Contribution à ce que nous faisons déjà - Amer Simpson

lundi, 12 décembre 2005

Submitted by Craftwork on June 15, 2017

Je tenterai par ce présent texte d’approfondir ce que j’avais antérieurement commencé avec mon texte "questions préliminaires", c’est-à-dire de formuler un questionnement qui, prenant en considération nos propres activités en tant que communistes ou devrais-je dire "courant communisateur", cherche à définir la nature même de ces activités. Bien entendu, je tiendrai compte des critiques de Bernard Lyon (Bon, alors qu’est-ce qu’on fait ?) et celles de Roland Simon (Quelque chose de l’ordre de l’évidence) puisqu’en fait se sont elles qui contribuent directement à développer cette définition. Entre autres, ces critiques m’auront permis de constater que mon texte précédent était sujet à une difficulté majeure qui se traduisait par une confusion pratiquement impossible à éviter. En effet, je fus incapable de reconnaître que l’essence de mon questionnement qui devait se rapporter à ce que nous faisons au présent ait abouti à formuler des questions qui se rapportaient plutôt à l’impératif de trouver ce qu’il faut faire pour qu’advienne la révolution, avec tout ce que cela implique d’ambiguïté au niveau de la critique du programme et de son avant-garde. Ainsi, comme l’a souligné Roland Simon lui-même, je cherchais des réponses à une question tout à fait différente de celle que je posais au point de départ.

Cependant, si mes questions ne pouvaient que susciter des réponses à leurs mesures, il me paraissait quand même illogique de m’en tenir aux conclusions de certains auteurs qui affirmaient qu’il n’y avait "rien à faire". En fait, quelque chose de fondamentalement insensée me chicotait dans ces réponses. En premier lieu, ces conclusions n’en étaient pas. Elles ne démontraient pas que l’absence d’activités était le seul dénouement possible de mon "comment faire", mais plutôt que l’ensemble du questionnement renvoyait à une problématique qui n’était pas formulée adéquatement dans les questions. Bref, les questions de l’ordre du "comment faire" provoquaient une appréhension légitime mais impropre à la problématique que je cherchais à poser. Ensuite, il était totalement impossible pour moi d’admettre un fait qui justement se posait comme le contraire d’une évidence : comment est-il possible d’affirmer qu’il n’y est autre conclusion que de ne rien faire quand ce n’est définitivement pas le cas, qu’aucune absence d’activités n’est manifeste dans ce qui se produit au sein de ce dit "courant communisateur". D’autant plus que ce dernier ne peut exister autrement qu’au travers de ses propres activités. C’est pourquoi je me suis finalement obstiné à répliquer contre cette critique qui répondait par un absurde "rien à faire" qui ne trouvait nulle part sa confirmation.

En sommes, je ne pouvais me résigner à considérer ces critiques, aussi conséquentes de mes "questions préliminaires" soient-elles, comme apportant une réponse légitime à mon questionnement. Toutefois, il devait bien exister une réponse qui n’était ni un retour au programme ni une fuite dans l’absurde dont le point commun est d’être dans les deux cas une extériorisation par rapport à la réalité des faits. Je dois finalement remercier Roland Simon d’avoir écrit en bonne partie cette réponse qui ne renvoyait pas à un cul-de-sac théorique du genre "il n’y a rien à faire" et qui plus est soulignait la confusion qui se dessinait dans mon questionnement, confusion qui avait pour conséquence d’avorter ce que je cherchais à dégager : ce qu’il y a à faire nous le faisons déjà.

MARCHER AUX PAS DE LA RÉALITÉ

Afin de reprendre mon questionnement là où il avait définitivement échoué, je tenterai cette fois de partir d’une autre question préliminaire mais pour laquelle je vais m’assurer d’être un peu plus fidèle par la forme à l’essence de ce que je cherche à définir. L’essence de mon questionnement se situant quelque part dans ce que nous faisons déjà, je crois pertinent de partir de cette question que Roland Simon a cru bon révéler dans mon texte et traduire dans ces propres mots ainsi : qu’est-ce que nous faisons ? C’est du moins assurément mieux qu’une dialectique close entre un simple "rien à faire" qui répond à un "comment faire" et qui se confond pathétiquement avec celle d’un corpus théorique cristallisé qui cherche des conditions objectives idéales où se réaliser et n’en trouve définitivement jamais.

Mais que faisons-nous justement ? Quelles sont ces activités qui nous caractérisent comme faisant "le guet et la promotion de ces pratiques qui constituent l’écart" ? De prime abord, il est convenu de considérer que les luttes sont théoriciennes et que "participer aux luttes en communiste", pour citer Bernard Lyon, c’est "faire exister théoriquement le dépassement communiste de la manière la plus claire possible". Et pour éviter les imprécisions fâcheuses, disons qu’exister théoriquement ce n’est pas à la manière d’une avant-garde qui chercherait à faire la jonction entre ses buts à atteindre et le cours quotidien des luttes comme le moyen mis en œuvre pour y arriver mais plutôt comme des prises de positions qui, ne se fixant jamais sous formes de théorie achevée, articulent "la perspective communisatrice du monde avec les luttes actuelles". En d’autres mots, ceux de Roland Simon cette fois, c’est d’avoir la capacité de se remettre "en chantier dans la lutte de classe et plus empiriquement dans les luttes immédiates", car si nous avons quelque chose à faire, c’est de s’opposer à toute attitude normative, "c’est d’avoir la capacité d’être surpris par le nouveau, mais aussi de voir qu’il y a du nouveau." J’y reviendrai.

Mais si je me souviens bien, à quelque part dans mon autre texte, j’avais bel et bien formulé cette réponse que la seule chose à faire pour qu’advienne la révolution s’est de partir des conditions présentes, d’être présent ou "embarqué" dans les luttes actuelles avec nos questions et nos réponses. De toute évidence, je ne voulais pas parler de ce présent comme d’une condition objective devant se rapporter à un corpus théorique déjà existant mais essentiellement comme du cours quotidien des luttes avec lequel un certain rapport existe qui nous permet de dégager une perspective immédiate vers cette révolution et qui est partie prenante de ce cours quotidien. Plus précisément, je disais : "qu’il existe des initiatives qui créent l’écart nécessaire pour définir les liens entre les conditions présentes et la révolution et ces initiatives sont tout ce que nous avons pour explorer des perspectives communisatrices. Cette exploration ne se veut pas expérimentation dans le sens autonomiste mais bien définition du comment cela va se faire selon ce que nous sommes en moyens de définir à partir des conditions présentes en lien avec la révolution..." En sommes, tout est dans le rapport qui existe entre l’immédiateté des luttes et la perspective révolutionnaire. Ce rapport, en quelque sorte, serait le point où se produit cette "aire qui pose la question de la communisation".

