jeudi, 19 janvier 2006
Collectif Meeting
Pour la réunion de mars - R.S.
Cette contribution à la discussion préparatoire à la réunion de mars comprend deux parties. Dans une première partie, je m’intéresse à la distinction que propose Denis entre "auto-organisation du sujet" et "auto-organisation de la lutte" ; dans une seconde partie je critique la notion d’ "aire de la communisation". Les deux parties ne sont pas sans lien : la recherche dans les luttes de pratiques posant des questions qui sont de même nature que celles qui mèneront à la production du communisme au moment de la révolution.
"Auto-organisation du sujet" / "auto-organisation de la lutte"
Je ne cherche pas, dans ces quelques pages, à dire qu’actuellement il n’y a pas (plus) de luttes auto-organisées, c’est même la période de "l’amère victoire de l’auto-organisation". C’est pour cela qu’il ne faut rien lâcher sur la critique de l’auto-organisation. Je ne dis pas que l’on ne doit pas s’auto-organiser, autant vouloir que la terre soit immobile et que le prolétariat ne soit pas une classe du mode de production capitaliste ; ce que je critique c’est de concevoir entre les luttes actuelles et la révolution un processus évolutif continu dont l’auto-organisation serait le vecteur ou la substance (le fil), ce que l’on fait chaque fois que l’on abandonne la critique de l’auto-organisation quelle que soit l’appellation qu’on lui donne et que l’on cherche à lui conférer une valeur universelle ce qu’elle ne peut manquer d’acquérir en tant que qu’ "auto-organisation de la lutte".
Dans auto-organisation, il y a toujours "auto". Qu’il s’agisse de l’ "auto-organisation d’un sujet" ou de l’ "auto-organisation des luttes", au-delà du simple fait qu’il y a toujours quelqu’un (un sujet ?) qui lutte, trois objections demeurent.
Une occultation de la rupture nécessaire
C’est la rupture qu’il faut mettre en avant. Conserver l’auto-organisation sous quelque forme que ce soit, ne peut que conduire à continuer à penser la révolution comme continuité par rapport aux luttes revendicatives. Même si la continuité ne se veut que formelle, il faut la critiquer, en outre il n’existe pas de forme qui ne soit un contenu. Même si l’on parle d’auto-organisation de la lutte, cela comporte un prolongement nécessaire : l’auto-organisation du sujet qui lutte. Le saut qualitatif c’est la remise en cause du sujet qui est celui de l’auto-organisation, c’est-à-dire la transformation des prolétaires en individus immédiatement sociaux. Cette transformation s’amorce dans la lutte revendicative et va au-delà d’elle, allant au-delà d’elle, elle est amenée à aller au-delà de ce que ne peut que formaliser l’auto-organisation et l’autonomie : être une classe de cette société qui est l’ultime limite de l’abolition de cette société. Le prolétariat se fait lui-même, à partir de ce qu’il est, classe révolutionnaire dans un processus d’auto-transformation. Il s’organise mais ne s’auto-organise pas car le moteur de cette auto-transformation c’est avant tout la production de ce qu’il est comme une contrainte extérieure : sa raison d’être à l’extérieur de lui-même. En cela l’auto-organisation de la lutte ne se différencie pas, dans la critique que l’on peut en faire, de l’auto-organisation du sujet. Avec les premières mesures communisatrices la lutte change de terrain, elle crée son propre terrain en entrant en contradiction avec tout ce qui est reproductible et à reproduire, tout ce qui est "auto...", hormis se changer soi-même.
On peut toujours soutenir que l’auto-organisation est le flux même de ce changement dans la lutte des classes, mais on aura mis dans la forme ce qui appartient à l’activité et ce faisant on n’aura pas considéré la forme dans son contenu. On aura d’abord fait disparaître la rupture et ensuite on aura dissocié ce qui dans l’activité révolutionnaire est homogène : la coïncidence du changement des circonstances et de l’activité. La forme, l’absence de délégation dans la conduite de la lutte et la fixation de ses objectifs, ne se définit comme auto-organisation que pour autant que le prolétariat peut historiquement se présenter comme un être là, en tant que tel et en lui-même contradictoire au capital. Chaque fois que le prolétariat agit ainsi, il s’auto-organise, mais par là il entérine, confirme sa propre situation comme indépassable. Quand, dans le cours de la lutte il est contraint de remettre en cause ce qu’il est lui-même, il n’y a pas d’auto-organisation parce que le cours de la lutte ne confirme aucun sujet préexistant tel qu’il serait en lui-même en dehors de la lutte. La lutte peut alors être indépendante de tout parti, syndicat, institution, elle n’en est pas pour autant auto-organisée car elle ne trouve pas son principe en elle-même comme mise en forme de ce qu’est le prolétariat en lui-même. On ne peut alors parler d’auto-organisation de la lutte, si on parle d’auto-organisation de la lutte c’est que l’on parle de l’auto-organisation du sujet.
Tout cela ne va pas (et n’ira pas) sans organisation, les prolétaires assument diverses nécessités s’imposant dans les développements de la lutte. Cette organisation n’est jamais la formalisation de ce que l’on est dans la société actuelle comme base ou point d’ancrage de la société nouvelle à construire en tant que libération de ce que l’on est, c’est-à-dire qu’elle n’est pas auto-organisation, elle ne formalise l’existence d’aucun sujet préalable, même si elle ne peut que partir de la situation du prolétariat dans sa contradiction avec le capital, c’est-à-dire de sa situation dans le mode de production capitaliste. Mais cette organisation ne trouve pas non plus en elle-même, face au capital, ses lois de constitution, elle est un rapport au capital dans lequel le prolétariat abolit ce qui le définit dans ce rapport. Non seulement la situation de prolétaires n’est plus quelque chose à organiser, à défendre et libérer, mais quelque chose à abolir, mais encore la lutte elle-même n’a pas sa raison d’être en elle-même. La lutte est organisée, elle n’est pas auto-organisée.
Continuer à parler d’auto-organisation comme un flux, un processus, de rupture c’est entretenir la confusion et diluer le contenu même de la rupture.
La question de la relation entre luttes revendicatives et révolution est alors occultée soit au profit d’une dynamique de la forme, soit au profit de l’acceptation d’une forme qui recouvre des contenus divers et surtout dont l’un de ses contenus (la révolution) serait le dépassement d’un autre (les luttes actuelles). Sous aucune forme il ne peut maintenant exister de transcroissance des luttes revendicatives en mouvement révolutionnaire. Parler d’auto-organisation de la lutte en la différenciant d’une auto-organisation du sujet n’est-ce pas, d’une certaine manière, sous couvert d’une transformation de l’auto-organisation, conserver un continuum entre les luttes actuelles et la révolution ? Quand l’on commence à envisager concrètement ce que signifient des mesures communistes, il est évident que défendre une quelconque forme d’auto-organisation ou d’autonomie c’est s’enfermer dans les catégories du mode de production capitaliste. On peut parler "d’auto-organisation de la lutte", cela n’empêche que dans ces luttes les prolétaires ne trouvent que toutes les divisions du salariat et de l’échange et aucune forme organisationnelle ne peut surmonter cette division, seul le peut le changement de contenu de cette lutte, mais alors c’est la rupture consistant à reconnaître dans le capital sa propre nécessité en tant que classe (à l’extérieur de soi), le contraire même de tous les "auto...".
Parler de rupture ne signifie pas qu’il existe quelque chose comme une « dynamique objective des luttes » que pourrait exprimer une forme organisationnelle quelconque. Le prolétariat n’est pas un acteur pris dans une « dynamique » comme une courroie de transmission de cette « dynamique », c’est lui-même qui engage un processus de rupture, de négation, de dépassement de son ancienne façon de lutter, de son ancienne situation.
Il est devenu impossible d’attendre de l’auto-organisation autre chose ou d’en espérer une dynamique interne qui serait son dépassement, sa transformation en une autre forme, à partir d’elle-même et non contre elle. "Contre elle" n’appelle pas à de nouvelles formes organisationnelles (le passage d’une "auto-organisation du sujet" à une "auto-organisation de la lutte" ?) mais à des pratiques dans lesquelles le prolétariat se remet en cause comme classe dans une forme organisationnelle qui dans aucun cas, en aucune façon, ne peut être à elle même sa référence. Au cours de la lutte, le sujet qui était celui de l’autonomie se transforme et abandonne ses vieux habits pour ne plus se reconnaître comme existant que dans l’existence du capital, c’est le contraire exact de l’autonomie et de l’auto-organisation. Ce changement est une rupture. Ce n’est pas une question de définition de l’auto-organisation ou de l’autonomie, c’est d’un processus social dont il s’agit, un processus de rupture dans la lutte de classe, l’auto-transformation d’un sujet qui abolit ce qui le définit. Il ne faut pas passer à côté de ce moment essentiel : le prolétariat comme sujet de la révolution s’abolit comme sujet de son auto-organisation quelle qu’elle soit. S’il y a auto-organisation des luttes alors elle se perd dans les conflits que la diversité des situations impliquent, s’il y a lutte (au singulier) alors il y a unification ce qui signifie le dépassement de toutes les situations antérieures.
Tant qu’aucun affrontement de classes n’entamera de façon positive, en tant qu’action de classe contre le capital, une communisation des rapports entre les individus, l’auto-organisation demeurera la seule forme disponible de l’action en tant que classe. Parler d’une "auto-organisation des luttes" qui ne serait plus "auto-organisation du sujet", c’est encore la recherche de la "vraie auto-organisation », c’est une démarche qui en fait indique le contraire de ce qu’elle cherche : en prenant pour cible l’auto-organisation réellement existante, elle indique que l’auto-organisation est à dépasser. Un tel changement (s’il existe) ne pourrait être qu’une tension à l’intérieur de l’auto-organisation.
Ce que l’on est a sa raison d’être dans le capital.
L’auto-organisation et pire l’autonomie (mais l’une va rarement sans l’autre) supposent que les luttes trouvent en elles-mêmes leurs lois, leurs raisons d’être (en cela "l’auto-organisation du sujet" et "l’auto-organisation des luttes" sont identiques). Trouver en soi ses lois cela peut être (paradoxalement) une réalité tant que les luttes demeurent un moment de l’autoprésupposition du capital ou tant que la révolution peut être libération. En revanche, la rupture, le saut qualitatif, c’est produire ce que l’on est dans le capital, c’est l’appartenance de classe comme une contrainte extérieure, c’est la conscience de soi comme conscience de l’autre (ce qui ne signifie pas que le prolétariat soit une pure négativité). C’est l’exact inverse de l’auto-organisation et de l’autonomie quelle que soit le sens que l’on cherche à donner aux mots. C’est la négation par le prolétariat de son existence comme classe à l’intérieur de son action en tant que classe. Ce n’est pas l’auto-organisation, même des luttes, qui est l’existence possible d’un courant communisateur mais l’écart à l’intérieur du fait d’agir en tant que classe que l’auto-organisation (quelle qu’elle soit) formalise et entérine : un écart par rapport au contenu même de l’auto-organisation. Agir en tant que classe c’est actuellement d’une part n’avoir pour horizon que le capital et les catégories de sa reproduction, d’autre part, c’est, pour la même raison, être en contradiction avec sa propre reproduction de classe, la remettre en cause. L’auto-organisation est et sera de plus en plus traitée comme perpétuation de la société capitaliste, comme principal obstacle à l’approfondissement et à l’extension même de ses luttes par le prolétariat.
La communisation c’est l’abolition par le prolétariat de tout ce qui le définit en tant que classe y compris et en premier lieu son autonomie. Aucun mouvement révolutionnaire ne pourra être qualifié d’autonome ou d’auto-organisé car il ne pourra être que l’abolition de tout ce qui peut être autonome ou auto-organisable (une situation particulière, dans les rapports capitalistes). Si le prolétariat s’abolit, il ne s’auto-organise pas. L’activité est toujours organisée, pas toujours auto-organisée (reproduction / libération d’un sujet préalable). S’il faut une appellation, on peut, pourquoi pas, parler de "communauté d’action". Se reconnaître comme classe ne sera pas un "retour sur soi" mais une totale extraversion comme reconnaissance de soi-même en tant que catégorie du mode de production capitaliste. Ce que l’on est comme classe n’est immédiatement que notre rapport au capital. Cette "reconnaissance" sera en fait une connaissance pratique, dans le conflit, non de soi pour soi, mais du capital.
L’auto-organisation d’une lutte exprime et revendique le caractère autosuffisant du mouvement ce qui n’est pas immédiatement le mouvement dans sa particularité est considéré comme autre : jonction, soutien, solidarité. "Nous devons rester maîtres de notre lutte", telle est la proclamation de base de l’auto-organisation. Elle s’adresse évidemment à toutes les manipulations. Cela signifie que l’on considère le reste de la société comme un environnement hostile ou favorable. Une lutte auto-organisée, c’est une lutte qui cherche à se déterminer d’abord en elle-même puis face à un environnement social.
Si l’auto-organisation désigne le refus de la manipulation et la volonté de rester directement maître de sa lutte et de ses revendications c’est simultanément l’affirmation que la lutte trouve son fondement en elle-même, elle considère l’extérieur comme simplement extérieur. L’auto-organisation est une pratique qui pose la définition sociale d’un groupe comme inhérente à ce groupe, quasiment naturelle, et les rapports définis au cours de la lutte comme rapports avec d’autres groupes pareillement définis. Là où il y a organisme elle ne voit qu’addition, là où il y a activité et rapport elle ne voit qu’objet et nature. Que les acteurs d’une lutte ne remettent à personne d’autre le soin de déterminer la conduite de leur lutte ce n’est pas nécessairement de "l’auto-organisation", dépasser l’auto-organisation c’est considérer que le groupe en lutte ou la fraction de la classe, ou la classe dans son ensemble, n’ont pas leur définition en eux-mêmes, de façon inhérente. Ce que fait l’auto-organisation de la lutte, en cela elle est tout autant critiquable que l’auto-organisation du sujet, et les deux critiques ne peuvent que se confondre.
L’auto-organisation suppose que la définition de la clase ouvrière lui est inhérente, passer du sujet à l’activité ne change rien à cela. Il ne s’agit pas de se battre sur le sens des mots, ce que l’on met en général dans une auto-organisation qui serait plus ou moins révolutionnaire ou en prise avec la révolution est totalement différent de toute auto-organisation réellement existante, il y a rupture c’est cette rupture qui doit nous intéresser. Si on estompe cette rupture c’est que l’on conserve, sous différentes formes, l’ancien schéma de l’autonomie. Mais on ne sort pas d’une incohérence : d’une part affirmer, ce qui est maintenant incontournable, que la révolution est abolition des classes ; d’autre part, fonctionner sur un schéma qui valorise l’auto-organisation comme processus révolutionnaire ou même seulement, comme le fait Denis à la fin de ses Réflexions autour de l’Appel, comme "posant des questions qui ont trait à la communisation" (Meeting 2, p. 40). L’auto-organisation poserait ces questions dans la mesure où elle est le "refus des médiations", mais outre que l’on a ici ce qui a toujours été l’antienne de l’Ultra-gauche, ce qui annonce la rupture ce n’est pas le refus des médiations mais la remise en cause de ce qui fait qu’il y a médiation : être une classe. Ce ne sont pas des individus indéfinis qui "apprennent" en dehors de toute médiation à se "gouverner eux-mêmes". C’est contre ce qu’ils auront "appris" à gouverner eux-mêmes, leur propre position de classe de cette société, que les prolétaires auront à faire la révolution.
L’universalisation du concept et le flou de la périodisation des cycles de luttes
La question de l’auto-organisation c’est aussi la question de la périodisation du mode de production capitaliste et des cycles de luttes. L’auto-organisation ne désigne pas n’importe quelle activité où des individus, fussent-ils des prolétaires, se concertent directement pour savoir ce qu’ils vont faire ensemble, elle est une forme historique déterminée. Il semblerait qu’il n’y a pas d’histoire derrière le terme d’auto-organisation ou que cette histoire n’est qu’un contenu passager et ne touchant pas une forme neutre, n’ayant aucune incidence sur elle. La forme d’un côté, le contenu de l’autre. Cette séparation montre bien qu’en réalité l’important c’est la forme, un fétichisme de la forme, c’est-à-dire que la forme devient son propre contenu. L’auto-organisation et l’autonomie en tant que perspective révolutionnaire appartiennent à une époque où le prolétariat a la capacité de trouver, dans son rapport au capital, la base pour se constituer en classe autonome. C’est ce qui a disparu.
A partir du milieu des années 1980, l’auto-organisation devient la forme dominante de toutes les luttes, elle n’est même plus rupture d’avec toutes les médiations par lesquelles la classe serait une classe du mode de production (rupture libérant sa nature révolutionnaire), elle n’est plus qu’une forme radicale accompagnant le syndicalisme. S’il y a actuellement des luttes qui rompent avec toutes ces médiations, il faut se demander si on peut pour autant les qualifier d’auto-organisées. Ont-elles quelque chose à auto-organiser ? Je ne le pense pas, et ce serait rester à l’apparence des choses que de croire que ce quelque chose serait la lutte elle-même. Elles ne peuvent maintenant rompre avec ces médiations qu’en ayant en leur sein la remise en cause de l’appartenance de classe elle-même, c’est-à-dire en remettant en cause ce par quoi il y a des médiations.
"L’aire de la communisation"
Parler d’un passage de "l’auto-organisation du sujet" à "l’auto-organisation de la lutte" postule une auto-organisation qui se détruirait elle-même, une sorte d’auto-dépassement dans lequel elle irait au-delà d’elle-même, qui serait en fait non plus auto-organisation mais pourquoi pas communauté révolutionnaire. Une action et une communauté de lutte de prolétaires contre le capital, un processus de dégagement de celui-ci, les prolétaires se constituant en communauté d’individus révolutionnaires qui communisent leurs rapports. Une sorte de phase inférieure de l’immédiateté sociale des individus. On ne ferait qu’isoler les aspects les plus radicaux des luttes actuelles en leur cherchant une dynamique propre et surtout on enrichirait l’ "aire de la communisation" d’un élément qui tempérerait son aspect bien alternativiste. Ce sauvetage de l’auto-organisation est explicite quand Denis écrit : "Vouloir mener une lutte tout en s’affranchissant de toutes les médiations mises en place par le capital (les syndicats, la politique, les médias, le droit, etc.) est un exemple évident d’une manière de poser des questions qui ont trait à la communisation." (p. 40). C’est surtout un exemple évident de ce qu’à toujours été, depuis la révolution allemande et la gauche germano-hollandaise, l’auto-organisation dans sa perspective révolutionnaire de libération de la classe comme affirmation de son être véritable qui, dégagé des médiations capitalistes, ne pouvait être que révolutionnaire. Tout cela est devenu maintenant purement formel. Ce qui est maintenant important et ce qu’il est essentiel de repérer et de promouvoir, c’est ce qui à l’intérieur de ces luttes auto-organisées va contre (remet en cause) l’existence du prolétariat comme classe du mode de production capitaliste, c’est-à-dire non pas les médiations mais ce qui fait que ces médiations existent : être une classe, c’est-à-dire ne se définir que dans un rapport d’implication réciproque. Je frise peut-être ici le procès d’intention, il me semble cependant que c’est ce qui est implicitement contenu dans cette citation de la page quarante.
Dans le texte "Réflexions autour de l’Appel" (Meeting 2, pages 33 à 40), Denis cherche une troisième voie entre l’alternativisme de l’Appel et la "position rigoureusement anti-alternativiste (qui) se trouve par exemple chez Théorie Communiste". Cette troisième voie se reconnaîtrait dans "chaque tentative pratique (c’est moi qui souligne) de poser la question communiste" ; ce qui est exprimé également sous la forme : "il est possible de poser pratiquement (c’est moi qui souligne) des problématiques qui ont à voir avec le communisme...". Quelques lignes plus loin, la formulation devient : "le mouvement communisateur se caractérise par le fait qu’il se pose déjà dans les luttes des questions qui sont de même nature (c’est moi qui souligne) que celles qui mèneront à la production du communisme au moment de la révolution : mais que les réponses qu’il y donne, bricolées avec ce que le capital rend possible actuellement, ne sont pas elles-mêmes communistes". Remarquons qu’au long de ce même paragraphe (p. 37), on est passé des "tentatives pratiques de poser la question du communisme" à "poser pratiquement des problématiques" et enfin à "des questions qui sont de même nature". Je ne pense pas que ces trois formulations soient équivalentes et l’euphémisation progressive de la position au cours du paragraphe traduit un certain embarras. Il aurait été intéressant d’avoir quelques exemples permettant de mieux cerner pratiquement ce que Denis entend par ces "tentatives", ces "problématiques" ou ce quelque chose de "même nature". Nous nous intéresserons donc aux présupposés requis par l’existence de telles choses et aux conclusions que cette existence implique pour déterminer leur existence.
L’embarras ( la fréquence dans le texte des "je dis ceci, mais cela ne veut pas dire") dans lequel se trouvent ces "Réflexions..." provient de ce que Denis doit éviter le Charybde de TC et le Scylla de l’Appel en jouant l’un contre l’autre. Après avoir évité le "rigoureux anti-alternativisme" il faut éviter "l’alternativisme confrontatif". Ces "tentatives pratiques" ou cette possibilité de "poser pratiquement des problématiques qui ont à voir avec le communisme" ne doivent pas oublier, c’est la suite du raisonnement, qu’il est « impossible de vivre actuellement quelque chose qui "tende vers" le communisme ou en soi la préfiguration ». Il faut donc arriver à différencier les "tentatives pratiques", les "problématiques qui ont à voir avec le communisme" ou les "questions de même nature" et les "préfigurations" ou les "tensions vers". La tâche est difficile, mais Denis parvient à le faire. Il serait possible de "poser la question communiste", mais toutes les réponses qui y sont données "ne sont pas elles-mêmes communistes" (p.37). Pourquoi ne sont elles pas "communistes", parce qu’elles sont "bricolées avec ce que le capital rend possible actuellement". Si elles sont "bricolées" c’est que « effectivement, certains de ceux qui se retrouvent actuellement dans des milieux où à mon sens, on tente de poser la question de la communisation ont pu vivre une forme de "sécession" : mais une telle rupture s’inscrit dans la logique d’une époque où la communisation est une question marginale » (p. 39). Donc, tant que la question de la communisation demeure marginale, toutes les réponses sont "des réponses de notre époque : c’est-à-dire destinées à se périmer dès que la situation sera suffisamment modifiée pour qu’une question jusque là minoritaire soit désormais dans toutes les bouches".
Mais alors, poursuit Denis, par rapport à ce moment là, ce ne sont pas seulement les réponses actuelles qui sont "inadéquates" mais encore la question elle-même qui est "mal posée" car de façon subjective : "Toute pratique actuelle qui se voudrait communisatrice devrait donc garder à l’esprit qu’elle répond de manière inadéquate à une question mal posée" (p. 40). Cette formule radicale doit être lue attentivement, elle n’est pas la critique définitive de toute pratique actuelle qui se voudrait communisatrice, elle n’est que l’énonciation de ses critères de validité. Pour en revenir aux premières formulations, il est "possible de se poser pratiquement des problématiques qui ont à voir avec le communisme" ou des "questions qui sont de même nature" ou même des "tentatives pratiques de poser la question communiste", tout cela est possible et d’après Denis existe, mais il faut le faire en sachant que ce sont "des réponses inadéquates à des questions mal posées". De cette façon Denis évite le "rigoureux anti-alternativisme" et "l’alternativisme confrontatif". Mais il n’a trouvé de passage entre Charybde et Scylla qu’en succombant aux chants des sirènes alternatives. Denis ne critique pas l’alternativisme de l’Appel mais l’immédiatisme de cet alternativisme. Il abstrait quelque chose qui serait le questionnement conservant sa "valeur" quelles que soient les réponses apportées et même quelle que soit la façon dont il est formulé. Une telle abstraction ne pourrait se fonder que dans ce que Joachim Fleur dans "Prolétaires encore un effort..." (Meeting 2) appelle "cette tendance anthropologique au dépassement des conditions existantes" (p. 32).
