Léninisme ou communisme

a small presentation about the libertarian marxist conception of communism opposed to leninism. it's in french

Submitted by piter on May 23, 2010

Léninisme ou communisme

1) remarques introductives sur le capital et comment s’exerce son pouvoir
2) les conceptions de Lénine et leurs limites
3) deux conceptions du communisme

1) remarques introductives sur le capital et comment s’exerce son pouvoir

Marx montre que le capital est un rapport social (capital est un raccourci pour dire rapports capitalistes entre les hommes, rapports qui forment la société capitalistes) qui est aussi un rapport entre des classes antagonistes. Un ensemble de rapports entre les hommes que l’on peut caractériser comme des rapports de séparation (qui sont aussi des rapports de classes).
-séparation entre les producteurs et les moyens de production (vente de la force de travail)
-séparation entre les producteurs eux-mêmes (la vente de leur force de travail les mets en concurrence et c’est le capitaliste qui les réunis sous sa direction).
-séparation entre les producteurs et la direction de leur travail
Séparations qui conduisent à priver les producteurs du contrôle sur les moyens de production, qui sont pourtant des résultats du travail passé et présent, mais en vendant leur force de travail les prolétaires se dessaisissent du contrôle de ses résultats au profit du capitaliste. le capital exerce alors un pouvoir de commandement sur le travail, non seulement commandement sur les travailleurs individuels mais aussi sur le travail combiné des travailleurs qu’il réunis sous sa direction (et le travail combiné produit plus qu’une somme de travail individuels).
Le capital est exploitation mais d’abord pouvoir de commandement exercé sur le travail sur la base de cet ensemble de séparation qui font le pouvoir du capital et constitue les rapports capitalistes.
Mais le capital ne fait pas que s’approprier le résultat du travail social il s’en attribue aussi l’origine, les rapports capitalistes faisant apparaître le résultat du travail combiné comme un résultat de la direction capitaliste de ce travail combiné, comme le résultat de la production capitaliste qui apparaît alors comme la seule forme possible de production sociale.
Le résultat du travail combiné apparaît alors aux travailleurs eux-mêmes comme une production du capital plutôt que de leur propre travail en commun (parce que la réunion des prolétaires n’est pas le résultat de leur volonté mais de celle du capitaliste). Par la vente de sa force de travail le producteur est amené à participer à des rapports de production au sein desquels la force productive de son travail lui apparaîtra comme un attribut du capital, ou comme ne pouvant exister sans le capital.
C’est ce que Marx appelait le caractère fétiche du capital, le fait que la production apparaisse comme le résultat du capital et non pas du travail. La direction du travail que le capital exerce dans le cadre de ces conditions de séparation des travailleurs et des conditions du travail social apparaît, du fait de ce fétichisme, comme une condition général de tout travail combiné. Toute la critique marxienne de l’économie politique vise à montrer cela. Ce qui permet de montrer aussi comment cette « illusion » n’est pas absolue, de montrer qu’elle est le résultat d’une lutte quotidienne du capital contre les résistances des prolétaires, contre leur tentative de se réapproprier le contrôle de leur travail et de ses résultats, la force du fétichisme du capital dépend donc en cela du rapport de force entre les classes.
La propriété privé des moyens de production participe du pouvoir du capital mais n’est qu’une forme possible et parmi d’autres de séparation entre les travailleurs et le contrôle des moyens de productions. De façon plus générale le pouvoir du capital s’établit sur la séparation des producteurs et des conditions sociale de la production et dans le fait que la direction du travail soit extérieure et étrangère aux producteurs du fait de cette séparation. La direction hiérarchique et capitaliste du travail (déterminée par ces rapports de séparation) est le fondement, qui s’établit dans les rapports de production, des rapports de classes.
Le communisme, en tant qu’alternative au pouvoir du capital, n’est donc pas seulement propriété commune mais aussi, et c’est encore plus important, travail en commun des producteurs librement associé. De producteurs qui de leur volonté commune, de leur propre initiative, produisent ensemble suivant une direction qui soit l’émanation démocratique de leur volonté collective. En quelque sorte le communisme est alors la communauté des conditions de la production sociale, ce qui inclut son mode de direction.