Ici, nous commençons à toucher du doigt ce qui définit la pratique du courant communisateur à l’intérieur de l’écart, mais attardons-nous encore un peu à ce rapport qui rend possible l’existence de cette aire. Évidemment, le rapport n’est pas extérieur à l’écart dont lui-même, pour reprendre les termes de Roland Simon, est le produit interne de la "limite de ce cycle de luttes" : agir en tant que classe, n’avoir pour horizon "que le capital et les catégories de sa reproduction" et d’autre part, d’être "en contradiction avec sa propre reproduction de classe, la remettre en cause". En fait, le rapport est le moment dans l’écart où se pose la question de la communisation, il n’est pas confondu avec l’écart, seulement relier à lui comme le moment où le courant communisateur peut se faire entendre et "infléchir le cours des luttes actuelles", donc également le lieu où il entre en conflit avec le démocratisme radical et encore plus directement avec l’appel de l’autonomie. C’est, pour résumer brièvement, dans ce rapport que "nous sommes théoriquement et pratiquement les guetteurs et les promoteurs de cet écart".

C’est donc imbriqué "dans le cours des luttes quotidiennes et ne pouvant exister que dans cette imbrication" que nous devons penser cette "aire qui pose la question de la communisation". Expliquée de cette façon, je peux donc répondre à Roland Simon que la question d’un "rôle à jouer" n’est pas nécessairement ni automatiquement le fait d’admettre que ce "dans quoi" il y aurait "rôle à jouer" existe sans son objet. Au contraire, c’est peut-être même admettre et définir en quoi consiste ce "courrant communisateur" qui fait "exister théoriquement le dépassement communiste" dans le cours quotidien de la lutte des classes.

"BON, ALORS QU’EST-CE QU’ON FAIT ?"

Voilà bien une question que pose Bernard Lyon qui contient à mon sens autant d’ambiguïté qu’un "comment faire". Est-ce une question qui se rapporte à ce que nous avons fait jusqu’à maintenant ou plutôt qui se rapporte à ce que nous devrions faire maintenant que nous en sommes là ? La différence est grande, car le temps auquel elle se rapporte transforme fondamentalement la question : soit elle est une analyse sur le présent, soit elle est un désir qui se projette dans le futur. Roland Simon a bien remarqué que Bernard Lyon "ne se livre pas à une analyse de la lutte des classes dans la période actuelle, ce que logiquement on attendrait à partir de ses prémisses, mais donne une liste de ce que les "communistes" peuvent plus ou moins faire". Afin d’éviter ce piège dans mon propre questionnement, je crois pertinent d’expliciter plus en détail ce que veut dire avoir un "rôle à jouer" dans le cours quotidien des luttes.

À première vue, la question de savoir en quoi consiste le rôle des communistes dans le rapport entre les luttes actuelles et la révolution peut apparaître pour une question programmatique. Mais c’est le cas seulement si nous rapportons la question à ce qui peut ou ne peut pas être fait pour créer un lien entre le cours des luttes quotidiennes et la révolution future, seulement s’il faut croire que ce sont les "conditions objectives qui feront la job à notre place". Selon cette perspective, il est évident qu’il y a autonomisation de ce "rôle à jouer" par rapport aux luttes actuelles, car le lien entre luttes actuelles et révolution n’est pas à créer, il est déjà présent dans l’écart, c’est même ce lien qui nous fait exister. Par contre, si nous inversons la perspective et que nous rapportons la question à ce que nous faisons déjà, nous sommes plutôt devant un "rôle à jouer" qui tire toute sa définition d’une analyse descriptive de ce qui nous caractérise comme courant communisateur, d’un retour abstrait et critique sur nos propres activités comme guetteurs et promoteurs de l’écart. Voilà la raison qui me pousse à dire que "nous avons un rôle à jouer", mais qui n’est toutefois pas celui d’une volonté de produire les conditions gagnantes qui permettraient enfin de créer la relation idéale entre les luttes actuelles et la révolution que nous souhaitons voir advenir.

Maintenant que ce "rôle à jouer" est plus ou moins défini comme une simple traduction libre de ce que nous faisons déjà et qui ne peut exister que dans le rapport que crée l’écart entre les luttes actuelles et la révolution, la question qui vient à l’esprit est : de quelle nature plus exactement ces activités contenues dans ce "rôle à jouer" relèvent-ils ? Dit comme ça, on a l’impression de tourner en rond, puisque cette question se rapporte à celle qui fut posée au début du présent texte et qui demandait qu’elles étaient ces activités qui nous caractérisent comme courant communisateur. Et à cette question, la réponse fut celle de "faire exister théoriquement le dépassement communiste" : soit d’avoir des positions qui articulent "la perspective communisatrice du monde avec les luttes actuelles". Toutefois, si après s’être attardé à bien formuler et définir le sens de la question il est devenu plus aisé d’approfondir la réponse, une précision s’impose et la voici : exister théoriquement signifie essentiellement deux choses que Roland Simon a très bien su identifier : que "la question de la diffusion de la théorie communiste se pose" et que "les positions communistes peuvent infléchir le cours des luttes actuelles".

Avant tout chose, il faut savoir que la diffusion de la théorie n’est jamais une activité réellement différente de celle d’avoir des "positions qui peuvent infléchir le cours des luttes actuelles", c’est pourquoi son rôle se résume à "être élément réel des luttes", comme nous le dit Bernard Lyon. Non pas un élément réel comme un simple reflet de ce qui se passe, ce qui ne serait en aucun cas une prise de position, mais comme un élément actif qui doit "comprendre les luttes dans la perspective de la révolution sans les évaluer, sans les comparer à un archétype de la bonne lutte, sans les insérer dans une quelconque stratégie." En d’autres mots, et comme cela fut dit précédemment dans le texte, la théorie doit s’opposer à toute attitude normative, ses questions et ses réponses doivent se remettre constamment "en chantier dans la lutte de classe et plus empiriquement dans les luttes immédiates", questions et réponses qui ne sont jamais que des positions, des objectifs momentanés parce que produit momentanément par les luttes elles-mêmes. Ainsi, lorsqu’il est question de diffuser la théorie, nous dit fort justement Roland Simon, c’est d’être capable de proposer "une action, une façon de s’organiser ou de ne pas s’organiser, de chercher des alliances, d’abandonner ou d’élargir les revendications originelles" qu’il s’agit en fait. C’est à la fois avoir une position qui est "partie prenante des luttes" et à la fois avoir "une position vis-à-vis des organismes de luttes existants officiels ou non, une position vis-à-vis de la négociation, des activités "suicidaires" ou de dérisions de l’adversaire et partant de soi-même dans son rapport à lui", une position qui est nécessairement un conflit avec le démocratisme radical. En sommes, c’est clairement là avoir un "rôle à jouer" et, contrairement à ce qu’affirme Bernard Lyon, avoir des positions communisatrices qui peuvent infléchir le cours des luttes actuelles.

Voilà le résumé assez sommaire de ce que veut réellement dire "faire exister théoriquement le dépassement communiste". D’un côté, c’est en effet n’avoir jamais d’attitude normative mais de l’autre, c’est surtout d’être la capacité vivante d’infléchir les luttes actuelles. Et c’est justement cette capacité qui fait toute la différence, qui rend compte de la nature de nos activités dans cette aire qui pose la question de la communisation, celle "d’être surpris par le nouveau, mais aussi de voir qu’il y a du nouveau".

