves dévoués ne font rien d’autre que réciter en choeur et mettre en pratique l’appel enragé d’un Chirac ré exigeant, dès le 6 novembre, l’impunité zéro, comme il l’avait déjà promis lors de sa campagne présidentielle en 2002.

Nous les désignons clairement comme des cerbères du Capital. Au même titre que ces acteurs, sportifs, comiques et autres bouffons contemporains, à la tête desquels l’apparatchik Djamel Debouze, appelle à juguler toute saine colère prolétarienne par les urnes ! Au même titre que ces 200 moutons bêlants de Grigny (banlieue Sud parisienne), petite ville particulièrement combative au rang des émeutes (50 flics blessés), réunis en une "Chaîne de solidarité" condamnant "fermement ces actes intolérables" et appelant : "tous les jeunes de Grigny quel que soit leur sentiment de colère parce qu’ils se sentent, à juste titre, exclus de la société et qui ont pu en venir à des actes de violence, à revenir au calme... L’heure doit être au rassemblement pour changer les choses dans la dignité. Associations, habitants, employés communaux et élus, nous nous sommes mobilisés pour nettoyer les classes qui ont fait l’objet de dégradations afin que nos enfants puissent retourner normalement dans leur école et pour protéger tous les bâtiments publics. Nous appelons chaque habitant de Grigny qui le souhaite à donner un peu de son temps pour former une grande chaîne de solidarité citoyenne en appelant la mairie".

Alors, du coup, ces sycophantes politiques nous ont pondu ça, cette perle qu’on aurait pu signer, le petit doigt sur la couture : Travail, Famille, Patrie :

"Appel unitaire pour la manifestation du 16 novembre à Paris. Non au régime d’exception, pour une urgence sociale.

On ne répond pas à une crise sociale par un régime d’exception. La responsabilité fondamentale de cette crise pèse, en effet, sur les gouvernements qui n’ont pas su ou voulu combattre efficacement les inégalités et discriminations qui se cumulent dans les quartiers de relégation sociale, emprisonnant les habitants dans des logiques de ghettoïsation. Elle pèse aussi sur ces gouvernements qui ont mené et sans cesse aggravé des politiques sécuritaires stigmatisant ces mêmes populations comme des nouvelles "classes dangereuses", tout particulièrement en ce qui concerne la jeunesse des "quartiers." Nous n’acceptons pas la reconduction de l’état d’urgence. Recourir à un texte provenant de la guerre d’Algérie à l’égard, souvent, de français descendants d’immigrés, c’est leur dire qu’ils ne sont toujours pas français. User de la symbolique de l’état d’urgence, c’est réduire des dizaines de milliers de personnes à la catégorie d’ennemis de l’intérieur. Au delà, c’est faire peser sur la France toute entière et sur chacun de ses habitants, notamment les étrangers que le gouvernement et le président désignent déjà comme des boucs émissaires, le risque d’atteintes graves aux libertés. Le marquage de zones discriminées par l’état d’urgence n’est pas conciliable avec l’objectif de rétablissement de la paix civile et du dialogue démocratique. Nous n’acceptons pas le recours à des procédures judiciaires expéditives voire à une "justice d’abattage" alors qu’en même temps la justice prend son temps pour élucider les conditions dans lesquelles sont morts Bouna et Zied à Clichy sous Bois. Restaurer la situation dans les "quartiers" et rétablir le calme, c’est d’abord restituer la parole à leurs habitants. Des cahiers de doléances doivent être discutés, ville par ville. C’est ensuite ouvrir une négociation collective pour mettre en oeuvre des actions de rétablissement de l’égalité : ceci implique l’adoption d’une véritable loi de programmation et que cessent les mesures de saupoudrage ou pire encore les marques de mépris comme la stigmatisation des familles ou la transformation de l’apprentissage en mesure de relégation scolaire précoce. Une solidarité nationale authentique doit être au rendez vous de la reconstruction du tissu social dans les banlieues. C’est, surtout, mettre en oeuvre, dans la réalité, une réelle politique nationale de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits. Nous affirmons qu’il y a là une véritable urgence nationale : il faut substituer à l’état d’urgence policier un état d’urgence sociale ; Nous appelons à se réunir le mercredi 16 novembre à 18h30, place Saint Michel à Paris pour dire notre refus de ce régime d’exception et pour exiger une autre politique".