2) les conceptions de Lénine et leurs limites

Avant de présenter les positions de Lénine il faut d’abord rappeler les perspectives que défendait alors le courant marxiste, représenté essentiellement par les partis de l’Internationale Socialiste. La transition socialiste était alors présenté comme la mise en œuvre d’une économie étatisée et planifiée, associée à une démocratisation du régime politique. C’est ce que voulait dire l’appellation sociale-démocrate des partis qui se réclamait du marxisme.
Lénine rompra avec les positions socialistes en affirmant l’actualité de la révolution socialiste, en proposant comme orientation le renversement révolutionnaire du pouvoir bourgeois et la mise en œuvre immédiate de mesures allant réalisant les premiers pas d’une transition socialiste. Pour lui ce qui met une telle révolution socialiste à l’ordre du jour c’est d’une part la situation de crise ouverte par la guerre (de 1914) qui pousse les masses à la lutte révolutionnaire, d’autre part son analyse du développement impérialiste du capitalisme met en avant le fait que la vie économique serait désormais mure pour le socialisme. Il montre en effet que la concentration économique conduit à la constitution de gigantesques monopoles industriel et bancaire, à la domination de la vie économique par le capital financier. À quoi s‘ajoute avec la guerre le développement d’institutions étatiques de contrôle de l’économie, ce qu’il appelle le développement d’un « capitalisme monopoliste d’Etat ».
Si les conditions économiques du socialisme sont l’étatisation et la direction planifiée de l’économie, ne resterait plus alors, dans les conditions de ce stade impérialiste du capitalisme, qu’à arracher des mains de la bourgeoisie le contrôle de cette économie, de ces grand ensembles productifs capables de desservir toute la population, qui une fois mise au service de la population deviendrait socialiste.
Pour Lénine la contradiction principale du capitalisme, celle qui conduit à son dépassement c’est l’opposition entre une production que le développement capitaliste socialiserait toujours plus (plus collective et plus à l’échelle de la société), et un mode de répartition basé sur la propriété privé. L’antagonisme dans les rapports capitalistes se situerait au niveau de l’opposition entre mode de production et de répartition. Mais cette opposition tient son origine dans l’antagonisme de classe qui est au cœur des rapports de production eux-mêmes. C’est le pouvoir de commandement que le capital exerce sur le travail dans le cours de la production qui détermine le caractère inégalitaire du mode de répartition (et la socialisation capitaliste de la production reproduit ce pouvoir de commandement du capital, et en cela elle n’entre donc pas en contradiction avec le mode capitaliste de répartition, la socialisation capitaliste du travail n’est pas un fait technique, elle reproduit et renforce des rapports de classe).
Si on part de la contradiction que Lénine met en avant, la transformation socialiste consisterait alors à compléter la socialisation de la production par la socialisation de la répartition. Il dit à ce sujet : « Cette substitution de la forme collective à la forme d’appropriation privée exige évidemment la transformation préalable de la forme de production ; elle exige la fusion des processus de production isolés, infimes et parcellaires des petits producteurs en un seul processus de production social ; elle exige en un mot, les conditions matérielles qui sont précisément engendrées par le capitalisme. » .
Sur cette conception du socialisme, Lénine est en accord avec le marxisme de l’Internationale socialiste. La transformation socialiste serait essentiellement une action sur la répartition et, pouvant se réaliser par la prise de contrôle de la direction étatique de la production, peut être réalisé par une révolution politique. La spécificité de Lénine sera de proposer la mise en œuvre immédiate de ce programme par la voie de l’insurrection, et de définir de façon concrète quelles en seraient les modalités pratiques de réalisation (soviets et capitalisme monopoliste d’Etat).

Le problème est qu’une telle politique est impuissante à briser le capital comme pouvoir de commandement sur le travail et ne fait que l’étatiser. La séparation entre les producteurs et les conditions de la production n’est pas vraiment brisée. La propriété étatique ne fait que reproduire cette séparation sous une forme nouvelle. La direction de l’économie par des institutions étatiques ne place pas la direction du travail entre les mains des travailleurs, le travail en commun n’est toujours pas le résultat de l’association des travailleurs mais de la coordination de leur travail par l’Etat, qui joue alors le même rôle que les capitalistes qui personnifiaient le pouvoir de commandement du capital.