RETOUR AUX "QUESTIONS PRÉLIMINAIRES"

C’est à présent de l’ordre d’une évidence de dire que le courant communisateur est défini par ce qu’il fait, qu’il n’existe que dans des expressions et des pratiques sinon il n’existe pas, comme l’ensemble de l’écart qui le contient d’ailleurs. Mais reste encore à déterminer le caractère particulier de ces activités, à saisir dans de ce que nous faisons déjà ce qui donne à penser qu’il y a un sens propre. Sinon, à quoi bon parler de courant communisateur, puisqu’il n’y a "rien à faire" qui le distingue, peu importe de quoi. Mais c’est là chose impossible, l’ensemble du présent texte prouve que certaines activités le caractérisent comme tel, qu’il a un "rôle à jouer" dans l’écart.

D’abord, ce qui donne sens dans ce que nous faisons déjà, c’est cette capacité à être surpris et à devenir en quelque sorte une "partie prenante des luttes, soit personnellement et directement soit par une attention intense et engagée". Cette capacité est celle qui permet de prendre position, d’être imbriqué dans le cours des luttes quotidiennes et d’infléchir ces luttes quotidiennes. C’est en fin de compte, de toujours être capable de savoir "comment faire" pour saisir et promouvoir l’écart, d’être en mesure de se faire entendre comme le courant qui pose la question de la communisation, et pas autrement.

Ensuite, il y a cette autre capacité, celle de voir qu’il y a du nouveau, de faire un "travail particulier de formalisation intellectuelle plus ou moins systématique, s’appuyant sur un corpus déjà existant et le retravaillant pour produire de nouvelles connaissances". Cette seconde capacité, qui n’est que le complément réciproque de la première, est le processus qui permet de s’opposer à toutes attitudes normatives et d’affirmer que sans cette capacité, il n’y aurait pas de théorie possible. En fait, l’absence de cette capacité signifierait radicalement que l’identité avec les conditions présentes serait adéquate, sans contradiction, qu’aucune abstraction ni critique des rapports sociaux ne pourrait exister, ce qui est impossible. C’est donc par cette capacité seulement que nous pouvons faire ce que nous faisons déjà, que "partir des conditions présentes" est une chose imaginable et réelle et parler de la théorie comme d’un "élément réel des luttes" l’est tout autant.

Mais lorsqu’il est question de capacités, il est sans contredit question de "faire" l’effort nécessaire pour acquérir pleinement ces capacités. Et ces capacités ne deviennent pas effectives comme par magie, elles se développent dans la pratique comme l’ensemble des facultés humaines. C’est la raison pourquoi, si elles ne trouvent nulle part où s’exercer, elles s’atrophient et disparaissent. Par contre, si les conditions matérielles leur offre l’opportunité de se développer, il est possible pour elles de se généraliser à des milliers d’individus qui jusque-là n’avaient pas manifesté cette aptitude. En fait, malgré son sens fort ambigu qui peut se rapporte à une attitude normative justement, ce que je cherchais à dire par cette idée de capacités, c’est qu’il est peut-être vrai que "nous ne sommes en rien indispensables à la révolution", mais en revanche, cela ne fait pas de nous des êtres interchangeables. Car il n’est pas donné à tous de "se sentir intimement investi dans la formation d’un courant pour la communisation" et c’est dans ce sens que je disais dans mon texte précédent, un peu maladroitement, que "force objective est de constater que la frange dite révolutionnaire de la population est celle (...) qui agit en sorte qu’elle [la révolution] arrive un jour ; c’est donc à partir de cette frange que la question se pose et qu’elle est débattue". Et si cette frange ne le fait pas, si elle ne se donne pas les moyens de prendre conscience de ses propres activités à "faire exister théoriquement le dépassement communiste", si elle se contente de ne pas voir ce qu’elle fait déjà en prétendant qu’il n’y a "rien à faire", alors personne ne le fera à sa place.

À ce point du raisonnement, je ferai remarquer à Roland Simon que les interrogations poursuivies jusqu’ici sur la révolution et le communisme ne sont pas plus idéalistes qu’objectivistes. Car je n’ai jamais prétendu tenir compte des réalités présentes comme d’un environnement hostile ou favorable que des gens "doivent percevoir de la façon la plus fine pour réaliser leurs fins", au contraire, je consens parfaitement à les considérer comme un "mouvement profane de la lutte des classes" qui produit les conditions de ce que nous faisons déjà. Et je rajouterais même que la raison pourquoi il y a des gens qui "cherchent à se préparer" pour la révolution est le résultat patent de cette nécessité de faire un retour abstrait et critique sur la réalité présente qui nous fait exister comme "élément réel des luttes", de saisir et comprendre notre "rôle à jouer".

L’APPEL DE L’AUTONOMIE

Nous voilà donc arrivé à ce fameux moment où l’action autonome et le courant communisateur "se questionnent l’un l’autre", parce que tous deux sont embarqués dans la même réalité présente. Et malgré le fait que l’autonomie fasse partie du problème, il n’en demeure pas moins qu’il contribue à trouver des réponses.

Parvenu, dans un premier temps, à rendre compte sommairement des activités de cet obscur courant communisateur, il faut maintenant essayer de saisir pourquoi il y a dans l’action autonome "des éléments que le mouvement communiste ne peut ignorer". Pourquoi, quand la question de la communisation se pose dans les luttes, il faut considérer l’appel de l’autonomie comme partie prenante de cette question, comme ayant quelque chose à dire malgré tout ? Et dans quelle mesure ce qu’il est en tant que "somme d’activités et de pensées à l’intérieur du présent" permettant de "définir un écart à l’intérieur du fait d’agir en tant que classe", peut aussi être utile pour définir nos propres activités sans pour autant croire sur parole ce qu’il dit à propos de lui-même et de la lutte de classes ? Voilà des questions dont les réponses restent encore à développer et qui seront à peine abordées ici.

Avant toute chose, commençons par le commencement, que font ceux et celles qui se revendiquent de l’autonomie ? Premièrement, il tente de poser la question du communisme dans le cours quotidien des luttes "en appliquant ses conséquences immédiatement : abolir la propriété par le vol et le squat, confronter l’autorité par la violence et l’organisation horizontale, détruire la marchandise par le pillage et la gratuité des services publics, mettre fin au salariat par la récupération, la débrouillardise collective, le partage des responsabilités et du savoir-faire..." En quelque sorte, il tente de créer un certain rapport entre la situation actuelle et la révolution. Mais voilà, le résultat est un échec, parce qu’il n’y a pas de rapport à créer, c’est plutôt ce dernier qui produit l’existence des groupes autonomes. Par conséquent, bien que sa pratique tout autant que sa théorie ait pour objectif le communisme ou plus concrètement son "expérimentation immédiate", toutes les activités qui caractérisent l’autonomie sont par nature parties intégrantes des conditions présentes et n’en sorte d’aucune manière, pas même dans l’autarcie d’une ferme autogérée. C’est pourquoi, comme le résume si bien Roland Simon, "le problème n’est pas de ne pas pouvoir réaliser des "initiatives communistes", mais précisément croire en avoir".

