Sur la révolution

Submitted by Craftwork on May 5, 2017

Dans toutes les crises, le contenu de la contre-révolution est de préparer les conditions de la reprise et de la restructuration supérieure du capital. En préparant cette reprise dans le mouvement de la contradiction avec le prolétariat, elle st l’activité pratique rendant impossible la pratique révolutionnaire programmatique du prolétariat. Celui-ci n’est pas dans une situation tragique, car il est lui-même défini par et dans l’accumulation du capital ; pratique programmatique et restructuration supérieure s’impliquent. La pratique programmatique implique la contre-révolution comme restructuration supérieure, comme sa propre limite.

En effet, la révolution comme libération du travail manifeste ses limites dans la nécessité d’une période de transition, période de dégénérescence de l’aliénation et de développement des forces productives. Ce sont précisément ces limites qui constituent la contre-révolution, restructuration supérieure et reprise de l’accumulation du capital. le procès de l’exploitation qui forme le contenu de la contradiction entre le prolétariat et le capital transforme les limites mêmes de cette contradiction révolutionnaire en contre-révolution.

Il ne faut pas figer la notion de limite de la révolution, ce n’est ni la révolution qui a des limites sur lesquelles se fonderait la contre-révolution, ni ce qu’est la contre-révolution qui transformerait certains aspects du procès révolutionnaire en limites. Il n’y a pas de moment premier entre la révolution et la contre-révolution, les limites de la révolution et la contre-révolution se produisent réciproquement dans le mouvement de l’exploitation, par le contradiction elle-même. Si l’on peut parler de limites de la révolution, ce n’est pas par rapport à une « révolution » qui se dégauchirait au cours de l’histoire, mais par rapport à elle-même, c'est-à-dire à ce qu’est dans une période historique donnée son mouvement d’abolition du capital, donc à ce qu’est le capital

Si par exemple, la nécessité d’une période de transition est une limite, et ce par rapport à la pratique programmatique elle-même, c’est que là le procès révolutionnaire implique explicitement une restructuration supérieure du capital. Cela ne signifie pas qu’il porte sa propre impossibilité en lui-même comme une contradiction interne, cela signifie que la contre-révolution étant cette restructuration supérieure dans son opposition au prolétariat rend la pratique programmatique impossible, parce que l’une et l’autre s’impliquaient.

La pratique programmatique est une pratique révolutionnaire contre un capital qui se restructure ; la restructuration est une pratique contre-révolutionnaire contre un prolétariat qui a une pratique programmatique (la contre-révolution n’est pas une simple défense de ce qui existe, elle est un renouvellement, une reproduction supérieure de ce qui existe s’effectuant en contradiction avec la révolution, ce renouvellement ne pouvant s’effectuer que comme cela). C’est pour cela qui limites de la révolution et contre-révolution se produisent réciproquement et qu’aucune n’est par rapport à l’autre un moment premier fondateur.

C’est l’exploitation, c'est-à-dire la contradiction elle-même qui est cette reproduction, parce que l’accumulation qui est ce processus contradictoire de l’exploitation est définitoire du prolétariat et de sa pratique, ainsi que de sa propre reproduction supérieure en contradiction avec le prolétariat.

Avec la prédominance dans la reproduction du capital, de la subsomption réelle du travail sous le capital, la pratique programmatique du prolétariat dans sa contradiction avec le capital est en décomposition. En effet, le rapport contradictoire entre le prolétariat et le capital ne porte plus la lutte pour la libération du travail qui est totalement spécifié en tant que travail per rapport à son caractère de créateur de valeur (voir la plus-value relative). Abolir le capital, c’est nécessairement pour le prolétariat s’abolir lui-même, classe du travail salarié, et non pas se dégager en tant que classe des travailleurs productifs de valeur. À ses débuts, la crise actuelle est l’accentuation de cette décomposition de la pratique programmatique.