S’il est "possible de se poser pratiquement des problématiques qui ont à voir avec le communisme"c’est qu’il y a "forcément un rapport entre ce que sont les prolétaires actuellement et ce qui les rendra capables de produire le communisme un jour...". La chose est précisée un peu plus loin dans le commentaire d’une proposition de l’Appel, la proposition VI : "d’une manière générale, nous ne voyons pas comment autre chose qu’une force, qu’une réalité apte à survivre à la dislocation totale du capitalisme pourrait l’attaquer véritablement c’est-à-dire jusqu’à cette dislocation justement" ; pour Denis c’est une telle position qui fait que "tout en posant une critique de l’alternative (l’Appel) penche malgré tout irrésistiblement vers celle-ci". A mon sens, il n’y a pas de critique de l’alternative dans tout l’Appel et cette proposition VI non seulement est alternativiste mais en plus platement programmatique, cette réalité qui croît dans le mode de production capitaliste et qui est "apte à survivre" cela aurait pu être la Social-démocratie allemande ou la glorieuse classe ouvrière de la Troisième internationale. Le plus important est la suite du commentaire : "toute la difficulté de la théorie révolutionnaire se tient cachée derrière cette phrase (la proposition VI de l’Appel, nda) : il s’agit de comprendre le renversement du capitalisme comme un processus qui ne soit pas lui-même capitaliste, puisqu’au bout du compte il a la capacité de détruire le capitalisme, et qui pourtant prend naissance dans le rapport social capitaliste. C’est en ce sens que l’Appel est représentatif du débat qui traverse l’aire qui pose la question de la communisation" (p. 37).
Toute la difficulté de la théorie révolutionnaire ne se tient pas cachée derrière cette phrase. Cette phrase a même pour vertu de faire disparaître toute difficulté. Si on considère qu’il peut y avoir quelque chose "apte à survivre" ou "un processus qui ne soit pas lui-même capitaliste" et que tout cela existe comme un "rapport entre ce que sont les prolétaires actuellement et ce qui les rendra capables de produire le communisme un jour", alors il n’y a plus de problème, plus de difficulté. Nous avons, dans le capitalisme, une positivité du communisme qui le mine et qui parviendra bien à le surpasser. On ne voit pas comment une action de classe, en demeurant action de classe (nous sommes selon les critères mêmes de Denis avant la généralisation de la question du communisme et l’effondrement du rapport social capitaliste), pourrait contenir et encore moins être "un processus qui ne soit pas lui-même capitaliste". Denis ne nous dit rien sur la nature de ce "rapport" ou de ce "processus", mais nous savons qu’il existe. Il existe si bien que les "réponses inadéquates" et "la question mal posée" sont tout de même "tout à fait adéquates pour donner aux luttes actuelles un sens qu’elles ne possèdent pas sans elles (c’est moi qui souligne) et qui peut se révéler ensuite déterminant pour la possibilité de produire le communisme" (p. 40). L’Appel, comme le dit Denis, est représentatif du débat qui traverse l’aire de la communisation, mais seulement au sens où il est alternatif, où il exprime une autonomisation de la dynamique de ce cycle de luttes et seulement en ce que l’aire de la communisation est elle-même une idée (ou une réalité imaginaire pour ceux qui pensent y appartenir) qui exprime en elle-même cette autonomisation. Le courant communisateur n’est plus saisi comme un précipité interne (largement ou exclusivement -j’hésite - théorique en tant qu’objet ayant une continuité) de la lutte de classe la plus générale de la période, mais, devenant "aire de la communisation", comme une existence particulière ayant ses pratiques propres à côté des formes générales des luttes actuelles auxquelles, en tant qu’aire de la communisation, elle donne un sens.
La troisième voie que Denis tente de définir repose une possibilité d’existence actuelle pratique et positive (je qualifie cette existence de positives dans la mesure où ces pratiques auraient le privilège tout en étant des pratique de classe de ne pas être le simple produit du fait que l’action en tant que classe est la limite de ce cycle, de ne pas être un simple écart à l’intérieur de cette limite), de tentatives de poser la question communiste ou des problématiques qui ont à voir avec le communisme juxtaposées au cours général des luttes actuelles. Toute la difficulté à laquelle il est confrontée est de conserver les termes dans leur juxtaposition : l’aire de la communisation qui pose la question communiste ne doit pas s’émanciper sous peine de tomber dans les "réponses inadéquates à la question mal posée" et le cours général des luttes doit, quant à lui, trouver "son sens" dans les questions que pose cette aire. La principale objection que l’on peut faire à cette théorie est de considérer la façon dont actuellement peut se présenter la question communiste comme des activités propres à une aire particulière qui serait "l’aire de la communisation" dont les questions viendraient "donner aux luttes actuelles un sens qu’elles ne possèdent pas sans elles" et non comme rien d’autre qu’un écart à l’intérieur de l’action en tant que classe c’est-à-dire de ce qui est la limite même de ce cycle de luttes. Denis dit bien que cette "aire" ne peut "exister à part ou se perpétuer en dehors de la lutte de classe en général" (p. 33), mais elle fait de la production du communisme un processus existant pour lui-même et ayant ses acteurs propres au sein de la lutte de classe en général. D’où la nécessité pour Denis de constamment conjurer l’alternativisme. D’où également la seconde objection qui est de vouloir sauver l’alternativisme, celui-ci peut comme le souligne Denis mal poser la question et répondre de manière inadéquate, mais cela "en même temps n’enlève rien à sa valeur" (p. 40).
Il me semble que Denis comprend le cours actuel de la lutte de classe comme la juxtaposition de deux sortes (je ne trouve pas de mot plus précis) de luttes : celles posant la question du communisme et les autres. Je pense que cette dualité est le résultat d’une illusion d’optique, à mon avis il n’existe qu’un seul mouvement qui nous autorise à parler de la révolution comme communisation : le cours de la lutte des classes comportant ce que j’ai appelé « l’écart ». "L’aire de la communisation", comme une sorte de moyen terme entre le "courant communisateur" et le "mouvement communisateur" à mon avis n’existe pas, pas plus que le "mouvement communisateur". Pour le courant communisateur sa définition se ramène à ce que l’on peut dire de la théorie et à tout ce que l’on a pu essayer de dire à propos du "qu’est-ce que nous faisons ?". Dans cette typologie (je fais référence ici à la série de définitions - très utiles - fournie en note à la page 33), il faudrait ajouter un quatrième terme : le reste de la lutte de classe, il faut reconnaître que ce quatrième terme pour l’instant serait massif et que de sa conversion en mouvement communisateur dépendrait la révolution tout comme de cette conversion dépendrait que l’ "aire de la communisation" formule adéquatement les questions et les réponses qu’elle formulait mal mais qu’elle formulait cependant.
En tant que pratiques, "l’aire de la communisation" ne constitue pas une autre tendance ayant sa définition propre par rapport au cours actuel de la contradiction entre le prolétariat et le capital. Toutes ses activités sont parties intégrantes de la situation actuelle, non comme les acteurs de ce courant se l’imaginent, en tant que questionnement sur le communisme ou pire (et, comme Denis le reconnaît, ce pire n’est jamais très loin) « expérimentation », mais en tant que pratiques dans lesquelles la dynamique de ce cycle s’autonomise et en tant qu’appartenant avec sa spécificité (spécificité qui ne réclame pas plus une dénomination propre que n’importe quelle autre) à ces pratiques qui actuellement définissent un écart à l’intérieur de la limite des luttes : agir en tant que classe. Je ne nie pas l’existence de ces pratiques, ce avec quoi je ne suis pas d’accord c’est sur leur constitution en objet singulier, particularisé, identifié de façon propre. "L’aire de la communisation" peut dire ce qu’elle veut sur le communisme et le désirer autant qu’elle en est capable, elle n’est qu’un élément, parmi d’autres, spécifique mais ni plus ni moins remarquable, du cours quotidien de la lutte des classes. Je persiste à penser que ce que l’on appelle "aire de la communisation" n’est que l’autonomisation de la dynamique de ce cycle et tous les "apports" qui peuvent être les siens n’existent que marqués de cette autonomisation et n’ont de valeur qu’une fois décryptés. Denis pourrait être d’accord avec la nécessité de les décrypter, mais là où nous divergeons c’est que pour moi le décryptage commence dans le fait même de poser ces "questions" et non dans le fait qu’elles soit "mal posées" ou que les réponses soient "inadéquates" et "bricolées".
Si on peut, en apparence, y voir des "tentatives pratiques de poser la question du communisme" ou "des problématiques qui ont à voir avec...", ce n’est simplement que parce que sortant la dynamique de ce cycle de son cours dans la lutte des classes en tant que cours du mode de production capitaliste (l’autonomisation de la dynamique), leur question n’est que le reflet de la réponse qu’ils ont déjà donnée, elle n’est que la question qu’ils doivent se poser pour comprendre, vis-à-vis d’eux-mêmes, leur propre existence. Il ne faut pas croire "l’aire de la communisation" sur paroles, ses interrogations sur la révolution et le communisme, la forme même qu’elle leur donne et le contenu même de ses réponses sont "bricolées avec ce que le capital rend actuellement possible". Mais ce ne sont pas que les réponses ce sont aussi les questions qui sont bricolées de même. Denis veut tout de même conserver la pertinence des questions, leur "valeur", elles ne souffriraient finalement que d’un certain immédiatisme. Mais on ne voit pas quelle "valeur" peuvent avoir des "réponses bricolées" à des questions "mal posées". Dans l’ "aire de la communisation" la "tentative pratique de poser la question communiste" ne pose que la question à laquelle sa pratique "immédiatiste" répond.
Si l’on prend "l’aire de la communisation" au pied de la lettre, on sépare la réalité actuelle avec d’un côté des gens qui « posent la question du communisme », et, de l’autre, les autres. "L’aire de la communisation" contient des éléments que nous ne pouvons ignorer, mais elle n’est qu’une somme d’activités et de pensées à l’intérieur du présent et ne l’excède d’aucune façon par les questions qu’elle poserait. Elle n’est qu’un élément des conditions présentes ce qui revient finalement à lui conférer une importance plus grande que celle qui serait la sienne si l’on se contentait de le prendre au pied de la lettre. Elle est une de ces activités qui permettent de définir un écart à l’intérieur du fait d’agir en tant que classe. Sa spécificité est d’avoir autonomisé le moment de la remise en cause, par là n’étant pas simplement embarqué dans le cours de la lutte des classes comme reproduction du mode de production, elle est amenée à réfléchir sur elle-même, à devenir théorique, à penser son rapport à la reproduction capitaliste sur la base d’un face à face avec elle, d’où son auto-compréhension comme "posant des questions qui sont de même nature que celles qui mèneront à la production du communisme" et inévitablement comme "expérimentation".
Parler d’ "aire de la communisation" c’est chercher à relier "d’où on part" à "où on arrive", au travers d’une tendance actuelle qui serait positivement déjà l’existence d’un "entre-deux". Bien sûr c’est la fameuse question "des luttes actuelles à la révolution", mais le "rapport" entre les deux n’est pas quelque chose définissable et existant pour lui-même à l’intérieur du cours de la lutte des classes. S’il y a dans les luttes actuelles des éléments qui nous permettent d’ores et déjà de parler de courant communisateur et du communisme, ce ne sont que des écarts à l’intérieur de la limite de la lutte des classes, à l’intérieur du fait d’agir en tant que classe, les pratiques que Denis cherche à rassembler sous la dénomination particulière d’ "aire de la communisation" en font partie, ni plus ni moins que les autres, elles n’ont pas la fonction particulière que Denis leur accorde : "donner le sens". Elles ne constituent pas une "aire de la communisation".
Les thèmes et les pratiques de la dite "aire de la communisation" sont un retravail de ce que ce cycle peut nous dire sur la révolution et le communisme, un retravail effectué par ceux qui se comprennent comme ses acteurs, au travers des prismes et des miroirs déformants de leur isolement et de leur existence même entérinant l’autonomisation de la dynamique de ce cycle de luttes (la contradiction du prolétariat avec le capital comporte sa propre remise en cause comme classe dans son action de classe). L’ "aire de la communisation" fait de la " remise en cause" un moment particulier pouvant exister et être poursuivi pour lui-même. Pour Denis, les thèmes et les pratique de cette "aire" sont "bons" mais limités par leur immédiatisme, "l’aire de la communisation" devrait seulement avoir la patience de concorder avec son temps. Cette "aire" serait seulement indifférentes aux conditions présentes qui "ne permettent pas de réaliser la moindre initiative communiste à l’intérieur du capitalisme". Mais le problème n’est pas de ne pas pouvoir réaliser des "initiatives communistes", mais précisément de croire en avoir. La notion d’"aire de la communisation" repose implicitement sur l’existence d’une "tendance" plus ou moins (plutôt plus que moins) en avance sur son temps. Ce que dit Denis à cette "aire" c’est qu’elle doit savoir attendre. Si encore une fois nous nous référons à ce qui tend à devenir le paradigme argentin, il me semble que désigner quoi que ce soit comme "aire de la communisation" tomberait complètement à plat. Les questions qui "ont à voir avec la communisation" ne donnent pas un "sens" à la forme générale des luttes, je serais tenté de dire que c’est l’inverse. Une notion comme celle d’ "aire de la communisation" ne peut qu’être l’idéologie auto-justificative d’une marginalité vécue comme une "sécession" et pour tout dire une avant-garde malheureuse. Dans le cas argentin tout ce qui pourrait être compris comme une positivité existant pour elle-même des "questions qui ont à voir" s’effondre et l’on s’aperçoit que les questions "qui ont à voir" loin d’être le fait d’une "aire" particulière sont la résultante même de la lutte. Il ne s’agit pas de voir cela comme une "aire de la communisation" qui dans la généralisation de la lutte se dissoudrait, avant cette généralisation, nous avons de la théorie et en aucun cas une pratique.
Bien sûr, tout ce qui est regroupé sous le vocable d’ "aire de la communisation" fait partie intégrante de la lutte de classe (Denis à raison de le rappeler dans l’avant-dernier paragraphe de son texte), l’erreur, à mon avis, est de les faire jouir d’un statut particulier. Les thèmes et les pratiques ainsi regroupés n’ont aucune raison d’être propre et surtout pas celle d’exprimer le rapport de la lutte de classe avec le communisme, rapport acquérant en eux une existence propre et positive (malgré toutes les limites que leur reconnaît Denis). "Il faut bien qu’il y ait un rapport entre le prolétariat actuel et le communisme", oui, bien sûr, mais ce rapport c’est la nécessité à s’abolir qu’il trouve dans sa contradiction avec le capital. Ce rapport n’est pas dans le prolétariat en lui-même (il n’est pas une "nature révolutionnaire") ou dans un certain type de pratiques repérables et existant pour elles -mêmes. Les liens entre les conditions présentes et le communisme ne sont que des initiatives qui créent un écart à l’intérieur de l’action en tant que classe et ces initiatives sont tout ce que nous savons pour explorer des perspectives communisatrices. Nous retrouvons dans ce débat sur l’aire de la communisation le clivage récurrent depuis l’effondrement théorique du programmatisme entre opposition et contradiction ou, sous une autre forme le clivage entre la compréhension de la lutte des classes comme un affrontement communisme / capitalisme ou prolétariat / capital. Le communisme n’est jamais dans la lutte de classe une question pratique formulée pour elle-même, ceux qui pensent le faire ne formulent que l’idéologie de leur propension à l’alternative ; le dépassement communiste de la lutte de classe n’est annoncé que comme une contradiction interne du fait d’agir en tant que classe, jamais comme des problématiques, des questions, des pratiques se constituant pour elles-mêmes et en elles-mêmes et se situant dans la lutte des classes (de classe ?) comme ayant pour objet propre la communisation. Contrairement à Amer Simpson d ans son dernier texte (Contribution à ce que nous faisons déjà, 12 décembre 2005 ), je dirai que le courant communisateur est confondu avec l’écart.
Je n’identifie pas ce que dit Denis dans ses "Réflexions..." et ce qu’écrit Simpson dans son dernier texte, si je vais en parler ici, c’est que Simpson, bien que présentant d’une autre façon l’existence de cette "aire qui pose la question de la communisation" en arrive également à lui donner une existence distincte de l’écart, bien qu’interne à lui. C’est-à-dire que l’on se trouve également dans une problématique où "poser la question de la communisation" est non seulement le fait d’une fraction identifiable et spécifique dans la lutte de classe mais en outre une activité propre en relation avec les luttes immédiates. Il existerait dans la société capitaliste une activité qui en elle-même consisterait à "poser la question du communisme". En cela, Denis et Simpson ont quelque chose en commun, ils supposent que la "remise en cause" se pose pour elle-même, cette "remise en cause" se posant pour elle-même, ce serait alors "l’aire de la communisation". Si je joints à cette critique des "Réflexions..." des remarques sur le dernier texte de Simpson, c’est pour tenter de mieux faire comprendre ce avec quoi je ne suis pas d’accord.
Chez Simpson, la chose résulte d’un glissement quasi infinitésimal, mais aux lourdes conséquences, dans sa définition de l’écart. Je ne prétends personnellement à aucune propriété sur le concept, mais s’il y a des définitions différentes il faut qu’elles soient clairement identifiées, d’autant plus que Simpson m’attribue cette définition dans laquelle il a introduit un glissement des termes : "...l’écart (...), pour reprendre les termes de Roland Simon, est le produit interne de la limite de ce cycle de luttes : agir en tant que classe, n’avoir pour horizon que le capital et les catégories de sa reproduction et d’autre part (c’est moi qui souligne), d’être en contradiction avec sa propre reproduction de classe, la remettre en cause". Dans le texte où je répondais à Simpson j’avais écrit : "Agir en tant que classe c’est actuellement d’une part n’avoir pour horizon que le capital et les catégories de sa reproduction, d’autre part, c’est, pour la même raison, être en contradiction avec sa propre reproduction de classe, la remettre en cause. Il s’agit des deux faces de la même action en tant que classe". Que se passe-t-il dans la reprise de Simpson ? "Agir en tant que classe" n’est pas la dualité mais devient un des termes de la dualité, en conséquence on peut rendre autonome une aire de la communisation "qui pose la question de la communisation" dans la mesure où la "remise en cause" devient un terme opposé à "agir en tant que classe". Il me semble que c’est quelque chose de cet ordre qui se trouve toujours derrière la positivisation comme activité spécifique, pouvant se reconnaître dans son existence pour elle-même, de "poser les questions du communisme". Aucune pratique ne pose la question du communisme, la lutte de classe se débat dans une contradiction interne à sa limite intrinsèque, c’est seulement théoriquement que de cela nous posons, nous abstrayons la question du communisme. Que l’abstraction soit légitime ne la fait pas pour autant se confondre avec la pratique.
A partir du moment où ce glissement (faire passer ce qui est duel en simple pôle de la dualité) est effectué se pose la question du "rapport", de la "relation" entre "l’immédiateté des luttes" et la "perspective révolutionnaire" (Simpson). Question qui n’a de sens que dans ce glissement. Il faut trouver quelque chose qui pose la question, quelque chose qui soit dans l’écart sans y être, quelque chose qui soit seulement "en rapport" avec lui. Quelque chose qui soit dans l’écart mais ne se confonde pas avec lui, quelque chose qui ne soit pas purement et simplement la contradiction de la limite (agir en tant que classe), quelque chose qui existe pour soi en rapport à "l’immédiateté des luttes" : "l’aire de la communisation".
Je ne reviens pas en arrière par rapport sur ce que je disais dans ma précédente réponse à Simpson : "il ne s’agit pas de défendre un credo, mais nous pouvons nous faire entendre et infléchir. L’écart n’existe pas comme une force sous-jacente qui pourrait ou non venir à la lumière, il n’existe que dans des expressions et des pratiques sinon il n’existe pas, ce n’est pas une potentialité. Tout ne peut pas arriver, mais ce qui arrive doit être fait. L’inflexion c’est une action, une attitude, une prise de position dans les affrontements inhérents à toute lutte, c’est reprendre au vol ce qui, parfois très brièvement, est dans l’humeur du moment, le formaliser, insister...Si ce que nous disons du cycle de luttes actuel est valable alors l’inflexion par des positions communisatrices (telles que définies plus haut) existe." L’ "inflexion" n’est pas "en rapport", elle n’est qu’une des activités qui définissent cet écart dans le fait d’agir en tant que classe. A mon avis, il n’existe pas de corpus que l’on pourrait appeler "les questions de la communisation" ou "qui ont à voir avec elle", même si l’on dit que ce corpus est imbriqué dans les luttes, le problème c’est de sous-entendre dans l’écart un corpus et de l’individualiser sous le titre d’ "aire de la communisation". A partir de là se pose inexorablement le problème de la liaison de cette "aire" ou de ce corpus avec les "luttes immédiates". Simpson parle de "rapport", Denis de "pratiques" qui "donnent un sens". Il arrive que la remise en cause soit spécifiquement annoncée, mais non qu’elle existe pour elle-même en tant qu’objet propre.
Peut-on inclure dans "l’aire de la communisation" le militant piqueteros qui met en avant la subjectivité, la critique du travail et sape l’auto-organisation, le kabyle qui considère les aarchs comme quelque chose qui lui est étranger et par là même qui se transforme lui-même en se considérant comme étranger à ce qu’il est dans cette société, le « sauvageon » de l’entreprise, l’activiste du mouvement d’action directe (à la rigueur), l’ouvrier « suicidaire », le chauffeur de car de Milan ou le métallurgiste de Melfi qui lutte contre le capital sans considérer que ce qu’il est dans la société est la base d’un faire valoir social... Le faire, ce serait la détruire ; ne pas le faire c’est dire qu’elle n’existe pas.
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De la théorie formaliste ou d’un consensus entre sourds ?, Bof !, 19 janvier 2006Quoi qu’il en soit, il en ressort un problème qui transparaît dans ce débat Denis-Roland RS. Le contenu de ce problème correspond à la forme qu’il prend dans Meeting, en ce que Meeting s’est construit sur la base, grosso-modo, de la rencontre entre ceux qui pensent comme Denis et ceux qui pensent comme Roland.
Ce problème vient du fait que Denis critique Théorie communiste sur la base de l’acceptation de l’essentiel de Théorie communiste, et, dans la mesure de son système, c’est une mission impossible, parce que Denis ne parvient pas au stade où, même partant d’intuitions qu’il formule dans le langage de la théorie, il ne les formule théoriquement que dans la forme, c’est-à-dire sans les relier aux contradictions du Capital. Dans la mesure où l’on ne sait pas, à travers ses interventions, qui ont un caractère et un objectif ’politiques’, ce qu’il retient ou non de la cohérence "systémique" de TC, il la perd sans en refonder une autre, il prête le flan aux réponses de Roland, qui a la partie (relativement) facile pour lui répondre car il n’est "attaqué" que sur son terrain.
Voilà pourquoi ça peut durer et tourner en rond autant que l’écart, et sans produire rien de plus théoriquement, ni pratiquement. L’abstraction théorique ne trouvera pas de concrétisation pratique dans la voie (la brèche ?) que tente d’ouvrir Denis, et de ce point de vue, Roland a raison : sa démonstration est implacable et sans faille, formellement, à l’intérieur du système TC dont Denis est lui même l’otage.
Autre chose sont les questions de Christian Charrier, car il en pose qui portent sur les fondements de TC, et par conséquent de Meeting ou de l’échange avec Denis, il tend à quitter le terrain commun, et pas seulement de façon méta-théorique.
Entre autres questions, où sont aujourd’hui les contradictions du capital (et de l’Etat) et comment s’articulent-elles avec celle de l’exploitation, posée comme essentielle par TC ? Une fois clarifiées ces articulations théoriquement, au fond, alors oui, les positions de Denis prendraient une autre allure parce qu’elles prendraient de l’épaisseur en contenu, et l’on serait amené à leur faire écho sur un autre terrain que le monopole de la pensée-TC. On sortirait par la même de la rhétorique, ou de ce que certains nomment un peu vainement théoricisme (dès lors qu’ils ne discernent pas le point de rupture entre théorie et théoricisme), et qui tend effectivement à le devenir, prisonnier de soi-même.
Denis posent de bonnes questions à Roland qui fait de bonnes réponses. On peut remplacer "bonnes" par "mauvaises" ; ça ne changera strictement rien au cours quotidien de la lutte des idées sur Meeting.
La boucle consensuelle de Meeting est ainsi bouclée, c’est un ruban de Moebius qui se referme tantôt sur une face tantôt en face, entre genèse et dépassement (théorique) impossible à produire.
Amical’, à tous !
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de la critique de l’auto-organisation aux modalités concrètes d’organisation auto-communisatrices, Patlotch, 28 janvier 2006Je crois qu’une grosse difficulté, dans ce débat, est le lien entre le conceptuel et le concret, entre maintenant et le moment de la communisation. Dit comme ça, ça a l’air d’une évidence.
