Grèce: Le Capital Internationalisé Prévaut sur le Nationalisme Petit-Grec - Mouvement Communiste/Kolektivně proti Kapitălu avec des camarades en Grèce

D’amples secteurs du prolétariat pris au piège de la compétition référendaire. Misère de l’électoralisme profitant du recul des luttes.

Submitted by bakuninja on September 23, 2015

La mascarade électorale
En juillet 2015, la Grèce a été placée sous les projecteurs du monde entier. Le spectacle qui s’en est suivi impose de répondre à une série de questions qui intéressent le prolétariat. Pourquoi ce fameux référendum a-t-il été décidé, et par qui ? Qui a gagné et qui a perdu ? Cette mascarade électorale a été le terrain d’affrontement entre des fractions plus internationalisées du capital en Grèce et des secteurs des classes dominantes « pro-drachme » et hostiles à une restructuration de l’économie et de l’État en Grèce, menée sous commandement européen. Ces secteurs correspondent au nationalisme petit-grec. Ils ont aujourd’hui une nouvelle formation politique prête à les représenter : l’Unité populaire formée par les partisans du retour à la drachme, sortis de la Syriza. Le référendum a obligé le gouvernement Syriza-ANEL à abattre ses cartes, à dévoiler sa véritable politique.

Le référendum grec du 5 juillet 2015 posait cette question : « Acceptez-vous le projet d'accord soumis par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lors de l'Eurogroupe du 25 juin 2015 et composé de deux parties, qui constitue leur proposition unifiée ? ». La réponse des votants (62,5 % des inscrits aux listes électorales) a été sans équivoque. Non à 61,31 %, Oui à 38,69 % et Nuls ou Blancs à 5,8 %. Pari politique gagné donc pour l’exécutif social-nationaliste d’Alexis Tsipras qui avait prôné un Non massif afin de « renforcer le gouvernement grec dans les négociations avec les Institutions » créancières. Honnie du temps de l’opposition parlementaire, la Troïka avait été opportunément renommée ainsi par la Syriza et ses alliés nationalistes et racistes de l’ANEL (les Grecs indépendants) dès leur conquête du pouvoir central de l’État lors des élections législatives du 25 janvier 2015.

Une nette majorité des votants du 5 juillet avait cru au pari du chef du gouvernement. La haine envers la Troïka et ses prescriptions d’austérité ont amplifié le résultat du Non. De la même manière, le soutien actif donné au camp du Oui par la plupart des membres de la caste de politiciens qui ont gouverné la Grèce depuis 1945, a convaincu des secteurs non négligeables du prolétariat à utiliser le bulletin référendaire pour leur signifier une nouvelle fois leur hostilité. L’appel nationaliste, enfin, a fourni le dernier et principal ingrédient au triomphe du Non.

Des références aux guerres du Péloponnèse entre 431 et 404 av. J.C., à la guerre d’indépendance contre l’Empire ottoman (1821-1829), en passant par la résistance à l’occupation allemande de 1941 à 1945, pour finir avec l’insurrection étudiante du 17 novembre 1973 qui marqua le début de la fin de la dictature des Colonels ; tout y est passé pour flatter l’orgueil national des Grecs pour qu’ils votent Non. Pour l’occasion, la Syriza a abandonné ses drapeaux rose pâle pour inonder les places de drapeaux nationaux blanc-bleu. Parfaitement à l’aise dans ce bain nationaliste, son allié l’ANEL a joué la surenchère patriotique en ciblant les « Nazis allemands ». Des propos qui ont fait mouche y compris dans la base « gauchiste » de la Syriza toujours prête à redorer le mythe de la Résistance pour parvenir à ses fins d’aujourd’hui.

La carte du vote référendaire fait émerger que le Non a été largement le fait des jeunes chômeurs, des salariés de l’État, qui tout à la fois redoutent des nouvelles coupes dans les effectifs, la fin des retraites complémentaires et le recul de l’âge de départ à la retraite, des pauvres âgés, qui craignent qu’on leur ponctionne davantage le revenu, des habitants des îles, menacés par la hausse de la TVA insulaire exigée par la Troïka, les petits commerçants et les agriculteurs dont un fisc devenu efficient signerait l’arrêt de mort. Les armateurs visés par la requête de la Troïka d’accroître leurs prélèvements fiscaux aussi ont été tentés par le Non car, en cas de passage à la drachme, ils auraient continué à être payés en dollars américains mais leurs coûts salariaux auraient diminué d’environ la moitié car libellés dans la devise nationale.

Du côté du Oui, on trouve les patrons les plus intégrés au marché mondial les professions libérales et les possédants terrorisés par la perspective de voir leurs épargne en euros transformées en drachmes fortement dépréciées, l’intelligentsia et aussi des secteurs minoritaires de salariés du secteur privé (issus pour la plupart d’entreprises exportatrices) qui risquent de perdre leur emploi si la Grèce abandonne l’euro. Environ 45 % des électeurs n’ont pas participé au référendum ou ont exprimé des votes Nuls ou Blancs. Autant de gens qui n’ont pas adhéré à l’idée dominante que ce vote allait changer leur condition. L’analyse sociologique et politique du vote dément la vulgate gauchiste qui veut que les deux camps qui se sont affrontés étaient séparés par des frontières de classe, capitalistes d’un côté (Oui) et prolétaires de l’autre (Non). Dans le camp du Non on trouve aussi bien la petite bourgeoisie traditionnellement réactionnaire que le chômeur enragé, l’armateur que le salarié de base du secteur public. Et dans le camp du Oui on a bien sûr une majorité de rentiers, de petits-bourgeois exerçant des professions libérales et de patrons mais aussi des ouvriers du secteur privé qui craignent de perdre leur emploi.