Les signataires de cet appel ignoble réunissent toute la gauche habituelle jusqu’aux "anarchistes" en mal de visibilité spectaculaire, un beau panier de crabes où l’on retrouve pêle mêle : la FA, la CNT parisienne, bras dessus bras dessous avec LO, la LCR, le PCF, et le MJS (dont il faut rappeler que cette organisation des jeunesses socialistes fait partie intégrante du PS, parti favorable à l’état d’urgence dés le départ ! ! ) en passant par les raclures de chiottes d’ATTAC, du Syndicat de la Magistrature, etc.

Quelle déclaration enflammée et quel poème d’amour à la gloire du Capitalisme !

Cet appel, absolument immonde, définit clairement le programme contre révolutionnaire de ces organisations qui réclament à cor et à cri le retour à l’Ordre bourgeois, le règne de la terreur blanche du capitalisme, sa pérennité absolue. Cet appel n’est rien d’autre que le calque de Chirac, qui, le 2 novembre, déclarait : "Il faut que les esprits s’apaisent. Il faut que la loi s’applique fermement dans un esprit de dialogue et de respect.... Nous devons agir en nous fondant toujours sur les principes qui font notre République : chacun doit respecter la loi ; chacun doit avoir sa chance.... Il faut aller plus vite encore en associant action immédiate sur le terrain et développement du dialogue."

Chacune de ces paroles entonne le chant contre révolutionnaire habituel pour écraser la révolte prolétarienne dans l’oeuf ! Elles exigent la défense inconditionnelle de l’ordre bourgeois. Elles nient les classes sociales. Elles exigent le respect de la loi, des valeurs et des principes du capitalisme. Elles forgent le glaive qui cherche à percer ce coeur qui bat en chacun de nous, camarades ! Ce coeur qui est celui de la révolution sociale mondiale ! Elles cherchent à décapiter notre mouvement et à nous replonger tous dans la plus sombre des misères, la plus triste des désespérances.

Comme nous le voyons les anarchistes de la FA et de la CNT ne sont pas les plus timides à dénoncer la lutte et à se ranger du côté de l’état. Il s’agit bien ici de ces anarchistes bourgeois qui n’ont rien à voir avec ces militants révolutionaires qui ont lutté, revendiquant le drapeau de l’anarchisme. Entre les uns et les autres il y a un fossé de classe. Les premiers ne font que reproduire la contre-révolution social-démocrate tandis que les autres, bien que reproduisant quelques confusions sur la question de l’état, font partie de notre classe. Quant aux idéologues bourgeois qui se disent anarchistes, il ne s’agit pas de critiquer leur manque de clarté sur la question de l’état vu ils en sont de parfaits défenseurs.

A ce propos, nous reprenons un texte anonyme datant de 1980, qui dénonçait la pratique des anars bourgeois : "Sérieux et raisonnables, les anarchistes se sont toujours employés partout où ils le purent à torpiller inconsciemment ou non, mais avec énergie et dévouement, les luttes sociales afin qu’elles ne débouchent surtout pas sur le terrain "irresponsable et extrémiste" de l’auto organisation révolutionnaire du prolétariat contre le capital et l’état. Verbalisme d’apparence anti étatique allié à une pratique social démocrate classique ; telle est la carte d’identité de l’anarchisme."