La critique de l’auto-organisation
Sur le plan conceptuel, théorique, j’ai beau avoir tendance à "aller contre", à chercher la faille, l’erreur, je ne la trouve pas dans le développement de RS et dans ses points forts. A ce niveau théorique, je partage ses critiques à "l’aire de la communisation", parce qu’une façon ou d’une autre, le ver de "l’immédiatisme" en pratique est dans le fruit de la communisation comme immédiateté révolutionnaire, rupture. Pour moi, il n’existe pas d’actions révolutionnaires possibles aujourd’hui, et les luttes dans lesquelles sont mises en évidence les limites de la reproduction du capital ne le sont pas davantage que les autres. Je fais une distinction car comme le dit RS, c’est pratiquement l’ensemble des luttes revendicatives qui tendent à l’auto-organisation depuis quelques temps déjà. Cette pratique, y compris la revendication d’autonomie, est largement présente dans ce qui relève du "démocratisme radical", elle en est même une contradiction interne compte tenu de son caractère politique : contradiction dans le sens où la sphère politicienne organisée (partis, réseaux et militants) tente de donner un prolongement institutionnel (un projet, un programme, un gouvernement, une rupture avec l’ultralibéralisme...) au "mouvement social". Ce n’est pas un hasard si c’est idéologie peut rassembler d’ex-bolchéviques et des anarchistes, si la LCR ratisse large au nom de la "social-démocratie libertaire". Peut-être que ça n’a rien à voir formellement avec l’auto-organisation dans la lutte au niveau d’une entreprise ou d’un territoire (l’Argentine), mais dans le contenu, il s’agit bien de la même "utopie", de la même illusion, pour ne pas dire de la même idéologie, quant à la possibilité de pousser cette logique au bout, même si ce bout n’est pas le même pour les démocrates radicaux (leur bout est sans bout, que la démocratie jusqu’au bout) et pour les rupturistes (leur bout est un changement qualitatif par extension quantitative). Affirmer le contraire, ce serait laisser entendre que des luttes peuvent aujourd’hui avoir un caractère révolutionnaire, être "communisatrices". Et le penser, c’est détruire le concept de communisation comme immédiateté de la révolution. Je ne pense pas qu’il puisse y avoir, ni conceptuellement, ni pratiquement, de moyen terme.
Alors pourquoi ne suis-je pas técéiste ?
S’il n’y a pas de problème dans le cheminement conceptuel général de la production de la révolution chez TC, il y en a plusieurs pour moi, je l’ai abordé ailleurs, dans l’analyse des contradictions du capitalisme contemporain et leur articulation à la contradiction essentielle de l’exploitation, les différentes formes de dominations qu’il génère aux différents niveaux de généralités dans l’espace temps. Dans le passage de la reformulation de toutes ces contradictions par le capitalisme en subordination réelle au communisme en tant qu’il en termine avec "la préhistoire humaine", par la médiation des luttes au présent (de la communisation)pour l’abolition du capitalisme. Dans la définition de l’écart qui en découle et dans le champ d’observation que l’on se donne en tant que veille théorique communisatrice.
"ce que nous faisons"
Je tends à penser que "ce que nous faisons" ne peut être que ce que nous faisons ici ou dans les luttes, dans le double mouvement d’attention à ce qui s’y produit et de diffusion des analyses qui en découlent. Il est indéniable que cela produit des effets, si ce n’est sur ce qu’on fait, du moins sur ce qu’on ne fait plus, ou qu’on n’a plus envie de faire. Après tout, il y a encore des militants complètement englués dans le "programmatisme" qui n’en sont pas pour autant moins avides de révolutions que des anti-citoyennistes labellisés. C’est dans les luttes qu’on peut considérer et critiquer ce que font les uns ou les autres. On peut les pousser jusqu’au bout (les luttes), mais il ne faut pas confondre le fait d’être acculé à des luttes quasi-suicidaires pour sauver sa survie d’exploité, et s’y intégrer en prétendant en tirer autre chose qu’une éventuelle satisfaction partielle de ses revendications. Si : de la théorie, de la compréhension interne, pratique, expérimentale, des limites sur lesquelles on bute, celles du capital, et de la nécessité qu’il y aura à les dépasser, non parce qu’on en a conscience, mais parce qu’un jour on n’aura plus le choix, la revendication perdra son caractère revendicatif dans le temps même ou le capital ne pourra plus se reproduire. D’une certaine façon on peut dire que l’initiative aura alors changé de camp dans la lutte de classes, et que cette fois c’est le capital qui sera sur la défensive (de là à dire qu’il aura des revendications...). Tout cela, évidemment, à un niveau suffisamment ample et puissant pour que ça sorte du caractère local, national, pour se poser mondialement.
De la critique de l’auto-organisation aux modalités concrètes auto-communisatrices
La difficulté que j’évoquais au début de cette intervention porte sur le fait d’enfermer dans auto-organisation à la fois les formes et le contenu, aussi bien maintenant que dans la communisation. Ou plutôt de ne pas distinguer entre d’une part, le concept d’auto-organisation et sa critique, et d’autre part les modalités de l’organisation qu’il faudra bien se donner dans la communisation, et ceci aux différents niveaux micro et macro, local et mondial, avec les articulations adéquates à l’ampleur de la tâche, les coordinations, mises en phases et en résonnance, et même les structures pour le faire, y compris des considérations stratégiques et tactiques, en discernant quelles mesures prendre en priorité etc (pas de pratique révolutionnaire sans théorie révolutionnaire) : en face ils sauront encore s’organiser. Toute la question (si j’ai bien compris) du débat sur l’auto-organisation, est que celle-ci ne devra jamais être un but en soi, et pas plus dans ces formes de coordination que j’évoque, mais toujours un moyen de poursuivre la communisation, la destruction des fondements du capital, l’absorbtion dans le prolétariat des autres "classes" sociales produisant leur dissolution, et l’invention d’autres rapports ni sociaux, ni asociaux.
Une fois cette mise au point acquise, je ne vois pas ce qui s’oppose à considérer que des formes d’organisation, de coordinations, dès aujourd’hui, constituent un excellent exercice pratique pour acquérir une expérience qui sera précieuse les jours venus. De toute façon, on n’a pas le choix, ces formes sont là, elles appartiennent à ce cycle, et si la rupture doit être produite, elle n’inventera pas ses formes de combat de rien.
Une dernière remarque. Dans mon imagination délirante, et c’est une raison supplémentaire de ne pas partager l’idée d’une "aire de la communisation", je vois plutôt un surgissement, une émergence comme on dit maintenant, à partir de tous les lieux où les limites s’exprimeront, et dans une crise globale, elles s’exprimeront partout. D’où l’intérêt d’élargir le champ d’observation actuel. Les luttes révolutionnaires seront alors produites depuis les situations singulières mêmes et dans les caractéristiques spécifiques des limites de la reproduction, qui pour être celle, globale, du capital, n’en prend pas moins des formes et diversifiées selon les secteurs d’activités et les zones géographiques, d’où il découlera des enjeux et des tâches communisateurs différents, à coordonner. Mais cette coordination ne sera pas la propagation de directives communisatrices à partir d’un cerveau central irrigué par la théorie communisatrice. On peut penser qu’il serait bon que d’ici là, elle se soit emparée des masses, non pour mettre en pratique cette théorie, mais pour connaître les enjeux de ses actes et rendre possible la cohérence du tout communisateur, sa puissance à abolir le capital global, à partir de ses parties auto-communisatrices.
(On excusera la forme définitivement athéoricienne et naïve de mes interventions, qui ne font pas échos à la rigueur et à la richesse des textes en présence. J’espère seulement que je ne suis pas complètement à côté de la plaque).
Amical’
Patlotch, 27 janvier
Comments
Marseille en mars - Denis
mardi, 7 mars 2006
(Contribution au débat des 11 et 12 mars à Marseille)
En guise d’introduction...
Dans un court message (quelques paragraphes) posté sur le forum (1) , je faisais remarquer à Roland que, dans son texte l’auto-organisation..., sa définition de « l’auto-organisation » (la « forme » dont le « contenu » est l’affirmation de « l’être révolutionnaire du prolétariat ») ne correspondait pas à l’emploi courant qu’il se fait, actuellement, de ce terme. Quand de nos jours on parle d’auto-organisation, c’est de l’auto-organisation des luttes qu’il s’agit, et non de la quelque peu oubliée auto-organisation du prolétariat.
A ce message, Roland a répondu par un nouveau texte (Pour la réunion de mars) où il place la barre très haut : il ne s’agit pas seulement pour lui de dire qu’auto-organisation de la classe ou auto-organisation des luttes sont une seule et même chose, mais encore d’affirmer que « chaque fois que l’on abandonne la critique de l’auto-organisation » cela revient à concevoir « entre les luttes actuelles et la révolution un processus évolutif continu dont l’auto-organisation serait le vecteur ou la substance (le fil) » (Brochure p22). De même, parler « d’auto-organisation des luttes » revient à chercher à donner à l’auto-organisation une « valeur universelle ».
Il faut être très attentif à ce qui est dit ici. Il y a deux choses : un, ne pas critiquer l’auto-organisation (et j’ajouterai, ne pas la critiquer dans les termes de Roland), c’est nécessairement faire l’apologie de l’auto-organisation. Deux : ne pas donner de l’auto-organisation la définition que Roland lui attribue (c’est à dire par exemple parler d’auto-organisation des luttes et non d’auto-organisation de la classe), c’est nécessairement chercher à donner à l’auto-organisation une valeur qu’elle n’a pas.
Il ne faut donc pas se tromper sur ce que nous dit Roland. Il ne s’agit pas de critiquer l’hypostase d’un élément (l’auto-organisation) qui serait abstrait des luttes actuelles pour en faire le « fil conducteur » qui mènerait ces luttes vers la révolution : car ceci, ce serait la critique d’une certaine idéologie de l’auto-organisation seulement, et pas de l’auto-organisation en elle-même. Justement pour Roland l’auto-organisation et « l’idéologie de l’auto-organisation » ne font qu’un, s’auto-organiser pour Roland c’est toujours s’organiser dans un sens qui va affirmer l’être révolutionnaire de la classe, quelles que soient les intentions et les pensées de ceux qui s’auto-organisent. Mais conservons encore un peu cette distinction entre une pratique et les idéologies consistant à abstraire cette pratique de la lutte pour en faire le fil conducteur vers la révolution. Si je tiens à maintenir la distinction, c’est pour pouvoir faire remarquer que l’idéologisation par hypostase d’un élément des luttes comme porteur d’un devenir révolutionnaire peut très bien se faire à partir d’un autre élément que l’auto-organisation. Chez les anarchistes fédéralistes, par exemple, c’était justement le syndicat, à la fois élément de la lutte et modèle de la société future, qui tenait ce rôle. Chez d’autres, les tenants de l’Appel par exemple, ce serait le partage qui serait l’élément communiste déjà là qu’il suffit de cultiver dans son jardin pour le voir ensuite triompher sur le monde du capital.
Pour résumer : le propos de Roland n’est pas de nous alerter sur le processus toujours possible (pour l’auto-organisation comme pour le reste) d’idéologisation par hypostase d’un élément de la lutte. Nous ne sommes pas là dans la seule critique de l’idéologie, mais dans la critique de la pratique elle-même comme porteuse nécessaire de son idéologisation (à la différence d’autres éléments des luttes qui ne paraissent pas posséder aux yeux de Roland le même pourvoir. Par exemple, Roland ne nous propose pas une critique du partage, malgré l’usage qui est fait par les rédacteurs de l’Appel du partage).
Critique de la pratique de l’auto-organisation dont on pourrait d’ailleurs se demander comment elle va s’exercer : s’agirait-il d’aller voir les acteurs des luttes auto-organisées pour leur expliquer qu’ils font fausse route ? Bien sur que non, et ce n’est évidemment pas ce que Roland propose de faire. Ce qu’il fait en revanche, dans Pour la réunion de Mars, c’est de concentrer l’essentiel de ses arguments non pas sur l’auto-organisation elle-même, mais sur les positions réelles ou supposées de ceux qui ne pas la critiquent pas.
Il apparaît donc que la critique que nous propose Roland est moins la critique de l’auto-organisation en tant que telle que la critique de l’absence de critique de l’auto-organisation. Si c’est cette « critique de la non-critique » qui prend le pas sur la critique tout court dans le discours de Roland, c’est tout d’abord parce que la seule critique réelle d’une pratique comme l’auto-organisation ne pourrait être qu’une autre pratique tout aussi réelle. C’est en s’organisant différemment qu’on peut faire la critique concrète de l’auto-organisation, pas autrement, et de cela Roland a parfaitement conscience lorsqu’il écrit :« je ne dis pas que l’on ne doit pas s’auto-organiser, autant demander à la terre d’arrêter de tourner ». C’est parce qu’il n’y a pas d’autres modes d’organisation à promouvoir ou à défendre qui pourrait donner un contenu concret à la critique de l’auto-organisation que le propos de Roland va prendre la forme de « la critique de la non-critique ».
Je résumerai ainsi en quelques mots ce que nous dit Roland : on ne peut pas éviter l’auto-organisation et sa remise en cause est présente dans les luttes elles-mêmes comme conséquence de cette présence inévitable. En revanche, en tant que théoriciens, on ne doit pas se dispenser de la critiquer, donc ce qu’il faut critiquer d’abord, c’est l’absence de sa critique.
Les nécessités de la théorie nécessaire
Beaucoup des raisonnements développés par Roland sont ce que j’appellerais « auto-réferentiels » : c’est à dire qu’ils doivent avoir été admis d’avance pour pouvoir les suivre jusqu’à leurs conclusions.
Ce fait est particulièrement visible pour définir ce qu’on doit entendre par « auto-organisation ». Pour accepter que la définition de Roland soit la seule valable, il faut déjà avoir admis l’essentiel de sa manière de penser : et une fois cette définition admise, la conclusion qu’il en tire s’impose logiquement comme la seule possible, ce qui est vrai, car c’est dans la définition même que se trouvent les conclusions. C’est ainsi que si je reconnais que l’auto-organisation est et ne peut être que la « forme » de « l’affirmation de l’être révolutionnaire de la classe », alors je suis automatiquement conduit à critiquer cette forme comme véhiculant une vision de la révolution obsolète, celle qui voyait le communisme comme la victoire d’une classe et non comme l’abolition de toutes les classes.
Les arguments de Roland sur « le contenu » et « la forme » sont également auto-réferentiels. Pour encourir le reproche, que Roland me fait, de sombrer dans le « fétichisme de la forme », encore faudrait-il que j’ai admis que l’auto-organisation soit « une forme » et que celle-ci soit différentiable d’un « contenu » dont elle devrait rendre compte : mais, contrairement à Roland, je ne parle jamais de « forme » mais de « pratique » quand je qualifie l’auto-organisation. C’est bien quand on propose, comme le fait Roland, de distinguer « un contenu » et « une forme », même si c’est pour affirmer immédiatement après qu’il ne faut pas les dissocier, qu’on a déjà en fait pratiqué cette dissociation.
L’auto-organisation n’est pas une « forme », c’est une pratique, ce qui n’a rien à voir : son contenu n’est pas figé dans ce qui serait sa définition axiomatique à la manière du triangle qui ne peut avoir que trois angles. Nous parlons de réalité sociale, pas de mathématiques. Une pratique de lutte, certes, naît dans un contexte particulier, et son sens n’est en effet pas seulement celui que ses acteurs lui donne, il est aussi celui que l’histoire lui confère. Mais ce sens, ou même ces sens, ne sont pas gravés dans le marbre. Une pratique doit se comprendre comme quelque chose de vivant, qui intègre la pluralité des significations que peuvent lui conférer son évolution et l’évolution générale des conditions dans lesquelles elle s’exerce (avec lesquelles elle se confond en partie, bien sûr). L’auto-organisation de maintenant n’est pas celle des soviets ou des conseils de la République de Bavière, elle n’est pas non plus, bien qu’elle en soit plus proche (ne serait-ce que dans le temps), celle de l’Autonomie de la fin des années soixante-dix.
Tout aussi auto-réferentiel est le raisonnement sur « l’auto-organisation du sujet ». Là encore, l’argument tourne en rond : pour admettre que le « sujet » en question soit nécessairement le prolétariat, il faut d’abord avoir décidé que ce qui s’auto-organise, c’est toujours le prolétariat ! Sinon, pourquoi parler d’un sujet ? Quand il y a auto-organisation des luttes, certes, il y a bien quelqu’un qui s’auto-organise, les acteurs de la lutte en l’occurrence, mais pourquoi formeraient-ils un sujet ?
Ou alors, on dit que puisque ce sont toujours des prolétaires qui s’auto-organisent , ils se subjectivisent nécessairement comme prolétaires dans ce processus. Pourquoi pas, mais alors en quoi cela serait-il spécifique à l’auto-organisation ? Dans n’importe quelle type de lutte, qu’elle soit auto-organisée ou menée avec des syndicats, un prolétaire agit en tant que prolétaire, c’est une évidence : le sujet de la lutte - de toute lutte - c’est une fraction du prolétariat. Dans Meeting 1 j’avais parlé du processus de désubjectivisation du prolétariat comme pendant de la désobjectivation du monde du capital pendant la période de la communisation. C’est une autre manière de parler d’auto-négation du prolétariat. Il n’y a rien ici qui pourrait caractériser spécifiquement l’auto-organisation, c’est de la lutte des classes en général qu’il est question.
Toute l’argumentation de Roland ne prend son sens et sa nécessité que si l’on accepte d’abord de se placer dans sa perspective : c’est pour cela que je parle de démonstration auto-référentielle. Dans la logique qui est celle de Roland, tout par de la constatation (d’ailleurs contestable) qui se résume par la formule : « l’amère victoire de l’autonomie ». Toutes les luttes ou presque seraient à présent auto-organisées, l’auto-organisation serait la « forme » obligée et acquise de la lutte actuelle (« A partir du milieu des années 1980, l’auto-organisation devient la forme dominante de toutes les luttes... » Brochure p3, ou encore, l’auto-organisation « forme nécessaire de la lutte des classes », Brochure p4). En s’auto-organisant, le prolétariat parvient à l’extrême limite de ce qu’il peut en tant que prolétariat, et la suite ne peut venir que de la contestation de ce qu’il est, ce qui passe par la contestation de la « forme », c’est à dire de l’auto-organisation. Voilà pourquoi l’auto-organisation se trouve chargée de ce redoutable privilège de devoir être critiquée car c’est à travers elle que passe l’auto-négation du prolétariat. Il n’y a que si on considère que l’auto-organisation est « la forme » de toutes les luttes actuelles qu’on peut la charger de ce rôle de focalisateur de l’être du prolétariat comme ce qui est à dépasser, comme, si on veut, le révélateur exclusif de « l’obstacle » que constitue pour le prolétariat le fait d’être une classe (« Cet obstacle possède une réalité claire et facilement repérable, c’est l’auto-organisation et l’autonomie », Brochure p2). C’est alors seulement que prend son sens la nécessité de « la critique de la non-critique » : car la critique de l’auto-organisation elle-même n’est pas à mener en tant que telle, puisque ce sont les prolétaires en lutte contre leur propre être qui la conduisent. En revanche, les théoriciens, à qui revient la tâche de promouvoir ce qui se passe et de guetter ce qui s’annonce (c’est à peu près ainsi que Roland nous présente le rôle de la théorie), doivent critiquer les autres théoriciens qui s’abstiendraient de critiquer l’auto-organisation.
La question de l’auto-organisation telle qu’elle est ainsi posée ne peut pas être prise pour elle-même mais doit se confronter aux sources de la théorie de TC. Un débat sur le sujet de l’auto-organisation ne pourrait avoir lieu avec Roland qu’à la condition de ne pas s’en tenir aux raisonnements qu’il tient, mais de remonter jusqu’aux présupposés de ces raisonnements. Autrement dit, le sujet réel du débat ne serait plus l’auto-organisation en elle-même mais la place des raisonnements de Roland sur l’auto-organisation dans la théorie générale qu’il développe.
Un tel débat serait d’ailleurs passionnant, mais le problème est que ce n’est pas comme cela que les choses sont prévues pour la réunion de Marseille (ou, en tout cas, ce n’est pas ainsi qu’elles devraient être prévues). On ne peut donc admettre que la définition donnée par Roland soit validée a priori, car ce serait clore le débat avant qu’il n’ait eu lieu. On ne peut pas non plus admettre que le débat ne porte que sur la définition, car cela reviendrait à ce que j’ai dit plus haut, à savoir débattre uniquement autour des problématiques impulsées par TC.
Autonomie et auto-organisation
« L’auto-organisation ne désigne pas n’importe quelle activité où des individus, fussent-ils des prolétaires, se concertent directement pour savoir ce qu’ils vont faire ensemble, elle est une forme historique déterminée. Il semblerait qu’il n’y a pas d’histoire derrière le terme d’auto-organisation ou que cette histoire n’est qu’un contenu passager (...)L’auto-organisation et l’autonomie en tant que perspective révolutionnaire appartiennent à une époque où le prolétariat a la capacité de trouver, dans son rapport au capital, la base pour se constituer en classe autonome. » (Brochure p26)
L’argument de Roland peut être compris de deux manières. La première renvoie à la périodisation de TC : puisque l’auto-organisation appartient à l’époque historique du programmatisme (Roland n’emploie pas le terme, mais c’est ce que désigne l’expression « la capacité de trouver, dans son rapport au capital, la base pour se constituer en classe autonome »), son « contenu » est lui-même définitivement programmatique, c’est à dire que l’auto-organisation renvoie forcément à le capacité du prolétariat à se constituer en base autonome. Là encore, pour admettre ce raisonnement, il faudrait d’abord avoir admis la périodisation en question, ce qui n’est pas mon cas. Je précise au passage que ce que je conteste, ce n’est pas la périodisation elle-même (parler de « programmatisme » pour désigner ce qui était commun à l’ensemble du mouvement ouvrier de l’époque qui a pris fin avec la restructuration des années soixante-dix me semble tout à fait intéressant) mais c’est sa signification. Pour TC, un cycle de lutte est une entité totalisante : tout est et ne peut qu’être l’illustration de la dynamique du cycle. Par exemple, auto-organisation et autonomie « ne peuvent que » (chez TC, le diable se niche souvent dans les « ne peut que ») prendre la signification unique et univoque que leur confère la période programmatique. Une compréhension plus fine, qui analyse les phénomènes dans leur liaison, avec les dynamiques propres d’un cycle de lutte mais qui n’occulte pas la multiplicité organique propre aux phénomènes sociaux, est écartée.
Mais le débat n’est pas là : je me contenterai de dire ici que pour admettre l’argument historique de Roland dans son premier sens, il faut, comme pré-requis, et comme pour ses arguments « auto-réferentiels », partager l’essentiel de sa vision des choses. Il existe toutefois une seconde manière de comprendre l’argument historique. La définition de « l’autonomie » et de « l’auto-organisation » seraient données par l’usage qui en a été fait, et les pratiques auto-organisationelles auraient un sens actuel encore déterminé par la phénoménologie de leur apparition historique.
L’argument semble de poids car effectivement l’autonomie et l’auto-organisation sont nées à des périodes ou elles semblaient tracer une perspective révolutionnaire précise. À employer ces termes sans jamais faire référence à la perspective révolutionnaire qui a présidé à leur naissance (même si elle a depuis disparue), ne risque-t-on pas, comme nous en accuse Roland, de faire de l’auto-organisation « une sorte de forme a-historique et générale de l’action » (Brochure p3) ?
Toutefois, dès cette période, le sens révolutionnaire de l’autonomie de la classe était-il le seul existant ? Si un autre sens coexistait avec celui-ci, c’est peut-être ce second sens qui s’est transmis d’une période à une autre, et alors l’usage de ces termes échappe à la critique de l’anhistoricité. Pour le voir, ne remontons pas jusqu’aux années vingt mais seulement à la période de l’autonomie ouvrière française et italienne des années soixante-dix.
« L’autonomie ouvrière » (ou « autonomie prolétarienne »), concept qui serait apparu dans les années cinquante en Italie selon Spartacus (2) , désigne à l’origine l’autonomie du prolétariat dans sa lutte contre l’Etat bourgeois et le capitalisme. Mario Tronti, un des fondateurs du courant dit « opéraïste » écrit par exemple dans Ouvriers et Capital que « la force politique de la classe ouvrière se présente comme ayant atteint, par elle-même, une organisation et une croissance telle qu’elle forme un pouvoir de décision autonome par rapport à toute la société... » .