Pour ceux qui insistent à qualifier le Non de vote de classe, voici quelques exemples de patrons très engagés eux-aussi pour le Non : le 1er juillet, Dimitris Gianakopoulos, le P-DG de Vianex s’est rangé ouvertement du côté des partisans du Non lors du meeting « The Diamonds of the Greek Economy 2015 » (Les diamants de l’économie grecque 2015). La chaîne de supermarchés « Galaxias », est connue pour ses publicités nationalistes du genre « supermarché strictement grec avec des capitaux grecs et des travailleurs grecs ». Pour cette entreprise, une concurrence plus rude de la part de grands groupes de distribution étrangers pourrait la mettre en sérieuse difficulté. L’austérité réduisant aussi le pouvoir d’achat de ses clients se traduirait par un manque à gagner pour « Galaxias ».

Le résultat du vote n’a, bien entendu, aucune incidence sur les motivations des uns et des autres. Les jeunes chômeurs vont le rester encore longtemps, les retraites vont être « réformées » dans le sens souhaité par la Troïka, la TVA des îles va être augmentée de même que la taxation sur les revenus agricoles et même les armateurs vont probablement devoir réaménager leur activité pour continuer à échapper au fisc grec. En d’autres termes, sur le fond, la Troïka a gagné sur toute la ligne et, avec elle, le capital grec « internationalisé » qui veut que le pays conserve l’euro comme monnaie nationale. Le nouveau plan d’austérité et de « réformes » que le gouvernement grec s’est empressé de faire adopter implique des mesures d’économie pour 12 à 13 milliards d’euros, contre 8,5 milliards d’euros du plan proposé par la Troïka, le 26 juin, moins de dix jours avant la tenue du référendum, et le contre-plan contemporain de l’exécutif grec de 8 milliards d’euros.

Les choix de Tsipras
Mythe vite fané de la dite gauche « radicale » européenne, Alexis Tsipras a-t-il donc tout perdu, comme le soutiennent les représentants de la minorité pro-drachme de la Syriza (aujourd’hui réunis au sein de la nouvelle formation « Unité populaire ») en étroite compagnie des tenants du Oui ? A-t-il trahi le mandat des électeurs ?

Réponse : Non deux fois. La décision d’organiser le référendum a été dictée par des raisons internes. Alexis Tsipras savait que sa majorité parlementaire n’allait pas approuver le dernier plan de la Troïka et même celui concocté par son exécutif avant l’appel aux urnes. Il savait aussi que la population redoutait par-dessus-tout le retour à la drachme, qui se traduirait par la dépréciation massive et subite des salaires et des épargnes dans les conditions actuelles et compte tenu du fait que la Grèce importe pour sa demande intérieure 52 % en produits agricoles et 85 % en énergie. Dès lors, la résolution de la quadrature du cercle devait sortir de l’isoloir. Le Non s’est traduit par la victoire personnelle du leader qui l’a dépensée pour marginaliser les partisans de la drachme internes à la Syriza et constituer un semblant d’unité nationale au Parlement autour de l’acceptation des préconisations des créanciers institutionnels. Alexis Tsipras n’a pas trahi ses électeurs car il a bien interprété leur volonté de rester dans l’euro à tout prix. Sa seule « faute », si on peut parler de faute, a été de « vendre » la baliverne d’un Non qui ferait barrage à l’austérité. Mais en cela il n’a fait qu’exploiter l’illusion démocratique bourgeoise de la souveraineté populaire toute-puissante. Pur produit des relations consolidées entre le capital grec et l’État, le jeune leader de la Syriza s’est révélé aussi chevronné que ses prédécesseurs dans le maniement anti-ouvrier de l’électoralisme.

L’objectif de plus longue haleine d’Alexis Tsipras et de son exécutif a lui aussi été atteint pour l’instant : éviter l’effondrement de l’État par banqueroute et lui garantir le soutien d’une portion conséquente de la société civile en dépit de la rupture des principaux mécanismes d’intégration économique pour cause de crise fiscale de l’État. Sans argent dans les caisses de l’État, l’exécutif a raclé les fonds de tiroirs de toutes les institutions étatiques (collectivités territoriales, fonds de pension, assurances santé) avant de céder à la Troïka. Le gouvernement a réduit au maximum les dépenses publiques. Au cours des six premiers mois de 2015, elles ont été de 23,2 milliards d’euros, contre plus de 26 milliards sur la même période de 2014. Les recettes, elles, ont fondu de près de 2 milliards d’euros sur la même période, à 21,8 milliards. Dans ce sens, la Syriza au gouvernement a peu ou prou poursuivi les politiques de restriction des dépenses de l’État des gouvernements précédents. L’exécutif Samaras (Pasok social-démocrate + Nouvelle démocratie de centre-droit) avait comprimé les dépenses totales des administrations publiques de près de 11 % entre 2013 et 2014. Un pourcentage comparable aux économies faites par le gouvernement Syriza-ANEL entre janvier et juin 2015. Les coupes budgétaires les plus sévères pratiquées par le gouvernement actuel ont visé les financements des allocations familiales, les hôpitaux et les services d’aide à l’emploi, explique le site MacroPolis (1).