Mais, continuons donc dans les citations puantes pour clairement identifier nos ennemis historiques, puisque ces chiens gras ont tous hurlé ensemble à l’hallali sur nos luttes :

Lutte Ouvrière (du 18 novembre 05 de son organe officiel) appelle l’Etat à prendre toutes les mesures qui ressusciteraient la classe ouvrière d’antan pour conjurer la "violence aveugle", tout en appelant "les vrais ouvriers" (son électorat et ses militants : cadres, fonctionnaires zélés, flics sociaux, etc...) à s’interposer "entre voitures incendiées et occupation policière." Puis, dans l’édito des Bulletins d’entreprise de Lutte Ouvrière : "C’est pourquoi, lorsque les jeunes s’en prennent aux pompiers en tant que représentants de l’autorité, cela ne montre pas une bien grande conscience !"

Voilà bien qui montre la continuité de l’attitude méprisante, léniniste de ces trotskistes, importateurs de la conscience ouvrière !

Nous, prolétaires, nous ne sommes pas oublieux que déjà en 1981, dès que les banlieues se sont embrasées, LO écrivait à propos des flics de proximité : "la disparition de la peur du gendarme transformerait les rues en jungle, et à la limite, il ne serait plus possible de sortir sans son revolver personnel (...) La police N’EST PAS SOUVENT LA le soir dans les couloirs du métro, JAMAIS là dans les rues sombres de banlieue, dans les cités, dans les gares. Cette fonction de protection, la police l’assure de moins en moins (...) ".

A ce joli petit couplet sur les flics de proximité, rajoutons ce dernier élan d’amour pour la Maréchaussée, parue dans le n ?662 de Lutte Ouvrière : "Si le but de la police était réellement de protéger la population, elle serait dispersée parmi elle. Les policiers seraient effectivement des îlotiers, comme le revendique le PCF, connaissant chacun bien dans son quartier, présents là où des agressions risquent de se commettre, là où la population se sent en insécurité. Cela reviendrait à une plus grande surveillance de la population par la police ? Cela dépend de ce que l’on entend par là. En l’occurrence, ce serait bien plus l’inverse qui serait vrai : un policier en fonction dans le quartier où il habite (...) pourrait difficilement se désintéresser des problèmes qui se posent (...) Il aurait intérêt à être bien vu pour que ses fonctions soient vivables. Il est facile de passer à tabac un jeune ou un immigré dans un commissariat (...) Il est plus difficile de le faire dans son propre quartier, dans sa rue, sous les regards de ses voisins."

C’est y pas beau ça ? Ceux qui ne comprennent toujours pas que LO est un chien de garde sanglant du Capital sont des abrutis notoires, ou des petits soldats aux ordres !

Mouvement Communiste (Lettre n ?19, de décembre 2005) bêle pacifiquement, globalement sur le même ton que LO : "En l’absence de tout message ou revendication émanant explicitement des émeutiers, force est de s’en tenir aux actes pour essayer d’apprécier la situation. Des milliers de véhicules ont été livrés aux flammes dans les mêmes quartiers d’où sont issus les émeutiers ; des écoles ont été prises d’assaut ; des salles de classe détruites ; des pompiers, des travailleurs des transports publics et des prolétaires isolés ont été dépouillés et, parfois, sauvagement attaqués. Un aspect de ces événements aura été de concentrer en peu de temps ce qui se passe d’habitude aux mêmes endroits toute l’année. Ces faits déplorables ne se sont pas déroulés en marge d’un mouvement aux objectifs et aux formes de lutte différents et compatibles avec la lutte indépendante du prolétariat. Malheureusement ils ont représenté l’essentiel de actes recensés. C’est pourquoi nous considérons que ces faits sont dépourvus d’un quelconque fondement politique de classe." (Souligné par eux) Bêêêê ! !

Le Parti Chauvin Français (PCF), ces staliniens de toujours, le dimanche 6 novembre, hurle, quant à lui, bien plus explicitement aux loups : "La propagation des actes de violence est insupportable pour les populations concernées. L’ordre doit être rétabli. Il y a urgence à prendre un ensemble de mesures permettant de mettre un terme à une évolution de plus en plus dangereuse. La sécurité de tous ne peut être rétablie par l’acceptation de l’escalade de la violence..."