Et si l’Etat et démocratique ? Le problème est qu’en ne transformant que le mode de répartition il ne peut pas l’être. C’est d’ailleurs en défendant le maintien des mêmes rapports de production, de la même organisation du travail et de sa direction hiérarchique, qu’il présente comme un résultat technique de l’« industrie moderne », que Lénine est amené à défendre la dictature du parti communiste et à écarter dans une large mesure la démocratisation qui devait aller avec la révolution socialiste.
En agissant sur le mode de répartition on ne détruit pas le fondement des rapports de classes dans les rapports de production, dans le mode de direction du travail, les rapports de production restent antagonistes (opposition entre les dirigeants et les exécutants du travail) et nécessitent un appareil de répression pour être maintenus. C’est dans une large mesure ce qui expliquera l’évolution autoritaire du régime issu de la révolution d’Octobre.
On peut dire que ce sont les limites des conceptions économiques de Lénine qui le conduiront à une politique non-démocratique, à substituer l’action des dirigeants à celle de la population laborieuse dans son ensemble. Les positions démocratiques de Lénine (en 17 notamment) entreront en conflit avec sa conviction qu’il n’y a qu’un seule mode de direction du travail qui soit possible dans les conditions de la production industrielle moderne, il confond ce qui est spécifiques au mode de direction capitaliste avec les impératifs de tout travail en commun. Et toujours Lénine tranchera en faveur de ces soi-disant impératifs du mode de direction contre la démocratie des producteurs (Par exemple il rejettera une direction de l’économie issue des conseils d’usines en faveur d’une institution étatique de direction économique).

Ce qui, dans une large mesure, explique cette erreur d’appréciation des conditions du socialisme, c’est le fait que Lénine ne reprend que de façon incomplète la critique que faisait Marx du fétichisme du capital (il ne critique que le fétichisme de la marchandise, et pensera la transition au socialisme comme remplacement du marché par l’étatisation). Il partage ainsi avec les économistes bourgeois l’idée que tout travail collectif implique une direction hiérarchique du travail, il pense le mode de direction du travail comme une conséquence technique de l’industrialisation et non pas comme un élément de la domination de classe de la bourgeoisie.
Il réitère donc l’erreur suivante que Marx attribue aux économistes et qu’il critique ainsi : « …quand il [l’économiste] considère le mode de production capitaliste, il identifie la fonction de direction issue de la nature du procès de travail collectif et la fonction de direction déterminée par le caractère capitaliste et donc antagonique de ce procès. » .
(autrement dit ce qui détermine le caractère de la direction du travail capitaliste ce n’est pas seulement les impératifs technique du travail en commun mais aussi le caractère de domination de classe que prend la direction du travail dans le cadre des rapports capitalistes).
Erreur qui conduit à éterniser le mode de direction capitaliste du travail en ne montrant pas celui-ci comme un rapport social propre au mode capitaliste de production, mais comme une nécessité du travail collectif en général. Erreur qui conduit aussi à ne pas saisir le caractère antagoniste de la socialisation capitaliste de la production, en la saisissant comme socialisation en général, en ne la saisissant pas comme prise dans des rapports de classes antagonistes. C’est aussi ce qui fait que Lénine pense qu’une direction autoritaire du travail, peut être compatible avec un pouvoir révolutionnaire du prolétariat. Mais le seul pouvoir qui est compatible avec un tel mode de direction du travail est un pouvoir qui ne peut être démocratique (et ne peut par conséquent pas œuvrer à une révolution sociale). La politique de Lénine pour la Russie sera de préconiser une transition vers le socialisme par un développement capitaliste d’Etat dont l’orientation communiste serait garantie par la dictature du parti, présentée comme seule forme possible de réalisation de la dictature du prolétariat. Ce parti qui dirige l’industrialisation étatisée ne peut que jouer le rôle d’une nouvelle forme de personnification du capital, nouvelle forme de pouvoir de commandement du capital sur le travail.