La crise n’a pas non plus frappé les salariés d’une manière homogène. Plusieurs catégories de salariés du secteur public ont été nettement plus préservées que ceux du privé. Les salaires du privé ont baissé de 19 % en moyenne et ceux des fonctionnaires d’environ 25 %, rappelle l’IMK. De plus, près de 300 000 emplois ont été supprimés dans le secteur public civil entre 2009 et 2013, pour moitié des contractuels dont le contrat n’a pas été renouvelé et pour l’autre moitié constituée par des nouveaux retraités non remplacés. Aujourd‘hui, l’administration de l’État compte près de 700 000 personnes. Toutefois, une partie non négligeable d’employés publics (en particulier ceux rattachés aux ministères des Finances, de la Justice, de la Culture, de la Défense et d’autres organismes étatiques) s’est vue gratifiée par des primes personnalisées de 500 à 1 000 euros ou a bénéficié de promotions internes, pointe l’Institut allemand. La préservation du système clientéliste des partis politiques qui ont tour à tour occupé le pouvoir y est pour beaucoup, note l’IMK. Au total, « des portions significatives de fonctionnaires ont gardé des salaires sensiblement plus hauts que ceux du privé, spécialement parmi les moins bien payés et ceux qui gagnent des salaires moyens » (2).

Selon une étude publiée fin 2014 par le Ministère du travail, en 2013, dans le secteur privé, près de 22 % des quelques 1,5 million de salariés travaillaient à temps partiel ou avaient des CDD. Près de 40 % des 1,2 million salariés à temps complet et en CDI ne gagnaient qu’entre 500 et 1 000 euros de salaire brut par mois et près de 9 % d’entre eux étaient rémunérés en dessous du salaire minimum de 680 euros sur 14 mois.

D’après les déclarations officielles des employeurs livrées en 2014 aux services de sécurité sociale (IKA), le ratio de salariés payés en-dessous du minimum contractuel établi pour les travailleurs non qualifiés s’élevait en 2013 à 33 % du total, contre 17 % en 2011. Près de 40 % des salariés du secteur privé touchaient alors environ 630 euros nets par mois. A titre de comparaison, un enseignant débutant du secondaire reçoit un traitement mensuel de près de 1 100 euros. Il faut aussi compter avec le travail au noir.

D’après l’Inspection du travail grecque, près de 14 % des travailleurs du secteur privé n’étaient pas déclarés en 2014. La plupart d’entre eux sont des immigrés (10 % du total des étrangers). La crise et la restructuration de l’État ont fragilisé tous les secteurs du salariat mais les travailleurs précaires du secteur public et les moins qualifiés du secteur privé ainsi que les chômeurs ont été les segments du prolétariat les plus touchés par les patrons et les politiques de la Troïka et des gouvernements qui se sont succédé depuis 2010.

En janvier, la Syriza avait promis de relever le salaire minimum, de ne pas couper les retraites et de préserver le secteur public. Aujourd’hui, pour préserver l’État, elle accède à toutes les requêtes de la Troïka. Nouveau Pasok, elle défend en priorité les intérêts de l’administration publique dont sont issus la plupart de ses cadres et militants ainsi que de la bureaucratie syndicale d’État dont elle tente de restaurer les prérogatives contractuelles légales balayées par le deuxième Mémorandum. Sur ce point particulier, la Syriza entend rétablir les mécanismes de médiation institutionnelle des conflits sociaux rudement endommagés par la crise et les luttes de ces dernières années. Tout le reste n’est pas une priorité pour le parti de Tsipras.

Sa victoire aux élections législatives de la fin janvier 2015 est le produit dérivé de la défaite du mouvement de résistance à l’austérité qui a culminé dans les journées de révolte de 2012 et par l’occupation pendant plusieurs mois de la place Syntagma par des milliers de participants aux origines les plus diverses dont principalement des jeunes. La défaite de ce mouvement d’ampleur (à ce titre, nous conseillons la lecture d’un bilan écrit par un camarade grec du groupe Skya (3) a conduit plusieurs de ses participants à tenter la voie électorale avec la Syriza dont l’essor coïncide avec la fin de la lutte de masse de rue. Dans ce sens, la victoire du Non est le dernier soubresaut de l’illusion entretenue par cette formation politique sur les cendres du mouvement de résistance à l’austérité. Il en est la pierre tombale. Le masque est tombé. L’euphorie de la « victoire » du Non a cédé la place à la rude réalité des rapports de forces et la Syriza a été astreinte à dévoiler sa véritable raison d’être: défendre l’État-patron grec, y compris, s’il le faut, au prix d’un conflit avec le capital « privé ». D’où, par exemple, la proposition de relèvement de 26 à 29 % de l’impôt sur les sociétés (la Troïka finira par la fixer à 28 %), l’'imposition exceptionnelle à 12 % des bénéfices d'entreprises dépassant le demi-million d'euros (non retenue) et les déclarations de guerre contre l’évasion fiscale (la Troïka veut que l’exécutif passe aux actes).

Le jeu avec la troïka
Pourquoi donc le gouvernement Tsipras a attendu si longtemps pour céder à la Troïka alors qu’il savait pertinemment qu’il n’avait pas les moyens de sa politique et qu’il a replongé le pays dans la crise ? Le véritable différend entre les créanciers institutionnels et l’exécutif grec portait sur l’agenda de restructuration de l’appareil de l’État grec. Les premiers exigeaient les dites « réformes » avant d’aborder le thème d’un second effacement de la dette après celui dit du PSI (Private Sector Involvement) de mars 2012. Au final, avec cette opération, ce furent 105 milliards d’euros de dette détenus par les investisseurs privés qui ont été effacés. Conseillé comme le fut son prédécesseur, George Papandréou, par le banquier d’affaires français de la banque Lazard, Mathieu Pigasse, Tsipras voulait qu’on efface 100 milliards d’euros supplémentaires de la dette avant de démarrer les négociations sur les « réformes ».