Roland a raison d’écrire que l’autonomie prolétarienne « est la pratique, la théorie et le projet révolutionnaires de l’époque du fordisme » et que « son sujet est l’ouvrier et elle suppose que la révolution communiste soit sa libération, celle du travail productif » (Brochure p2). L’autonomie prolétarienne renvoie en effet à une conception du rapport de classe bien déterminée : celle qui voit la révolution comme la victoire d’une classe - le prolétariat- sur une autre - la bourgeoisie. La révolution est conçue comme l’affirmation de la puissance de la classe ouvrière au sein du monde du capital : à cet égard, la citation de Tronti un peu plus haut est particulièrement révélatrice (la « force politique » de la classe ouvrière qui a atteint « par elle-même » un « pouvoir de décision autonome » par rapport à « toute la société »).
Bien qu’étant très critique envers les syndicats et les partis issus du mouvement ouvrier, l’autonomie prolétarienne dans son versant théorique partage donc en fait avec eux une vision commune de la puissance de la classe prolétaire, sans voir que le prolétariat n’est rien d’autre qu’une classe du système capitaliste et que la révolution et la production du communisme ne découlent pas de la victoire d’un camp sur un autre mais de l’abolition de la société de classe dans son ensemble.
Si la critique de l’autonomie prolétarienne par Roland est convaincante, la liaison logiquement nécessaire qu’il établit entre « autonomie prolétarienne » et « auto-organisation » est d’avantage problématique, et ce pour au moins deux raisons.
En premier lieu, pour Roland, implicitement, le terme d’autonomie et la notion « d’autonomie prolétarienne » sont identiques. En fait, Roland ne précise jamais dans ses contributions que l’autonomie pourrait être autre chose que l’autonomie du prolétariat. Dès la première phrase de son texte (« L’autonomie, comme perspective révolutionnaire se réalisant au travers de l’auto-organisation... » Brochure p2) « l’autonomie » est un concept global et totalisant qui semble être doué d’un sens absolu transcendant les interprétations et les usages qui en ont été faits. Or, bien souvent, « l’autonomie » a tout autant désigné l’autonomie des luttes ou encore l’autonomie des acteurs de la lutte que l’autonomie de la classe dans son ensemble (3). Même si l’horizon commun des tenants de l’autonomie est aussi l’autonomie du prolétariat, les usages du terme autonomie révèlent un glissement du sens qui n’a rien d’anodin.
Le second problème tient au fait que, si on s’en tient à sa stricte définition théorique, « l’autonomie » de la classe n’implique pas un type d’organisation déterminé. Il s’agit seulement d’être autonome par rapport aux déterminations imposées par la bourgeoisie, donc par exemple de refuser le jeu démocratique de l’Etat bourgeois, comme les élections ou le parlementarisme, ou encore le syndicalisme qui se compromet dans la cogestion du système avec le patronat. Si l’auto-organisation n’est rien d’autre que la manière dont le prolétariat s’organise de manière autonome par rapport à la classe dominante, alors rien n’interdit de penser que le prolétariat puisse être « auto-organisé » par exemple sous la forme d’un parti, du moment que ce parti n’est ni compromis avec la bourgeoisie ni contaminé par les formes bourgeoises de la domination. Ce n’est pas un hasard si dans les mouvances autonomes italiennes ou françaises des années soixante-dix le léninisme (ou une forme de léninisme) pouvait continuer à avoir une certaine audience.
Même si les thématiques libertaires ou conseillistes exerçaient alors une forte influence, elles n’étaient pas définitoires de ce qu’il fallait alors entendre par Autonomie. Coexistaient dans la sphère de l’Autonomie des tendances pour qui toute organisation de type parti ou syndicat était à proscrire et d’autres pour qui ce n’était pas la forme parti en tant que telle mais ces partis qui dominaient alors le monde ouvrier qui étaient critiquables parce qu’ils n’étaient devenus rien d’autre que des rouages de l’Etat et du Capital. Pour la seconde tendance, la tentation de reconstruire un parti « authentiquement prolétarien » n’était jamais définitivement écartée. Entre ces diverses tendances, par ailleurs unies par des pratiques très proches, les rapports pouvaient être rugueux.
Si on donc on s’interroge sur la liaison entre autonomie et auto-organisation, on est conduit a considérer ces deux aspects. D’une part, dès cette époque l’autonomie n’est pas que l’autonomie de la classe, mais aussi l’autonomie des groupes ou l’autonomie des luttes, et « l’auto-organisation qui réalise l’autonomie de la classe » ne peut pas être équivalente à l’auto-organisation qui réalise l’autonomie de la lutte ou l’autonomie des groupes autonome. D’autre part, « l’auto-organisation qui réalise l’autonomie du prolétariat » pourrait théoriquement fort bien être un parti ou un syndicat « authentiquement prolétarien ».
Il est essentiel de comprendre ces nuances pour saisir comment Roland, en quelque sorte, n’accole pas ensemble la bonne autonomie avec la bonne auto-organisation. L’auto-organisation dont parle Roland, c’est celle qui selon lui triomphe avec ce qu’il appelle « l’amère victoire de l’autonomie », c’est en fait l’organisation en rupture avec les formes issues du vieux mouvement ouvrier, c’est à dire les partis et des syndicats : mais cette auto-organisation là est celle qui répond à la conception de l’autonomie comme l’autonomie des luttes ou des groupes, tandis que Roland la charge des maux de l’autonomie conçue comme l’autonomie du prolétariat dans son ensemble.
Ce qui s’est transmis, entre l’autonomie des années soixante-dix et les « coordinations » et autres « collectifs » des périodes qui ont suivies, ce n’est pas l’héritage théorique de l’autonomie du prolétariat, c’est l’héritage pratique de l’organisation en dehors des syndicats et des partis, par groupes indépendants plus ou moins larges et éventuellement « coordonnés ». S’organiser en dehors des syndicats à partir des années 80 ne signifie pas que l’on défende l’autonomie d’une classe à laquelle on ne croit même plus appartenir.
Si l’autonomie n’est plus seulement l’autonomie du prolétariat mais devient aussi celle « des luttes » ou « des groupes autonomes », c’est bien parce que les pratiques qui se développent à l’époque de l’autonomie historique consistent essentiellement à se défier de tous les partis et syndicats. Même ceux qui n’ont pas renoncé au « parti authentiquement prolétarien » sont conduits à fonctionner par groupes restreints et indépendants parce que c’est la forme que prend alors l’action radicale et violente qu’ils cherchent avant tout, tandis que les syndicats et les partis d’extrême gauche se conduisent comme des pacificateurs des luttes.
Il convient donc à mon avis de réserver le terme d’auto-organisation à la pratique qui consiste à s’organiser dans les luttes en dehors des formes issues du mouvement ouvrier, que ces formes se disent d’ailleurs « réformistes » (les partis et syndicats sociaux démocrates) ou « révolutionnaires » (les PC et les partis d’extrême gauche). Je précise quand même que contrairement à ce que nous dit Roland cela ne revient pas à désigner ainsi « n’importe quelle activité où des prolétaires se concertent pour faire quelque chose ensemble » (Brochure p3). Si des prolétaires vont à la pêche sans en référer à une organisation syndicale, je ne dis pas qu’ils auto-organisent leur partie de pêche ! L’auto-organisation est une pratique de la lutte et qui ne prend son sens que dans la lutte, ce n’est donc pas « n’importe quelle activité » qui est auto-organisée - même si, nous le verrons, il y a des conceptions de l’auto-organisation qui tentent de délier le lien entre lutte et auto-organisation.
Du coup il est à mon avis peu indiqué d’opposer, comme le fait Roland, les « collectifs » et l’auto-organisation (« la création de collectifs qui ne relève plus de l’auto-organisation et de l’autonomie », Brochure p12). Ces collectifs relèvent pleinement de l’auto-organisation, mais de l’auto-organisation des luttes, pas de l’auto-organisation de la classe.
Limites de l’auto-organisation ou limites de la lutte ?
« L’auto-organisation d’une lutte exprime et revendique le caractère autosuffisant du mouvement ce qui n’est pas immédiatement le mouvement dans sa particularité est considéré comme autre : jonction, soutien, solidarité. "Nous devons rester maîtres de notre lutte", telle est la proclamation de base de l’auto-organisation. Elle s’adresse évidemment à toutes les manipulations. Cela signifie que l’on considère le reste de la société comme un environnement hostile ou favorable. Une lutte auto-organisée, c’est une lutte qui cherche à se déterminer d’abord en elle-même puis face à un environnement social. » (Brochure p25)
Ce que nous dit ici Roland est peut-être vrai, mais c’est une limite de la lutte en général, pas du fait de s’être auto-organisé. Toute lutte se définit d’abord dans sa particularité, seule « la lutte de la classe » est une unification des luttes au-delà de leur particularité. Quand une lutte ne considère-t-elle plus son rapport aux autres luttes comme « jonction, soutien, solidarité », mais met en avant son appartenance commune à la lutte de la classe, celle-ci étant identifiée et identifiable, sinon dans le paradigme programmatique ?
Là encore, si Roland peut imputer à l’auto-organisation elle-même une limite qui est celle de la lutte en général, c’est parce qu’il a préalablement admis que l’auto-organisation « formalise » les caractéristiques des luttes actuelles : des lors, en effet, ce qui revient aux luttes revient à l’auto-organisation aussi, et vice versa. Mais l’argumentation reste auto-réferentielle.
Au delà de ce point, il reste la question de savoir comment une lutte peut ne pas rester enfermée dans sa particularité. Or, à la réponse programmatique (une lutte n’est pas particulière parce que c’est un aspect de la lutte générale d’une classe qu’on peut identifier visiblement) peut se substituer une autre réponse. La lutte reste une lutte, elle ne devient pas la lutte, mais elle ne reste pas cantonnée à sa particularité parce qu’elle peut envisager de dépasser le fait de n’être que la lutte des expulsés de tel immeuble, ou même des expulsés en général, ou encore de tels sans-papiers, ou des étudiants contre le CPE...
On ne peut pas dire comme Roland que « l’auto-organisation est une pratique qui pose la définition sociale d’un groupe comme inhérente à ce groupe, quasiment naturelle » (Brochure p25). Tout au contraire, c’est une tension permanente au sein de la lutte auto-organisée que de savoir qui est partie prenante ou non de l’auto-organisation, suivant quelle « légitimité », et pour quelles raisons. Et il n’y a pas une réponse unique à cette question, mais des réponses qui tracent des divisions profondes au sein de la pratique auto-organisationnelle.
Ainsi, à Montreuil, pour la lutte du gazomètre, la définition du rapport des acteurs de la lutte entre eux est devenue un objet de débat. Au point de vue « particulariste » qui voulait que chacun reste à sa place dans son segment de prolétariat (les noirs expulsés avec les noirs expulsés, les blancs en « soutien », les autres luttes ailleurs) s’est opposé un point de vue qui s’est exprimé dans le tract Encore faudrait-il qu’il y ait une lutte (4) . Pour ce tract, la « légitimité » n’appartient pas à tel ou tel pour décider de ce que doit être la lutte, même pas aux « familles expulsées », mais à tous ceux qui se sont reconnus et engagés dans la lutte en question. C’est la lutte elle-même qui devient la définition des acteurs de la lutte, on n’est plus seulement en lutte « en tant que » sans-papiers, expulsés, ou militant associatif, on est en lutte « en tant qu’on est en lutte ». Pour défendre ce point de vue, le tract prend en compte les nécessités même de la lutte. Le titre est assez explicite - à savoir que le maintien de la particularité finit tout simplement par rendre la lutte stérile.
Il me semble que c’est une tension qui n’est rendue possible que par le caractère assez fluide de l’auto-organisation. En ne se cantonnant pas à sa particularité, la lutte se reconnaît comme lutte de classe mais non pas comme lutte de la classe, c’est à dire qu’elle trouve non pas l’unité du prolétariat (là-dessus, je suis d’accord avec Roland pour dire qu’on ne peut pas attendre d’unité du prolétariat préalable à la révolution) mais l’unité de ses acteurs qui se définissent alors par leur engagement dans la lutte. Ce n’est plus une affaire de jonction des luttes, mais d’approfondissement d’une lutte, qui gagne par cette agrégation de conditions diverses une possibilité de remise en cause et d’élargissement de ses moyens et de ses buts. C’est ainsi que l’auto-organisation peut être à même de construire cette « unité qui n’en est pas une », cette inter-activité dont parle Roland (Brochure p12).
Recadrer le débat sur l’auto-organisation
On ne peut pas de traiter de l’auto-organisation comme d’un tout homogène, ce vers quoi une définition a priori comme celle que nous propose Roland risque de nous conduire. De plus, il est artificiel de distinguer d’une part l’auto-organisation comme forme et d’autre part la lutte comme contenu, comme si l’auto-organisation avait une signification en elle-même alors que ce qu’elle est ne peut se comprendre que dans son rapport avec la lutte en général.
C’est pourquoi je propose de ne pas se donner comme sujet de débat à Marseille« l’auto-organisation » en tant que telle, mais plutôt de se demander quel(s) rôle(s) les pratiques auto-organisationnelles joue dans les luttes actuelles.
En posant la question ainsi, on pourra relativiser les affirmations de Roland, et en particulier l’idée que l’auto-organisation serait « triomphante ». Les choses ne sont pas si simples, car à l’époque du déclin du mouvement ouvrier c’est le monde syndical aussi qui s’est transformé, et de même que la frontière entre lutte revendicative et lutte révolutionnaire perd son sens, les limites entre ce qui est syndical au sens organisationnel du terme et ce qui est auto-organisé ne sont plus si tranchées. Il existe bon nombre de syndicats « horizontaux » qui empruntent à l’auto-organisation une partie de son modèle : Cobas, Sud, AC !, DAL, etc... et au cours d’un même mouvement se succèdent les moments syndicaux et les moments auto-organisés.
Souvent, dans une lutte, ce qui est auto-organisé, c’est plutôt la lutte en tant que telle. Reviennent au syndicat la fixation des journées d’action, l’organisation des manifestations (la forme de « lutte » la plus pacificatrice qui soit, sauf quand les syndicats sont débordés) et surtout la négociation de la sortie de la crise, tandis que les actes les plus intenses de la lutte eux-mêmes sont bien d’avantage auto-organisés : grèves (non pas son déclenchement mais sa conduite par un comité de grève), occupations, rencontres vers d’autres secteurs sociaux, sabotages, action directe, etc... Mais ce n’est pas une règle absolue : quand le syndicat ou l’organisation para syndicale fait défaut (que ceux-ci se soient désintéressés d’un mouvement ou que les acteurs de la lutte aient choisi de s’en passer), l’auto-organisation se retrouve à aussi devoir assumer la phase de négociation de sortie de lutte, ce qui n’est pas sans difficulté et même sans contradiction pour elle (exemple : lutte pour les expulsés du 117 avenue Jean Jaurès dans le 19eme arrondissement de Paris).
Pour le syndicat, la lutte n’est qu’un moment de la négociation. La manifestation, la journée d’action, la grève d’une journée ne sont que des moyens de renforcer la position des négociateurs dans un jeu qui assure aux militants syndicaux leur pouvoir de « représentants » des travailleurs. Pour la lutte auto-organisée, la négociation n’est que la fin des possibles crées par la lutte elle-même (mais il y a d’autres manières de se trouver confronté à cette fin des possibles : c’est le cas quand on se trouve devant la nécessité d’auto-gérer la production de son usine, par exemple...). Le syndicat, ou plutôt le moment syndical, renvoie le prolétaire à son être de prolétaire (tout comme la revendication) puisqu’on lui demande de ne vouloir que ce que le contenu explicite de sa lutte a pu formuler, et qui plus est a pu formuler au départ.
Ce n’est pas l’auto-organisation en tant que telle qu’il faut interroger, mais l’auto-organisation dans son rapport à la lutte. Quand elle n’est pas directement et exclusivement une pratique dans la lutte, l’auto-organisation est alors soit effectivement l’auto-organisation de la classe, soit une forme d’alternative auto-gestionnaire, soit une espèce de « démocratie directe » qui concentre les pires tares de la démocratie. La première signification est totalement désuète, comme Roland lui-même le reconnaît. La seconde est celle des libertaires fascinés par le modèle du camp No Border de Strasbourg et qui tentent d’organiser des campings auto-gérés pour en faire leur lieu de vacances. Une critique de ce point de vue a été proposée par le Collectif Anti-Expulsion qui expliquait qu’il ne participerait pas à un de ces campings projeté à Rivasaltes en précisant que « l’auto-organisation n’est pas un but, mais un moyen d’être plus efficaces dans les discussions et actions. » (5) L’efficacité dans la lutte, et non un mode d’être qui peut vite devenir une manière d’être à la mode, telle est effectivement l’intérêt de la pratique organisationnelle. La dernière signification revient également à ne plus comprendre que c’est la lutte et la lutte seule dans sa dynamique qu’il y a un sens à auto-organiser. L’exemple le plus frappant vient de la manière dont fonctionne l’AG de la fac de Tolbiac (Paris 1) au cours de l’actuel mouvement anti-CPE. Dans cette AG « décisionnelle » est votée non seulement la grève mais aussi le blocage des cours. Or, participent à l’AG non seulement les étudiants grévistes, mais aussi les étudiants non grévistes et leurs représentants (l’UNI) pour exprimer et voter la position « contre ». Viennent à l’AG de la lutte des gens qui sont... opposés à la lutte. L’AG n’est pas l’AG de la lutte, elle est l’AG des étudiants. Dans l’exemple de l’AG de Tolbiac, la remarque de Roland que j’ai précédemment citée (« une pratique qui pose la définition sociale d’un groupe comme inhérente à ce groupe ») est juste : mais ce que je conteste dans cette remarque, ce n’est pas qu’elle soit parfois juste, mais qu’elle soit toujours juste. Le discriminant entre les moments ou cette remarque est juste et ceux où elle ne l’est pas tient au rapport entre auto-organisation et lutte.
L’auto-organisation comme pratique dans les luttes et l’auto-organisation comme rêve auto-gestionnaire ou comme caricature démocratique peuvent être en apparence très proches et pourtant elles sont très différentes dans les possibilités qu’elles offrent. La critique de la mauvaise auto-organisation est peut-être maladroite dans les termes, elle est pourtant juste en ce qu’elle tente de différencier les pratiques auto-organisationnelles qui intensifient les luttes de celles qui les stérilisent : c’est un point de vue pratique qu’on ne peut se permettre d’ignorer lorsque l’on traite de la question de l’auto-organisation.
Au cours de la lutte, on va progressivement abandonner les formes démocratiques non pas par nécessité idéologique (le citoyennisme démocratique est l’idéologie spontanée de la plupart des prolétaires en lutte) mais par nécessité : les formes démocratiques, le vote, la représentation sont des dispositifs puissants de pacification et leur adoption signifie la neutralisation de la lutte, c’est donc au bout d’un moment une question de survie pour la lutte que de remettre la « démocratie » en cause.
Ainsi se passer des médiations du monde du capital (syndicalisme, représentants démocratiques, etc...) n’est-il pas le résultat d’une volonté antérieure à la lutte, elle naît de la lutte et pour les nécessités de la lutte : en revanche, dans le retour réflexif des luttes sur elle même, cela peut et même cela doit devenir un projet. Dès lors, vouloir se passer des médiations du capital dans la lutte auto-organisée est une manière de poser une question ayant trait à la problématique de la communisation (6) . En même temps, quelle que soit l’intensité de la lutte, et l’intensité de la volonté, les médiations ne disparaissent jamais (certaines s’estompent mais d’autres se recréent), car leur disparition signifierait la destruction de ce qui cause les médiations (c’est à dire la société de classe et tout ce qui va avec).
En guise de conclusion
Au total, on aura compris que je partage en partie l’analyse de Roland, mais que je pense que la critique qu’il effectue s’adresse à une certaine conception de l’auto-organisation et pas à l’auto-organisation en elle-même. Ce qui n’existe plus, en effet, c’est « l’autonomie comme perspective révolutionnaire se réalisant au travers de l’auto-organisation » (c’est moi qui souligne). On ne peut plus penser, comme cela était encore possible à l’époque ou existait « une classe ouvrière stable, bien repérable à la surface même de la reproduction du capital », qu’il suffirait de libérer le prolétariat de ses chaînes syndicales et politiciennes pour voir son être révolutionnaire s’affirmer spontanément (7) . L’auto-organisation est devenue autre chose, mais cela tout le monde le sait sauf peut-être les archéo-ultra-gauchistes du Mouvement Communiste, le problème c’est qu’en voulant critiquer une conception révolue de l’auto-organisation Roland n’arrive pas à s’en arracher et se trouve entraîné à en prendre l’exact contre-pied, ce qui est une manière de la laisser survivre. Roland n’accorde plus de signification révolutionnaire à l’auto-organisation mais en revanche il continue à la voir comme une « forme » centrale de la lutte de classe dont le « contenu » serait inchangé, et donc qu’il faudrait attaquer centralement pour se débarrasser du dit contenu (le fait d’être une classe). Ce raisonnement, je le trouve en parfait porte à faux par rapport à ce qui se passe dans les luttes : jamais l’auto-organisation n’y apparaît en tant que telle comme le seul obstacle à dépasser, et dans tous les exemples que donne Roland on peut voir que ce qui est critiqué c’est un état de la lutte, pas une pratique donnée qui n’a de valeur que dans son rapport général à la lutte.
On atteint ici à une contradiction sous-jacente de la position de Roland. Car si l’autonomie et l’auto-organisation expriment encore l’être de la classe, alors c’est que cet « être de la classe » existe toujours comme quelque chose de « bien repérable à la surface même de la reproduction du capital, confortée dans ses limites et sa définition par cette reproduction et reconnue en elle comme un interlocuteur légitime. » Si les conditions de la manifestation de l’être de la classe ont radicalement changées, comme Roland lui-même le soutient, alors comment l’autonomie et l’auto-organisation seraient-elles toujours à même de le matérialiser en se contentant de lui retirer son aspect « révolutionnaire » ?
Si l’auto-organisation ne peut pas servir de médiation pour contester l’être de la classe qui se serait une dernière fois réalisé à travers elle, c’est par ce que l’auto-organisation ne matérialise déjà plus l’être du prolétariat.
Notes :
1) Le sens des mots, p21 de la Brochure qui compile les textes pour la réunion. Pour simplifier, je donnerai comme références aux textes de Roland la pagination de cette brochure.
2) « L’Autonomie. Le mouvement autonome en Italie et en France », mars-avril 1978, ed Spartacus, cité par Sébastien Schiffres dans son mémoire de maîtrise « La mouvance autonome en France de 1976 à 1984 » disponible sur http://sebastien.schifres.free.fr/
3) Un exemple parmi d’autres : « La rupture avec le gauchisme a porté essentiellement sur les manifestations de rue : à la manifestation des organisations gauchistes canalisée par un service d’ordre militaire dans une simple balade où tout le monde défoule sa révolte momentanée en gueulant les mêmes slogans dictés par un mégaphone, les autonomes opposent des manifestations où chaque groupe de huit à dix personnes assure sa propre auto-défense (et c’est avant tout dans ce sens qu’ ils parlent d’ autonomie des groupes), avec des objectifs concrets (bombages, attaques de magasins, de garages, de banques, etc.). » (Spartacus, op. cit.). Ces groupes peuvent se coordonner, ils restent « autonomes » les uns par rapport aux autres comme dans l’APGA (Assemblées Parisienne des Groupes Autonomes) réunie le 29 octobre à l’université de Jussieu et qui se poursuivra quelques mois.
4) Ce tract a été rédigé entre autres par un participant à Meeting.
5) « Pourquoi le CAE décide de quitter la préparation du campement de Rivesaltes », in Contributions autour de la fin du collectif anti-expulsion, p11.