A partir de ces conceptions de ce que signifierait briser le pouvoir du capital, on peut maintenant distinguer deux conceptions possibles du communisme et du mouvement révolutionnaire.

3) deux conceptions du communisme

Comment s’en prendre au pouvoir du capital si on le pense comme un rapport social inscrit dans les rapports de production et notamment dans la séparation entre les producteurs et les conditions de la production, qui les prive de tout contrôle sur celles-ci ?
Il s’agira pour les producteurs de remédier à leur séparation, entre eux et d’avec les moyens de production, cela par leur association. Il leur faudra s’orienter vers une alternative globale au capital, et pour cela mettre l’accent sur la question des rapports de production (dont le mode de répartition est une conséquence). Sachant qu’en étatiser la direction n’est pas véritablement transformer les rapports de production, en tout cas ce n’est pas s’en prendre à ce qui dans les rapports capitalistes subordonne le travail au capital, c'est-à-dire s’en prendre à un mode de direction du travail qui est extérieure aux producteurs.

Il faut donc penser la transformation révolutionnaire comme mise en œuvre d’un nouveau mode de production qui soit fondé sur l’association des producteurs, sur leur réappropriation du contrôle de l’ensemble des conditions de la vie sociale. Cela implique une transformation du mode de direction du travail, le remplacement de la division hiérarchique du travail par un mode de direction plus démocratique avec lequel la direction du travail soit l’émanation et l’œuvre de la collectivité des producteurs.

La lutte des classes doit alors être pensée comme l’opposition entre deux modes de coopération, une coopération sous direction du capital, coopération autoritaire/hiérarchique, à laquelle il faut opposer une coopération qui soit l’œuvre des travailleurs, coopération démocratique visant à l’émancipation. L’enjeu de la transformation sociale sera la lutte pour établir un mode de coopération qui permette l’émancipation de tous, qui vise au développement des facultés humaines plutôt qu’à l’accumulation, qui produise une richesse qui soit la richesse qualitative des rapports humains, de la créativité des individus associés.
Le communisme sera alors développement d’un nouveau mode de coopération (antiautoritaire) qui doit se déployer dans tous les aspects de la vie de la collectivité, sur le plan politique mais aussi de la production. Si ce nouveau mode de coopération ne l’emporte pas dans les rapports de production c’est tout contrôle sur l’ensemble des conditions de la production sociale qui échappera au travailleurs. Des rapports antagonistes de production appellent des rapports de classes, qui impliquent la domination politique.

Pour les léninistes la socialisation de la production, la forme de coopération productive qui est nécessaire au socialisme est réalisée par le développement capitaliste (qu’il faut à étatiser pour réaliser un mode socialisé de répartition, pour une répartition égalitaire).
Mais cette socialisation que réalise le développement capitaliste reproduit des rapports antagonistes de production, la subordination du travail au capital lui est inhérente.
Il faut opposer à cette socialisation de la production par le capital une socialisation qui soit celle des producteurs et qui se fonde sur leur association, sans la médiation du capital (ni de l’Etat).
Lénine est conduit à fonder son projet politique sur la possibilité de reprendre, en les orientant vers le socialisme, les structures produites par le développement capitaliste. Mais un projet de transition vers le communisme doit plutôt se fonder sur la possibilité qu’ont les producteurs de restructurer les rapports de production et de conduire, en se réappropriant le contrôle de leur travail combiné et de ses résultats, leur propre socialisation des forces productives (sachant qu’avec le contrôle des travailleurs, les forces productives apparaissent comme ce qu’elles sont, le résultats du travail, et ne peuvent plus être séparées des travailleurs et leur être opposées).