La décomposition du programmatisme est alors le contenu de la lutte de classe du prolétariat contre le capital. Comprendre cette décomposition comme venant simplement accompagner le mouvement du capital, organiser la dévalorisation, ou même aider ce mouvement, c’est finalement ne plus considérer le développement du mode de production capitaliste comme lutte de classe, c’est voir l’unité qui relie les classes entre elles, mais ne plus voir cette unité comme une contradiction.

Inversement, comprendre cette décomposition du programmatisme comme des vagues révolutionnaires venant buter sur l’immaturité des conditions, c’est ne pas comprendre leur échec autrement que comme répression, c'est-à-dire ne pas comprendre la puissance même de la contre-révolution, c’est comprendre la contradiction, mais ne plus saisir simultanément l’unité entre le processus révolutionnaire et la contre-révolution.

Les limites de la révolution sont toujours celles du programmatisme : c’est fondamentalement le fait que la situation générale de la lutte de classe soit une contradiction, mais le rapport contradictoire avec le capital implique que la situation donnée de la classe n’est plus une positivité à dégager. Ce qui est là une nouvelle limite et simultanément une exacerbation de la décomposition du programmatisme.

La restructuration que nous analysons par ailleurs est, dans la période actuelle, le procès de la contre-révolution en ce qu’elle est la réponse adéquate aux luttes présentes et pose la décomposition du programmatisme qu’elles manifestent comme les limites du processus révolutionnaires. Seule une transformation du rapport entre les classes telle qu’elle peut résulter de cette restructuration peut être productrice d’un rapport révolutionnaire du prolétariat au capital. Dans celui-ci, l’accomplissement de la signification historique du capital étant devenu le contenu de la contradiction entre le prolétariat et le capital, le prolétariat, dans le moment même où il est impliqué comme classe par le capital, le pose comme la prémisse d’un libre développement de l’humanité. Face au capital, comme classe des travailleurs salariés, il est simultanément qualitativement impuissant à le valoriser en ce que l’ensemble des forces sociales du travail se trouve objectivé dans le capital ; la contradiction comporte alors en elle-même le contenu de sa résolution : l’immédiateté sociale de l’individu.

Si la transformation du rapport actuel entre les classes est nécessaire pour en arriver là, il n’en demeure pas moins que l’on peut tenter de définir le processus révolutionnaire dans ses grandes lignes.

En ce que c’est son rapport même au capital qui fait du prolétariat une classe révolutionnaire, et non une modalité de son être, on peut d’ores et déjà dire que le processus révolutionnaire n’est ni une libération du prolétariat, ni un immédiatisme du communisme sur la base de ce qu’est le prolétariat. Le communisme se produit contre le capital et médié par cette contradiction.

Seule la révolution est dépassement des contradictions du programmatisme. Rapidement, celles-ci sont les suivantes :

–        le prolétariat doit s’affirmer pour se nier ;

–        le procès contradictoire du capital est porteur du communisme/c’est une classe qui est porteuse du communisme (le premier terme renvoie au fatalisme de certains passages de Marx dans Le Capital : le mode de production s’effondre avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature… par exemple ; le second à la question des « conditions objectives » comme extériorité vis-à-vis de la pratique de la classe. Ce qui nous amène à la contradiction suivante) ;

–        le prolétariat porte toujours l’abolition du capital, mais il ne peut pas toujours faire la révolution (cf. Notes de travail n°4 et Théorie communiste n°2).

Le processus révolutionnaire est le mouvement dans lequel le prolétariat est amené à résoudre les contradictions du programmatisme. Ce qui était pour le programme une limite infranchissable devient le procès même de la révolution. Les contradictions du programmatisme sont résolues en tant que telles au travers du fait que la seule limite de la révolution est qu’elle soit médiée par le capital et non le développement du communisme en soi contre le capital – l’adversaire – comme le développe l’immédiatisme, ou libération du travail.