Ensuite, par cette tentative de provoquer l’aire qui pose la question de la communisation, l’appel à l’action autonome se spécifie à l’intérieur de l’écart comme "l’autonomisation de la dynamique de ce cycle de luttes", c’est-à-dire de cette fameuse remise en cause du prolétariat comme classe dans sa propre action de classe que produit sa contradiction avec le capital. En fait, nous dit Roland Simon, c’est cette "remise en cause" qui est prit pour elle-même dans les thèmes et les pratiques de l’autonomie. Ce qui a pour conséquence que les questions et les réponses que posent les groupes qui s’en revendiquent à l’intérieur de l’écart n’est pas la compréhension de ce que produit les conditions présentes, de ce que la dynamique de ce cycle de luttes peut nous dire, mais plutôt la compréhension devenant autonome, théorique pour faire face aux conditions présentes, à leur tour devenu environnement hostile ou favorable.

Bref, en devenant une tension permanente et conflictuelle dans le cours des luttes, l’appel de l’autonomie est clairement l’expression d’une problématique qui interpelle directement le courant communisateur à l’intérieur même de l’aire qui pose la communisation, il agit comme le chant des sirènes du dépassement communiste. En effet, comme partie prenante des luttes, il ouvre des perspectives qui méritent notre attention met qui tendent à se refermer comme des pièges : "il est le premier acte de la révolution, mais le reste s’effectue contre lui", il serait tentant de dire.

Il n’en demeure pas moins qu’il joue son rôle et que ses positions infléchissent le cours des luttes, ce qui, dans la confrontation avec le courant communisateur, à pour conséquence et avantage de mettre en relief les points d’appuie du démocratisme radical. En voulant d’un côté poser la question du communisme par l’expérimentation immédiate, l’action autonome devient de l’autre la limite sur laquelle se construit et se renforce l’attitude normative, le Parti imaginaire de l’alternative, le point où l’existence théorique devient une pratique d’avant-garde qui n’offre comme programme "que la gestion des nécessités matérielles que la misère ambiante (...) contraint à résoudre". C’est donc en ce sens que les groupes qui cherchent à créer des zones retranchées où expérimenter immédiatement le communisme deviennent l’existence théorique de l’autonomie comme appartenant "avec sa spécificité à ces pratiques qui actuellement définissent un écart à l’intérieur de la limite des luttes : agir en tant que classe".

Et pour finir, je pense également que l’existence théorique de l’autonomie n’est pas essentiellement différente de notre existence théorique comme "élément réel des luttes". Toutefois, l’identité ne peut être possible parce l’appel de l’autonomie est justement cette existence théorique autonome par rapport aux luttes quotidiennes et c’est là que le rapprochement se termine. Le nœud de la différence est donc dans cette question de l’autonomie.

Commentaires :


  • Contribution à ce que nous faisons déjà, Perversioncommuniste, 13 décembre 2005

    Il n’y a pas grand monde aujourd’hui dans ce que vous qualifiez de l’aire de l’autonomie qui pense que le squat, le vol, la récup... c’est la révolution immédiate. Ils/elles la pensent souvent plutôt comme un point d’appui et de départ et non comme un point d’arrivée. C’est ce qui permet de commencer à vivre le monde différemment (alternativ(ism)e peut-être) mais qui ne sera que dépasser par une révolution qui passera par de multiples insurrections. Cela consiste à alimenter les brèches en espérant que celles-ci prennent en feu et se répandent en milliers de foyers d’incendies sans certitudes sur le résultat.

    C’est du moins assurément mieux qu’une dialectique close entre un simple "rien à faire" qui répond à un "comment faire" et qui se confond pathétiquement avec celle d’un corpus théorique cristallisé qui cherche des conditions objectives idéales où se réaliser et n’en trouve définitivement jamais.

    Meeting est plutôt attentiste. Alors la revue peut bien exprimer qu’il n’y a rien à faire, ce qui par contre est contredit par les très bons textes de R.S sur l’autoorganisation et la suite communisatrice qui s’effectue contre elle.

    Pour Meeting, il y a mirage d’un prolétariat uni qui dans le cours de la révolution s’abolirait comme classe sans jamais pouvoir le démontrer par des faits concrets. En ce sens se créer des incantations à la communisation. Nouvelle religion ? Contrairement à Calvaire, je me demande si c’est de la création théorique ou encore la création d’un imaginaire qui ne tient que dans le discours et non à l’épreuve des faits.

    Il y avait Calvaire qui soulevait ces contradictions mais qu’on a préféré censurer parce qu’il gênait plutôt que de répondre par des arguments et des faits.


    • Contribution à ce que nous faisons déjà, J., 13 décembre 2005

      Ainsi donc, on ressort le(s) vieux démon(s). Mais au lieu de dire que Calvaire a été censuré - et oui il fallait le censurer dans la mesure où il posait plutôt qu’il postait des messages, que son syncrétisme verbal ne cheminait vers rien, mais noyait toutes les idées dans un bouillon de cuvette - il est certainement possible de reprendre, s’il y en a, de ces thèses ou questions qui aliment(er)aient le débat. Et de les appeler de tous nos voeux, si elles dérangent tant.

      Feu sur l’attentisme, sans attendre !


      • Contribution à ce que nous faisons déjà, , 14 décembre 2005

        Cela confine à l’insulte imbécile sans arguments plutôt qu’à l’attaque théorique ou simplement à la réponse :

        ’’Ainsi donc, on ressort le(s) vieux démon(s). Mais au lieu de dire que Calvaire a été censuré - et oui il fallait le censurer dans la mesure où il posait plutôt qu’il postait des messages, que son syncrétisme verbal ne cheminait vers rien, mais noyait toutes les idées dans un bouillon de cuvette -’’ (J.)

        Rien là-dedans n’est théorique et on se demande lequel de vous deux est le plus poseur ?


    • Les "conditions" ne seront jamais réunies, , 14 décembre 2005

      Je n’ai jamais dit, ni personne d’autre n’a dit,(des citations !) qu’on attendait que les "conditions" soient réunies, puisque, par définition, des conditions, c’est à dire des éléments extériorisés et réifiés, ne peuvent pas être ceux d’une situation révolutionnnaire , ni personne n’ a parlé d’un prolétariat uni, heureusement que pour nous éveiller de notre sommeil de la raison, il y a des personnes qui ne succombent pas au mirage ! Il est bizarre qu’on nous reproche systèmatiquement des positions que nous refusons, il faut croire que pas mal de gens lisent ce qu’il pensent qu’ils vont trouver, même si c’est explicitement repoussé !

      D’autre part "ne rien faire" veut dire qu’aucune attitude militante ou interventionniste, n’est sensée, que la question du "faire" c’est toujours celle de l’ntervention à partir d’une extériorité.