6) Ce qui, dans son texte, permet à Roland de lier la partie sur « l’auto-organisation des luttes » et celle sur « l’aire de la communisation » est une citation extraite du texte critique de l’Appel que j’ai écrit pour Meeting 2. Voici ce que dit Roland :
« Ce sauvetage de l’auto-organisation est explicite quand Denis écrit : "Vouloir mener une lutte tout en s’affranchissant de toutes les médiations mises en place par le capital (les syndicats, la politique, les médias, le droit, etc.) est un exemple évident d’une manière de poser des questions qui ont trait à la communisation." (p. 40). C’est surtout un exemple évident de ce qu’à toujours été, depuis la révolution allemande et la gauche germano-hollandaise, l’auto-organisation dans sa perspective révolutionnaire de libération de la classe comme affirmation de son être véritable qui, dégagé des médiations capitalistes, ne pouvait être que révolutionnaire. »
Je ne voudrais pas donner le sentiment de jouer sur les mots, mais enfin si je commence ma phrase par le verbe « vouloir », c’est que celui-ci a son importance. Je n’ai pas écrit « mener une lutte tout en s’affranchissant de toutes les médiations mises en place par le capital... » et j’ai pris le soin d’expliquer plus loin dans le texte que jamais aucune question ayant trait à la problématique de la communisation posée dans une lutte actuelle ne pouvait avoir de réponse communisatrice. Il ne s’agit donc pas de la même position que celle de la gauche germano-hollandaise, puisque je ne dis pas que l’auto-organisation permet de s’affranchir des médiations en question en libérant l’être révolutionnaire de la classe, je dis qu’elle offre la possibilité d’en poser le projet et qu’elle ne peut pas le réaliser par elle-même, ce qui est totalement différent. Ce projet naît du retour réflexif des luttes sur elles-mêmes et sa finalité initiale est de développement de la lutte.
7) Pour illustrer mon propos, je vais reprendre une citation de Roland, qui écrit ceci : « Défendre la sacro-sainte Autonomie du prolétariat, c’est s’enfermer dans les catégories du mode de production capitaliste, c’est s’empêcher de penser que le contenu de la révolution communiste c’est l’abolition du prolétariat non en vertu d’une simple équivalence logique (l’abolition des rapports capitalistes, est par définition celle du prolétariat), mais en vertu de pratiques révolutionnaires précises. » (Brochure p8). Telle qu’elle est rédigée, je souscris entièrement à cette formule, mais c’est bien parce que son sujet est « l’Autonomie du prolétariat », ce qui est précis. Qu’on remplace « Autonomie du prolétariat » par « auto-organisation », et je ne suis plus d’accord.
Comments
Chronique(s) de la lutte contre le CPE
lundi, 20 mars 2006
Cet article sert de fil pour regrouper les textes qui (d’après vous) ont trait à la lutte en cours.
N’hésitez pas à poster des réponses, donc !
Les textes sans mention d’auteur dans le titre sont de source externe (Indymédia, liste de diffusion, etc.)
merci de "mettre en forme" les textes pour publication. Les mails "brut de décoffrage" ne vont pas.
En visitant notre site Internet, vous pourrez télécharger ces documents : |
• Dehors ! , (JPEG - 30.4 ko) |
• Self-service ?, (JPEG - 588.1 ko) |
• Marseille au printemps, (JPEG - 338.6 ko) |
• Nous sommes tous..., (JPEG - 150.7 ko) |
-
Chronique(s) de la lutte contre le CPE [20/03/06], , 20 mars 2006Quelques comtpe-rendus sur la manif du 18 glannés ici et là ... (sources :
Forum CNT-AIT Caen, Indymedia Toulouse, contacts directs, l’en-dehors ...)une chose est sure : ca a été énorme. Et on sent un vent de radicalisation
se lever ...CAEN
Compte-rendu rapide de la manif’ de cet a-m.
L’AG de lutte contre la précarité, avec sa banderole "Ils précarisent... On
s’organise", s’est une nouvelle fois placée en tête de cortège, au grand
désarroi des syndicats (ces derniers semblaient d’ailleurs, dans un premier
temps, ne pas vouloir suivre !).Progressivement, de plus en plus de personnes ont rejoint le cortège de
l’AG, le préférant sans doute aux cortèges syndicaux qui suivaient et où les
sonos se battaient à celle qui gueulerait le plus fort.Les slogans du cortège de l’AG les plus repris en coeur : "Grève(s),
blocages, occupations, jusqu’au retrait du CPE" et "Grève générale ! Grève
générale !", laissant certains passants étonnés et pantois face au discours
de la jeunesse.Avec un parcours de manif’ improvisé (ce qui a donné un peu de fil à
retordre aux différents SO - syndicats, police, RG), le cortège a poursuivi
après la préfecture, lieu habituel à Caen pour les fins de manifestation au
goût amer, obligeant un nouvelle fois les syndicats et partis à pousser au
delà du parcours officiel...Seul le cortège de l’AG s’est finalement présenté aux portes de la mairie de
Caen, les camionettes des syndicats (et leurs militants !!) restant bloquées
à l’entrée du parvis de la mairie !Point de vue chiffre : entre 8700 (dont 2000 étudiants, selon la police), et
20 000 (selon les "organisateurs" !) manifestants.Pas vraiment de surprise (cela dit on s’en tape !) d’entendre le soir-même
la CGT affirmer que la mobilisation se caractérisait "par la détermination
des salariés", ignorant comme il faut la véritable mobilisation : celle de
l’AG de lutte contre la précarité, qui s’active depuis un mois (rappel : la
fac est toujours occupée, au moins jusqu’à mercredi).Bref, y’avait du monde et la mobilisation autonome avait fière allure.
Prochaine AG : lundi prochain 20 mars
BORDEAUX :
Témoignage de la manif bordelaise du 18/03
Petite victoire symbolique : 2 manifestants arrêtes et libérés du
commissariat de Bordeaux par la solidarité d’une centaine d’autonomes. Et
grandes trahisons des syndicats réformistes : CGT et UNEFPour Commencer, on était nombreux : entre 22000 et 55000 (source AFP). L
_ ?énergie était là mais une tension se ressentait... lassitude de ces
"défilés" ?... besoin d ?actions plus radicales ?... En tout cas, nos
ressentis à travers les discussions et les slogans témoignent d’une ambiance
générale de revendications plus globale que celle du CPE... Cependant, dans
la réalité des faits, cette volonté d’union n’a pas pu se constituer pour
lutter efficacement contre les petits soldats de la répression.Pour parler plus concrètement, au moment de la dispersion de la manif, on
s’engageait dans la rue Saint Catherine (l’artère commerciale principale du
centre ville de Bordeaux). Alors que nous voulions agiter cette rue endormie
et symbolique, les services d’ordre de la CGT ont fait barrage...altercation
entre les militants et les gorilles de la CGT qui gazent a coup de lacrimo
les deux manifestants forçant le passage...les cochons bleus profitent alors
de l’agitation pour les embarquer... Et tout ça devant la passivité du S.O.
de la CG T ! ! ! (Il est aussi à noter que l’UNEF à donner à la police les
noms de certains militants libertaires... sans commentaire...)Non loin du camion qui les enfermait, un petit groupe s’est constitué
spontanément pour faire pression sur les forces de l’ordre afin de les
libérer. On n’était pas assez nombreux dans ce rapport de force. Alors ils
les ont emmené "pépère" au commissariat central. Par solidarité, nous voilà
donc parti à la rescousse de nos camarades. On était une centaine de
personnes à prendre conscience qu’en nombre, une pression est possible même
pour une arrestation. Au bout d’une heure et demi de blocage de la
circulation, de percussions, de chants et de patience, le commissaire après
entretien téléphonique avec le préfet les a finalement libéré sans poursuite
judiciaire. La vidéo des RG prouvait qu’ils n’étaient coupables de rien.
Finalement, vers 21 heures, nous sommes repartis plein d’énergie qu’on a
canalisé sur des poubelles et sur nos casseroles... Bref, un joyeux bordel !
_ ! ! Ca donne donc de l’espoir pour la suite...Prenons le comme une expérience, il est claire que nous devons sur bordeaux
mieux nous organiser de manière autonome et, SURTOUT, nous méfier de plus en
plus des syndicats réformistes et toutes les structures qui cherchent à
récupérer le mouvement.Pour finir, ne nous laissons pas diviser par la morale bourgeoise qui
réapparaît dans les débats lorsque la violence policière refait surface (il
n’ y a pas de "casseurs", juste des individus qui s’insurgent contre un
système en déclin).On arrêtetout
RENNES
Samedi 18 mars La manifestation interprofessionnelle débute à 11H30. Trajet
_ : de la gare à la gare. A l’arrivée, comme la semaine précédente, un service
d’ordre inter-syndical protège avec la police, l’entrée de la gare. Il se
relâchera au bout d’un quart d’heure ne voyant aucune intention de la part
des manifestants d’y pénétrer. Ensuite, au moment où un syndicaliste, muni d
’un mégaphone, annonce qu’il faut constituer un bureau pour commencer l’AG
interpro prévue sur la place de la gare, une fanfare se met à jouer et par
sa puissance magique, emmène les manifestants sur les rails. Nous y
resterons une heure.Cette fois-ci nous en sommes sortis tout seul pour anticiper la charge et
les gaz des gardes mobiles afin de les affronter dans la rue, lieu plus
propice.Une seconde manifestation s’est constituée sans service d’ordre, sans
leader, sans trajet. Les services de police quelques peu désorientés
bouchaient toutes les rues donnant accès à la préfecture. Nous nous sommes
alors dirigés place de Bretagne. Dix pacifistes ont alors tenté une
opération hostile au mouvement, en criant : " les casseurs dehors, les
casseurs tout seuls " et ont tenté d’emmener le cortège ailleurs. Personne
ne les a suivi. Des slogans leur ont répondu tels que " nous faisons la
guerre au capitalisme, nous n’sommes pas des pacifistes " ou " nous sommes
tous des casseurs ".Cinq minutes plus tard, l’ensemble des manifestants, y compris les
pacifistes, se dirigea à quelques pas de là vers l’UMP, où des affrontements
ont commencé par une charge des manifestants à coups de bouteilles et de
cailloux. Rapidement les forces de l’ordre ont répondu par des gaz et des
tirs de flashball. Un pacifiste a été touché à la jambe. Des vitrines ont
été émaillées, un RG chassé. Les gardes mobiles ont tenté en masse un
encerclement qui a scindé les manifestants en groupes épars. Jusqu’à 20H30
des regroupements se forment à de multiples reprises, attaquent et sont de
nouveau dispersés. Le bitume a fondu sous la chaleur des poubelles en feu,
le sol est jonché de palets lacrymogènes, de bouteilles brisées et de
cailloux, un peu partout en ville.Ces derniers jours ont marqué l’impossibilité pour les media, les
bureaucrates et les voix de l’ordre établi, de diviser le mouvement en "
casseurs " et " étudiants ". Car comment masquer le fait que les
affrontements concernent des milliers de personnes ? Et ce depuis plusieurs
semaines à Rennes. Ici, il n’y a plus de manifestation sans affrontements et
actions. Un principe d’une action au moins par manifestation a même été voté
par l’AG de Rennes II. La cagoule, l’écharpe, le citron, le sérum
physiologique, le caillou, deviennent les objets communs d’un nouveau monde.
Des manifestants s’organisent en groupes et chargent ce qui a trait à la
police et certaines cibles liées à l’existence métropolitaine. Une
communauté de lutte est née -qui n’est pas sans luttes internes- qui s’
organise au sein de l’hostilité policière de la métropole. Et ce qui anime
cette communauté se situe déjà bien au-delà du simple CPE.A bientôt. Rennes, le dimanche 19 Mars. Mireille et Mathieu.
LYON
Les LOUPS GRIS Turcs à Lyon
La manifestation anti-cpe à Lyon a rassemblé plus de 15.000 personnes
(25.000 selon les organisateurs), manif classique très planplan, encadrée
par un SO et la BAC. Ca devient un soucis ces bénévoles de la sécurité qui
remplacent les forces de l’ordre officielles : ca va faire des chômeurs !
C’est bien de se battre contre le cpe, c’est moins bien de se battre pour le
travail sans rémunération.Départ 11h00 place Bellecour, tout petit tour, et retour 13h00 place
Bellecour.La tête de manif était sympa, composée essentiellement de Lycéen-ne-s et
d’étudiant-e-s, ensuite les badgé-e-s, c’était super(chiant), chacun-e-s
sous SON drapeau : ATTAC, CGT, CNT-Vignoles, FO, CFDT, VERTS, LCR, LO, les
Alternatifs, PS (au moins 10 militant-e-s estampillé-e-s)..., parait que
c’est ça l’Unité.bref, rien de transcendant...
et on se disperse petit à petit dans le calme et voilà ti pas que se pointe
une grosse nouvelle manif, très chaude, dynamique et énervée, plein de
drapeaux Turc et 2 ou 3 drapeaux français et Européen.ET surtout des pancartes "LE GENOCIDE ARMENIEN N’A PAS EXISTE"
"NOS ENCETRES NE SONT PAS DES ASSASSINS MAIS DES VICTIMES"
"PAS DE SENTENCE AVANT UN JUGEMENT"
....
On va les voir, et ils nous apprenent qu’un monument à la mémoire du
génocide Arménien va être inauguré le 24 avril dans le centre de Lyon et
qu’ils considèrent cela comme une insulte envers le peuple Turc, et donc ils
manifestent contre.On tente de discuter un peu et là ils deviennent très agressifs et
insultants et j’en vois pleins qui font le signe des LOUPS GRIS (index et
auriculaire brandis, majeur et annulaire repliés avec le pouce dessus), je
les connais parce que j’ai vécu 5 ans avec un turc. ILs sont ultra-violents
et d’extrême droite. http://fr.wikipedia.org/wiki/Loups_grisIls arrivent de plus en plus nombreux, en bus, de toute la région et de
France, et aussi d’Autriche. Ils ont un énorme SO, plus de 200 en jaune fluo
qui les encadrent et tente de calmer les plus énervés.Quelques Arméniens sont là en pleurs, les ultra-nationalistes Turc sont
maintenant plus de 2.000 très remontés, le reste des manifestants anti-cpe
décident une contre manif à 200, on rappelle ceux qui sont partis, on arrive
à 500. ON se fait face, s’est tendu, des insultes fusent. Les "forces de
l’ordre" s’interposent... MAIS contre nous et nous repouse.NOS slogans "DEVOIR DE MEMOIRE"
"NOUS SOMMES TOUS DES ARMENIENS"
"ASSUMEZ"
"LE FACHISME NE PASSERA PAS"
"ON AIME LE PEUPLE TURC MAIS PAS VOUS"
"NEGATIONISTES"
Les Turcs nous chargent une première fois, des coups sont échangés et pour
nous séparer les forces de l’ordre nous chargent ! et vas-y que je te
matraque, que je te gaze sous les applaudissements des fachos Turcs.ON résiste, on parle aussi avec les keufs, je leur demande ce qu’il ferait
si un rassemblement de néonazis avec des pancartes niant le génocide juif
était autorisé... malaise. Mais les flics se reprennent "on obéit aux
ordres, on défend LA République", je leur dis que les français qui
obéissaient aux ordres entre 1940-45 sont aujourd’hui considérés comme des
collabos et que ceux qui on eu le courage de refuser d’obéir sont des
résistants encensés (je ne suis pas sur qu’ils aient vraiment compris, ni
que leur République était collaborationniste, ni quelle se dirige
tranquillement vers un néofachisme soft).Les fachos Turc partent en manif, tout est parfaitement prévu et autorisé
par la préfecture.On les précéde et on arrive avant eux à la place des TERREAUX (la Mairie),
là encore "les forces de l’ordre" nous repousse sans ménagement pour faire
place nette pour permettre aux fachos Turc de prendre tranquillement
possesions de la place.Nouvelle charge des Turcs, les CRS n’en mènent pas large et seraient
incapables de les repousser sans l’intervention de l’énorme SO des Turcs.ILs ne souhaitent pas que ça dégénérent en affrontements trop violents.
La collaboration entre les forces de l’ordre et le SO Turc a été totale.
C’est fini.
(un toulousain de passage à Lyon)
GRENOBLE
Grenoble : de vilaines bannières noires
Après un blocage particulièrement efficace au lycée de Vizille un grand
nombre de lycéens s’est rendu devant la gare de Grenoble aux alentours de
dix heures afin de former un groupe indépendant et asyndical dans la manif.Nous nous sommes d’emblée placés en tête de ce cortège plat et formaté,
précédés de près par nos chers camarades de la CGT, dont le service d’ordre
a tenté pendant un bon quart-d’heure de nous déloger à coup de "Une manif,
ça doit être organisé" (qu’il faut traduire par "Mais ?! Ma visibilité
médiatique va en prendre un sacré coup ! Comment je vais faire si je ne
passe pas au JT pour manipuler et instrumentaliser la lutte de lycéens et
d’étudiants autonomes ?" ou encore par "La préfecture et l’État, dont je
suis le bras droit, va me faire les gros yeux si je laisse ces
nihilisto-révolutionnaires foutre la pagaille et m’empêcher de paralyser la
lutte !"). Nous avons rapidement été rejoints par de nombreux nouveaux
arrivants armés de vilaines bannières noires (en arborer une m’a ailleurs
valu d’être traité de "bushiste" par une brave cégétiste) et certains
camarades de SUD ou de la CNT-Vignolles.
Quelques signes de la main aux RG plus tard, nous arrivions devant de la
Préfecture (le terminus de toute manif-promenade cégétiste qui se respecte),
où le mouvement s’est dissous.La vue du symbole du pouvoir étatiste a suffi pour calmer les plus tendus de
chez FO et la CGT : "Oui, nous avons été de bons élèves, nous n’avons rien à
nous reprocher, nous gardons notre place bien au chaud au service du
pouvoir", se sont-ils dit, en achevant de scander leurs mélodieux et
inventifs slogans de lutte pour "plus de CDI"...TOULOUSE
le matin manif des syndicats mais débordée par les jeunes, sans autocollants
ni bannières, avec des slogans tels que "cette société on n’en veut pas" ...Après midi : rassemblement des Sans Papiers et carnaval des insoumis. Au
plus fort, plus de 1000 personnes rassemblées (dont plusieurs centaines
déguisées). Manif bonne enfant et festive, farine et oeufs de rigueur,
notament contre les bleus, qui semblaient avoir moins d’humour que les
manifestants ...La mobilisation ne faiblit pas dans la ville rose ...
PARIS
Raz de marée énorme. beaucoup de monde, surtout lycéens et étudiants.
On s’était donné RDV avec les copains d’AC et du RTO mais on s’est paumé vu
le monde qu’il y avait !Sur le passage de la prison de la santé, les prisonniers faisaient des
signes de solidarité avec la manif. Qui ne le leur rendait pas toujours ...
(nos appels à la solidarité avec les prisonniers n’ont pas toujours
rencontré l’écho escompté ...)Avec notre banderolle "NI CPE/CNE, NI CDI, GREVE GENERALE ILLIMITEE" on
passait quand même un peu pour des martiens dans des cortèges qui ne cessait
de réclamer un "vrai" CDI (pour les "vrais" jeunes ajouterait sarko ?)Néanmoins nos nouveaux slogans semblaient quand même bien compris : "Après
le CPE, y’aura un aut’contrat ... ABOLITION DU SALARIAT" ou encore "C chomme
chômage, P comme Précaire, E comme Exploité, c’est la définition du travail
salarié".J’ai même entendu un syndiqué CFDT les reprendre et dire hilare à sa copine
"si mon délégué m’entend reprendre ça, il va faire la jaunisse !" ...Au apssage devant le cortège du PS, on a profité d’un blanc dans la sono
pour leur a rappeler qu’ils avaient été les précuseurs du CPE avec les TUC,
CES et cie ... Agacement perceptible ...Arrivée à Nation, petits amusements de fins de manifs qui tendent à devenir
systématiques à Paris. Quand on sait que Saint Maclou [nom du magasin
déménagé] vient du mot "Machutus", issu du breton "march" (orage) et "luh"
(lumière)" on, ne peut que reprendre en coeur la pub "Saint Maclou,
évidement !" Toutefois, comme les autres soirs, nos amis en bleu encaissent
"sans rien dire" jusqu’à une certaine heure (le temps que les "vrais"
manifestants chers à Sarko soient partis se coucher ?). Puis quand la récré
est finie - coup de sifflet-top départ. La place a été nettoyé en 45 minutes
avec une violence incroyable. il sembler qu’on postier de SUD en ait
malheureusement fait les frais.Moralité : lire Sun tzu (l’art de la guerre). Ne pas sous estimer l’ennemi.
Et être là où il ne nous attend pas (c’est à dire ce soir là : pas à la
sorbonne, où on se serait cru en pleine occupation : mur métallique qui
bouche la place de la sorbonne avec canon à eau prépositionné prêt à noyer
le moindre canard migrateur qui viendrait à se poser par ici, nuée de
poulets en civil rendant l’air irrespirable, gardes mobiles quadrillant le
quartier ...)ST NAZAIRE
Les compagnons de ST Nazaire se sont tenus sur le coté avec une banderolle
_ :"NOUS VOULONS DES EMPLOIS FICTIFS, DES LOGEMENTS DE FONCTION ET DES
LIMOUSINES." ça a plutôt amusé le monde qui souvent en rajoutait une couche,
sauf les élus qui n’ont pas ri et un nous a meme dit en passant"C’EST COMME
CA QU’ON CASSE UN MOUVEMENT !"Je suppose qu’ils étaient tristes car ils comptaient un bulletin de vote par
contestataire :-)bonne nuit
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, BL, 20 mars 2006Etrange texte cityenniste se référant aux émeutes de banlieues !
Salut BLkepon kaillera même combat
LA RUE AVEC LES ETUDIANTS : TOUS ENSEMBLE CONTRE LE CPE.
Le Cpe n’est qu’une feuille morte au milieu d’un champ de ronce, aller chercher cette feuille morte nécessite de débrousailler le champ des possible. Après le 21 avril 2002, le 29 mai 2005, Novembre 2005, la lutte anti CPE s’intègre dans un processus de refus du pouvoir d’un chef de l’Etat illégitime, du refus de la mondialisation néolibérale qui précarise nos vies et du refus d’un gouvernement qui n’assume pas ses dérapages.
Les citoyens français vont-ils oublier ? Les médias dominant sont-ils assez puissant pour nous hypnotiser ? En tout cas, le mouvement ne
s’essoufle pas, et à force de ne pas vouloir lacher prise sur le CPE, les mobilisés ne pensent plus au retrait d’une loi voté en force, mais à la démission du gouvernement, et à la mise à plat de la cinquième république. L’Etat d’Urgence instauré en Novembre 2005 a constitué le point culminant d’une grave crise sociale, économique et politique.L’Etat d’urgence sociale ne doit pas être oublié, nous appelons l’ensemble des mouvements sociaux à rejoindre les nombreuses mobilisations, les nombreux blocages des noeuds de communication
(gare, autoraute, route nationale...) et des batiments publics (préféctures, mairies, CCI...). De nombreux lieux de vie sont ouvert dans les universités, ces lieux sont libérés pour accueillir l’ensemble des citoyens qui souhaite s’investir dans la construction
d’une autre France. La projection de films, l’organisation de débats et d’ateliers, la tenue de concerts, sont l’expression d’un désir de changement. Chacun à la responsabilité de travailler dans ce sens, et de mettre tous les moyens en sa possession pour construire ici et maintenant.. La diffusion de communiqués, la création de textes, d’images et de vidéos peuvent être des manière de participer à rassembler des idées, des propositions pour qu’émergent d’autres manières de faire de
la politique.La ligne d’horizon se rapproche et une autre campagne est en train de naitre en France, refusons la légitimité du pouvoir en place, jusqu’à qu’ils partent, construisons nos alternatives, et préparons-nous à
imaginer quelle peut être la place de la France dans la mondialisation des peuples et des luttes.Regardons du coté de l’amérique du sud, organisons-nous pour que le Forum social européen d’Athènes
puissse être un temps important pour la construction d’une Europe de solidarité et d’alternative face au capitalisme.La Rage du Peuple est un mouvement citoyen indépendant local et international. Nous exprimons ici notre solidarité avec tous les mouvements sociaux contre le cpe et les invitons à se rassembler lors des blocages des universités.
Ne ratons pas l’occasion.
Marseille, le 20 mars 2006
Contact : [email protected] -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, BL, 20 mars 2006"Violence", vous avez dit violence ?
Au fur et à mesure que le mouvement s’étend, et que les actions directes se font plus présentes, la question de la "violence" refait inévitablement surface. Si certaines interventions, catégoriques & ignorantes ("la violence, c’est mal !") ne valent guère la peine que l’on s’y arrête, nombre d’autres s’interrogent avec honnêteté sur la violence & son utilité.. Question pertinente, la violence n’allant pas de soi, et, comme forme d’expression pour le moins dure, devant être pensée. Voici donc quelques pistes pour contribuer à la réflexion & l’action.