Ce que porte le rapport contradictoire entre le prolétariat et le capital dans lequel ils se reproduisent réciproquement en tendant à poser le rapport du prolétariat au capital comme simple prémisse d’un libre développement, c’est la formation des fractions communistes du prolétariat. Le procès de formation de celles-ci (le pluriel désigne la multiplicité de leurs apparitions et non celle de leur contenu ou de leur pratique), c’est le rapport révolutionnaire à l’intérieur du mode de production capitaliste. Il n’y a pas à développer ce qu’est le rapport de simple prémisse entre les classes en dehors ou comme base de l’activité des fractions communistes, c’est cette activité elle-même qui est ce rapport.

Si le prolétariat est la classe des travailleurs salariés, c’est seulement au sens où travail salarié et capital sont contradictoires. Être un prolétaire n’est pas un étiquetage social sur un individu, c’est la manifestation active d’une classe déterminée et définie par sa contradiction au capital. Par travail salarié, nous entendons évidemment le travail salarié au sens propre du terme, c'est-à-dire le travail productif de plus-value.

À ce niveau, l’erreur à ne pas commettre c’est, une fois reconnue la contradiction entre le travail salarié et le capital, faire en quelque sorte le chemin à l’envers et poser la question « qui est productif ? ». Ce serait à nouveau tenter de formuler la contradiction sociale centrale du mode de production capitaliste au niveau d’une manifestation des individus isolés. Ce serait non pas considérer que c’est à partir de la totalité que se développe et se résout la contradiction, mais à partir de l’être d’individus isolés qui, dans leurs intérêts communs, formeraient la totalité sociale.

Cela ne doit pas aboutir à dire que la différence entre travail productif et improductif n’existe pas, mais il importe de considérer que la reproduction contradictoire du travail productif et du capital, c’est la reproduction de toute la société fondée sur le capital, qu’elle est la contradiction du prolétariat en tant que classe contre le capital, et non la contradiction d’individus isolés réunis par leur caractéristique commune de travailleurs productifs. La lutte de classe entre le prolétariat et le capital, c’est la contradiction entre le travail salarié productif et le capital, sans que la caractéristique de travailleur productif soit une détermination à replacer dans l’individu. La contradiction est le contenu de l’activité du prolétariat, car elle est celui de la reproduction de la société fondée sur le capital ; elle définit par là, à partir de la totalité, la contradiction, et non à partir de déterminations inhérentes aux individus.

Nous parlons de fractions communistes au sens où ce n’est pas d’emblée l’ensemble de la classe structurée par cette contradiction qui se trouve dans un rapport révolutionnaire avec le capital. Mais son action crée la généralisation de la situation révolutionnaire qui est la sienne, simultanément au fait que la contre-révolution tire sa force de ce caractère encore limité de la pratique des fractions communistes (la limitation géographique est une limitation du contenu lui-même quant il s’agit de produire l’immédiateté sociale de l’individu).

La production par la révolution de ses conditions, c’est la lutte de classe elle-même : la généralisation et l’approfondissement de la pratique révolutionnaire des fractions communistes contre la contre-révolution qui s’appuie sur ce caractère encore limité du au fait que le rapport révolutionnaire entre le prolétariat et le capital existe dans la reproduction du mode de production capitaliste. Contradiction dans la reproduction, l’activité révolutionnaire implique face à elle la contre-révolution comme reproduction du capital et de la condition prolétarienne.

Le rapport entre le prolétariat et le capital comme simple prémisse est encore reproduction du capital dans laquelle sa contradiction avec le prolétariat ne produit pas une contradiction avec son développement antérieur comme limité, son universalité n’est pas en contradiction avec son développement antérieur, mais avec l’absence de nouvelles limites au développement humain que contient sa contradiction avec le prolétariat.

L’apparition des fractions communistes caractérise la période révolutionnaire. Cette période est celle où, d’un côté comme de l’autre, se généralise l’affrontement entre la révolution et la contre-révolution. C’est celle où l’universalité du capital, sa signification historique est son rapport contradictoire au prolétariat, c’est le mouvement de reproduction du capital dans son unification, l’exacerbation de la valorisation intensive, c’est simultanément, parce que contradiction posant l’abolition du capital, la généralisation de la pratique révolutionnaire. Ce n’est qu’en abolissant le capital que la pratique révolutionnaire se généralise, et non l’inverse, c’est pour cette raison que l’on peut parler de fractions communistes.