Au fil des mois, les dites « lignes rouges » de la Syriza à ne pas franchir dans les négociations ont été dépassées les unes après les autres. In fine, il est apparu clairement que les positions de la Troïka et celles de l’exécutif social-nationaliste grec n’étaient pas si distantes. Et ce depuis le début des tractations. Le différend sur le calendrier, « réformes » d’abord ou effacement de la dette d’abord, répondait à deux logiques différentes menant au même résultat: restaurer l’État grec dans toutes ses prérogatives. La Troïka voulait s’assurer ce qu’elle appelle la « soutenabilité » de la dette, lire la capacité de l’État grec à tenir ses engagements budgétaires dans le temps. Ceci dit, même au sein de la Troïka des contradictions importantes ont émergé. Pour remettre la main à la poche dans le cadre du troisième Mémorandum, le FMI exige une nouvelle restructuration importante de la dette grecque entièrement appliquée aux prêts des créanciers européens sous prétexte que, dans ses statuts, il est interdit de donner de l’argent à un pays qui n’a pas remboursé intégralement les crédits octroyés précédemment par le Fonds. La BCE et les autres capitales de la zone euro ne veulent pas à leur tour faire les frais de l’éventuelle restructuration de la dette publique grecque arguant que les traités européens interdisent tout « transfert de richesse » d’un pays à l’autre, donc y compris sous la forme de l’effacement de prêts donnés par les institutions européennes. Le point de médiation entre les créanciers européens et le FMI va probablement être trouvé sous la forme d’un rallongement significatif des échéances de restitution des prêts et, peut-être, par le report de quelques années des versements des intérêts dus au titre de ces prêts. Mais, à ce stade, la partie entre créanciers institutionnels n’est pas terminée.

La Troïka exige la mise en œuvre de nouvelles mesures qui dévalorisent davantage la force de travail (employés et retraités du secteur public), de nouvelles économies des dépenses (armée), de nouvelles hausses d’impôts des sociétés et de la TVA et des privatisations. Aussi, pour renflouer les caisses de l’État avec des recettes accrues, la Troïka entend confier à chaque entreprise la négociation collective des contrats de travail. Ceci dans le but de baisser ultérieurement le coût salarial donc d’accroître la rentabilité des sociétés, et, par-là, leur capacité à payer des impôts. Enfin, la Troïka veut « libérer » la vente de produits et services sous le régime du monopole pour injecter davantage de concurrence et favoriser la centralisation de capitaux trop souvent dispersés (ex. les pharmacies ou les cabinets médicaux).

Au-delà des grandes phrases, le gouvernement Tsipras, de son côté, envisageait des mesures semblables mais appliquées avec davantage de gradualité et avec un mélange différent pour composer avec les intérêts des secteurs visés par le troisième Mémorandum en cours de définition. Or, le meilleur moyen de prendre du temps était d’obtenir d’emblée une décote massive de la dette publique afin de retrouver le chemin du marché de la dette souveraine et de dégager des revenus indispensables à maintenir le statu quo le plus longtemps possible et de ménager les segments de la société civile qui allaient être touchés par les « réformes ». L’obtention de l’effacement du tiers de la dette de l’État aurait également servi à montrer à la population que la Syriza est un parti d’une nature différente des autres, un parti capable de tenir tête aux puissants du monde entier, un parti qui aurait donné l’exemple à tous les sociaux-nationalistes d’Europe, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Un jeu bien compris par la Troïka qui a resserré le cordon des financements au système bancaire grec et cessé toute discussion sur des nouveaux prêts.

En perspective, il y a un nouveau plan de prêts internationaux de l’ordre de 100 milliards d’euros, dont environ un cinquième pour les instituts grecs de crédit sortis exsangues du contrôle des capitaux imposé par la BCE mais surtout par le « bank run » (panique bancaire) rampant qui a diminué de moitié le montant des dépôts des clients entre septembre 2009 et mai 2015, ce montant passant de 237 milliards d’euros à 129 milliards (dont environ 40 milliards d’euros retirés depuis janvier 2015), et aussi par la multiplication des mauvaises créances. Les créances qui risquent de ne pas être recouvrées représentent en moyenne 41 % de l’ensemble des actifs des quatre principales banques grecques, estime Barclays Capital. Elles sont dans l’incapacité de se financer sur le marché. Leurs coffres regorgent encore d’obligations de l’État grec. Leur survie à très court terme ne dépend que des injections de liquidités de la BCE. Du coup, les banques ne prêtent plus depuis plusieurs années ; les sources de financement de marché sont taries (actions et obligations) ; les épargnants exportent leurs économies ou les thésaurisent dans la crainte de les voir transformées d’euros en drachmes et fortement dépréciées. La fonction d’instrument de paiement différé de la monnaie est fortement diminuée au point de bloquer la plupart des projets d’investissement. A contrario, la fonction de la monnaie comme moyen de circulation s’en retrouve nettement renforcée. Les billets en circulation en Grèce s’élèvent à quelque 50 milliards d’euros, soit près du tiers du PIB attendu en 2015. A titre de comparaison, la moyenne de la zone euro correspond à 10 % du PIB cumulé des pays qui en font partie (4).

La crise fiscale
La crise fiscale de l’État s’est muée en crise bancaire et en crise monétaire avec la fonction du crédit de la monnaie sévèrement endommagée. Or, le capitalisme sans crédit ne fonctionne pas (5). Les entreprises n’investissent plus ou pas assez pour accroître la productivité du travail. D’après Natixis (6), l’investissement productif en volume (base 100 en 2002) est revenu en 2015 au niveau de 2002 après avoir culminé à plus de 180 en 2008/2009. La même source indique que si les dépenses publiques représentent encore près de la moitié du PIB, l’investissement de l’État dans les équipements et les infrastructures a fondu de 5 % du PIB en 2008/2009 à 3,5 % aujourd’hui. Le secteur le plus rudement touché est celui du B-TP. Entre 2008 et 2014, le nombre de PME grecques a chuté de près de 230 000 unités emportant dans leur dégringolade quelque 700 000 emplois si l’on croit une étude récente du Centre pour la planification et la recherche économique (KEPE). Néanmoins, la crise fiscale de l’État n’a pas détruit le cycle industriel. Les profits après impôts, intérêts et dividendes versés des entreprises (tous secteurs confondus) correspondent en valeur à 12 % du PIB entre 2014 et 2015. Ils étaient de l’ordre de 10 % du PIB en 2012 (Natixis).