Qu’aurait été l’évacuation de la Sorbonne sans la résistance active & spectaculaire d’une partie des occupant·e·s ? Ce n’est pas tous les jours que les flics se prennent des tables sur la tronche, et ce moment est vite devenu un mythe, qui anime les solidarités en France comme à l’étranger, profitant directement à ceux qui sont pourtant les plus prompts à critiquer ces actions, les "pacifistes". D’une manière générale, les actions "dures", quand elles accompagnent un large mouvement de contestation, sont autant d’outils permettant à celui-ci de s’imposer, d’empêcher les tentatives d’étouffement d’un gouvernement, de se faire entendre ! L’État ne craint pas les marches pantouflardes qui jalonnent les mouvements sociaux depuis des années pour demander une petite part de gateau. Elles constituent la routine du théâtre démocratique, et n’obtiennent jamais rien de *significatif* (l’histoire des mouvements ouvriers montre beaucoup moins de frilosité de leur côté). L’État craint, au contraire, le dérapage, la perte de contrôle, le potentiel de colère d’un mouvement inflexible, à plus forte raison s’il est capable d’agréger d’autres révolté·e·s (ce que Sarkozy semble, à raison, particulièrement redouter !).Demandons-nous ce qui fonde notre appréciation d’une action. Le seul regard filtré des caméras, aux ordres du gouvernement, comme l’ont montré les expériences pratiques de luttes depuis des années, comme la sociologie critique ? S’il est important de penser à l’intelligibilité des actions, en donnant de la visibilité à des idées, à des revendications, via banderoles, slogans, graffitis ("cassons le CPE !") & choix de cibles claires, il serait bon de ne pas oublier la dimension libératrice & révolutionnaire, à une échelle personnelle & collective, de ces moments. L’expérience pratique de la résistance permet non seulement de sortir les violences quotidiennes accumulées face à la l’autorité, mais aussi et surtout de vivre un moment d’intensité _ensemble_, lors duquel le temps est suspendu, lors duquel le jeu change de règles. C’est assurémment un moment galvanisant que de briser l’isolement habituel, pour se sentir fort·e·s ensemble, légitimes dans la colère, et refuser le confinement imposé par la flicaille, bras armé de l’État, qui, on le sait, n’est là que pour décourager, démobiliser, semer la terreur, fracasser des gueules, bref, casser (les gens, le mouvement) ; et non pour nous protéger ( ! ! !), comme certain·e·s osent encore le bêler !
On dit souvent que la violence, si elle est légitime, est difficilement compréhensible, audible pour le citoyen. À vrai dire, c’est évident.. Quoique. Comme modes d’action, l’insoumission (refuser le confinement policier et l’enfoncer), la résistance active (caillaisser, entre autres choses) & le sabotage (briser des vitres pénibles à regarder) sont aussi des expressions qui parlent à des catégories de la population, "qui ont délaissé la politique, parce que la politique les a délaissés". Quoi qu’il en soit, si bien des gens refusent la "violence" (bien que celle des manifestant·e·s demeure en tout point inférieure à celle du gouvernement), ne peuvent s’y identifier ; si bien des gens s’en vont la rejetter en bloc, fustigeant les casseurs (pure invention policière & médiatique, visant à décrédibiliser ceux & celles qui expriment de manière radicale & déterminée leur opposition, en les faisant passer pour des opportunistes sans rapport avec les manifestations, ce qui est mensonge éhonté), faut-il se demander pourquoi, ou, plutôt, comment remédier à cela ?
Et si tou·te·s les manifestant·e·s occupé·e·s à dénoncer leurs voisin·e·s lanceurs & lanceuses de pavés, sous prétexte que "personne ne va comprendre", consacraient un dixième de ce temps là à _expliquer_, à faire en sorte que les personnes en question puissent comprendre ; à se montrer en solidarité, à assumer ces actions comme composante du mouvement ? Que l’on soit clair : il ne s’agit pas nécessairement que tout le monde se transforme en émeutier·e ; à chacun sa manière d’agir, selon son confort personnel & ses envies, dans le respect des autres tactiques ; mais ce dont il s’agit, à l’évidence, c’est de refuser la stratégie de division du gouvernement, qui va sans hésiter distribuer des bons points aux gentil·le·s manifestant·e·s, inoffensifs, pour durcir la matraque contre les autres. Le fait même qu’un gouvernement hostile flatte les étudiant·e·s les plus dociles, opposés à sa politique, devrait mettre la puce à l’oreille à quiconque se méfie. Cessons donc de jouer le jeu de Sarkozy, et de vouloir être premiers de la classe ! Désertons son monde & ses logiques autoritaires, et nourrissons une opposition plurielle, insolente, qu’elle soit ou non violente ! Nous avons tou·te·s à y gagner, sauf le gouvernement.
Reste à savoir si le mouvement anti-CPE veut avoir l’intelligence de s’ouvrir à d’autres mécontentements, pour dépasser la revendication limitée du CPE, qui, il est vrai, ne fait que compléter un dispositif d’exploitation déjà largement rodé. S’opposer radicalement au CPE et faire en sorte qu’il ne ressurgisse pas sous un autre nom, c’est forcément poser la question du monde qui l’a généré, et lutter pour en construire un autre, fruit de nos envies, des pratiques collectives que l’occupation des FAC permet d’ores & déjà d’explorer, sans oublier l’inspiration que peuvent nous procurer les expériences & projets autogestionnaires qui existent depuis des années, mettant en relation recherche d’égalité dans le vivre-ensemble & pratiques d’autonomie vis à vis des systèmes étatique & marchand.
Alors, qu’est-ce qu’on attend ?
un étudiant ("casseur" à ses heures)
-
Chronique(s) de la lutte contre le CPE [Y. Coleman] [English], RS, 20 mars 2006This text has been written hastily and probably contains many mistakes. But as Greek comrades asked me to answer to a number of questions I tried to do my best as quickly as possible. All comrades (including French comrades obviously) are invited to post their comments, informations, etc.
1) Is France in front of a new May 68 ?
Today (March20th) I would answer NO but everything can change if the working class (and specially those of the private sector) decides to make a move.
Here are a number of differences with May 68.+ University students are divided about the methods of action. Even if the majority of them and the majority of French people (70 % according to the polls) are against the CPE (Contrat première embauche, First job contract), they dont all approve the occupation anc blocking of the universities.
The medias and the Right are trying to convince the most moderate anti-CPE students that blocking and occupying the universities is not a good solution :
because the votes are not democratic (only a minority votes and generally the votes are public and not organized in the secret of the urns, which is presented as a guarantee of « democracy »)
the poorest students will be more affected if they miss their exams.
The strikers answer that the only way to oblige the students to come to general assemblies, discuss and vote is to block the university (that’s also true in the high schools) ; if the strikers were not paralyzing the universities they would not be able to organize mass discussions, including about the continuation of the strike itself. (The majority of university students are not spontaneously revolted individuals. They tend to obey to their teachers, to the university administration and to their parents who finance their studies.) The second aim of the strikers is to involve the university teachers. Obviously if the teachers were engaged in a general strike, then the university system would be totally blocked.+ In 1968 12 % of the youth had the « baccaulauréat » (exam at the end of high school studies). Today 70 % of the youth has the baccalauréat. So the perspectives to be integrated in the socalled middle classes are very small. And at the same time the risks taken by the students are much higher.
+ In 1968, the Far Left and the anarchists and all sorts of libertarians succeeded to dominate ideologically and materially the student movement. They could talk hours about revolution and be taken seriously or least not contradicted. They did not ask for a university reform, they wanted the disappearance of the university system, the end of the division of labour, etc. ; they had an anti-authoritarian rhetoric and at least wanted to control the content of the classes, to introduce revolutionary pedagogical methods, to make counter-classes, etc. As they said, they did not want to be the « foremen » or the « lackeys » of the capitalist class.
Almost 40 years have passed. The Far Left (what is left : the Trotskyists, the Maoists, as such, have almost disappeared or are now in the main trade unions or the small anarchosyndicalist trade union) has become famous for its ability to manipulate general assemblies, to use movements for its own political aims (i.e. to pressure the Left to unite and come to power once more) and then, for some of them, to enter the SP or the State apparatus to make a traditional political career, etc.
Already in the 1986 movement, it was obvious that the students did not criticize anymore the ideological content of the studies, did not mind about of the reactionary pedagogy of their teachers. They did not want to change society and were looking for good jobs. They wanted more grants, more teachers, bigger classrooms, etc. But there was something positive and new : they did not want the Far Left groups to manipulate them and tried to have democratic procedures in the general assemblies, even if they did not always succeed. They created « Coordinations » which were supposedly independent from the parties and trade unions.
That’s why today instead of having only the tiny bureaucratic student trade unions and the « revolutionary » grouplets in front of the struggle, there are student coordinations which are trying to limit the maneuvers of the professionals of politics.
The national student coordination meets each time in a different town and the number of delegates has doubled in size, from 200 to 400.
The demands of the coordination dont only concern the suppression of the CPE, but also a general amnesty for all the persons condemned in the November riots, the suppression of all laws favouring precarity, etc. The students coordination is trying to build links with high school students but also with small groups of precarious workers to enlarge the movement and its aims.+ The fact that today most university students have no more « wealthy » parents should push the poorest to oppose radical methods threatening their professional future : strangely enough it does not seem to be the case for the moment. Although this argument is developed in the medias and by the Right ,the wealthiest students (those who have less objectively to loose) are the ones who are the most opposed to the occupation and the « poorest » those who are ready to take risks. At least that’s the information I got from comrades in Tours a French middle town which is not usually in the vanguard of student movements and where for the first time Law and Economy university students (until now dominated by an extreme right and violent trade union) went on strike, made general assemblies, etc. Nevertheless there is a significant group of students between the richest and the poorest which is hesitating and dont want the struggle to ruin their studies and future « career ». That’s why, even if around 60 universities over 84 are blocked, there are a still tensions among the students. These tensions come not only from the tiny Far Right groups or from the traditional right wing students (who are themselves divided), they appear inside the opponents to the law itself.
+ Today the fear of unemployment dominates in the youth even among the teenagers, there is a growing feeling of insecurity. A feeling which did not exist at all in 1968. This feeling fuels the movement (both for the sons of workers and of the middle classes who dont want to become workers) but can also limit it.
+ Next year (2007) is an electoral year : the SP and the trade unions are ready to give a socalled « political perspective » to this movement. If the governement is intelligent enough to withdraw this law and start discussions with the trade unions, then the Left (SP, CP, Greens) will say to the youth that they have to wait for next year and make the « right » choice when they will have to choose their ballot. That’s exactly what they did after the October-November riots when the most « courageous » of the reformists dared to come to the suburbs and campaign for the youth to be inscribed on electoral lits. Whether this political trick will work is to be seen. For the moment the government seems to think that the peak was reached last Saturday and that the movement will rot.
2) What is this new law about youth employment called and what it is about.
The Contrat Première Embauche is a new Contract voted by the Parliament. It enables bosses to hire people under 26 for 2 years and during this period they can fire them without giving them any reason. In other terms it’s a first breach against the Labour Code.
In France that there many kinds of contracts but the model, the norm, the ideal contract is called a CDI (Contrat à durée indéterminée, Undetermined length contract). During the last 30 years, the number of people enjoying a CDI has progressively diminished. In fact the people between 30 and 50 are the ones who « benefit » from these contracts. Under 30, they have all sorts of temporary contracts justified by the difficulties of their « insertion in the labour market ». After 50 (years old) the mass of those who have temporary contracts are those who have been collectively sacked from companies which are bankrupt, externalize their production, merge and downsize their staff, etc.2) What are the differences between this new law and the old one they had tried to pass in 1994 and which had also been confronted with demonstrations and riots ?
35 different measures have been taken concerning youth unemployment during the last 30 years.
The CIP was presented by Prime minister Balladur in 1994. It was aimed at young people under 26 who had a « baccalauréat » (end of the high school exam) or a two-year university diploma and had difficulties to find a job. The bosses were allowed to pay 20 % less than the minimum wage if the employees had a baccaulauréat or a 2-year university diploma, or even more than 20% of the minimum wage if the young employeees had no diploma at all.
Recently the governement has passed 2 new laws concerning the CPE (First Job contract) and the CNE (New Job contract)
The CPE concerns the companies which have more than 20 employees, the CNE the companies who have less than 20 employees.
The CPE concerns people who are less than 26 and the CNE all wage earners.
During the first 2 years those who have a CPE and a CNE can be fired very easily.
The companies who hire people with a CNE or CPE wont pay taxes for 3 years.
The training periods superior to 3 months will be payed a minimum of 360 euros (this is a fraud, as most young people who do a training period in a company work for less than 3 months… and for free).
Untill the CPE and CNE the law was rather vague about the « trial period » (the period during which you are tested by your employer and you dont know if you’ll get the job). By extending the trial period to 24 months the government gives a lethal legal tool to the bosses.
The CPE is clearly a way of installing the youth in precarity, both inside the company (to accept the bosses discipline, not to strike, to accept dangerous working conditions, to work very quick, etc.) and outside the company (it will be difficult during 2 years to leave his/her parents, probably impossible to rent a room or a flat, etc)3) What is the class composition of the demonstrations these days ? Is it only young workers and students ?
The movement started in the universities, then spread to the secondary schools (both the high schools « lycées d’enseignement général » leading to the universities and the professional or technical high schools « lycées techniques »). The tactics of the student trade unions was to look for the support of precarious workers organisations and of the other wage-earners trade unions. So the trade unions organized a day of action on the 7th of March and will probably organize a second one this week the if the government does not withdraw its project.
4) What about the occupations of universities and secondary schools ?
The occupations concern a bit more than half of the universities. I dont know how many secondary schools. As usual the occupation is not voted by 100 % of the students (generally by 20 % of them or even less) but until now, the majority of the students who participate to the general assemblies wants to go on. The presidents of the universities are panicking and more and more of them ask the government to withdraw the law. Officially, they are preoccupied by the tensions between the strikers and non strikers which may lead to dangerous physical fights. But obviously they are worried by the political consequences of a total blocking of the university system. Actually the minister of the Interior (Sarkozy, a vicious rightwing liberal) has the same fear and would like to avoid what happened in 1986 : the cops beat up a young guy (Malik Oussekine) and he died because he had a heart attack. The government was obliged to step back in front of the row provoked by this murder and to withdraw some hours after Malik’s death.
5) Do you think they are strong enough to force the government to take the law back ?
If the Prime Minister and President were intelligent, they would withdraw the law. The Center Party, Socialist Party, Communist Party and all the trade unions are against the law introducing this new contract. For the moment each national day of struggle gathers more people. I dont know if the movement is at its peak but everybody compared the 18th of March with the 2002 demonstrations between the 2 turns of the Presidential elections. The Left (in the broadest sense) is nationally mobilised against this new contract and the mobilisation touches all generations. It seems that the Right does not want to make any compromise for the moment.
6) What is the attitude of the banlieue kids who had rioted a few months ago towards the demonstrators ?
I’m unable to answer your question. I can just give you some hypothesis.
The banlieue kids were mainly engaged in an « anticop » struggle, against all racist discriminations, targeting state institutions (schools, post offices, kindergartens, public transports, etc.) or state forces of repression with no demands, no political, trade union or autonomous organisations. As individuals they may well join the protests, but as organized groups or « gangs » they cant be accepted. So if they really want to go down town to have « some fun » with the cops, they take advantage of the biggest demonstrations to start physical fights with the cops and destroy some shops and burning some cars.
As usual the cops rarely arrest the « right » guys, take advantage to arrest revolutionaries who did not participate to street fights (7 anarchosyndicalists of the CNT were arrested in the tube) and spread confusion saying that post-demo fights were the fact of both fascists and leftists (very small fascist or far right groups have tried to attack strikers on several occasions).
From what appears on TV and in the medias it seems that a small minority of the banlieue kids are participating to the end-of-demos confrontation with the cops, which have become a kind of tradition – even it concerns a few hundred people and is probably not approved by the mass of the moderate demonstrators.7) What about the unions ?
They want to have a « true discussion » with the government. Basically they ask the governement to finance a permanent training fund during all the wage-earners life. In other words their model is flex-security like in Danmark or Sweden. So they dont criticize flexibility which according to them is « imposed by the present globalization » but they want the State to create a security net for all wage-earners from their first to their last job. They also want the State to give subsidies (or tax advantages) to the companies which will hire young people with no qualification (20 % of the youth) for a CDI (Contrat à durée indéterminée, Undetermined duration contract) as opposed to the CDD (Limited duration contract).
Until now a boss (including the State) was not allowed to give more than 3 successives CDD’s to an employee and risked a fine if he did.
As the government did not discuss with the wage-earners and student unions before presenting the law concerning the CPE, its attitude pushed the most moderate trade unions (CFDT, CFTC) to unite with the most « radical » unions (CGT, FO, UNSA, Groupe des Dix which includes the Sud trade unions). Obviously the second group of unions are not radical at all from our point of view, but they have sometimes a radical language or a radical image in the public. Their traditional ties either with the CP (CGT), either with the Far Left (Groupe des Dix) or their demagogy (FO) lead them to call for one-day strike actions more often than the CFDT and CFTC (Christian moderate trade unions ; the CFDT is linked to the Socialist Party) which are always complaining that the government does not discuss with them.
The CGT, FO, Groupe des Dix and UNSA are rooted in the public sector and more able to have a relatively efficient one-day strike. -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 20 mars 2006Rouen : Ni CPE, ni récupérateurs !
Ce matin les récupérateurs du mouvement, qui ne se montrent qu’en AG pour
tenter de s’approprier ce à quoi ils n’ont participé que de loin, lorsqu’ils
n’ont pas tenté de le saboter, ont tenté de faire élire un comité de
mobilisation (ou de grève, ou de coordination, ça restait assez flou) pour
représenter le mvt à la coordination nationale. Après un débat entre les
étudiants de tous les UFR et des lycéens dans un amphi bondé, l’AG a rejeté
en masse la représentation, la rigidification, la récupération du mvt qui se
passe très bien de gestionnaires et de petits-chefs.Les lycéens de Rouen Rive Droite ont bloquer leurs lycées, avec succès dans
au moins trois établissements. Pas mal étaient présents à la fac (ce qui
leur a donné l’occasion de découvrir les joies de l’auto-réduction dans les
transports en commun) et ils ont eux aussi exprimé leur désir de ne pas être
encadrés, leur refus de l’aile paternaliste que les orgas veulent étendre
au-dessus d’eux. Cette après-midi manifestation avec à nouveau plusieurs
cortèges, hier le blocage de l’agglo était assez impressionnant... Un seul
mot d’ordre : spontanéité ! En même temps il a été rappelé qu’il fallait
faire bloc et ne pas laisser les flics faire des coups de filets ciblés..
Nous ne laisserons pas nos camarades seuls face à la répression.Ni CPE, ni récupération, vive l’auto-organisation du mouvement !
****************************************************************
Extrait du journal de la lutte autonome de Rouen : LE POTAGEUne couille dans le potage
De la récupération à la manipulation, il n’y a qu’un pas.
Bref rappel :
Le Contrat Première Embauche est une mesure de plus visant à nous rendre la
misère du travail salarié plus inconfortable encore, en instaurant une
période d’essai de 2 ans, rendant l’employé jetable pendant ce laps de temps
_ ; nous ferons fi du préavis d’un mois - des miettes, encore des miettes.. Qu’
on en tire les conséquences.C’est aujourd’hui le cinquième jour de blocage depuis le mardi 7 mars, jour
où ceux qui occupaient depuis la veille l’amphi Axelrad mirent à exécution
la décision prise en AG de bloquer le fonctionnement de la fac. D’abord
relativement peu nombreux, ils furent rejoints au cours des blocages,
actions, soirées d’occupation, par d’autres personnes déterminées à se
battre contre le CPE. Jusqu’à jeudi dernier le mouvement était
auto-organisé, et ce qui permettait la confrontation de sensibilités et d’
opinions diverses - spontanéité et affirmation des positions - faisait,
malgré le manque de clarté qui pouvait en résulter, sa force. Jusqu’à ce
que.Écoutons donc un des porte-parole des récupérateurs qui veulent tenter de
cadrer ce qu’il y a de vivant dans ce bouillonnement collectif, « l’un des
meneurs », Choco de la Gauche Révolutionnaire : « Il y a une grande AG
prévue [vendredi] matin à 12h dans l’Amphi 600 des STAPS [.] On veut se
réunir et choisir de manière démocratique ce que nous allons faire par la
suite. Nous sommes décidés à nous battre contre le CNE et le CPE mais de
manière pacifique. Le but de l’AG sera donc de structurer le mouvement. »
(Pourrie-Normandie du vendredi 10 mars). La tentative de décrédibilisation
du mouvement autonome et de sa récupération par ces tristes-sires avait déjà
été exposée au grand jour (cf Parution #1 : Une cheveu dans la soupe).
Calomnie, menaces personnelles, manigances de coulisses, censure, tout
semble bon à ces fumiers pour arriver à leurs fins. Mais voyons donc la
portée et le but réels de cette « grande AG » : après avoir feint d’ignorer
l’Assemblée Générale de l’Amphi Axelrad (qui s’y déroule pourtant
quotidiennement à 10h depuis une semaine, et il le sait), Choco tente de
faire élire, par les quelques IUTiens qu’il a réussi à diriger vers l’Amphi
600 et une poignée d’autres étudiants, une délégation sensée représenter l’
Université de Rouen à la coordination nationale de Poitiers qui se tenait
samedi. Résultat : Une vingtaine de personnes ont débarqué pendant l’AG pour
empêcher qu’elle se tienne, raconte [Choco]. Cela s’est fini en bagarre.. C’
est vraiment dommage d’en arriver là. En tous cas, ils ont réussi ce qu’ils
voulaient : saboter l’AG. » (P-N des samedi 11 et dimanche 12 mars). La «
vingtaine de personnes » était en fait majoritaire dans cet amphi.Cette démarche étant inacceptable, il était bien évidemment hors de question
qu’elle puisse être menée à « bien » impunément. On ne s’étonnera pas que
ceux qui espèrent récupérer la tête du mouvement (et même, à vrai dire, la
créer de toute pièce) déplorent que leurs minables manouvres soient
contrecarrées. La volonté de pouvoir n’a pas sa place dans un mouvement qui
depuis le début ne reconnaît pas de chef, et laisse toute latitude à une
élaboration collective de la pensée et de l’action. Ceux qui veulent se
faire mousser et assouvir leur soif de contrôle n’ont qu’à continuer leurs
actions clientélistes et leurs petites intrigues de parti ailleurs, par
exemple en allant jouer les « partenaires sociaux » (comprenez « collabos
briseurs de grève ») chez Villepin. Il va de soi que la vérité sera toujours
rétablie.Mais laissons de côté ces rebuts de l’histoire. Le mouvement continue de s’
auto-organiser, comme il l’a fait depuis son commencement. Aujourd’hui lors
du blocage, des projections, tables de presse, groupes de discussion et de
décoration se mettent en place : le blocage ne doit pas être synonyme de fac
morte, mais bien plutôt de réappropriation de l’espace universitaire par
ceux qui le font vivre - le personnel de l’Université, qu’on n’entend pas
assez depuis le début du mouvement, est d’ailleurs vivement invité à prendre
part aux débats. Outre ces activités qui se tiendront sur le campus, des
collages et diffs de tracts se sont tenus ce week-end et continuent de s’
organiser en ville, devant les les lycées, les ANPE, pour que ce mouvement
ne se cantonne pas à un débat universitaire, entre universitaires. Pour
aller jusqu’au bout contre le CPE et penser de façon globale, ce ne sera pas
sans les lycéens, chômeurs, travailleurs, que nous devons agir, mais bien en
lien avec tous ceux qui peuvent être nos alliés dans la lutte.Contre la précarisation et l’isolement : élaboration d’une pensée et d’une
action collectivesAG QUOTIDIENNE 10H AMPHI AXELRAD
Non au CPE - Non aux petits-chefs - Vive l’auto-organisation du mouvement !
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, BL, 20 mars 2006Récit de la sorbonne occupée
Le vent tourneLa moitié des universités est occupée en France.
Vendredi après-midi, une vitre brisée a suffi à ce que des centaines de personnes se réapproprient la Sorbonne enfin débarrassée des vigiles et des appariteurs. Des chômeurs, des précaires, des intermittents et autres damnés de la terre ont alors pu nous rejoindre. À la tombée de la nuit, des centaines d’autres personnes participaient également à l’occupation de l’extérieur : entre barricades, fanfares et feux de joie le mouvement prenait un nouveau souffle.