      S’intéroger pour savoir si ceux qui font de la théorie ont créé une nouvelle religion, ça fait radical et ça ne coûte pas cher en neuronnes !

      Attentisme ! quel anathèmes on jette en ton nom ! On peut toujours se rassurer en renvoyant son inquiétude que "ça ne vienne pas" sur les autres, mais cela ne change rien, il faut que le capital entre en crise généralisée et ce n’est pas pour tout de suite

      Je me demande si RS devrait être content de voir ses textes qualifiés de bons, par une personne qui lit ce qu’elle veut au lieu de ce qui est écrit.

      Le débat exige un peu d’attention on ne peut échanger d’idées si elles parviennent totalement retournées à l’auditeur.

      Quant Calvaire j. dit plus directement ce que je pense aussi ;

      Salut à tou-te-s !


      • Les "conditions" ne seront jamais réunies, , 14 décembre 2005

        Décidément, ici la théorie tient du dogme plus que d’autres choses, on se permet de dire que n’importe quoi est qualifié d’attentiste et on se dit attentiste par le fait même : « attentisme ! quel anathèmes on jette en ton nom ! On peut toujours se rassurer en renvoyant son inquiétude que "ça ne vienne pas" sur les autres, mais cela ne change rien, il faut que le capital entre en crise généralisée et ce n’est pas pour tout de suite » En attendant que faisons-nous et la crise elle viendra toute seule par la magie des cycles historiques et des incantations communisatrices ?


        • Les "conditions" ne seront jamais réunies, J., 14 décembre 2005

          Bien, un premier point :

          la magie des cycles historiques.

          Magie noire ou rouge ? Il est certain que l’archimage Kondratieff, de sa tombe, lance encore de terribles malédictions sur le cours erratique du taux de profit.

          En attendant, que faisons-nous, et bien si l’on veut faire quelque chose pour que la crise survienne, dans la mesure où elle n’est pas le lapin dialectique d’un chapeau théorique, on fait ce que l’on a réellement à faire. Par réellement, entendre stricto sensu l’activité nécessaire et adéquate aux situations dans lesquelles on est engagé pratiquement. Il n’y aucun faire général, qui puisse dépasser le cadre strict de chaque situation. Il n’y a que l’inscription de ce faire dans l’activité d’ensemble de la classe.

          La théorie nous permet de penser ce qui relie les activités particulières de chaque segment de la lutte de classe, et bien modestement, en pensant la situation de chaque classe dans le rapport capitaliste, ce double rapport non-symétrique, puisque dominé par un de ses pôles. La théorie dit ce que l’on fait, si elle y arrive, et ce on n’est pas un nous, et dire ce que l’on fait n’est pas dire ce que l’on doit faire. Et parce qu’il ne s’agit pas de magie, on peut être desespéré tout à fait de n’avoir plus la ressource de chercher des recettes, des tactiques, c’est à dire une stratégie. La question de la stratégie est morte avec le programme ouvrier.

          C’est parce qu’il n’y a, simultanément, pas de marche à la révolution déterminée par une montée en puissance/autonomie/séparation de la classe et nécessité de son abolition comme abolition de toutes les classes, de toutes les conditions (pour cette fois réunies par leur dissolution) que l’on peut penser la communisation comme un dépassement. La résolution d’une tension qui est la dynamique de ce cycle de lutte, mais pour autant pas son horizon automatique, parce qu’à réaliser.


          • Les "conditions" ne seront jamais réunies, , 15 décembre 2005

            Je suis généralement d’accord, mais que faire de l’intégration de larges franges du prolétariat classique au capitalisme, du seul souvent horizon syndical et réformiste qui confine qu’à la défense des intérêts capitalistes de la dite classe et à la restructuration du Capital : salaires, avantages sociaux, interventionnisme social de l’État... ? La question de l’unification révolutionnaire du prolétariat me semble ne tenir pour l’instant que dans l’incantation marxisante du prolétariat comme classe révolutionnaire, même pour son abolition.


            • Les "conditions" ne seront jamais réunies, J., 15 décembre 2005

              Depuis combien de temps l’activité des organisations dont on parle ici est-elle la défense des intérêts capitalistes de la dite classe ? Assurément assez longtemps pour que la critique de ces médiations ne puisse plus constituer le fondement d’un propos révolutionnaire. L’Ultra-Gauche, en son temps, et il fut long, n’avait de cesse de reposer la question du rôle de ces organes. Toute la difficulté qui nous échoit est donc de penser cette défense non comme détournement du But dans la montée en puissance, mais bien de la saisir simultanément comme restructuration du Capital.

              Doit-on encore envisager que de larges franges du prolétariat classique ne s’intègrent pas au capitalisme ? Et sur quelle base ? Pourquoi ceux qui composent ces franges refuseraient-ils une intégration ? Y’a-t-il une autre perspective ? En quoi est-ce que ce dégagement serait adéquat à leurs nécessités immédiates ? (Mais peut-être ces franges devraient-elles voir plus loin que leurs intérêts immédiats ?)

              On ne peut poser la question de l’unification révolutionnaire du prolétariat qu’en cherchant un préalable à la révolution dans une théorie du Prolétariat, et donc encore du Prolétariat Triomphant.


              • Les "conditions" ne seront jamais réunies, , 15 décembre 2005

                « Depuis combien de temps l’activité des organisations dont on parle ici est-elle la défense des intérêts capitalistes de la dite classe ? Assurément assez longtemps pour que la critique de ces médiations ne puisse plus constituer le fondement d’un propos révolutionnaire. L’Ultra-Gauche, en son temps, et il fut long, n’avait de cesse de reposer la question du rôle de ces organes. Toute la difficulté qui nous échoit est donc de penser cette défense non comme détournement du But dans la montée en puissance, mais bien de la saisir simultanément comme restructuration du Capital. »

                Je suis pleinement d’accord mais le problème est qu’encore une grande majorité de soi-disant révolutionnaires pensent que le syndicalisme est porteur de luttes potentiellement révolutionnaires (beaucoup d’anarchistes entre autres).

                Qu’est-ce qui pose vraiment concrètement la possiblité d’une unification du prolétariat si de larges franges sont intégrées ?

                « On ne peut poser la question de l’unification révolutionnaire du prolétariat qu’en cherchant un préalable à la révolution dans une théorie du Prolétariat, et donc encore du Prolétariat Triomphant. »

                C’est ici ironique, je pense ?

                Que dire alors du texte de R.S. Unification du prolétariat et communisation ?


                • Les "conditions" ne seront jamais réunies, J., 15 décembre 2005

                  Il n’y là aucune ironie, mais peut-être mésentente. La théorie du Prolétariat est à prendre au sens critique, c’est à dire comme une théorie de l’autonomie et de la montée en puissance.