La raison ? Une seule : la dévalorisation du prix de la force de travail. Et le secteur qui affiche la meilleure tenue depuis 2009 du niveau de productivité par tête en milliers d’euros constants, est le manufacturier alors que la construction est en chute libre (Natixis). L’industrie manufacturière représente près de 15 % de la valeur ajoutée brute totale (différence entre le chiffre d’affaires et la valeur des biens intermédiaires consommés), contre moins de 13 % en 2003. A l’inverse, la construction a vu sa part dans la valeur ajoutée brute totale plonger de près de 7 % à moins de 2 %, selon Eurostat. Les industries de l’information et des télécommunications ont bien tenu aussi, représentant aujourd’hui près de 5 % de la valeur ajoutée brute totale. En rappelant que le transport maritime compte à hauteur de 7 % du PIB et qu’il résiste bien en raison de son internationalisation, sans compter la bonne santé des grosses entreprises touristiques (le tourisme dans son ensemble vaut près de 10 % du PIB), on peut considérer qu’en dépit de la crise fiscale de l’État un gros tiers de la machine capitaliste grecque continue de générer et de réaliser de la valeur.

Certes, le chemin vers la normalisation du capitalisme en Grèce est encore très long. La restructuration de l’État est la condition indispensable pour y parvenir. Un État qui, dans la crise fiscale, a agi en tant que capital individuel doté, comme tous les États, de moyens et de droits spéciaux, en défendant bec et ongles les intérêts particuliers d’une administration publique tentaculaire, très puissante, reliée à des segments significatifs de la société par le clientélisme et dotée de connexions fortes avec le crime organisé. La survie de l’État avec tous ces réseaux d’intérêt a pris temporairement le dessus sur le « bon » fonctionnement de l’accumulation de capital. Le prolétariat grec a tenté de saisir l’occasion de la crise de l’État pour lancer son offensive en commençant par se défendre contre la restructuration du capital à ses dépens et l’austérité. Mais sa dispersion en centaines de milliers de PME, sa division accrue entre chômeurs, salariés du public et du privé et, surtout, son positionnement relativement périphérique eu égard des principales citadelles ouvrières européennes et mondiales ne lui ont pas permis de gagner. L’isolement dans lequel il a été laissé en 2011 et 2012 par ses frères de classe du monde entier a été fatal. Comme pour la bourgeoisie grecque, la solution révolutionnaire pour la classe ouvrière de ce pays n’est pas en Grèce. Les prolétaires grecs peuvent encore donner l’exemple en s’émancipant des illusions démocratiques et nationales qui l’ont conduit à la défaite. Ils peuvent encore être l’étincelle qui embrasera la région mais ils doivent pour cela dépasser l'insurrectionalisme sans lendemain, la litanie des affrontements avec les flics à la place Syntagma pour parcourir le chemin escarpé de la lutte sur les lieux de travail, dans les quartiers populaires contre les patrons, l’État et ses sbires pour la réappropriation, le salaire et l’édification de son autonomie politique.

Le nouveau pari politique de la Syriza et de son leader, la convocation d’élections législatives anticipées pour la fin septembre 2015, ne sera rien d’autre que la répétition fanée de la dispute référendaire, où le véritable enjeu est celui d’épurer et d’isoler la fraction pro-drachme de la Syriza qui se présente avec sa propre liste nommée Unité populaire. Cette fois-ci, le choix de revenir aux urnes est plébiscité par la Troïka qui ne craint plus un dérapage isolationniste « petit-grec » de la Syriza. En témoignent plusieurs prises de position de soutien à Tsipras de leaders européens faites peu avant et peu après l’annonce officielle de démission du Premier ministre grec (7).

Plans « alternatifs » et miroirs aux alouettes
Les « plans alternatifs » à la capitulation en rase campagne du gouvernement sont un joli catalogue des rêves les plus fous d’économistes bourgeois ultra-minoritaires en rupture de ban avec la pensée officielle dans leur discipline. Des rêves pour ces Messieurs qui cependant se mueraient en cauchemars pires que ceux que vivent aujourd’hui les sans-réserves en Grèce si ces dits plans alternatifs se matérialisaient. Deux courants minoritaires ont émergé on sein de la Syriza. Le premier, qui pendant un certain temps a été choyé par Alexis Tsipras lui-même, avait pour chef de file l’ancien ministre des Finances, Yanis Varoufakis. Ce dernier affirme ne jamais avoir eu l’intention de restaurer la drachme. Mais pour rester dans l’euro il pensait qu’il fallait riposter à la clôture des banques induite par la décision de la BCE de fermer pendant une dizaine de jours le robinet des liquidités additionnelles fournies aux instituts grecs de crédit par des actions ciblées de représailles. Il envisageait ainsi d’« émettre nos propres titres de reconnaissance de dette (IOU pour I owe you, je te dois en français), voire, au minimum, annoncer que nous allons émettre notre propre liquidité libellée en euros ainsi que déprécier les obligations grecques 2012 (émises en 2012 pour être aussitôt rachetées par la banque centrale NdlR) que la BCE détenait ou annoncer que nous allions le faire (8). »

