dimanche, 4 février 2007
Après les ébouriffants « Rupture tranquille » et « Ordre juste » l’office des oxymores échevelés a bien travaillé, il a, par inversions et échanges des adjectifs et des substantifs, traduit l’alternative entre Election tranquille et Rupture insurrectionnelle en novlangue postmoderne.
Dans ces oxymores il y a un des deux termes qui est pur mensonge, dont personne n’est dupe, mais qui par un consensus spontané et unanime est admis, tel le roi dont les habits merveilleux et invisibles ne le font décrire comme nu que par la bouche innocente de l’enfant.
Rupture tranquille signifie bouleversement par l’achèvement du démantèlement du wellfare-state, le fameux modèle social français, bouleversement tranquillement approuvé par le bon peuple.
De même « Ordre juste » signifie ordre imparable, irréfutable, aussi juste que 2 + 2 = 4 ou que le justicialisme de Peron !
Avec l’Insurrection électorale on se perfectionne puisque qu’en 2002 on a eu la Rupture électorale et l’Insurrection tranquille :
On a eu la rupture électorale avec la qualification de Le Pen pour le 2ème tour et l’éviction de Jospin et ensuite on a eu l’insurrection tranquille (mimée) avec le « mouvement » anti-Le Pen « mieux vaut un escroc qu’un facho ». Catharsis d’auto - absolution des électeurs de gauche s’apprêtant à voter Chirac, auto-absolution de n’avoir pas voté du tout au 1er tour, auto-absolution de reconnaître dans le vote Le Pen sa propre perte d’identité ouvrière, sa propre expulsion du champ de la démocratie, et sans doute même pour certains besoin de se pardonner une démangeaison un moment ressentie d’un passage à l’acte provocateur et « suicidaire »
Insurrection électorale signifie : Soumission au vote, à l’ordre étatique , à la démocratie réelle, les élections ne seraient ainsi plus des piéges à cons et contrairement à ce que disent les anars, élire serait agir il n’ y aurai plus qu’à voter pour être un insurgé !.
Cette géniale invention théorique qui vient se proposer en alternative aux « émeutes » des jeunes prols de banlieue est remarquable par sa volonté proclamée de ramener au vote beaucoup de ceux qui s’en étaient désintéressé en 2002, volonté de ramener au vote certains qui resteraient réfractaires au « vote utile » pour Ségo au 1er tour, ce vote étant l’étape nécessaire pour les rabattre sur le vote « anti-Sarko » du 2ème tour.
Le Démocratisme radical n’a jamais eu de débouché politique d’Etat en n’en aura jamais dans la situation mondiale actuelle issue de la restructuration, (Les questions de Chavez et de Morales nécessitent plus de développement mais montrent elles aussi qu’il n’y a pas de DR d’Etat) « l’insurrection électorale » est l’oxymore emblématique de cette impossibilité en posant à la fois absence absolue d’au-delà révolutionnaire du capitalisme et même d’en deçà alternativiste puisque sa seule perspective c’est de « battre la droite et l’extrême droite » Il n’y a pas de débouché politique démocratique radical tout simplement l’insurrection électorale c’est une arnaque (objectivement au moins) pour faire voter Ségo et très éventuellement pour avoir quelques fauteuils à l’Assemblée ( Clémentine qui ne se mouille qu’à moitié pour José se verrait bien « tribune du peuple » apparentée- mais pas trop - pc) .
