Le capitalisme : une introduction

Petite introduction au capitalisme et son mode de fonctionnement par libcom.org

Submitted by donaldo on April 30, 2016

A la base, le capitalisme est un système économique fondé sur trois éléments : le travail salarié (le fait de travailler pour un salaire), la propriété privée ou le contrôle sur les moyens de production (c'est-à-dire les usines, machines, fermes et bureaux), et la production dans l'objectif de vente et de profit.

Tandis que certaines personnes possèdent des moyens de production, ou du capital, la plupart d'entre nous ne possède rien. Pour survivre, nous devons donc vendre notre force de travail en échange d'un salaire, ou alors nous vivotons à l'aide d'allocations sociales. Le premier groupe de personnes constitue la classe capitaliste ou la “bourgeoisie” pour utiliser le jargon marxiste, et le deuxième groupe représente la classe ouvrière ou le “prolétariat”. Vous pouvez consulter notre introduction aux classes sociales pour avoir plus d'informations sur les classes.

Le capitalisme se fonde sur un processus simple – de l'argent est investi afin de générer encore plus d'argent. Quand l'argent est utilisé avec cette finalité, il fonctionne en tant que capital. Par exemple, quand une entreprise utilise les profits pour employer plus de personnel ou afin d'ouvrir de nouvelles filiales, dans l’objectif de générer un bénéfice, l'argent fonctionne comme du capital. Lorsque le capital s’accroît (on pourrait dire aussi, lorsque l'économie est en croissance), on appelle ça 'accumulation de capital', c'est le moteur de l'économie.

Le capital s'accumule d'autant mieux quand il peut se soulager de coûts en les transférant sur les autres. Lorsque des entreprises peuvent réduire des coûts, en ne tenant pas compte de la protection de l'environnement, ou en payant des salaires de misère, elles le font. Donc le changement climatique catastrophique et la pauvreté massive ne sont que l’expression du fonctionnement normal du système. Par ailleurs, pour faire plus d'argent avec de l'argent, de plus en plus de choses doivent être échangeables pour de l'argent. Ainsi, la tendance est de transformer tout, depuis les objets quotidiens en passant par des séquences ADN jusqu'aux émissions de dioxyde de carbone – et, de manière cruciale, notre force de travail– en marchandises.

Ce dernier point – la marchandisation de nos capacités créatives et productives, notre force de travail – détient le secret pour comprendre l'accumulation du capital. L'argent ne devient pas plus d'argent en un coup de baguette magique, mais par le travail que nous fournissons chaque jour.

Dans un monde où tout est à vendre, nous devons tou-te-s vendre quelque chose afin de pouvoir acheter les biens dont nous avons besoin. Ceux-celles d'entre nous qui n'ont rien d'autre à vendre que leur force de travail doivent vendre cette force à ceux-celles qui détiennent les usines, les bureaux, etc. Mais les choses que nous produisons au travail ne nous appartiennent bien évidemment pas, elles appartiennent à nos patron-ne-s.

De plus, à cause de l’augmentation du temps de travail, d'améliorations de la productivité etc, nous produisons beaucoup plus que ce qu'il faudrait pour que nous puissions fonctionner comme travailleur-se-s. Le salaire que nous recevons permet à peine de couvrir les dépenses pour les produits nécessaires pour nous maintenir en vie et en mesure de travailler chaque jour (ce qui explique pourquoi, à la fin du mois, notre solde bancaire est assez proche de celui du mois précédent). Le capital s'accumule (ou du profit est généré) grâce à cette différence entre le salaire que nous recevons et la valeur que nous créons.

Cette différence entre le salaire que nous touchons et la valeur que nous créons est la “valeur ajoutée”. L'extraction de la valeur ajoutée, ou plus-value, par l'employeur-se est la raison pour laquelle nous considérons le capitalisme comme un système qui est fondé sur l'exploitation – l'exploitation de la classe ouvrière. Pour illustrer cette idée, allez voir notre étude de cas sur le fonctionnement d’un restaurant capitaliste.