La BCE détient, au total, 22 milliards d’euros d’obligations de l’État grec. Le passage à deux monnaies aurait accéléré la fuite vers la devise la plus forte, l’euro bien sûr. La dépréciation des IOUs aurait été rapide et violente. La « prise » de la Banque de Grèce, la banque centrale du pays membre de l’Eurosystème de la BCE, n’aurait permis de mettre la main que sur cinq milliards d’euros de réserves officielles, dont à peine un milliard d’euros en devises fortes. Le reste étant pour l’essentiel de l’or en barres et des Droits de tirage spéciaux (9), à cours limité et difficilement échangeables en cas de « déclaration de guerre » à la BCE. Ce trésor qui n’en est pas un n’aurait même pas permis à l’État grec de renflouer les banques du pays, qui ont besoin, aux dires de toutes les parties, de 10 à 25 milliards d’euros de capitaux frais. Quant à la dépréciation unilatérale des obligations grecques de la BCE, elle n’aurait pas eu plus d’effet qu’une égratignure dans le bilan de la banque centrale qui s’élève à plus de 2 500 milliards d’euros…. Un plan sur la comète donc, dont les conséquences auraient été irréparables à la fois pour l’État, les banques locales et la population.

Le véritable plan B, celui de la restauration de la « souveraineté monétaire », a été conçu par une poignée d’économistes de la Plateforme de gauche, la minorité trotsko-maoïste de la Syriza qui représente entre 35 et 40 % des membres actifs du parti. Un objectif stratégique, celui de la souveraineté monétaire, qui est partagé aussi par les Grecs indépendants, le parti stalinien (KKE) et les nazis de l’Aube dorée. L’un des figures de pointe du « think tank » de la drachme au sein de la Syriza (aujourd’hui au sein de l’Unité populaire) est le professeur Costas Lapavitsas. Dans son intervention du 17 juillet 2015 au colloque « Democracy Rising » qui s’est tenu à Athènes, le Professeur détaille le fameux plan B rejeté par Alexis Tsipras et son gouvernement. Ce plan est un concentré des traditionnelles recettes trotsko-staliniennes : nationalisation des banques (mais sans « contrôle ouvrier », juste le changement de statut et des dirigeants) ; contrôle permanent des capitaux et « adéquat, pas ce contrôle lamentable que nous avons vu ces deux dernières semaines », précise-t-il et cours forcés de la nouvelle devise (10); rationnement du pétrole, des produits pharmaceutiques et de la nourriture joliment qualifié d’« organisation de l’approvisionnement des marchés protégés ».

Faut-il rappeler que la Grèce importe plus de 50 % des denrées alimentaires et 85 % des produits énergétiques, sans compter les près de 100 % des biens d’équipement, des moyens de transport, des matériels et des services de haute technologie, et sans compter que ces importations sont payées en dollars et en euros ? La seule question que l’éminent Professeur Costas Lapavitsas se pose est « comment allégera-t-on la pression sur le taux de change ? » Mais, comme tout bon savant, il a la réponse prompte : ça ne va pas être grave car « le taux de change va probablement plonger puis remonter. C’est généralement ce qui se passe. » Merci Monsieur de La Palice ! Toute la question pour les prolétaires est de savoir combien de pouvoir d’achat ils perdront avec l’introduction forcée d’une devise dont personne ne veut et pendant combien de temps. Or, une fois encore, ce sommet de la pensée économique apporte la solution de l’énigme : « Il (le taux de change de la drachme NdlR) se stabilisera à un niveau dévalué. J’envisage une dévaluation de 15 à 20 % au final. » Ses compères économistes dans leur grande majorité tablent sur une dépréciation durable de 30 à 50 %.

Mais même si Costas Lapavitsas avait raison, il faudrait tabler sur une coupe du cinquième des salaires, pensions et autres indemnités de chômage. Pas mal pour un gauchiste !

Un sacrifice nécessaire pour restaurer l’autorité de l’État et « revenir à la croissance » du capital grec. « Je suppose que l’on reviendra à des taux de croissance positifs au bout de 12 à 18 mois. Une fois le pays sorti de cette période d’ajustement, je pense que l’économie reviendra à des taux de croissance rapides et soutenus. ». Une « croissance » robuste qu’il anticipe portée par la « reconquête du marché intérieur par le secteur productif » grec et par la sempiternelle réédition des trotsko-staliniens d’un « programme soutenu d’investissement public qui favorisera aussi l’investissement privé et produira de la croissance pendant plusieurs années. » Sauver les entreprises grecques non compétitives et restaurer les prérogatives d’un l’État en banqueroute, voilà les deux priorités avouées du Professeur gauchiste.

Annexes
Plan Varoufakis
« Je ne croyais pas que nous devrions aller directement à une nouvelle monnaie. Mon point de vue était - et je mets cela au compte du gouvernement - que s’ils ont osé fermer nos banques - initiative que je considérais comme décision d’une agressivité incroyable -, nous devrions réagir de façon agressive mais sans franchir le point de non-retour. Nous devrions émettre nos propres titres de reconnaissance de dette (IOU pour I owe you, je te dois en français), ou même au minimum annoncer que nous allons émettre notre propre liquidité libellée en euros ; nous devrions déprécier les obligations grecques 2012 que la BCE détenait ou annoncer que nous allions le faire ; et nous devrions prendre le contrôle de la Banque de Grèce. Ce fut le triptyque, les trois choses, que je pensais que nous devrions faire en riposte si la BCE fermait nos banques » (11)

Plan Drachme
« Premièrement, défaut sur la dette nationale. Le défaut est l’arme des pauvres. La Grèce doit faire défaut. Il n’y a aucune autre porte de sortie. Le pays est écrasé par sa dette. Un défaut serait donc un premier pas vers un profond effacement de la dette.