Même si le prolétariat n’est pas défini comme classe par rapport à une somme de capitaux particuliers, mais par rapport au capital en général à travers le taux de profit, la généralité du capital n’est pas cependant une entité totalitaire recouvrant une uniformité.

Si le profit moyen est la mesure de la valorisation du capital, s’il s’établit par la concurrence, c'est-à-dire par un mouvement où ce sont les lois générales du capital qui sont imposées aux capitaux particuliers comme des lois extérieures, cela signifie que sa généralité même est le mouvement de ses différences de composition organique, de mode de valorisation, de capitalisation du monde. Inversement, ces différences n’ont aucune existence en elles-mêmes, elles ne sont que mouvement dans lequel le capital se manifeste dans sa généralité.

Le prolétariat a dans sa pratique contradictoire avec le capital la même généralité que lui, il n’es pas une somme algébrique de caractères communs et de différences, ni une essence dont l’unité est uniformité. Dans la transformation de la plus-value en profit, l’unicité de son existence de classe est mouvement de diversités qui ne sont à leur tour que la seule façon d’être de cette unicité en tant que telle.

Pour le prolétariat, l’abolition du capital est le procès dans lequel il abolit sa propre diversité puisqu’il s’abolit comme classe (contenu de la période révolutionnaire et de l’activité des fractions communistes) ; c’est là le mouvement même de son abolition comme classe dans l’abolition du capital par lequel il est cette unicité comme mouvement de diversités. Le prolétariat s’abolissant en abolissant le capital, cela implique que le prolétariat en tant que classe, dans son unicité, abolit sa propre diversité en abolissant l’unicité de son existence de classe, car il abolit ce par quoi son unicité est mouvement de diversités.

Le mouvement de généralisation de la pratique révolutionnaire des fractions communistes ne peut par là être que celui de l’abolition du capital et de l’autonégation du prolétariat. Il n’y a pas généralisation de cette pratique pour abolir le capital, ce n’est pas une unification en vue d’une action commune, cette généralisation ne peut s’effectuer, ne s’effectue, que comme étant déjà partie prenante de la pratique d’abolition du capital par le prolétariat qui se nie lui-même.

Le mouvement de généralisation de la pratique révolutionnaire des fractions communistes n’est donc pas différent du contenu même de cette pratique qui est abolition du capital, autonégation du prolétariat. Le prolétariat trouve dans son rapport au capital, à travers la généralisation de sa pratique révolutionnaire, le contenu même de son action, la généralisation n’est pas une forme. C’est en effet toujours par la transformation de la plus-value en profit que ce contenu est donné. La généralisation de la pratique révolutionnaire et ce qui fait précisément de cette pratique une pratique révolutionnaire sont donnés par le même procès.

La pratique des fractions communistes ne part pas de la résolution des contradictions du programmatisme, mais elle est elle-même la résolution de ces contradictions. Les limites de la révolution constituées par la décomposition du programmatisme sont dépassées par cette pratique dans son rapport contradictoire à la contre-révolution, mais par là cela implique qu’elles sont encore présentes dans cette pratique qui les dissout.

La persistance des contradictions du programmatisme et donc des limites de la révolution provient de ce que le prolétariat ne lutte pas contre la contre-révolution autrement qu’en communisant la société, mais que d’autre part, cette communisation s’effectuant contre le capital n’est pas un libre développement de l’individu, mais un mouvement déterminé précisément par cette lutte et cette contradiction. Il n’y a que le triomphe de la révolution qui soit la disparation des ces contradictions.