Ce processus est sensiblement le même pour tout travail salarié, pas seulement celui qui se déroule dans les entreprises privées. Les travailleurs du secteur public sont eux-elles aussi constamment confrontés à des attaques sur leur salaire et sur leurs conditions de travail afin de réduire les coûts et de maximiser les profits pour l'ensemble de l'économie.

L'économie capitaliste repose également sur le travail non-rémunéré des femmes travailleuses.

La concurrence

Pour accumuler du capital, notre patron-ne doit entrer en concurrence sur le marché avec d'autres patron-ne-s d'autres entreprises. Ils-elles ne peuvent pas se permettre d’ignorer les forces du marché, ou alors ils-elles risquent de perdre des parts de marché au profit de leurs concurrent-e-s, de perdre de l'argent, de faire faillite, d'être racheté-e, et, en fin de compte, de ne plus être notre patron-ne. Pour cette raison même les patron-ne-s ne contrôlent pas vraiment le capitalisme, le capital en soi. C'est pour cette raison que nous pouvons parler du capital comme s'il s'agissait d'un acteur économique en soi ayant ses propres intérêts. Parler de 'capital' est donc souvent plus judicieux que de parler du patronat ou des patron-ne-s.

Autant les patron-ne-s que les travailleur-se-s sont aliéné-e-s (étranger-ère-s) à ce processus, mais de manière différente. Tandis que depuis la perspective ouvrière, nous vivons notre aliénation comme un contrôle que les patron-ne-s exercent sur nous, les patron-ne-s la vivent à travers les forces impersonnelles du marché et la concurrence entre eux-elles.

Les patron-ne-s et les politiques se sentent donc impuissant-e-s face aux 'forces du marché', chacun-e étant sous la pression d'agir de manière à ce que le capital puisse fructifier (d’ailleurs, ils-elles se débrouillent plutôt bien pour y arriver !): Ils-elles ne peuvent pas agir dans notre intérêt car toute concession à notre égard aidera en quelque sorte leurs concurrents nationaux ou internationaux.

Donc, par exemple, si un fabricant développe une nouvelle technologie pour produire des voitures qui lui permet de doubler sa productivité, il peut licencier la moitié de ses travailleur-se-s, augmenter ses profits et réduire les prix de ses voitures afin de vendre moins cher que ses concurrents.

Si une autre entreprise veut être gentille avec ses employé-e-s et essaye de ne pas virer des gens, elle sera au bout d'un moment éjectée du marché ou rachetée par un concurrent moins sympa – à ce moment là, l'entreprise devra quand même introduire cette nouvelle technologie et procéder aux licenciements afin de rester compétitive.

Évidemment, si les entreprises étaient tout à fait libres d'agir comme bon leur semble, les monopoles se développeraient et étoufferaient la compétition, ce qui conduirait au blocage du système. L'état intervient alors pour préserver l'intérêt à long terme du capital dans son ensemble.

L'état

La fonction première de l'état dans une société capitaliste est de maintenir le système capitaliste et de faciliter l'accumulation du capital.

A cet effet, l'état s'appuie sur des lois répressives et la violence contre la classe ouvrière lorsque nous essayons de protéger nos intérêts contre le capital. Par exemple, en adoptant des lois anti-grève, ou en envoyant la police ou des soldats pour briser une grève ou une manifestation.

De nos jours, le modèle 'idéal' d'un état capitaliste est la démocratie libérale. Cependant, à d'autres époques, des systèmes politiques différents ont vu le jour afin de permettre l’accumulation du capital. Le capitalisme d’état en URSS, le fascisme en Italie et en Allemagne sont deux modèles qui étaient nécessaires pour permettre aux autorités de cette époque de s'approprier ou de briser des mouvements importants de la classe ouvrière, car ces mouvements représentaient une menace potentielle pour l'existence du capitalisme.

Lorsque des abus de patrons poussent les travailleur-se-s à protester, l'état intervient parfois par d’autres manières que la répression pour assurer que le monde des affaires puisse poursuivre son activité sans perturbation. Il développe par exemple des législations nationales et internationales de protection de l'environnement et des travailleur-se-s. Généralement, l'étendue et l'application de ces lois fluctue en fonction de l'époque et du pays, selon le rapport de force entre employeur-se-s et employé-e-s. En France, par exemple, où les travailleur-se-s sont mieux organisé-e-s et plus combatif-ve-s, la semaine de travail est limitée à 35 heures. Au Royaume Uni, où les travailleur-se-s sont moins combatif-ve-s le nombre d'heures maximal est de 48, et aux États-Unis, où les travailleur-se-s sont encore plus réticent-e-s à faire grève, il n'y a pas de limitation du temps de travail du tout.