                  C’est le contenu même du texte qui est cité là

                  Le capital n’unifie plus le prolétariat pour lui-même, au contraire, il l’atomise, le rapport salarié n’est plus le terrain d’un début de processus d’unification du prolétariat, il est le marécage ou viennent s’embourber les moindres tentatives des ouvriers de s’unir sous quelque forme que ce soit (autonome ou politique), le terrain qu’il est contraint de dépasser pour affronter le capital et satisfaire ses besoins dont le premier, qui résume tous les autres, est sa propre disparition.

                  ou encore

                  Il faut le dire carrément : l’ « unité des travailleurs salariés », c’est au mieux un vœu pieux et au pire une utopie capitaliste

                  Nul préalable, donc, et nulles conditions à réunir. En ce sens je ne comprends pas ce que sont ces franges intégrées, et qu’est-ce que leur intégration ?


                  • Les "conditions" ne seront jamais réunies, , 15 décembre 2005

                    « Il faut qu’il pousse jusqu’au bout sa situation dans le mode de production capitaliste (la dissolution des conditions existantes) mais en la détruisant, en s’unifiant par les mesures de communisation contre les rapports sociaux capitalistes, c’est-à-dire en se dissolvant. Si l’on ne précise pas cela, on ne parle que de la dictature du travail salarié, c’est-à-dire du capital. » (Roland Simon, Unification du prolétariat et communisation)

                    Où retrouve cette classe en train de s’unifier pour s’abolir ? Comment penser cette intégration à la restructuration du Capital, les travailleurs/travailleuses ne luttent pratiquement plus en Occident que pour une amélioration de leurs conditions à l’intérieur du capitalisme et ne sont porteurs/porteuses de moins en moins de quelque chose d’autre. Les seuls horizons sont le syndicalisme et le réformisme. Et à moins de penser que tout va se transformer grâce au seul cycle historique et à ses déterminations et bien on voit pas comment cette unification dont parle RS va se réaliser.


                    • Les conditions sont réunies du non-débat, SAV.amateur@patlotch, 16 décembre 2005

                      (désolé, la fonction imprimer avec les forums ne marche plus : on ne peut plus copier -coller pour citer)

                      Soit rassuré : on ne retrouve nulle part "la classe en train de s’abolir pour s’unifier". Comme le dit RS via J., il ne s’unit qu’au moment où il s’abolit, "dissolvant" en lui toutes les classes. Ce n’est pas un "mirage" mais une transmutation, une métamorphose qui n’a d’intérêt, à mon sens, que de continuer la notion de sujet prolétarien après qu’il ait disparu socio-historiquement (décomposition du programmatisme après 68 - en France, Meeting, Revue internationale, ayant sur ces questions un point de vue on ne peut plus franco-euro-centré, par ex. sur l’histoire du capital, la datation des cycles etc.). Un intérêt d’abord pour la beauté de la théorie pure, et de sa projection sur le réel ne souffrant aucune remarque d’aucun intérêt pratique, soit "trop général", soit "inutile", soit "plaisanterie", en résumé : t’es d’accord ou t’es un con, sauf à critiquer sur la même base, dans la même posture, avec le même langage : hérité de la formation dans les écoles d’élites, comme en témoignent les deux supposées positions consensuées dans Meeting ("a théorician is born" : borné ? bords net ? débordé ?) et jamais exprimées clairement (en prolos francs qu’ils se revendiquent, encore un effort vers "l’immédiateté sociale", en quoi les sauve de n’être pas "immédiatistes", mais déterminés dans ce cycle, en foutus hypocrites petits-bourges constipés, par leur être entièrement déterminé par ses contorsions entre théorie et pratique de classe).

                      La classe, donc, n’existe (en gros, ’pour soi’, avec la grave técéiste distinction entre ’théorie’ et ’conscience’, qu’en tant qu’elle s’abolit avec les autres classes dans l’abolition du capital). D’ici là, elle n’existe que dans la mesure où elle est exploitée, à condition de le savoir, et ce que ça signifie. Le capitalisme contemporain se masque en tant qu’exploiteur à la vue des critiques qu’il produit, contre ses dominations, comme "démocratisme radical". Critiques qui ’font fausse voie’ ne le remettant pas en cause dans ses fondements, mais qui n’en peuvent, n’étant d’aucune efficience ’contre’ le capital.

                      La construction de TC a un problème : elle doit faire resurgir dans le moment révolutionnaire le sujet prolétarien, qui s’évanouit dans "la décomposition du programmatisme", en continuité de sa contradiction avec le capital, et elle construit pour ça, la contradiction "stricte" de classe comme moteur de l’histoire, à juste titre dans l’"implication réciproque", la praxis qui ne peut pas être celle d’une seule classe, cherchant son autonomie, "contre" le capital, dont elle est définie comme classe ’subsumée’. Elle raffine l’articulation avec toutes autres contradictions que j’ai évoquées avec les niveaux de généralité chez Marx selon Ollman (sur un air de révolution, 12 décembre) : la théorie de TC/RS "produit" toutes autres contradictions dans le rapport à celle de l’exploitation. Tout ce que construit TC tient dans l’absolu théorique, et comme la posture théorique ne peut être d’être validée en pratique que dans "l’écart" en théorisant un angle mort où l’on ne voit rien par rigueur scientifique, elle entretient un rapport contradictoire jusqu’à la perversion avec la pratique, ce dont témoignent les échanges de Meeting, en y incluant les silences et non-dits, tout le côté coincé de l’expression qui se planque derrière l’élaboration intello très classique chez les petits bourges issus de l’université, le ’coinçage’ lui-même étant théorisé, car ce petit jeu est sans fin (comme quoi le reproche de l’anonyme, concernant le rapport "hystérique" que j’entretiendrais avec la théorie, et la glose "interminable" que cela supposerait, sans parler de mon "entrisme" dans le collectif Meeting -qui n’est pas censé exister-, se retourne contre les causes mêmes de la fermeture au débat, qui est une condition de l’existence virtuelle de Meeting, pour qui comprend de quoi il retourne de fait pour les técéistes comme pour les associés de l’heure, et du leurre).

                      Et c’est ainsi que de deux choses l’une : soit on cause, soit on fait, comme les autres, sa petite censure post-moderne par les non-dits, les silences, et le tranchant jugeant de ce qui est utile en pratique, sous réserve de ne pas s’y impliquer dans la réalité, ou de ne pas en témoigner, puisque que l’on juge de ce qu’"on" fait "dans les luttes en général", et de "ce que font les autres dans les luttes pariculières". Le plus, ici, par rapport aux cerbères alternatifs et négristes du net, c’est qu’on arrive même à théoriser la censure post-moderne, on n’a plus besoin de rien couper, sauf le genre parano-sado-maso à la Calvaire, dans lequel on se mire. Il y a effectivement des circonstances où cela apparaît aussi méprisant que tous ceux auxquels on refuse de se frotter ’directement’, les formes sont exactement les mêmes, mais ici, elles ne seraient pas censées porter le même contenu lié à l’époque, mon oeil et de deux choses l’autre : humain trop humain, ou théoriciens immédiatistes et communisateurs avant les autres ?