Les contradictions du programmatisme dépassées par la pratique révolutionnaire, et qui deviennent en tant que limites de la révolution, les fondements même de la contre-révolution, dérivent toutes de l’impossible affirmation du prolétariat. En effet, toute tentative de libération du prolétariat, qui fait du communisme une transcroissance de la situation de classe, ne peut être dans les conditions actuelles de la révolution que tentative de reproduction de la condition prolétarienne, ce qui implique nécessairement celle du rapport capitaliste.

La révolution n’étant pas l’œuvre d’un quelconque groupe social qui serait déjà plus ou moins au-delà du capital, ou même d’une classe qui incarnerait une contradiction se situant au-delà du capital, mais l’œuvre d’une classe particulière de cette société, qui, abolissant le capital, s’abolit comme classe, la révolution est la situation qui résout ce qui dans le programmatisme constituait la contradiction fondamentale. Effectuée par une classe particulière communisant la société contre le capital, la révolution ne peut être d’emblée le communisme.

La complexité de son procès résulte de ce que le prolétariat ne peut promouvoir, à partir de ce qu’il est, aucune organisation sociale, et qu’il ne peut non plus faire du communisme son mode d’être, alors qu’il ne peut triompher qu’en prenant des mesures communistes, et non pas transitoires. La spécificité de la révolution est que ces mesures communistes sont prises contre le capital. On abolit pas le capital pour le communisme, mais par le communisme, dans sa lutte contre le capital, le prolétariat produit le communisme. La notion de mesures communistes doit être distinguée du communisme : ce ne sont pas les embryons du communisme, c’est sa production par le prolétariat.

Le dépassement des contradictions du programmatisme n’est pas autre chose que le mouvement de production du communisme par le prolétariat, donc par une classe particulière contre le capital. C’est dans cette contradiction de la pratique révolutionnaire que résident les limites programmatiques de la révolution ainsi que le mouvement de leur dépassement par la lutte contre le capital (ce qui est la limitation elle-même). La lutte contre le capital est bien ce qui différencie les mesures communistes du communisme et donc pose la limitation de la révolution, mais par là même, cette limitation est dynamique, car la pratique révolutionnaire crée elle-même ses conditions par sa lutte contre le capital.

C’est donc de cette situation complexe de la pratique révolutionnaire, de cette double tendance relevée plus haut, que résulte la persistance de la dissolution du programme à l’intérieur de la révolution en constituant les limites : soit comme affirmation du prolétariat qui fait du communisme une transcroissance de la situation de classe ; soit comme immédiatisme du communisme sur la base du prolétariat (classe particulière). Dans un cas comme dans l’autre, on ne pose réellement les forces sociales extranéisées comme capital, mais simplement comme un envers du prolétariat. Le procès de la révolution comme lutte contre le capital est par là aussi, posant réellement le capital comme communauté face au prolétariat, et comme prémisse, réduction du programmatisme en dissolution et dépassement des fractions communistes, c'est-à-dire généralisation de la pratique révolutionnaire.

L’activité révolutionnaire du prolétariat a toujours pour contenu de médier l’abolition du capital par son rapport au capital ; ce n’est ni un engagement (libération) du capital comme affirmation du prolétariat, ni un immédiatisme du communisme.

De façon concrète, le prolétariat dans sa lutte abolit la valeur, mais le mode d’être social qui en résulte immédiatement n’est pas l’immédiateté sociale de l’individu, car l’activité du prolétariat abolissant la valeur est médiée par le capital, la lutte contre celui-ci qui est en face de lui. La lutte de classe est une médiation. Il en est de même de l’abolition du travail salarié (nous savons – cf. Théorie communiste nO2 que l’abolition du travail salarié n’est pas libération du travail ; de son côté la notion d’abolition du « travail » réfère directement à la dissolution du programme) : l’activité n’est manifestation de soi, c'est-à-dire est suppression de son caractère reproducteur de quelque chose qui a déjà été, qu’en étant imposée par la nécessité de la lutte contre le capital.