À l’intérieur le vent était en train de tourner. Déjà, un peu plus tôt dans la journée, des tentatives de récupération étaient déjouées. Mélenchon (PS) en visite, fut contraint de quitter l’amphi. Mais, il a fallu du temps pour que quelqu’un se dresse sur une table et prenne la parole. C’est alors que les apprentis bureaucrates ont flanché, eux qui voulaient voter jusqu’à l’absurde et encadrer à tout prix.
Vers 1h00 du matin nous avons pu nous déprendre définitivement des formes usées de la tribune, des prises de parole contrôlées. La discussion s’est enfin libérée, personne ne parlait pour personne, toute représentation est devenue impossible. Les contradictions de classe ont traversé l’assemblée. Il y a eu des embrouilles, des tensions, des prises de gueules, des conneries et des montées de testostérone. Pourtant l’assemblée a continué. Les points de vue n’étaient pas homogènes, mais on a tenté de penser et s’organiser collectivement.
Les revendications se sont multipliées, et pas simplement contre le cpe ou la loi sur l’égalité des chances, certains ont évoqué les sans papiers et la répression contre les émeutiers de novembre. La liste s’est allongée jusqu’à rendre vaine toute idée de revendication. Non pas que les discussions devenaient absurdes, au contraire elles gagnaient progressivement en contenu. Nous avons alors parlé du partage du savoir et de l’évidence de la sélection sociale. Certains ont évoqué le fait que toutes les formes de travail salarié posent problème, et que le CDI c’est aussi l’exploitation.
Le vent tourne : c’est un Tout que nous refusons, le retrait du cpe ne suffira pas.
Les dirigeants et journaleux de tout bord l’ont bien perçu. Ils s’acharnent à séparer étudiants et vandales, casseurs et non-violents. Pourtant, de l’intérieur, nous avons senti que cette distinction ne pouvait pas exister à ce moment-là.
Ce vendredi soir, beaucoup se sont débarrassés de leur peur et de l’infantilisation.
Le mouvement prend de l’ampleur et dépasse les clivages , ne nous laissons pas imposer ces distinctions, nous avons des choses importantes à faire ensemble.
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 20 mars 2006Et, pour compléter, un peu de prose auto-organisatrice pour animer nos débats (idem Indymedias) :
Un cheveu sur la soupe
De la grève sauvage à l’auto-organisationCela fait maintenant cinq jours que la Fac de Rouen a rejoint le mouvement anti-CPE qui se propage partout en France. Si jusqu’à maintenant celui-ci s’était constitué de manière autonome, il n’aura pas fallu longtemps pour que les professionnels du militantisme viennent nous vendre leur soupe, confessant vouloir « nous restructurer ». Dans de nombreuses villes des milliers d’étudiants ont refusé d’écouter les sermons des petits-chefs et s’auto-organisent : fatigués d’êtres menés en pâture, leur spontanéité l’a emporté.
Ce que la manifestation d’hier a montré, c’est que s’opposer aux dirigeants de ce pays signifie aussi que nous ne voulons pas être dirigés. Du jeune-cool au poncho qui rêve que sa grand-mère le reconnaisse « à la tête » des étudiants en première page du Paris-Normandie, aux politicards de service qui espèrent nous enrôler dans leurs organisations trotskistes, c’est le même désir de contrôle, la même volonté d’encadrer ce qu’il y a de vivant dans la résistance. Or, c’est cette vitalité qui jusqu’à présent a fait la force du mouvement anti-CPE. Hier, les « animateurs » de la manif ont préféré marcher main dans la main avec la police qui leur dictait le parcours, plutôt que de suivre les « méchants incontrôlés » qui allaient spontanément chercher les lycéens enfermés à quelques mètres, pour aller se désagréger place de l’Hôtel de Ville, après le traditionnel discours. Pourtant les lycées avaient déjà montré leur détermination à la manifestation du 7 mars, débordant là aussi le cordon syndicaliste. Depuis, les contacts se sont multipliés et les liens ne demandent qu’à se renforcer dans l’action.
Par « auto-organisation » nous n’entendons pas la confusion et la dispersion, mais bien plutôt le libre jeu, l’articulation entre les différentes positions dans une perspective commune, sans l’aplatissement à tout prix des antagonismes. « Grève sauvage » des A.G. sans tribune, des blocages dans la joie, des banquets collectifs et des rires sans intentions. Pas besoin de trouver un consensus pour mettre en place des actions, dès lors que suffisamment de personnes sont déterminées à les mener, ni de modérateurs lors des débats passionnés, où même s’il est bon d’établir une base d’accord, les divergences doivent s’exprimer.
Appelons donc à reconduire la grève, pour que puisse continuer à s’élaborer la lutte autonome contre le CPE, et ce jusqu’à son retrait. Organisons-nous dès aujourd’hui pour continuer le mouvement sur la fac, sans oublier bien évidemment les lycéens, chômeurs, travailleurs, tous ceux avec qui nous pouvons nous allier dans la lutte.
AG à 10h Amphi AXELRAD
Propositions à débattre en A.G. :
Reconduction de la grève à l’Université
Blocage dès lundi matin de tous les UFR
AG quotidienne à 10h
Débrayage dans les lycées du centre-ville le midi
Manifestation autonome dans la foulée -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, Patlotch, 20 mars 2006Merci pour cette heureuse initiative (autant le dire, puisque je l’avais souhaité en considérant, comme d’autres, que Meeting pourrait accueillir ce genre de témoignages, complétant les textes de fond).
J’ai ouvert une rubrique sur mon site Partant des luttes anti-CPE, et j’ai regroupé des textes Révoltes en France novembre 2005. Mes appréciations sur anti-CPE sont dans mon fil quotidien, mais désolé, un peu mélangées : Passages du Temps
Faut qu’ça tourne !
Vu d’où je suis, il me semble que ça ne décolle(ra ?) pas facilement dans le monde salarié (sauf en tant que parents) et cela pourrait confirmer une idée de RS (Ballade en novembre) sur des coupures voire des oppositions au sein de la classe des prolétaires : pas de perspective d’"unité" comme le clament les organisations. C’est pourquoi je souscris à l’idée du camarade étudiant : « Nourrissons une opposition plurielle insolente, qu’elle soit ou non violente ». La quantité s’oppose à la qualité, si on vise l’unité homogène ; c’était frappant à la manif parisienne du 18 mars, comme si tout le monde était tiré vers le bas par les mots d’ordre les plus timorés, limités au retrait du CPE. Mais ce n’est qu’une manif et ce n’est que mon impression...
Amical’
Patlotch, 20 mars
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, BL, 20 mars 2006Ouvrir la brèche.
Le Chaos Pour nos EnfantsLeur Contrat Première Embauche en est la preuve supplémentaire : la guerre éclair menée par les capitalistes pour réduire le salariat à l’état de sous-classe d’esclaves ira jusqu’à son terme si rien n’est fait pour y mettre obstacle.
Dans ce combat, ceux qui ont encore des illusions sur un avenir proche garantissant le confort dans l’asservissement, à l’abri de la dictature, de la guerre, des radiations, de la pénurie d’alimentation et d’énergie, sont suicidaires. Ceux qui croient encore aux appareils politiques, spécialisés ou non dans la contestation spectaculaire, sont des naïfs. Inutile de chercher à réformer le Capitalisme, encore moins quand celui-ci se trouve en phase terminale.
Tu ne t’intégreras pas à cette société, c’est cette société qui te désintégrera. Elle s’acharne d’ailleurs à t’amputer de ton intelligence pour que tu sois incapable de constater cette évidence. Si tu t’entêtes à te conformer à l’ordre social, ta vie va continuer à se détériorer rapidement et tes enfants ne survivront pas. Bientôt, tu ne pourras plus faire semblant de t’adapter facilement à cette existence, construite sur un seul modèle possible : celui de la production de nuisances dans la contrainte, celui de la consommation de ces nuisances dans l’ennui et la restriction croissante. Es-tu certain, d’ailleurs, qu’en faisant le larbin aujourd’hui, tu garantis ton avenir ? QUEL AVENIR ?
Ta seule solution est de renouer avec la tradition de lutte portée par la classe ouvrière et les mouvements d’avant garde. Le moment de prendre conscience c’est maintenant. L’instant où tu dois abandonner ton scepticisme, ta résignation, tes fausses préoccupations sur ton ego, afin de combattre pour la survie de l’humanité, la tienne, c’est tout de suite. N’attends pas pour te réveiller d’avoir la puce dans le bras qui remplacera le flic dans ta tête. N’attends pas de crever du cancer, comme un nombre croissant de tes proches, pour cesser de philosopher passivement sur la pollution (si du moins tu philosophes) et envisager le sauvetage de ce qui reste de la nature. N’attends pas d’être un serial consommatueur et d’avoir perdu tous sentiments humains pour ouvrir les yeux et entreprendre de changer les rapports entre les gens. N’attends pas d’être en incapacité de lutter pour commencer à le faire. Il sera trop tard demain si tu ne reviens pas à la racine de toi-même dès à présent, si tu ne te radicalises pas. Le camp d’en face, lui, l’a déjà fait. Et n’oublies pas qu’à chaque minute c’est un peu plus de ce qui peut encore assurer la survie biologique de l’espèce qui disparaît, anéanti définitivement par la logique capitaliste.
Le temps joue contre toi.
Contrer leur Programme d’Extermination
Les fanatiques qui sont au pouvoir n’avaient pas prévu que la révolte de la jeunesse atteindrait une telle ampleur.
Leur empressement à appliquer le programme de destruction de la civilisation conforme à l’agenda imposé par les transnationales les conduit à confondre la masse avec cette avant-garde de la bêtise qui monopolise quotidiennement l’espace médiatique. Cette erreur stratégique pousse la bourgeoisie à se rigidifier sur ses positions. Ne pouvant plus convaincre de rien, le Pouvoir est résolu à mater toute contestation.
Dans ces circonstances, il faut que l’unité entre tous les exploités se consolide et se radicalise. Il est nécessaire, pour ce faire, que tu sois conscient d’être un prolétaire, dans une époque où le système éducatif n’est principalement qu’une usine à formater le bétail salarié aux conditions de production.
La contestation doit dépasser le cadre de la revendication. Il est primordial de tenir à distance les organisations syndicales dont tout le programme se résume aujourd’hui à mettre en échec la contre-attaque prolétarienne potentielle qu’exigent les enjeux catastrophiques de notre temps. Cette situation d’affrontement nous offre la précieuse occasion d’ouvrir à nouveau les champs pratiques et théoriques obstrués depuis 30 ans, pour reposer la question d’un nouveau monde. Des actions autonomes, des débats libres ont d’ores et déjà été amorcés.
Consolidons les contacts entre salariés, étudiants, lycéens, chômeurs et autres galériens et organisons l’action des groupes autonomes de défense !
La question de la Révolution doit rejaillir au centre des débats, mais évitons les formules érodées héritées des échecs du passé. En ce sens, il est incontournable de dresser l’inventaire des apories de la pensée révolutionnaire, pour échanger sur la façon de mener victorieusement la société vers une remise en cause fondamentale. Discutons des normes que nous entendons substituer à celles qui sont en vigueur aujourd’hui, des principes que nous comptons proposer aux hommes pour remplacer les lois iniques du marché...
L’homme retrouvera à tâtons le fil perdu.
François LONCHAMPT RAPACES
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 21 mars 2006EHESS OUVERTE A TOUS
Venez le plus tôt possible pour rejoindre les
occupants en lutte. Débats ouverts à tous.
Les locaux de l’HESS du 105 bd Raspail sont occupés
depuis ce lundi 20 mars. Pour un ensemble de gens,
déjà précaires ou en voie de l’être, il semblait
nécessaire de se donner un lieu et des moyens pour que
notre hétérogénéité s’agence et s’organise. Il s’agit
de moins se réapproprier une école que d’en faire un
lieu ouvert, sans propriétaire ni corporatisme (y
compris étudiant), où nous tenterons d’inventer des
formes de luttes adaptées à la situation. Plutôt que
de lever la main pour exposer des revendications
catégorielles ou attendre la permission de la tribune
pour étaler ses opinions individuelles, il s’agit de
se donner le temps de s’organiser pour prendre part à
la bataille actuelle. Nous ne sommes pas là pour
pleurnicher. Sur le grignotage de ns acquis sociaux
conquis de « haute lutte » par le Front Populaire, la
gauche plurielle et autres gestionnaires de tous poils
qui nous promettent un salariat plus sympa. Nous ne
pouvons plus nous limiter à la lutte contre le CNE et
le CPE parce qu’il s’agit en effet moins de d’une
perte de nos acquis qu’une avancée logique de
précarisation et d’optimisation de la mise au travail
de tous. L’ampleur et la radicalisation du mouvement
nous amènent à ouvrir à tous ce lieu de discussion,
d’actions et de lutte.Soyons toujours plus nombreux.
AG en Lutte
Débats ouverts
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 21 mars 2006Quelques nouvelles de la lutte dans le 93
C’est une dépeche d’agence de presse qui donne ces news, mais comme on n’en a pas d’autres...
Seine-Saint-Denis : une mobilisation anti-CPE éparpillée et plus violenteLa mobilisation lycéenne anti-CPE a touché mardi 25 des 64 lycées publics de Seine-Saint-Denis, dont huit ont été fermés par sécurité, a-t-on appris auprès de la police et de l’Inspection d’académie (IA), qui font état de dégradations croissantes sur les voies publiques. Selon l’IA, huit lycées ont été fermés par mesure de sécurité : Paul-Le-Rolland (Drancy), Jacques-Brel (La Courneuve), Arthur-Rimbaud (La Courneuve), Feyder (Epinay-sur-Seine), Marcel-Cachin (Saint-Ouen), Olympe-de-Gouge (Noisy-le-Sec), Moulin-Fondu (Noisy-le-Sec) et Paul-Robert (Les Lilas). Le lycée Henri-Sellier (Noisy-le-Sec), annoncé fermé par l’IA dans un premier temps, ne l’a pas été. A Drancy, où plusieurs voitures avaient été incendiées la veille, des incidents ont de nouveau opposé jeunes et forces de l’ordre peu après 8H00. Des CRS quadrillaient en fin de matinée les rues autour des lycées Paul-Le-Rolland et Eugène-Delacroix devant lequel étaient rassemblées plusieurs centaines d’élèves, venus notamment de Bobigny, a constaté un journaliste de l’AFP. Des affrontements ont également eu lieu dans la matinée à Clichy-sous-Bois, devant le lycée Alfred-Nobel où avaient convergé plusieurs centaines de lycéens de Livry-Gargan. La police a répondu par des tirs de flash-balls à des jets de bouteilles, selon Antoine Germa, professeur du lycée Nobel, pour qui "la désorganisation du mouvement lycéen est inquiétante". A La Courneuve, le lycée Jacques-Brel a de nouveau été caillassé, avant d’être fermé. "Nous avons franchi aujourd’hui un stade", faisait remarquer un policier, qui estime que 1.500 lycéens issus de 25 établissements étaient dans la rue mardi. "Des jeunes sillonnent les rues par groupes pour aller débaucher d’autres lycéens mais n’hésitent pas pour certains à aller au contact des policiers, ou à s’approvisionner dans les magasins au passage", précise-t-il. L’IA souligne elle aussi une évolution des actions lycéennes, "avec moins de blocages ou de barrages filtrants et plus de manifestations en villes, avec parfois la volonté d’en découdre avec l’autorité". A Montreuil, en revanche, où les lycéens sont très mobilisés depuis quinze jours, des élèves de Jean-Jaurès et Condorcet ont seulement procédé au blocage de leurs établissements et se sont réunis en assemblée générale avant de rejoindre la manifestation parisienne, a-t-on appris auprès d’élèves. Lundi, des élus communistes s’étaient publiquement inquiétés de la situation. Ils en appelaient à la "vigilance" du préfet pour qu’aucun "amalgame" ne soit fait avec "des provocations impulsées par des individus qui utilisent la lutte pour le retrait du CPE pour saccager des biens publics et privés".
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE , , 21 mars 2006Ce texte je veux l’écrire depuis plusieurs jours, mais remit au lendemain devant les nombreux textes - hors réseau sentant - qui circulent sur le mouvement anti-cpe
Brièvement, je ne vais pas reprendre toutes les réflexions de mon camarade Maxime en réponse au texte de Guy S, seulement rappeler les points qui me paraissent essentiels et que je désirs extraire de sa lettre.
la notion de restructuration du capital depuis maintenant 30 ans et qui a entraîné la disparition de l’identité ouvrière ( en non pas des prolétaires )
Mai 68 marquant la fin d’une époque et donc comme le soulignait très justement Greg le début d’une autre,
( lire le point 3 des notes de Maxime )la révolution ne se pose pas en fonction du déclin du capitalisme mais de l’existence même du capitalisme.
la preuve du communisme c’est le capitalla fin du modèle fordien : le modèle aujourd’hui, c’est la flexibilité extrême - la segmentation du prolétariat
la précarisation institué comme règle de fonctionnementinvoquer le modèle des luttes ouvrières passées, c’est se raccroché à un passé révolu. ce n’est pas oeuvrer pour la révolution
l’agréation nouvelle, c’est découvrir, diffuser et développer au sein des luttes, dans le procès de travail comme dans les sphère de la reproduction des rapports sociaux capitalistes toutes les pratiques qui mettent peu ou prou directement le salariat, flexible et précaire ou non sur toute la planète
En ce qui concerne le mouvement anti-cpe , quelques réflexions :
c’est le premier mouvement d’ampleur contre le développement de la précarité
ce mvt me semble à l’heure actuel en deçà de celui de 2003 sur les retraites, qui implicitement se battait contre l’allongement de la durée du travail
le poids du démocratisme de le mvt actuel ( voir les infos sur les étudiants qui brandissent leurs cartes universitaires pour démontrer - à la bourgeoise - qu’ils ne sont pas des éléments extérieurs
dans sa large majorité ce mvt ne rejettent pas par dans ses mots d’ordre - "retrait du cpe" - la logique capitaliste
illusions sur un vrai travailCela me rappel le mvt altermondialiste avec son mots d’ordre " nous ne sommes pas une marchandise" alors que depuis l’apparation du capital les prolétaires ont du toujours vendrent leur force de travail
illusion sur la violence : affrontement avec les forces de l’ordre alors que c’est les force syndicales d’encadrement qui sabotent
le constat que les défaites successives ces dernières décennies pèsent fortement sur la partie salariée -
peu ou pas de réaction ( la politique des syndicats n’expliquent pas tout et toujours )Ce qui il y a de positif, c’est sur les marges si l’on peut employer cette expression
les quelques AG ouvertes aux extérieurs ( chômeurs, précaires, zonard et autres pédés dixit un tract glané sur indymédia )
l’appel à l’auto organisation et le refus d’être récupérés ( Rouen )Voila c’est court comme à mon habitude
Fraternellement Christian le 20 mars 2006
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, BL, 21 mars 2006trouvésur le site d’AC !
TENDANCE GREVISTE NI CPE, NI CDI
un texte venu de rennes en lutte...
daté du 8 mars 2006 par AC ! Paris Air Libre
Appel du 22 février :
Les grévistes de Rennes II sont unis en tant qu’ils considèrent que la grève avec blocage de l’université est pour ceux qui y étudient la condition sine qua non d’une lutte contre le CPE ; non que cela suffise, mais cela libère le temps et l’énergie sans lesquels il n’y aurait pas de lutte, mais une simple divergence d’opinions.
Ils sont également unis en tant que pour eux la grève avec blocage est le seul moyen de provoquer le débat politique sur le CPE en dehors des joutes oratoires feutrées des parlements.
Ce débat politique sur le CPE a permis de constater au sein du mouvement une forte tendance à ne pas se satisfaire de slogans tels que " non au CPE, pour plus de CDI ", qui suggèrent que le CDI serait en soi un contrat équilibré, favorable aux salariés, qu’il s’agirait de défendre comme un acquis, une position de force conquise par les luttes passées. Il apparaît pourtant que tout contrat de travail garantit seulement les modalités d’une exploitation. Nous considérons que rejeter une réforme qui aggrave nos conditions de vie ne doit pas signifier la valorisation unilatérale de l’état de chose préexistant.
On nous parle de prudence, nous disant qu’il ne faut pas effrayer " la grande masse des gens ". Pourtant, la grande masse vit quotidiennement la réalité du CDI. Lui faudrait-il cesser de lutter, de faire grève, sous prétexte qu’elle jouirait de privilèges auxquels tous les précaires rêveraient d’accéder ? On connaît ce raisonnement, c’est celui par lequel on combat la révolte en prétendant que seul le pire la justifie, et que le pire est toujours ailleurs.
Nous prétendons que revendiquer plus de CDI contribue à la fabrique du consentement à l’égard de ce qui est.
Curieusement, c’est ceux qui veulent que l’horizon du mouvement ne se limite pas au retrait du CPE qui prennent le plus ce mouvement au sérieux, qui sont les plus déterminés à lutter jusqu’au bout, à lutter, quoi qu’il en coûte, jusqu’à son retrait.
Ne nous leurrons pas : le CPE ne sera pas retiré si nous commençons à nous dire qu’il faudra peut-être reprendre les cours si le gouvernement ne cède pas très vite.
IL ne sera retiré que si, partout, est reprise l’idée qu’il faudra la police pour nous faire plier, que nous n’accepterons pas que l’imIl mobilisme et la lassitude de ceux qui restent spectateurs du mouvement décident pour nous.
L’épuisement, nous ne le connaissons pas. La liberté n’est pas épuisante, mais exigeante.
Nous sommes contre le CPE parce qu’une certaine idée de la précarité nous est chère ; pas celle des tracasseries quotidiennes pour trouver et conserver un emploi plus ou moins désagréable mais toujours subordonné à la nécessité de se vendre comme force de travail pour survivre ; mais la précarité de l’existence et de la pensée que ne vient garantir nulle autorité à laquelle se soumettre, nulle communauté à laquelle appartenir, famille, entreprise ou état. Qu’on ne voie là nulle célébration libérale de la " mobilité ", cette liberté d’aller d’expérience en expérience ; au contraire, puissants sont nos attachements, et c’est parce que nous ne voulons pas y renoncer que nous pouvons prendre le risque de tout perdre.
C’est parce que nous ne voulons pas d’une joie garantie durable qui se marchande à coups de renoncements quotidiens et que nous savons que cette joie de lutter ensemble a pour fond la politique, la discorde, la fragilité des règnes, que nous assumons la précarité comme la vérité de notre condition.
D’autres parlent de l’épanouissement par le travail et de la reconnaissance qui lui est liée. Mais comment ne pas voir qu’il s’agit toujours à un moment donné de renoncer à être pleinement fidèle à ce qui nous anime quand par exemple nous enseignons, soignons, créons, et d’accepter de faire avec l’ordre des choses, de nous y adapter, jusqu’au point où suivre nos désirs signifie concourir au maintien de cet ordre ?
Derrière le refus du CPE, on entend d’abord la peur, la peur de ceux qui se savent isolés, d’être encore plus dépourvus face aux pouvoirs, face à la suprématie de l’économie ; et cette peur ne trouve d’autre voie que de se traduire en demande de sécurité.
C’est la même logique qui demande à l’état plus de flics contre l’insécurité et plus d’emplois contre " l’insécurité sociale ". Encore et toujours nous supplions l’état de bien vouloir nous protéger. Car nous sommes maintenus, de par l’effet d’une politique qui n’a rien d’hasardeux, dans une situation où il nous faut choisir entre la grande pauvreté des allocations et l’emploi de toute notre vie au service de projets entrepreneuriaux.
À cette demande de sécurité, nous opposons la confiance dans la communauté de ceux qui refusent la politique libérale. Et qui pensent que refuser avec conséquence implique d’en finir avec l’isolement de chacun, de mettre en partage moyens matériels, expériences et affects pour rompre avec la logique libérale dont le CPE n’est qu’un symptôme. La question de subvenir à nos besoins devient alors une question collective : celle de constituer entre nous des rapports qui ne soient pas des rapports d’exploitation contractuelle. Et de faire que ce Nous ne soit pas celui d’un groupe restreint, mais le Nous de l’affirmation révolutionnaire.