Deuxièmement, nationalisation des banques. Nationalisation efficace des banques. Je veux dire par là que l’on nommera un commissaire public et un groupe de fonctionnaires et de technocrates qui savent comment s’y prendre. On leur demandera de diriger les banques et de renvoyer chez eux les membres des équipes dirigeantes actuelles. Voilà ce qu’il faut faire. Sans avoir la moindre hésitation. Et nous changerons en conséquence la structure juridique de ces établissements. La chose est très facile à faire. Les banques continueront à fonctionner sous un régime de contrôle des capitaux. On aura alors fait la moitié du chemin pour sortir de cette catastrophique union monétaire. Mais il faudra mettre en place un contrôle adéquat des banques et des capitaux, pas ce contrôle lamentable que nous avons vu ces deux dernières semaines. Il faudra que cela permette aux travailleurs et aux entreprises de retrouver une activité normale. C’est tout à fait possible. On l’a vu à plusieurs reprises.


Troisièmement, conversion de tous les prix, de toutes les obligations, de l’ensemble de la masse monétaire dans la nouvelle devise. On peut convertir tout ce qui relève du droit grec. Les déposants perdront une part de leur pouvoir d’achat, mais pas sur la valeur nominale de leurs dépôts. Mais ils y gagneront car le pouvoir d’achat de leur dette diminuera également. Donc la majorité en sortira probablement gagnante.


Quatrièmement, organisation de l’approvisionnement des marchés protégés : pétrole, produits pharmaceutiques, nourriture. C’est tout à fait possible en définissant un ordre de priorités, donc il faut s’y prendre un peu à l’avance, pas à la dernière minute. Il est évident que si vous pensez mettre tout cela en place le lundi matin et que vous commencez à y réfléchir le dimanche, l’affaire sera difficile. J’en conviens.
Enfin, déterminer comment on allégera la pression sur le taux de change. Le taux de change va probablement plonger puis remonter. C’est généralement ce qui se passe. Il se stabilisera à un niveau dévalué. J’envisage une dévaluation de 15 à 20 % au final. Il faut donc savoir comment on maîtrisera cette situation.

La contraction (après la sortie de l’euro NdlR) durera donc plusieurs mois, puis l’économie redémarrera.

En revanche, il est probable qu’il faille attendre plus longtemps pour renouer avec des taux de croissance positifs, car la consommation, la confiance, et les petites et moyennes entreprises subiront sans doute un choc important. Je suppose que l’on reviendra à des taux de croissance positifs au bout de 12 à 18 mois. Une fois le pays sorti de cette période d’ajustement, je pense que l’économie reviendra à des taux de croissance rapides et soutenus. Pour deux raisons. D’abord, la reconquête du marché intérieur. Le changement de devise permettra au secteur productif de reconquérir le marché intérieur, de recréer des opportunités et des activités, toutes choses que l’on a vu à chaque fois que se sont produits des événements monétaires de cette ampleur. Et un gouvernement de gauche favorisera la reprise, pour qu’elle soit plus rapide et plus solide. En partie parce que les exportations vont très probablement repartir ; en partie parce que l’on mettra en place un programme soutenu d’investissement public qui favorisera aussi l’investissement privé et produira de la croissance pendant plusieurs années. Voilà mes prévisions, je n’ai pas le temps de les développer ici. »
 (12)

Notes
(1) En 2013 (dernières données chiffrées disponibles par Eurostat), le quart des dépenses étatiques sont allées dans le gouffre des remboursements des prêts (9 % en moyenne pour l’ensemble de la zone euro). L’assurance-vieillesse a bouffé à elle seule un autre quart des dépenses publiques (22 % en moyenne pour l’ensemble de la zone euro) et les services généraux de l’État (dont les salaires des employés de l’administration civile) ont absorbé plus de 16 % de l’argent étatique, contre 14,3 % en moyenne pour l’ensemble de la zone euro). « La politique sociale en Grèce est surtout fondée sur l’octroi de pensions en tous genres », résume Nikolaos C. Kanellopoulos, chercheur du KEPE (Centre de la planification et de la recherche économique), Or, selon lui, cette politique est « inefficiente et permet le maintien de plusieurs différences de traitement ». (http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/globalisation/02147594633-grece-inefficiences-corruption-et-clientelisme-aggravent-la-crise-sociale-1120335.php#)

Plus d’un foyer sur deux déclare que la retraite est la principale source de revenu, indique une enquête menée début 2015 par la Confédération hellénique des commerçants et des artisans (GSEVEE). Enfin, les forces de répression et l’armée ont capté près de 7 % des dépenses publiques (6 % en moyenne dans l’ensemble de la zone euro). Incidemment, le nouveau plan accepté par le gouvernement Tsipras et imposé par la Troïka se focalise sur la réduction des dépenses des services généraux de l’État, la compression du montant global des retraites et sur la baisse des dépenses militaires, trois postes des dépenses de l’État qui dépassent les moyennes européennes respectives.