Ce qu’il y a d’essentiel dans le procès révolutionnaire, c’est qu’en tant que production consciente de l’histoire le contenu de son action s’impose à lui-même comme mesure pour assurer sa victoire, abolition de la valeur, du salariat, de la propriété, du cadre de l’entreprise, de la division du travail, de l’État, production de l’immédiateté sociale de l’individu, ne sont pas des buts que le prolétariat tendrait à réaliser après sa victoire, mais des nécessités immédiates qui apparaissent dès qu’il se heurte à la contre-révolution ayant pour contenu le capital qu’il pose face à lui comme une simple prémisse dans le mouvement où celui-ci se pose de façon de plus en plus précaire comme procès de reproduction de la société.

Production de l’immédiateté sociale de l’individu, cela signifie que la révolution abolit les classes, c'est-à-dire toute position sociale spécifique, par rapport à la production de la vie, c’est simultanément l’abolition du travail. Cette abolition de la répartition de la production selon des secteurs différents qui est inhérente à la loi de la valeur, et à la péréquation du taux de profit, s’effectue dans la révolution, où elle est une mesure communiste et non évidemment durant le communisme qui ne passe pas son temps à abolir la valeur (elle est d’autre part mesure communiste, pour la raison déjà vue, car déterminée par la contradiction avec le capital et non libre développement).

Dans la pratique révolutionnaire des fractions communistes, ce n’est plus le travail abstrait qui est la substance de la répartition et la norme de la production, c’est une fixation autoritaire des besoins de la lutte (généralisation de la pratique révolutionnaire – ce qui est une question de contenu), il ne s’agit pas que la société se fixe tant d’heures de travail à affecter à telle ou telle production ou activité, il faut produire ou s’emparer (l’équivalence de ces deux actes est déjà une négation de la répartition par le travail abstrait) d’une certaine quantité de tels ou tels biens, et si ce n’est pas fait en dix heures, c’est fait en quinze. La révolution a encore une mesure fixée a priori : c’est la généralisation de sa pratique, sa contradiction avec le capital.

L’abolition de la propriété dans la révolution n’est pas une mesure juridique, mais résulte du rapport immédiat entre le prolétariat et le capital. Celui-ci a une tendance illimitée à se développer, il se pose lui-même comme entrave en ce que son développement ne peut qu’être accumulation de plus-value. Or, c’est sa propre accumulation, son propre développement, qui est une entrave à sa valorisation, son développement est ainsi celui de la caducité du salariat. C’est cette contradiction de son développement qui apparaît dans la crise de son autoprésupposition impliquant la pratique du prolétariat comme pratique révolutionnaire posant le développement capitaliste comme une prémisse.

L’abolition de la propriété est devenue à travers le développement capitaliste, absolument inhérente à celle du capital et du salariat, par le développement des conditions de l’immédiateté sociale de l’individu. On pourrait dire de même pour la division du travail et les classes qui sont des relation sociales que les hommes définissent entre eux comme indépendantes d’eux (cf. Théorie communiste nO1, p. 41).

Les conditions de l’immédiateté sociale de l’individu que le capital produit selon la nature même de son rapport avec le prolétariat – l’exploitation (les « conditions » étant alors le procès même de leur dépassement) –, c’est tout d’abord l’universalité des relations sociales dans lesquelles entrent les individus, l’universalité de leurs besoins et de leurs jouissances, qui est le fait que le capital contient dans son concept le marché mondial, car le but de la production est la plus-value, l’accumulation, donc de par le fait de la contradiction entre le prolétariat et le capital.

Ces conditions de l’immédiateté sociale de l’individu s’expriment dans son activité immédiate productive ; non seulement celles-ci, par l’intermédiaire du capital circulant est en relation avec le marché mondial, mais encore elle ne peut s’effectuer que comme une activité sociale, que présupposée par l’activité générale de la société. En ce sens est posée la base de ce qu’est l’immédiateté sociale de l’individu, c'est-à-dire la pratique de sa propre activité immédiate comme pratique de la société car incluant toute l’activité de cette société.