Puis, le 7 novembre, la palme de clarté revient au député maire stalinien de Vénissieux, qui, écrivant à Chirac, nous pond cette diarrhée : "Je souscris à vos propos pour rétablir l’ordre. La société française est en dérive. La République est menacée. On voit poindre des germes de guerre civile. Il n’y a pas hésiter : rétablir l’ordre est la priorité. Tous les responsables politiques, de gauche comme de droite doivent parler de la même voix. L’heure est au rassemblement républicain pour éradiquer la gangrène, la barbarie, la sauvagerie. Il faut en finir avec le pourrissement social et moral, terreau de la haine et de la violence."

Le message est clair, il suinte la haine farouche et sanguinaire du prolétariat qui se révolte, et nous rappelle l’appel aux massacres des communards de 1871 !

Les infâmes suprêmes du CCI (Cerbères Capitalistes Ignobles) dans un texte paru sur leur site, larmoient sur le caillassage des pompiers : "De même, les blessures infligées aux pompiers, des personnes dont c’est la profession de secourir les autres, souvent au péril de leur vie, ne peuvent que choquer." puis, plus loin, dans le texte, pontifient : "(...) ce qui se passe en ce moment en France n’a rien à voir avec la violence prolétarienne contre la classe exploiteuse : les principales victimes des violences actuelles, ce sont des ouvriers. Et au delà de ceux qui subissent directement les conséquences des dégâts provoqués, c’est l’ensemble de la classe ouvrière du pays qui est touché : la battage médiatique autour des événements actuels vient occulter toutes les attaques que la bourgeoisie déchaîne en ce moment même contre les prolétaires, de même que les luttes qu’ils essaient de mener pour y faire face. (...) Les jeunes qui brûlent des voitures comme les ouvriers ne peuvent tirer rien de positif de la situation actuelle. Seule la bourgeoisie, peut, d’une certaine façon en tirer un avantage pour le futur."

Ces divers appels sont avant tout les fruits d’une pratique historique contre révolutionnaire, ce sont des positions/des pratiques indécrottables de défense de l’ordre bourgeois qu’ont toujours eues ces groupes, partis, associations et syndicats, elles sont inscrites en ligne droite dans une continuité historique, celle de la contre révolution qui cherche à nous briser les reins, et, comme on l’a vu, dans la rue, lors de la manifestation du fameux 16 novembre, où tous ces gens là, tous ces défenseurs ardents de la démocratie, donc de l’état bourgeois, ont réclamé devant le Sénat, pacifiquement et en bon ordre, la fin de l’état d’urgence au moment même où nous, prolétaires, nous nous affrontions aux flics, où nos luttes s’essoufflaient dans les Cités, où l’état bourgeois réprimait nos frères de classe émeutiers !

Non seulement ces gens là ont cherché à nous épuiser dans une manif traîne savates, mais en plus nous y trouvions toutes les forces politiques favorables au rétablissement de l’ordre républicain dans les banlieues, comme on le lit dans leur appel nauséabond. A leur façon, toutes ces raclures conscientes ou non (idiots utiles de service, militants sincères bernés) participent à l’enterrement de toute cette belle énergie prolétarienne qui venait d’éclore.

Prolétaires ! L’Union sacrée nous mène toujours à la fosse commune, aux charniers !

A tous ces serviteurs du capital, nous n’avons qu’une réponse à leur cracher au visage, celle qui, dans le Manifeste du Parti Communisme, en 1848, cinglait à la face des bourgeois :

"Vous êtes saisis d’horreur parce que nous voulons abolir la propriété privée. Mais, dans votre société, la propriété privée est abolie pour les neuf dixièmes de ses membres. C’est précisément parce qu’elle n’existe pas pour ces neuf dixièmes qu’elle existe pour vous. Vous nous reprochez donc de vouloir abolir une forme de propriété qui ne peut exister qu’à la condition que l’immense majorité soit frustrée de toute propriété. En un mot, vous nous accusez de vouloir abolir votre propriété à vous. En vérité, c’est bien ce que nous voulons".

VERS UNE "EXTENSION" INTERNATIONALE DES LUTTES ?