On peut à partir de cela dégager une différence essentielle entre les deux conceptions.
Dans la conception léniniste la révolution sera essentiellement politique, les transformations pourront être mises en œuvre sous la direction d’une minorité et même devra l’être puisqu’il n’y a pas de rupture avec des rapports antagonistes de production.
Pour une socialisation qui soit celle des travailleurs et pas celle du capital il faut une révolution qui soit une révolution sociale, qui transforme le mode de production et pas seulement la façon dont s’exerce le pouvoir (la révolution politique qui est nécessaire, doit être subordonnée aux objectifs de la révolution sociale et impérativement réaliser les conditions politiques d’une démocratisation de la direction économique). Révolution sociale établissant une nouvelle organisation sociale fondée sur l’association des producteurs, sur la réappropriation collective des conditions de la vie sociale. Cela ne peut être réalisé que par la participation de toute la population, un parti, même s’il a le pouvoir, est impuissant à réaliser cela. La direction d’une minorité, si elle s’exerce par une structure hiérarchique, ne peut que reproduire les conditions de la séparation des producteurs. L’idée d’une dictature du parti comme forme de réalisation d’un pouvoir prolétarien est donc un obstacle aux tâches de la révolution sociale.
On retrouve aussi cette alternative entre révolution sociale ou politique dans l’attitude par rapport à l’Etat, les conceptions léninistes tendant à se que soient concentrées entre les mains de l’Etat les fonctions de direction, alors qu’il faudrait au contraire impulser un mouvement de transfert des fonctions de l’Etat entre les mains de la collectivité.
L’Etat comme le capital s’érige comme une médiation dans les rapports entre les hommes, médiation qui s’attribue la créativité de l’activité collective et qu’il faut aussi briser pour que les travailleurs associés maîtrisent les conditions de la vie sociale.
A noter que de même qu’il y a un fétichisme du capital, on peut parler d’un fétichisme de l’Etat qu’il faut aussi dévoiler pour que les hommes n’attribuent pas leur créativité à une chose qui leur serait extérieure (les fonctions utiles à la collectivité que remplit l’Etat ne sont que le résultat de l’activité humaines, ce n’est pas quelque chose qui y serait extérieure ou s’y ajouterait). Le capital et l’Etat ne font en fait que reproduire une organisation de la coopération humaine qui dépossèdent les hommes du contrôle de leur activité et concentre ce contrôle entre les mains d’une minorité. L’Etat et le capital n’ajoutent rien à l’activité humaine et à ses résultats, ils ne sont qu’une forme de celle-ci, formes de « coopération » qui canalisent les résultats de l’activité humaine dans le sens de l’accumulation capitaliste et fait obstacle à l’émancipation humaine.
Le problème de la transition révolutionnaire doit donc être d’opposer des pratiques et institutions (ou formes d’organisations) qui réalisent en actes l’autonomie des producteurs, des rapports entre les hommes sans médiations du capital et de l’Etat, qui font primer les besoins humains contre la socialisation capitaliste du travail qui impose les « impératifs » de l’accumulation capitalistes.
On ne peut véritablement imposer que les besoins humains priment sur les profits capitalistes par un contrôle étatique du capital. Lénine, en mettant en avant le contrôle étatique supervisé par le parti d’un développement capitaliste, exercé aux moyens d’institutions étatiques par la dictature du parti, oppose de façon illusoire deux modes de contrôle (de contrôle du travail et plus généralement de l’activité humaine) qui en fait se complètent. Il s’agit de briser tout mode de contrôle séparé et non pas ajouter à celui du capital celui de l’Etat. Il s’agit d’opposer la coopération démocratique des travailleurs à tout mode de contrôle du travail qui en soit séparé.