En revanche, les postes des dépenses de l’État qui ont déjà été malmenés sont ceux du logement et des équipements (0,5 % des dépenses totales, contre une moyenne de la zone euro de 1,4 %), la santé (8,6 %, contre 14,7 %), la culture et les loisirs (1,1 %, contre 2,2 %), l’enseignement (7,6 %, contre 9,7 %), la maladie et l’invalidité (2,5 % contre 5,5 %), les aides à la famille et aux enfants (1,1 %, contre 3,3 %) et le traitement du chômage (1,5 %, contre 3,8 %) pour une population active dont le quart est sans emploi (près de 60 % de chômeurs parmi les jeunes). Et ce alors que plus du cinquième de la population du pays ne parvient pas à se nourrir chaque jour avec de la viande, du poisson ou leurs équivalents végétaux, selon une étude récente d’Elstat, le service statistique grecque. « En 2013, 23 % des foyers grecs étaient plongés dans la pauvreté. Le seuil de pauvreté est défini par des ressources inférieures à 60 % du revenu médian de 16 170 euros annuels. C’est le deuxième taux le plus élevé en Europe après celui de la Serbie. Les familles proches de ce seuil étaient quelque 36 % du total en 2013, contre près de 28 % en 2009. Parmi les groupes les plus vulnérables de la population, on compte les hommes sans travail (dont plus de la moitié sont pauvres), les foyers avec trois adultes ou plus et des enfants (38 % de pauvres dans cette catégorie), les parents isolés (37 %), les inactifs qui ne perçoivent pas de retraites (30 %), les locataires (30 %), les adolescents isolés jusqu’à 17 ans (29 %), les travailleurs à temps partiel (27 %) et les adultes seuls de moins de 65 ans (24%) » « Au fil du temps, la pauvreté qui a frappé d’abord les personnes âgées et les percepteurs de pensions a touché en priorité les jeunes et les enfants. Ainsi, si au début de la crise elle se concentrait surtout dans les zones rurales, elle a déferlé ensuite vers les aires urbanisées. Enfin, la pauvreté qui a commencé à se répandre auprès des secteurs les moins instruits de la population, touche aujourd’hui les personnes à qualification plus élevée », résume Nikolaos C. Kanellopoulos (http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/globalisation/02147594633-grece-inefficiences-corruption-et-clientelisme-aggravent-la-crise-sociale-1120335.php#).

Pendant ce temps, « 10 % des Grecs les plus pauvres ont vu leurs revenus plonger de 86 % entre 2008 et 2012 tandis que les familles les plus riches n’ont perdu que 17 à 20 % de leurs ressources », indique à son tour l’étude de l’IMK. Sur la même période, le fardeau fiscal a grimpé de 337 % pour les familles les plus démunies alors que celui de celles aux revenus les plus élevés n’a augmenté que de 9 %. La fraude fiscale, ce véritable fléau en Grèce, est l’une des principales raisons des inégalités face aux impôts, déplore l’Institut allemand des politiques macroéconomiques (IMK) lié à la DGB, la Confédération allemande des syndicats, dans une étude rédigée par deux Professeurs de l’Université d’Athènes, Tassos Giannitsis et Stavros Zoglafakis, publiée en mars 2015 et couvrant la période de 2009 à 2012 (http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/globalisation/02147594633-grece-inefficiences-corruption-et-clientelisme-aggravent-la-crise-sociale-1120335.php#).

(2) Voir : http://www.lesechos.fr/enjeux/business-stories/globalisation/02147594633-grece-inefficiences-corruption-et-clientelisme-aggravent-la-crise-sociale-1120335.php#.

(3) Voir : http://skya.espiv.net/2015/07/12/lumiere-eau-telephone-la-lutte-de-classe-dans-les-redevances-quotidiennes-luttes-dans-la-reproduction-sociale-et-le-travail-dans-les-quartiers-dathenes/.

(4) Voir : https://www.henderson.com/ukpa/post/11077/greek-mattress-stash-up-to-30-of-gdp.

(5) Voir : http://mouvement-communiste.com/documents/MC/Letters/LTMC1135FRvF.pdf.

(6) Voir : http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=84801. C’est le même document qui est cité dans le reste du texte.

(7) Le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a dit qu'il ne craignait pas que cette période électorale mette en danger la mise en œuvre des réformes. « Une très large majorité avait soutenu le paquet de mesures au Parlement grec et nous nous attendons à ce que ce soutien soit peut-être encore plus fort » après les élections. Dès avant l'annonce officielle, le responsable du cabinet du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, Martin Selmayr, a tweeté : « Des élections anticipées en Grèce peuvent être le moyen d'élargir le soutien » au troisième plan de prêts. La Commission « respecte la décision du Premier ministre Alexis Tsipras d'organiser un scrutin rapidement », a déclaré au cours d'un point de presse une porte-parole, Annika Breidthardt. « Beaucoup de partis d'opposition ont voté en faveur du nouveau plan de prêts », a-t-elle rappelé, insistant sur le fait que « malgré les élections, les réformes peuvent être mises en œuvre ». « Après la décision du gouvernement (grec) et le vote du Parlement, il n'y a pas besoin de nouvelle décision politique pour qu'elles soient accomplies », a-t-elle conclu.

(8) Source : New Statesman, 13 juillet 2015, interview à Yanis Varoufakis.

(9) Le DTS est un actif de réserve international, créé en 1969, par le FMI pour compléter les réserves de change officielles de ses pays membres. Sa valeur est basée sur un panier de quatre grandes devises. Les DTS peuvent être échangés contre des devises librement utilisables (source : FMI ; https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/sdrf.htm).

(10) « Les déposants perdront une part de leur pouvoir d’achat, mais pas sur la valeur nominale de leurs dépôts. Mais ils y gagneront car le pouvoir d’achat de leur dette diminuera également. Donc la majorité en sortira probablement gagnante », dixit…. Mais, au fait, les seuls à « gagner » quelque chose sont ceux à qui on prête de l’argent, donc pas les sans-réserves.

(11) Source : New Statesman, 13 juillet 2015, interview à Yanis Varoufakis.

(12) Source : transcription traduite de l’intervention de Costas Lapavitsas au colloque « Democracy Rising », tenu à Athènes le 17 juillet 2015. Costas Lapavitsas est député élu au Parlement grec, membre de la Plateforme de gauche de Syriza, et professeur d’économie à SOAS (School of Oriental and African Studies, Londres).

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