Il nous importe davantage de distinguer dans les quelques émeutes et autres actes prolétariens plus isolés, qui se sont déroulés à travers le monde, le fait que des prolétaires, des frères de classe, se sont reconnus dans les émeutes sur le territoire français, que leur quantité. On pourrait certes faire la fine bouche en alignant les quelques chiffres ne serait ce que de voitures cramées ici et là et les mettre en parallèle avec ceux des statistiques françaises, mais ce serait essayer de chier à travers les hémorroïdes de la conception bourgeoise des faits ! Le week end du 6 novembre, quelques actions du même type ont eu lieu en Belgique à Bruxelles, Liège, Anvers, en Allemagne à Berlin, Brême (deux nuits d’affrontements), en Espagne, à Séville, à Barcelone,... A Athènes, en Grèce, plusieurs cocktails Molotov furent lancés sur une usine française, ainsi que sur un supermarché franco grecque, quelques manifestations furent organisées devant l’ambassade de France, en "soutien aux insurgés français".

Certes, c’est peu, mais cela nous montre la sympathie internationale qu’ont connue les émeutes en France auprès de prolétaires d’autres zones géographiques.

D’autres éléments nous montrent que la bourgeoisie a craint une contagion de la lutte dans d’autres pays et s’est mobilisée pour parer aux développements possibles des affrontements.

Nous savons ainsi qu’en Belgique les autorités ont suivi de très près les émeutes en France. "Les bourgmestres des trois quartiers proches de la Gare du Midi (Anderlecht, Forest et St Gilles, théâtres d’affrontements en 1991 et 1997 entre jeunes d’origine immigrée et force de l’ordre) se sont réunis hier pour discuter des mesures à prendre pour éviter toute contagion. Leur groupe de travail restera sur pied tant que les événements continueront en France, soulignant que des échauffourées ont eu lieu ce week end à Schaerbeek, autre commune bruxelloise où vivent de nombreux immigrés" (Libération, 7 novembre 2005).

Romano Prodi, leader du centre gauche en Italie et ancien président de la Commission européenne, déclarait : "Nous ne devons pas penser que nous sommes tellement différents de Paris, c’est seulement une question de temps." Et l’infâme Tony Blair, de mettre en garde : "Tout le monde est inquiet de ce qui se passe !"

L’analyse d’ensemble que nous dégageons du présent constat est que notre classe reste engluée dans la passivité et la consommation télévisuelle/médiatique de ses propres luttes, que les actes de solidarité internationale sont terriblement isolés, terriblement sporadiques. Mais ils maintiennent le fil rouge, ils restent ces petites étincelles qui cherchent à raviver le brasier de la révolution sociale mondiale, comme des lueurs d’espoir qui refusent de s’éteindre, cherchent la propagation, comme des étoiles dans la profondeur d’encre des ténèbres de la paix sociale. Et tant que couvent les braises...

PERSPECTIVES

Notre texte présent n’est pas écrit pour conscientiser, expliquer ou donner des leçons mais pour donner des perspectives. De toute lutte, il faut savoir tirer des leçons. Il faut savoir en extraire les moments forts et en comprendre autant les faiblesses, afin que demain nous ne répétions pas les mêmes erreurs et que nous sachions comment développer, fortifier notre lutte. Il s’agit ici de contribuer à sortir ce mouvement de ses propres limites, à faire le lien avec les autres luttes de notre classe.

Comme nous l’écrivions en avant propos, nous refusons de nous sentir extérieurs à ces émeutes, car elles restent nos luttes, celles de nos frères qui brisent les chaînes de l’esclavage salarial. Nos écrits présents oeuvrent à faire mûrir les ruptures qui ont pu se dégager lors de ces révoltes, pousser à la rupture radicale d’avec toute forme d’illusion démocratique et d’encadrement social-démocrate. Ils posent des jalons pour la continuité et le renforcement de la lutte sociale.