C’est dans son rapport révolutionnaire au capital que ce développement devient immédiatement le contenu de la pratique du prolétariat ; l’abolition de la valeur, de l’échange, du cadre de l’entreprise, du capital et du salariat, ne sont rien d’autres que des mesures que le prolétariat prend dans sa contradiction avec le capital de par le contenu même de cette contradiction, et qui sont le mouvement de production du communisme, de l’immédiateté sociale de l’individu.

Les nécessités même de la lutte de classe sont le contenu social de cette lutte, même si elle ne sont pas le communisme ou des embryons de communisme. En effet, abolir le cadre de l’entreprise ça peut n’être qu’unification du prolétariat, abolir l’échange et la valeur, on a vu que ça ne pouvait qu’être poser une autre présupposition à l’activité, abolir la division du travail, ça peut n’être qu’une répartition des activités dans la révolution médiée par le caractère commun que leur conférait le capital (répartition des activités entre prolétaires). C’est en cela que la révolution résout elle-même les contradictions du programmatisme qu’elle implique et dépasse en tant que procès, qui n’est ni l’organisation de la société à partir du prolétariat, ni immédiatement le communisme, mais activité d’une classe produisant le communisme à partir de sa situation de classe, en contradiction avec le capital.

Le fait qu’une classe abolit les classes devient le procès même de la révolution ; c’est là dessus que bute la décomposition du programmatisme pour qui la contradiction est insoluble et figée : on cherche soit à affirmer le prolétariat, soit à poser un immédiatisme du communisme sur la base de ce qu’es travail le prolétariat. Dans un cas comme dans l’autre la dialectique de la contradiction est niée et c’est le procès révolutionnaire qui devient une énigme.

Parler de l’abolition de la valeur, du travail salarié, de la division du travail, de l’échange, de la propriété comme mesures communistes, cela peut paraître à première vue faux, car en fin de compte, tout cela est identique. En fait, ce n’est pas l’abolition de la valeur, du travail salarié, de l’échange, de la propriété qui sont elles-mêmes ces mesures communistes, car sinon il n’y en aurait qu’une, les mesures communistes sont des mesures « conjoncturelles » et c’est leur  caractère partiel, limité, qui fait qu’elles prennent le même problème sous des aspects et des angles d’attaque différents, leur unification est même le procès de la révolution.

Par les mesures communistes, ce sont les contradictions du programmatisme qui sont résolues. Limites programmatiques inhérentes au procès de la révolution, elles posent constamment soit la libération du travail qui, impossible dans son opposition au capital, devient simple reproduction de la condition prolétarienne, soit immédiatisme du communisme. Cette reproduction de la condition prolétarienne qui peut être plus ou moins violemment opposée au mouvement révolutionnaire, n’est pas combattue en soi, mais en approfondissant le contenu révolutionnaire du mouvement.

Il ne s’agit pas d’opposer au programmatisme un antiprogrammatisme. Les manifestations de la crise de la décomposition sont inhérentes au procès de la révolution en ce qu’il ne connaît qu’une seule limite : être médié par le capital, être communisation contre le capital. C’est dans cette médiation que peuvent s’enraciner les défaites du procès révolutionnaire qui sont alors le développement des deux tendances dont nous avons parlé précédemment : reproduction de la condition prolétarienne et immédiatisme du communisme.

C’est en approfondissant sa contradiction avec le capital que la révolution détruit en les dépassent ces manifestations de la crise de la décomposition, car ces dernières peuvent être la fixation sur une mesure communiste autonomisée, ce qui ferait de la révolution une affirmation du prolétariat ou une opposition du l’immédiateté du communisme à ces mesures ; dans ce cas, c’est toujours en ne les figeant pas, donc en bien posant le procès de communisation, que l’on dépasse cette immédiateté dans la production du communisme. Ne pas figer une mesure communiste, c’est la poser pratiquement comme lutte contre le capital et non comme embryon de communisme (immédiatisme).

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