                      « Je suis comme je suis

                      Je suis comme je suis

                      Je suis faite comme ça

                      Quand j’ai envie de rire

                      Oui je ris aux éclats

                      J’aime celui qui m’aime

                      Est-ce ma faute à moi

                      Si ce n’est pas le même

                      Que j’aime à chaque fois

                      Je suis comme je suis

                      Je suis faite comme ça

                      Que voulez-vous de plus

                      Que voulez-vous de moi

                      Jacques Prévert

                      MIEUX VAUT LIRE MEETING QUE D’ÊTRE AVEUGLE !


        • Si ça continue, faudra que ça cesse !, Patlotch, 15 décembre 2005

          Que tout le monde pose ses valises. Il est dit que le voyage sera long et que personne ne court le risque de prendre le train en marche. Aucun d’entre ’nous’ n’étant plus avancé que les autres, sauf à s’en faire l’idée qu’il leur propose et dont elles-ou-ils disposent pour agir, le mieux est de considérer oeuf-cuméniquement que la ’Théorie’ a autant besoin de reposer sur les faits, les luttes, les expériences appelées ici à s’exprimer, que ces expériences de comprendre ce qu’elles font, au fond, face au capital. C’est complètement stérile de part et d’autre, de jouer la rhétorique machiste du gagnant pour virer l’autre (même avec Calvaire, Meeting aurait pu gérer autrement, c’est pas la peine d’en rajouter, virer Calvaire ne fut qu’entériner nos propres faiblesses. Donnons acte, et basta, ras-le-bol des combats de coqs, car si ça continue sur ce registre, je me tirerai, avec un bras d’honneur à tous, avec RV chez moi, sans échanges possibles, que les miens intérieurs, en faisant savoir ce que je pense de vos pratiques A TOUS, relativement aux personnalités coincées que fabriquent les rapports capitalistes : autre chose qu’à mon endroit les références petites bourgeoises, retours du refoulé de fiers marginaux, communisateurs existenciels instrumentalisant Meeting, aux socio-psychologues : comme s’il existait une psycho-sociologie à même de rendre compte de ce que nous faisons : HALTE AU RIDICULTE DES THÉORICIENS VERBEUX QUI ÉCRIVENT DANS MEETING COMME ILS PRODUISAIENT DES DISSERT’ EN CAGNE JE NE SUIS PAS POUR LA PAIX THÉORIQUE NI POUR LA GUERRE RHÉTORIQUE, QUI NE SONT QUE MAMELLES POLITICIENNES !!!!!!!!!! )

          Nous nous aimons, n’est-ce-pas, prolétaires que nous sommes chacun pour tous aspirant au communautarisme généralisé ?

          Soyons bordilaguement à l’image de ce que nous projetons, témoins dans l’écart sans éclat, femmes (die), hommes (der), ou genres (das ?) nouvelles et nouveaux annonçant le printemps que nos augures mesurent, telle la mathématique fut et reste à jamais mariée à l’axiomatique, en sa boucle bouclée : ouvrez-là !

          Baiser-e-s dou-ss-e-(s)-x,

          Un objet de nature trop humainement payé de sa personne

          (le débat n’est pas l’art de prendre l’autre pour un con)


      • Les "conditions" ne seront jamais réunies, , 15 décembre 2005

        ’’ni personne n’ a parlé d’un prolétariat uni’’

        Et que dire alors du texte du grand maître en lumières communisatrices : Unification du prolétariat et communisation


    • Contribution à ce que nous faisons déjà, Patlotch, 14 décembre 2005

      Il n’y a pas grand monde aujourd’hui dans ce que vous qualifiez de l’aire de l’autonomie qui pense que le squat, le vol, la récup... c’est la révolution immédiate. Ils/elles la pensent souvent plutôt comme un point d’appui et de départ et non comme un point d’arrivée.

      "Point d’appui" ou "point d’arrivée", ça ne change peu de chose au problème. Même si ce n’est pas le cas explicitement, dans cette intervention, je pense qu’il y a une incompréhension de la double notion de limites et de dynamique, du moins si l’on retient la théorie de l’écart. Il y a une confusion entre l’idée que certaines luttes permettent de trouver un fondement à ce concept, et le fait qu’elles porteraient en germe la communisation, que ceux qui en sont à l’initiative dans leur situation face au capital seraient comme un sujet embryonnaire de la révolution (de ce point de vue le terme "annonce" utilisé par R.S. est dangereux parce qu’ambiguë). Qui dit que le fait de se heurter aux limites débouchera sur une capacité de les affronter, c’est-à-dire "le jour venu", de prendre des mesures directement communistes, d’abolir..., de communiser ? Et même si c’est le cas, comment imaginer que ces situations types soient suffisantes. Moi, je vois bien une "condition", et c’est sans doute dans la crise qu’elle est seulement possible, c’est que ces situations se multiplient voire se généralisent, où le prolétariat pour vivre n’a plus le choix que de s’affronter aux limites (les "revendications" cèdent la place à l’action révolutionnaire proprement dite, par nécessité vitale). Autrement dit, il n’y aura plus alors ni lieu ni milieu ni aire privilégiés. Sinon on ne peut envisager sérieusement la généralisation des foyers révolutionnaires, mais seulement le genre dictature du prolétariat ou autre sorcellerie d’avant-garde.

      De ce point de vue l’intervention d’Amer S. est très fine mais je ne peux pas partager sa conclusion

      Et pour finir, je pense également que l’existence théorique de l’autonomie n’est pas essentiellement différente de notre existence théorique comme "élément réel des luttes". Toutefois, l’identité ne peut être possible parce l’appel de l’autonomie est justement cette existence théorique autonome par rapport aux luttes quotidiennes et c’est là que le rapprochement se termine. Le nœud de la différence est donc dans cette question de l’autonomie.

      Pour moi, cela laisserait entendre qu’il faudrait accepter l’idée d’un cheminement chronologique entre les positions alternatives, citoyennistes passant par l’autonomie avant d’être communisatrices, l’idée qu’il faudrait passer par "l’erreur" de l’autonomie pour accéder à celle de communisation dans le sens partagé de Meeting. Rien n’est si évident, la lutte contre l’autonomie est actuelle parce que c’est la forme historique prégnante dans la décomposition du programme, rien ne dit qu’elle se généralisera "dans ce cycle". Est-ce que les formes d’auto-organisation dans le basculement vers les mesures communisatrices auront comme contenu l’autonomie ? Rien ne permet de l’affirmer, ou alors ce serait inutile d’écrire ou de penser que "la révolution commence par l’auto-organisation, la suite se fait contre elle", sauf à être persuadé que jamais la théorie ne pourrait s’emparer des masses, et qu’on l’écrit et pense pour passer le temps... à ne rien faire.