Surtout, nous tendons la main ici à tous ceux qui se sont reconnus dans ces luttes, à tous ceux qui s’en sont revendiqué, à tous ceux qui veulent oeuvrer avec nous pour embraser cette société de merde une fois pour toute et jeter ses cendres dans les poubelles de l’histoire de l’humanité ! Nous sommes les pièces dispersées d’une arme magnifique qui suicidera le capitalisme. A l’instar de nos aînés, nous relevons le flambeau de la révolution et nous reprenons leur cri de guerre : "PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSONS NOUS !"

Il s’agit ici de tisser des liens forts et durables entre nous tous. Il s’agit ici de s’associer avec d’autres prolétaires pour tirer un bilan de ces émeutes.

SOLIDARITE ET SOUTIEN A TOUS LES EMBASTILLES ! ETENDONS LA REVOLTE A TOUS NOS LIEUX DE SURVIE ET DE TRAVAIL ! DETRUISONS CE QUI NOUS DETRUIT ! NE LAISSONS DE CETTE SOCIETE QUE SES CENDRES ! A LA VIOLENCE DE L’ETAT, OPPOSONS LA VIOLENCE REVOLUTIONNAIRE ! SORTONS DES BANLIEUES, ORGANISONS NOUS POUR NOUS DEFENDRE CONTRE LE CAPITAL ET SON ETAT !

CONTACT : proletairesenavant

Commentaires :


  • Ce qui ne paraîtra pas..., , 4 avril 2006

    Ce texte est profondemment juste, il est possible qu’on ait envie de le publier , on verra à la prochaine AR,

    BL


    • Tant Mieux ? , Caroline V , 9 avril 2006

      Je suspecte l’auteur(e) de ce texte de ne pas avoir participé aux événements de novembre 2005 et de calquer ses propres explications sur les destructions des écoles, des crèches ou des bibliothèques, sujet au combien important pour construire une véritable solidarité. Sauf à prôner une forme d’intelligence supérieure à toutes formes de médiations écrites, ce qui n’est pas à écarter, de la part de ces jeunes mais qui reste à prouver, je ne saisit pas bien la NECESSITE de prôner la destruction des bibliothèques ou médiathèques.


    • Ce qui ne paraîtra pas..., Bernard Lyon, 9 avril 2006

      P.S.

      Texte profondemment juste, nonobstant ses présupposés programmatistes d’affirmation du prolétariat, qui ne coincident nullement avec l’essentiel qui est dit, c’est à dire que les "émeutes" sont des attaques de la société capitaliste telle qu’elle se présente, comme le résultat synthétique du capital. Ce texte montre les émeutes comme insurrection des prolétaires de maintenant, comme insurrection contre la société, comme antisociale.

      BL



  • Ce qui ne paraîtra pas..., DOC, 9 avril 2006

    Encore une fois on reste dans la lourde phraséologie autonome des "seventies"...Certes, je suis d’accord à 90 % sur l’analyse, certes, le capitalisme, par médias interposés, divise le prolétariat pour mieux règner, surtout à l’heure actuelle où la lutte anti-CPE semble embraser la Phrence en distinguant les gentils manifestants pacifiques estudiantins des "cailleras" des quartiers...mais le capitalisme c’est aussi la guerre de tous contre tous (cf. la manif Invalides), des micros tribalismes qui s’installent durablement dans les quartiers populaires, des micro_fascismes permanents où il ne vaut mieux pas être bon d’être une femme, un gaucho anarcho, un homo, un punk goth, voire un "fromage blanc"...Il faut que la mouvance toto, libertaire situ conseilliste réagisse face à cette nouvelle dérive fascisante de certaines bandes des quartiers popus...Certes, il y a eu les Apaches au début du siècle, les blousons noirs dans les "sixties", les "zoulous" des "nineties" mais à ce que je sache, ils n’ont jamais été des révolutionnaires au sens "classiste" du terme...Dans certains pays, on a souvent retrouvé ce "lupenprolétariat" du coté faf (cf. les SA dans l’allemagne d’avant guerre), on n’en est pas encore là mais il vaut mieux être vigilant

    Situdoc


Comments