A titre d’illustration drôlatique voici quelques extraits de l’article :
« Peut-on être libertaire et soutenir la candidature de José Bové »
De Michel Onfray et Yannis Youlountas dans Politis du 1er février 2007
« À chaque échéance électorale, il est d’usage que la plupart des libertaires mènent une contre-campagne qui se désigne ouvertement anti-électoraliste. Les urnes sont la cible d’un appel au boycott pour cause d’impuissance à changer radicalement la vie, promesses rarement tenues, surenchère démagogique, confiscation du débat par sa mise en scène et détournement de l’énergie des luttes. Elections : piège à cons ? (...). Mais ce premier février 2007, un événement politique nous propose de rompre pour une part avec ce constat et de réexaminer nos arguments : la candidature collective de José Bové à l’élection présidentielle. Pourquoi ? D’abord, parce que José Bové est tout sauf un produit politique stéréotypé. Sa parole porte celle des mouvements sociaux et, notamment, de nombreuses luttes communes : sans papiers, TCE, retraites, privatisations, CPE, brevetabilité du vivant, asservissement des paysans aux semenciers, répression d’Oaxaca, expulsions d’enfants scolarisés... luttes dans lesquelles nous avons agi ensemble, au-delà de nos différences : libertaires et non libertaires. Ensuite, parce que José Bové n’a rien d’un tribun volubile depuis sa tour d’ivoire. (...) Élevé au lait de Bakounine avant de rencontrer Jacques Ellul, ce syndicaliste paysan persiste à oser l’illégalité quand elle est légitime et la désobéissance civique quand la volonté populaire et, surtout, l’intérêt général sont ignorés par les pouvoirs publics (...). À circonstances exceptionnelles, intervention exceptionnelle. Il est des moments dans l’histoire lors desquels les événements nous incitent à agir, non sans concession, pour faire face à des enjeux immédiats au moyen de rares opportunités. Au vu de l’état du monde et de la société française, et au su de ce vers quoi nous nous dirigeons, la question se pose à tous les libertaires, notamment à ceux qui revendiquent certaines périodes d’engagement analogues dans l’histoire.
L’heure est-elle à résister jusque dans les urnes avec nos compagnons de luttes ? »
Vous avez bien lu ! : « À circonstances exceptionnelles, intervention exceptionnelle. Il est des moments dans l’histoire lors desquels les événements nous incitent à agir, non sans concession, pour faire face à des enjeux immédiats au moyen de rares opportunités la question se pose à tous les libertaires, notamment à ceux qui revendiquent certaines périodes d’engagements analogues dans l’histoire »
La formule ira droit cœur de tous qui refusent de penser que la CNT-FAI a été un élément actif de la contre-révolution (produite spontanément par les limites de la révolution programmatique à ce moment) en Espagne
Et si je parlais un peu de Bové ? (pas du slogan « josébové »). Le frondeur qui a remplacé le traître ultra social - libéral Cohn-Bendit, que la presse appelle affectueusement Astérix, il flatte l’ego franchouillard qui se rêve en irréductible gaulois face à « l’empire », la Macdomination, la malbouffe, et face à la mondialisation « libérale » qui a provoqué la réaction allergique agoraphobe du « merde » au référendum en 2005. Il est le seul à avoir une image à la fois consensuelle et impertinente, sa candidature pourrait écorner cette image, pourquoi s’est il décidé à y aller ? Bien sûr parce que ça coïncide avec ses conceptions politiques et qu’il adore qu’on fasse appel à lui et exister dans les media, mais peut-être - et ça c’est sympathique- parce qu’il ne veut pas aller en prison ! La cour de Cassation doit casser ou confirmer ses 4 mois de prison ferme, il est évident qu’envoyer en taule un candidat légitime dans l’arc démocratique français et à fortiori qu’il soit candidat depuis sa cellule ça marque mal, et d’autant plus mal en ces temps d’angoisse écologique que ce serait pour avoir fauché des champs d’OGM qui n’ont pas du tout bonne presse, et quand tous les candidats ont obtempéré à l’injonction de venir publiquement chez Hulot signer son pacte écologique.
Peut-être Bové pense-t-il - en cas de confirmation de sa peine - qu’après avoir eu un sursis à incarcération pour le temps de la campagne, un résultat honnête le mettrait à l’abri, faute d’insurrection électorale peut-être vise -t-il une évasion électorale, si c’est son but, il peut avoir raison, Chirac avec son sombrero neuf de Zapata de l’environnement (il en appelle à une révolution !) pourrait se payer le luxe du geste magnanime de le gracier avant de rejoindre le conseil constitutionnel pour y jouer les vieux singes.
Tempus Fugit
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