      « Sans doute l’arme de la critique ne peut-elle remplacer la critique des armes, et la force matérielle doit-elle être renversée par une force matérielle ; toutefois la théorie devient, elle aussi, force matérielle, dès qu’elle s’empare des masses. La théorie est capable d’émouvoir les masses, dès qu’elle démontre ad hominem, et elle démontre ad hominem dès qu’elle devient radicale. »

      MARX, Critique de la philosophie de droit de Hegel

      Il serait important que l’on saisisse la notion de situations aux limites dans leurs diversités, et non uniquement dans des pratiques qui semblent les mettre en avant plus que d’autres. A se focaliser sur ceux qui adoptent les postures ou modes de vie que l’on met au coeur du débat sur l’autonomie et l’auto-organisation, il me semble précisément que l’on rate une marche dans la compréhension des développements de R.S. Dire "point d’appui", n’est-ce pas mettre le ver dans le fruit, préjuger des formes dans lesquelles les choses peuvent advenir ? Il me semble qu’il est trop tôt pour trancher ce genre de questions.

      Un exemple : la notion de division du travail, proprement capitaliste, entremêlée à celle de hiérarchie dans l’organisation du travail et les pratiques managériales (et le néo-taylorisme qui envahit le tertiaire). Confrontons-la au concept d’immédiateté sociale dans le communisme. Dans la communisation, passer de l’une à l’autre, cela suppose d’accepter le principe (nietzschéen) de ne vouloir ni commander ni obéir, donner des ordres qu’en recevoir. Cherchez donc dans le monde du travail une situation où l’on n’arrive pas très vite à une limite, contraint qu’on est à l’un, l’autre ou les deux. Pour moi c’est une limite capitaliste. Pourquoi ont-ils inventé en droit la notion de "harcèlement professionnel". Certes pour casser la possibilité de réactions collectives, isoler, diviser pour régner etc. Mais nous autres, qui voulons abolir le salariat, nous savons bien que le rapport salarial est par définition un harcèlement professionnel généralisé. Il faut "aimer son travail", le trouver "intéressant", faire contre mauvaise fortune bon coeur, ou avoir peur des conséquences, pour ne pas entrer en révolte. Ce n’est pas les syndicats qui vont démêler ce noeud, ils ne seront jamais dans le bon camp pour le faire, par définition ils ne peuvent que prôner le meilleur harcèlement dans le meilleur des capitalismes possibles. Aujourd’hui, quand ça arrive, nous sommes tous, potentiellement, des "racailles", guère plus armés que "jeunes prols racisés’ comme les appellent BL.

      C’est ce qui permet de commencer à vivre le monde différemment (alternativ(ism)e peut-être) mais qui ne sera que dépasser par une révolution qui passera par de multiples insurrections. Cela consiste à alimenter les brèches en espérant que celles-ci prennent en feu et se répandent en milliers de foyers d’incendies sans certitudes sur le résultat.

      Cela confirme ce que je dis plus haut. Autant rêver d’abolir le travail avant même de faire la révolution. Ne voir là de ma part aucune condamnation de ces modes de vie plus ou moins choisis. Ce n’est définitivement pas le problème. Denis a fait la clarté là-dessus, en distinguant les modes de vie et les comportements dans les luttes.

      corpus théorique cristallisé / conditions objectives idéales / attentiste / la revue = rien à faire... contredit par les très bons textes de R.S / mirage d’un prolétariat uni / incantations à la communisation. Nouvelle religion ? Contrairement à Calvaire... qui soulevait ces contradictions mais qu’on a préféré censurer parce qu’il gênait

      Tout y est, comme d’autres l’ont dit... et l’on ne comprend pas comment s’articule "R.S très bon" avec "Calvaire soulevait ces contradictions". De chacun selon... là où le premier a la capacité de les faire comprendre, le second se donnait les moyens de les rendre confuses.

      Patlotch, 14 décembre


      • Contribution à ce que nous faisons déjà, , 16 décembre 2005

        Si on suit les positions de R.S. certes celles de Calvaire sont confuses car elle sont opposées sur bien des points. Mais la théorie ne consiste pas à suivre.


        • Contribution à ce que nous faisons déjà, Patlotch, 16 décembre 2005

          La théorie ne consiste pas à suivre

          Certes, et il se peut que je donne l’impression de le faire. Il y a une difficulté. La seule théorie cohérente est celle de TC, dans le sens où elle présente une vision de la totalité qui se tient, du moins abstraitement. C’est son aspect systèmatique que pointe C.Charrier. Plus elle s’affine et moins il est possible d’en extraire un ’noyau dur’ constitué d’un ensemble de points acquis sur lesquels il n’y aurait pas à revenir. Le dernier concept élaboré, celui de l’écart, se présente comme aboutissement de ceux qui précédaient et nouveau point de départ (ici concret), les justifiant en boucle, chaque partie tenant le tout (dialectique ou hologramme) : c’était déjà le cas des concepts précédents, ils n’ont jamais été un catalogue d’offre sur le marché théorique (programmatisme, cycle de luttes, implication réciproque... et communisation comme aboutissement = la révolution est "produite" logiquement, théoriquement). Si je mets en question tel ou tel aspect, je perçois bien que dans la logique du corpus de TC, cela peut aboutir à remettre en cause le tout. Chaque élément fait la poule et l’oeuf. Il n’y a rien à redire ; c’est le contraire qui serait insatisfaisant. La seule issue, c’est effectivement le rapport aux luttes concrètes, l’attention au nouveau et la capacité de laisser vivre les concepts sans les "cristalliser".

          Par un autre bout, une autre cohérence se cherche, avec la démarche de Meeting, et elle est définit par l’Invite (cf l’extrait de Quatrième de couverture). Chaque point, même s’ils ne supposent pas de "suivre" le tout pour être justifié théoriquement, renvoie, si l’on est honnête intellectuellement, à la construction de TC. Toutes critiques, celles qu’on voit s’exprimer ici -les miennes en particulier- sont au mieux partielles, et en définitive, présupposent l’acceptation implicite du tout pour critiquer la partie. Jusqu’à être mouche du coche...

          La "théorie de l’écart" pourrait être le point commun de la veille communisatrice, sous réserve de mettre son mouchoir sur ce qui la constitue pour TC, et d’accepter par conséquent que le débat déborde y compris le texte de l’Invite, qui n’est qu’un compromis bricolé, sauf pour TC. De ce point de vue, ce n’est pas une mauvaise idée de centrer le débat sur la question de l’auto-organisation en rapport avec la communisation.

          Cela suppose effectivement d’éviter les étiquetages comme "alternativistes", "immédiatistes", etc. de ceux qui émettent des réserves, dans certaines limites. Attitudes au demeurant tristement ’militantes’, quoi qu’on en dise. Sans quoi le débat n’a aucun intérêt, ni théorique ni pratique, ce qui interroge en permanence le statut même de Meeting.

          La confusion de Calvaire (me) gênait beaucoup plus que ses positions en elles-mêmes, comme la faiblesse durable du site qui le plaçait comme un contributeur essentiel de la revue : un vrai malentendu, qu’il n’a pas aidé à résoudre, qu’il a poussé à trancher. Inutile d’en rajouter.

          Aborder les problèmes évoqués par le cas Calvaire, dans sa singularité, est complètement contre-productif.

          Patlotch, 16 décembre


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