La médiation de l’Etat et du capital (d’une direction séparé et hiérarchique du travail) ne peuvent certes être complètement supprimé d’un coup. Mais ce qui est cependant possible et impératif c’est d’engager un mouvement d’association et de prise en main démocratique des fonctions de direction par la collectivité, association qui remplacerait progressivement l’Etat et le capital. Il faut pour cela des institutions qui soient structurées de façon à remplir les conditions d’un transfert progressif de leurs fonctions à l’ensemble du corps social, des institutions qui tendent à se confondre avec l’organisation démocratique et agissante de toute la collectivité. Il faut d’emblé rendre les fonctions de direction plus collectives et plus contrôlées démocratiquement, étendre le système représentatif, le rendre plus démocratique et l’associer avec une participation directe d’une part toujours plus grande de la population. Cela y compris pour les fonctions de direction économiques, à la fois au niveau des lieux de travail, du procès de travail et au niveau de la coordination d’ensemble de la production.
On ne peut réaliser tout de suite la plénitude de la restructuration des moyens de production mais il faut d’emblée engager un mouvement de restructuration qui, par les moyens qu’il met en œuvre rompe radicalement avec le capital en réalisant l’émergence du mode de production qui en est la négation.
Ce qui fait le caractère radical/profond d’une rupture avec le capital c’est qu’elle soit le fait des producteurs eux-mêmes mettant consciemment en œuvre une alternative au capital, se réappropriant les conditions de production de la vie sociale.
La rupture avec le capital doit être nécessairement une transition entre un mode de production fondé sur la séparation des hommes et un mode de production fondé sur l’association. Transition d’un mode de production dirigé par le capital et la hiérarchie qui le personnifie vers une association démocratique, dans le sens d’une démocratie agissante à laquelle chacun participerait activement. Pouvoir collectif des producteurs qui se réaliserait par ce que l’on pourrait appeler un réseau d’organes démocratiques par lesquels les producteurs délibéreraient, décideraient et mettraient en œuvre leurs choix concernant la production sociale et appliqueraient une direction du travail collectif qui en serait l’émanation. Cela aux différents niveau, locaux ou globaux auxquelles doivent être prises les décisions, ce qui implique de combiner représentation et participation directe. Direction qui resterait subordonné à ce réseau et dont l’intégration à la vie de la collectivité (du fait de son caractère représentatif et « participatif ») permettrait son renouvellement, sa réélaboration continue en harmonie avec l’évolution des besoins collectifs.
Ce mouvement général de réappropriation démocratique peut se réaliser selon des modalités diverses, avec des rythmes différents, mais qui doivent toujours, sous peine de perdre leur orientation, être développement de la capacité des producteurs à remplacer le capital par leur association. Ses institutions révolutionnaires doivent impérativement favoriser le développement d’une activité autonome des producteurs qui soit émergence et développement de modes d’association se réalisant hors de la médiation du capital et de l’Etat et contre ceux-ci.

Le développement du prolétariat en classe révolutionnaire doit être pensé comme développement de sa capacité à substituer à un mode de coopération dont l’impulsion vient du capital et est réalisé sous sa direction, une coopération entre les travailleurs qui soit le résultat conscient de leur propre activité révolutionnaire. L’émancipation des travailleurs implique que par leur association ils s’approprient les résultats de leur travail combiné. Cela implique qu’ils prennent conscience de ce que la force productive de leur travail combiné n’est pas le résultat du capital et de son pouvoir de commandement sur le travail, que la force productive de leur travail n‘est pas un attribut du capital, mais le résultat de leur propre activité. Il faut que les travailleurs fassent l’expérience de leur capacité à diriger eux-mêmes sans la médiation du capital leur travail combiné et à en contrôler les résultats.

Cela doit caractériser non seulement la transition révolutionnaire elle-même mais aussi le mouvement qui y conduit, et les moyens que celui-ci utilise et qui doivent donc toujours accroître l’autonomie des producteurs contre l’Etat et le capital. Le choix de l’orientation et des moyens du mouvement d’émancipation doit être inspiré par cet impératif. Les moyens doivent donc toujours relever d’un développement de l’association et de la réappropriation collective des forces du travail social. (avec pour conséquence qu’il faut préférer mettre en avant l’intervention de la population, des travailleurs plutôt que l’intervention de l’Etat).
Ce mouvement doit aussi impérativement diffuser la conscience de la nature du capital comme séparation des travailleurs qui conduit à leur perte de contrôle de leur activité et de ses résultats (c’est essentiellement cette connaissance qui est nécessaire pour s’émanciper du capital). Il faut aussi diffuser la connaissance des expériences montrant les possibilités de se réapproprier par l’association la maîtrise du travail social et de sa créativité.

Le rôle de ceux qui veulent œuvrer à l’émancipation doit donc être de promouvoir et diffuser une telle connaissance et de telles pratiques. C’est en ces termes qu’on peut résumer le message du communisme non léniniste, des marxistes qui ont conservé le sens du communisme comme association des producteurs se substituant au capital et à l’Etat.

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