L’histoire

Le capitalisme est souvent présenté comme un système 'naturel', qui s’est formé telles les montagnes et les masses terrestres par des forces bien au-delà du contrôle humain. Or, le capitalisme n'a pas été construit par des 'forces naturelles' mais par l'emploi de violence massive et intense à travers le monde. D'abord, dans les pays 'développés', des barrières insurmontables ont amené des paysan-ne-s auto-suffisant-e-s à quitter leurs terres collectives et à rejoindre les villes pour travailler dans les usines. Toute résistance était brisée. Les personnes qui s'opposaient au travail salarié étaient sujettes à des lois visant les 'vagabonds', subissaient l'emprisonnement, la torture, la déportation ou étaient menacés d'exécution. En Angleterre, rien que sous le règne d'Henri VIII, 72 000 personnes ont été exécutées pour vagabondage.

Plus tard, le capitalisme s'est imposé dans le monde entier à coups d'invasions et de conquêtes menées par les puissances impérialistes occidentales. Des civilisations entières ont été détruites brutalement, des communautés chassées de leurs terres n’ayant d'autre choix que d’accepter le travail salarié. Les quelques pays qui ont échappé à la conquête, comme le Japon par exemple, sont ceux qui ont adopté le capitalisme de leur propre gré afin de pouvoir rivaliser avec les autres puissances impériales. Partout où le capitalisme s'est développé, des paysans et des travailleuses et travailleurs ont résisté, mais ont finalement été vaincu-e-s par la terreur et la violence massives.

Le capitalisme n'a pas émergé suite à l'action de lois naturelles qui seraient propres à la nature humaine : il a été imposé avec la violence organisée par les élites. Le concept de propriété privée de la terre et des moyens de production semble aujourd'hui comme un état naturel des choses, mais nous devrions toujours nous rappeler qu'il s'agit d'un concept forgé par les humains et imposé par la conquête. De la même manière, l'existence d’une classe de personnes qui n'ont rien d'autre à vendre que leur force de travail ne va pas de soi – avant d’en arriver là, des terres collectives partagées par tout le monde ont été saisies de force, et les exproprié-e-s ont été contraint-e-s de travailler pour un salaire, sous la menace de mourir de faim, voire d'être exécuté-e-s.

Avec le développement du capital, celui-ci a créé une classe ouvrière globale qui regroupe la plus grande partie de la population mondiale, qu'il exploite mais dont il dépend aussi. Comme l'écrit Karl Marx: “La bourgeoisie produit avant tout ses propres fossoyeur-se-s.”

L'avenir

Le capitalisme, en tant que système économique dominant la planète existe seulement depuis un peu plus de 200 ans. En comparaison avec le demi million d'années de l'existence humaine, cela ne représente pas grand chose. Il serait donc naïf de croire que ce système existera pour toujours.
Il repose entièrement sur nous, la classe ouvrière, et notre travail qu'il doit exploiter, donc il ne survivra que tant que nous le tolérons.

Pour plus d'informations (en anglais)

The great money trick - Robert Tressel – une brève introduction pertinente sur la manière dont le capitalisme exploite les travailleurs, issu du roman de Robert Tressel "Ragged Trousered Philanthropists".
Work Community Politics War - prole.info – une excellente guide d’introduction illustré sur le capitalisme et son antithèse, le communisme.
Capitalism and communism - Gilles Dauvé – une histoire et analyse plus détaillées du capitalisme et de son antithèse, le communisme.
Capital - Karl Marx – L’analyse et critique définitive de Marx. C’est du lourd mais ça vaut le coup d’essayer.
Capitalism - further reading guide – un guide d’approfondissement par libcom.org sur l’économie capitaliste.
Capitalism – le tag "capitalisme" de libcom.org.

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