Tendance gréviste ni CPE ni CDI
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE [origine inconnue], BL, 22 mars 2006manifestation anti-CPE du 18 mars à Marseille telle que je l’ai vécu..
Le drapeau noir et rouge flotte sur Marseille
Voici un compte rendu de la manifestation anti-CPE du 18 mars à Marseille
telle que je l’ai vécu.L’arrivée
J’arrive à 15h10 à la porte d’Aix, via la gare. On est très nombreux :
Il y a les lycéens et les étudiants biens sur, les classiques CGT-FO, CFDT,
et même CFTC et CGC. Des orgas de sans papiers et divers groupes non
identifiés. Il y a aussi Attac, la LCR, le PC et LO, ainsi PS en toute fin
peloton. Je remarque une présence cénétiste bien plus forte que ce qui était
visible il y a quelques années.La manifestation
La manif s’ébranle vers 15h20/15h30 de la porte d’Aix. On passe sous la gare
Saint-Charles, direction Canebière. Avant d’y arriver, la manif bifurque
vers les Réformés puis redescend le long de la Canebière pour finir sur le
Vieux-Port, notre destination finale.Cela ce confirme, on est vraiment très très nombreux : quand les premiers
manifestants arrivent sur le vieux port, les derniers viennent de partir de
la porte d’Aix, notre point de depart. C’est léquivalent des grosses manifs
de 95. On doit être au moins entre 100.000 et 150.000, voire 200.000.Le soir, les chiffre des syndicats est de 130.000 manifestants, celui de la
police de 7000 (oui, sept milles), un chiffre tellement ridicule que la
plupart des journaux et des agences de presse ne le reprennent pas.Pendant le défilé, divers slogans sont chantés (dont un Villepin au chomage,
Sarko au tapin), diverses banderoles sont exhibés, bref du classique.A noté cependant, un petit crochet fait par une partie de la manifestation
(surtout des jeunes) vers l’immeuble du MEDEF. Panique du SO, course pour
essayer de les bloquer, pendant ce temps les CRS garés à coté préfèrent
s’éloigner. Peine perdu pour le SO, la pression suffit à passer.Arrivé sous l’immeuble : jets d’oeufs et de ballons remplis de peinture sur
la façade (note : technique à revoir les jeunes, la moitié des ballons ont
rebondit dans la rue sans éclater ).Ceci dit tout s’est bien passé dans la manif, pas de violence, rien.
A l’arrivée vieux-port (quai sud pour le groupe précédent), annonce de la
dissolution de la manif, qui s’effectue très paresseusement. D’autant plus
que les manifestants arrivent encore. Aprés un moment, je revient en arrière
_ : la queue de la manif est encore aux Réformés !Je redescend alors sur le vieux port où il y a encore beaucoup de personnes.
Une sorte de mini-meeting dans un camion sono s’est semble-t-il improvisé..L’échauffourée.
Je ne reste pas car je préfère suivre un important groupe de personne avec
des banderolles se dirigeant vers la mairie. Qui n’est, fort opportunément,
pas protégées. Les manifestants se ruent sur les quelques barrières
présentes et les enlève.Un fort contingent (plutot jeune) occupe le parvis en chantant et en criant
des slogans, beaucoup de monde de tout ages reste aux alentours. Il n’y a
pas de violence, pas de tentatives d’effractions dans la mairie.A un moment, les CRS arrivent. Ils chargent sans sommation. Evacuation du
parvis et de la portede la mairie, reflux des manifestants. Des civils se
retrouvent avec les CRS mais cela ne semble emouvoir personne autour de moi
(qui sont ils ? journalistes, flics en civils, manifestants arrétés ?).Après avoir echappée à la première charge, on revient sur les CRS, et
quelques bouteilles vides leur sont lancées dessus.Ils nous lancent des lacrymogènes, chargent, on reprend le terrain, le tout
à plusieurs reprise. Je m’aperçois alors qu’un jeune gars a escaladé le mur
de la mairie et se trouve sur le balcon.Il descend les drapeaux français, européeen et marseillais (croix bleue sur
fond blanc) qui flottent au vent et installe à la place un drapeau noir et
rouge barrée de ’inscription JA (Jeunesse anarchiste ?) à la place, le tout
à la grande joie et sous les applaudissements de ceux qui sont restés en
bas.
Lorsque que notre acrobate essait de desescaladé la mairie,les CRS charges
dans l’évidente intention de l’arrêter à l’arrivée. La solidarité joue alors
sont plein et les manifestants à qui ça fout vraiment les boules
contre-chargent. On reprend un peut de terrain.
Le jeune arrive à redescendre , juste a temps avant qu’un autre contingent
de CRS arrive d’un autre coté (par l’esplanade).Je commence a revenir en arrière. Un contingent de CRS (5-6 camions) arrive
par le quai des belges, ce qui prend un fort groupe en sandwich. Les CRS
sortent. Tension. Ils finissent par remonter dans les camions et repartent.Je reviens vers les manifestants qui ont été coincés. Les gens partent petit
à petit. Le groupe principal de manifestants bloque la rue en formant une
double ligne, un nombre non négligeable de personnes restant dispersé sur le
coté. Les CRS sont assez loin. Une moto de police est à terre, les clés sur
le contact, des appels à ne pas la bruler retentissent, quelqu’un récupère
les clefs. La double ligne recule pas à pas, cela me semble la fin, je part.Note 1 : Je n’en ai pas vu, mais les agences de presse parlent d’une
demi-douzaines d’arrestations, est-ce quelqu’un à plus de nouvelles ?Note 2 : Il y a eu plusieurs vidéos et photos de réalisées, ça serait bien
de les publier sur le web (surtout le drapeau sur la mairie)Note 3 : En annonçant 7000 participants, la police se ridiculise une fois
encore.Note 4 : Reflexions sur la relation CRS-violence. On a pu constater que
l’attitude de la police joue un rôle important si ce n’est prépondérant dans
l’apparition de violence pendant une manif. Lors du peinturlurage du siège
local du MEDEF, ils ont laissé faire (et ne se sont même pas montrés), il
n’y a pas eu de problèmes. Lors de l’occupation du parvi de la mairie, tout
était calme avant leur arrivée. Il a fallut qu’ils provoquent inutilement la
foule en chargeant pour que ça dégénère. De même lorsque les CRS en pris en
sandwich les manifestant puis sont partis en laissant la place libre sans
attaqué, il n’y a pas eu de violences de la part des manifestants. -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 23 mars 2006Tract distribué à Avignon lors de la manifestation du 18 mars.
DES SORBONNES PARTOUT !
DANS LES FACS, LES LYCEES, LES USINES...NI CPE NI CDI !
Si nous luttons contre le CPE, nous ne défendons pas le CDI, nous nous défendons face à une attaque du patronat et de ses sbires. Le CDI n’est qu’un morceau de Droit, un contrat qui reflète les rapports de forces, de classes, de notre société. Le code du travail fait partie du droit bourgeois, au service des patrons, il accorde quelques maigres protections aux salariés pour qu’ils y croient, le défendent, et triment docilement. Dans les boites, les salariés sont exploités, écrasés, précarisés par les patrons qui maintiennent l’offensive car le rapport de force est aujourd’hui en leur faveur… le droit (ici la modification du code du travail avec l’instauration du CPE) ne fait que transcrire sur le papier ce rapport de force entre nous, qui sommes obligés de travailler, de nous salarier, pour vivre, et eux qui nous embauchent et nous exploitent. Cela porte un nom : la lutte des classes.
Les syndicats se présentent aujourd’hui en ordre de marche, se positionnent, prêts à endosser leur costume de « partenaires sociaux », prêts à négocier l’éventuelle modification du CPE mais surtout l’instauration du contrat unique dont le CPE n’est que l’amorce, modèle qui va se trouver généralisé à l’ensemble des salariés.ETUDIANTS OU FLICS IL VA FALLOIR CHOISIR
La lutte anti-cpe (et limitée à cette revendication) reste pour l’instant centrée dans les facs. Sur Avignon, il semble que deux conceptions (conscientes ou pas) s’affrontent autour du rôle de l’AG et de la notion de démocratie.
L’AG perçue comme « AG des étudiants », qui s’enferme dans le catégoriel, ne peut y aboutir qu’à une sclérose du mouvement par le rejet de tout ce qui n’est pas étudiants, replie sur des intérêts catégorielles, partiels, vision amputée… (on remarquera que cette position, si elle est de toute évidence « contre-révolutionnaire », s’oppose même aux principes de l’Université bourgeoise telle que nous la connaissons puisque celle-ci se perçoit encore un peu comme ouverte sur le monde, les cours, les bâtiments, la bibliothèque étant par principe « lieu de savoir et de culture », ouverts à tous, étudiants ou pas… ce dont a rêvé les plus réactionnaires, les fachos de tous poils, une fac fliquée et ultra-contrôlée, les soit-disant grévistes sont en train de le mettre en place mieux que des vigiles. L’obligation de montrer sa carte d’étudiant pour pénétrer dans la fac est en fait à l’initiative d’un groupe qui a décidé seul d’imposer sa vision à l’AG (qui avait décidé d’admettre en son sein les non-étudiants).
L’AG conçue comme une « AG de lutte », AG des étudiants en lutte et de ceux qui s’associent à la lutte (lycéens, enseignants, personnels atos, chômeurs, salariés… ) va au-delà du catégorielle, plus ouverte, plus efficace, plus riche, tend vers l’AG interprofessionnelle (décision d’accepter le vote des non-étudiants, vote d’une motion en soutien aux émeutiers de novembre).PAS D’AMELIORATION, PAS DE NEGOCIATION, RUPTURE !
Nous sommes aujourd’hui à un point critique du mouvement, soit le mouvement s’essouffle, soit le mouvement s’amplifie, les syndicats et le gouvernement en sont conscients. Le timing gouvernemental n’a évidemment rien d’innocent, le CPE n’est en, fait qu’un contre-feux. Villepin peut tenter de proposer une modification/amélioration du CPE ou même le retirer. Mais, dans tous les cas, il va proposer, avant juin, la mise ne place du « contrat unique ». D’ici là, nous seront tous, ou presque, devant la télé. Villepin aura gagné. Il ne faut donc pas se limiter au simple retrait du CPE, aux cadres catégoriels (estudiantins, public/privé…) mais être bien plus offensif. C’est à la logique même du système qu’il faut s’attaquer !
Ce sont nos méthodes de lutte qu’il faut réviser, réinventer, sans cela mouvement entrera dans une impasse. Contrairement à ce que nous assènent les bureaucrates, nous n’avons pas « que le pacifisme à opposer à la violence du CPE », ceux qui le clament cherchent à contenir le mouvement dans des formes qui leur semblent souhaitables, profitables, dans des formes contrôlables. Ces connards cherchent à nous imposer leur vision en fustigeant par exemple les « casseurs » qu’ils n’ont jama1is vu que sur TF1 et qu’ils utilisent comme épouvantails alors qu’il s’agit juste de camarades qui n’ont pas renoncé à d’autres modes d’actions et d’expressions dans cette lutte.
C’est justement en devenant incontrôlable (pour les partis et les syndicats) que le mouvement peut devenir dangereux pour le gouvernement et le faire reculer. Les journées de grève de 24H ou les manifestations le samedi n’ont jamais servi le mouvement, c’est toujours le « minimum syndical ». L’appel à la grève générale interprofessionnelle est une nécessité vitale, immédiate pour la poursuite du mouvement.Nous sommes en guerre, le vieux monde et ses séquelles, nous voulons les balayer !
Nous n’avons rien a y défendre, rien a sauver, tout a détruire !
Nous voulons construire autre-chose… … une société où serait abolis, l’argent, le salariat, la valeur, l’Etat…
c’est un bon point de départ pour ébaucher des trucs ensemble.AMNISTIE POUR TOUS LES EMEUTIERS DE NOVEMBRE !
LIBERATION IMMEDIATE DE TOUS LES INCARCERES DU MOUVEMENT ANTI-CPE !
POUR LA GREVE GENERALE ! AUTONOMIE DES LUTTESEn note : Contrairement à ceux qui clament des slogans faciles homophobes, sexistes et réactionnaires, Villepin nous, on a pas envie de l’enculer ! On ne fait pas de nos désirs, fantasmes et pratiques sexuelles des insultes.
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 23 mars 2006Pousser le monde qui s’écroule... Affiche +tract
Un déjà paru, mais remis en page et surtout réécrit ; à télécharger : Une affiche A3 et un tract A4 rectoversoNous voulons la grève générale, que la machine s’arrête, que la routine soit cassée. Nous voyons déjà les sourires, la joie qui animent celleux qui en veulent à ce monde, celles qui sont déjà en lutte. Nous voyons le mépris des têtes syndicales qui ne proposent qu’une énième journée de grève et le dégoût qu’il suscite chez les plus énervé-es qu’illes soient syndicalistes ou non.
Il n’y a jamais de casse ou de violences « gratuites ». Certes, certaines sont stupides ou peu stratégiques, mais toutes traduisent une rage, une détermination qui avait disparu depuis des années. Nous y trouvons de l’espoir, mais nous en voulons pas nous en contenter. Nous voulons parler, élargir et donner de l’épaisseur au mouvement en cours. Nous ne souhaitons pas reproduire les conditions et les erreurs qui ont fait échouer les mouvements précédents : séparation entre nous et avec le monde qui nous entoure, jonction impossible avec les salarié-e-s, invisibilisation de l’au-delà que nous portons, stigmatisation médiatique et citoyenne des minorités violentes. Ne laissons pas dispositifs et dispositions jouer contre nous. Pour cela il est nécessaire d’éclaircir certaines positions et parti pris.Que Villepin ne retire pas son texte, ni aujourd’hui, ni demain, ni dans une semaine, qu’il s’obstine, c’est ce que nous voulons tou-te-s : que la lutte perdure, que les discussions déjà amorcées se développent, s’amplifient... et que chacun prenne enfin position : pour ou contre le monde que l’on nous propose et que subissent les plus précaires, celleux qui n’en peuvent plus de leur boulot, de leur patron, de leur vie. Car nous sentons partout, dans l’air et dans les mots, un soutien, des questionnements, une envie que ça explose.
Nous cherchons un lieu (ou plusieurs) qui puisse devenir un point de ralliement, un lieu de convergence où tou-te-s les grévistes, du public comme du privé, les précaires, les activistes et les autres pourraient se rencontrer, partager leurs expériences, leurs souffrances, leurs espoirs et repartir avec l’envie de continuer, de pousser plus loin le combat que nous avons commencé. L’Ehess peut être un temps un lieu, mais d’autres lieux, vides et imprenables à peu nombreux-ses, nous permettraient de nous installer dans le long terme. Nous voulons la grève générale, que la machine s’arrête, que la routine soit cassée. Nous voyons déjà les sourires, la joie qui animent celleux qui en veulent à ce monde, celles qui sont déjà en lutte. Nous voyons le mépris des têtes syndicales qui ne proposent qu’une énième journée de grève et le dégoût qu’il suscite chez les plus énervé-es qu’illes soient syndicalistes ou non.
Nous nous reconnaissons dans la rue sans nous connaître. Nous ne sommes plus des anonymes. Sans faire de l’émeute un mythe, la concrétisation de notre force nous lie plus à chaque confrontation.
Nous ne voulons pas de chefs, ni de porte-parole. Celleux qui existent, nous ne les reconnaissons pas. Que certain-e-s s’assoient à la table du gouvernement et illes seront désavoué-e-s. Nous n’avons rien à négocier et tout à prendre. Nous le savons maintenant plus que jamais.
Chirac a été élu contre Le Pen, sa majorité s’est installée grâce à l’abstention de l’électorat de gauche. Les lois, les décrets, les ordonnances appliquées depuis sont illégitimes, comme les gouvernements qui se sont succédés.
Tout est passé : des politiques qui s’attaquaient aux plus faibles, aux plus dominé-e-s (sans-papiers, chômeur-se-s, rmistes...), des lois qui, pourtant, avaient réussi à former contre elles de véritables mouvements (retraites, réforme Fillon...), des mesures policières « d’exception » qui sont devenues la règle. Nous avons vécu l’Etat d’urgence et la répression des émeutes d’Octobre-Novembre 2005. Passif-ve-s. Cela n’arrivera plus.
Nous voulons faire plus qu’un « coup d’arrêt ». Nous critiquons ce monde et les valeurs, les évidences qu’il porte en lui. Nous critiquons l’Ecole et la formation, le salariat, la société industrielle, la croissance et le « plein emploi », le progrès et son cortège de destructions. Nous critiquons les rôles que la société voudraient nous faire jouer : nous ne serons pas des cyniques sans pitié, des « gagnants » prêts à écraser les autres, des consommateurs passifs ou des esclaves.
Nous ne combattons pas que la précarité, nous combattons l’exploitation et le travail forcé. Nous savons qu’illes sont nombreu-ses-x celleux qui n’osent plus s’opposer. Et illes n’ont ni un CPE, ni un CNE, mais un CDI ou un contrat précaire. La multiplication des dispositifs de mise au travail que sont les CPE, CNE, RMA, le contrôle mensuel des chômeur-ses ne signale pas qu’une offensive idéologique en faveur de la « valeur travail », ils révèlent une résistance à l’asservissement, l’humiliation quotidienne de celleux qui travaillent ou pas en entreprise (qu’elle soit publique ou privée, rappelons-le).
Nous ne nous laisserons pas adapter !
Nous combattons pour une dignité bafouée, piétinée sur l’autel de la compétition capitaliste et du productivisme. En cela nous ne détachons pas du vécu « matériel » des plus précaires : l’impossibilité de boucler les fins de mois, de se projeter dans l’avenir sont les conséquences des réorganisations successives du travail.
’Nous savons qu’il n’y a pas d’alternative à gauche pour 2007, que les urnes ne nous amèneront que de nouvelles déceptions, que tout est à faire ici et maintenant de manière autonome, sans compter ni sur les syndicats, ni sur les partis.
Nous n’avons aucune confiance dans les médias et nous ferons tout pour mettre à nu les mensonges qu’ils répandent. C’est par les prises de parole, les inscriptions sur les murs et dans le métro, le bouche-à-oreille et les médias alternatifs que nous rétablierons la vérité, que nous créerons des liens, des connivences, et par nos actes que nous prouverons notre maturité (que ce soit dans la casse ou dans le combat contre les flics).
Le mouvement que nous avons lancé ne doit pas s’arrêter : les interpelé-e-s, les inculpé-e-s de ces derniers jours, de Novembre, de tous les mouvements sociaux de ces dernières années ont besoin de notre soutien total pour qu’une amnistie soit possible. C’est en continuant la lutte présente que nous ne nous enliserons pas dans la lutte contre la répression. La flicaille vient d’envoyer dans le coma un syndicaliste. Nous pensons à lui et à son entourage et crions tout-e-s à la vengeance..
Nous ne lâcherons rien (ni personne) !
Solidarité entre tou-te-s les insurgé-e-s quels que soient leurs modes d’action ou d’intervention !
Un occupant de l’Ehess, le 21/03/06.
P.S. : ce "nous" est celui de tou-te-s celleux qui se reconnaîtront dans ce texte et de celleux qui me l’ont inspiré... Vous pouvez en faire ce que vous voulez : tract, appel ou autres... Je n’en suis pas le maître.
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 24 mars 2006http://rebellyon.info/article1825.html
Le 23/03 à Lyon, c’est l’esprit de subversion
Publié jeudi 23 mars 2006La montée à Paris pour une manifestation monstre était l’enjeu de la journée. La SNCF, obstinée et réactionnaire pour l’occasion, ayant refusé de laisser monter gratuitement les manifestants à Paris, le Parti Socialiste, conscient des enjeux de 2007 et soucieux de se mettre les anti-CPE dans la poche, a payé 380 places de train. Les politicards s’entendent bien entre eux, et c’est donc malgré le refus d’une AG interfac de monter à Paris si tout le monde ne peut pas monter que les politicens étudiants, LO et LCR en tête, se sont partagés les billets.
Jeudi matin, c’est dès 6h30 que des courageux se sont réunis place Carnot, face à Perrache. Entre 7h00 et 7h30 les personnes ayant récupéré des billets sont partis sur Paris, laissant un nombre important de personnes sur la place. Peu après 8h00, c’est un milliers d’étudiants, lycéens, travailleurs et précaire qui est entré dans la gare Perrache au pas de charge, décidé à en découdre avec la SNCF jusqu’a l’obtention de trains pour tous et gratuits. Mais nous sommes rapidement bloqués à l’entrée de la gare sur la passerelle par quelques rangs de CRS. Attendant une hypothétique réponse positive de la SNCF, les manifestant-es sont peu à peu encerclé-es par les CRS qui sont arrivés en masse au pied de la passerelle après qu’un petit groupe a tenté de rejoindre les quais par l’exterieur. Atteindre les quai n’aurait servi à rien, la SNCF ne veut pas mettre de train et à déplacé ceux allant sur Paris vers la gare de la Part-dieu. Après une heure à crier des slogans contre, en vrac, le CPE, les flics, les patrons, l’État et la SNCF, nous quittons la gare de Perrache pour nous regouper place Carnot. Pendant l’action une personne à visiblement été interpellée mais son identité nous reste inconnue.
La décision est rapidement prise. Grisé-es par notre nombre qui augmente et énervé-es par les CRS et l’absence de train, nous partons en courant vers le périph à la sortie de Perrache. Nous nous installons rapidement sur les voies et bloquons rapidement les voitures. C’est 1 200 personnes qui s’installent face aux voitures pendant environ ½ heure. Mais le périph’ est un lieu sensible et c’est un dispositif de CRS démesuré qui nous est envoyé. Après quelques altercation, et la poursuite par les CRS de quelques copains s’étant écartés, nous sommes encerclé-es par la force de répression. Après quelques sommations, la police nous charge. Boucliers de CRS contre épaules de manifestants, les flics nous repoussent et nous enserrent. Quelques coups de matraques fusent puis c’est la lacrymo en bombe qui nous asphyxie. Sous la charge et la lacrymo nous quittons les voies ; des copains déjà plus loin jettent ce qu’ils trouvent sur la flicaille. Nous nous redirigeons vers la place Carnot en échangeant les sérums physiologiques, les bouteilles d’eau et les citrons pour imbiber les écharpes.
Sur la place nous sommes déjà 2 000, énervé-es et déterminé-es. Après un temps de repos, nous repartons vers le lycée Récamier pour en faire sortir les lycéens. L’arrivée sur les quais des CRS qui nous avaient gazé-es peu avant nous fait repartir. Mais, et il n’y comprirent rien, c’est vers eux que nous nous sommes partis. Passé-es entre les camion des chiens de gardes du capital, nous rejoignons les quais du Rhône où nous manifestons jusqu’à la Guillotière. C’est là que nous traversons le Rhône. Arrivé-es de l’autre côté du fleuve, nous nous rassemblons rapidement, nous sommes entre 2 000 et 3 000 ! Les plus pacifistes s’écartent et les autres montent une barricade au bout du pont pour bloquer la centaine de CRS qui progressent en formation vers nous. Le chantier du carrefour nous fournit de quoi bloquer la police : grilles, plots et blocs de ciment. Ce qui est trop petit pour servir à la barricade vole pour retomber sur les CRS. Après quelques minutes, c’est les CRS qui nous envoient leur lacrymos. Nous fuyons vers lyon II et Lyon III sur les quais en montant barricade et obstacles sur notre chemin. C’est d’ailleurs ce que fera cette manifestation sauvage jusqu’à son arrivée et sa dissolution (rapide en raison de la présence agressive des flics) place Guichard.
Face à la racaille du patronnat, des politiciens et des flics, c’est l’expression spontanée de notre contestation qui s’est montré ce matin. Plus de S.O., plus de cadres pour nos luttes, vive la spontanéité.
Union, Action, Autogestion ! La lutte continue cette après-midi à 14h00 place Bellecour.
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 24 mars 2006Compte rendu et tract distribué à la manif de ce jour à toulouse.
MANIFESTATION du 23 MARS TOULOUSE
Trés bonne ambiance , un cortége de plusieurs milliers de personnes s’est
formé en avant du camion sono et du SO assuré par FO.Trés bon acceuil du tract du comité de lutte .
Une agence ADDECCO visitée par des jeunes anxieux de trouver un emploi de
merde payé des miettes , SO et journalistes enfarinés, tribunal décoré .Mots d’ordre de circonstances, "confinez les poulets , libérez les
émeutiers ! " (devant les cordons de gardes immobiles) " So collabo" quand
le SO se plaçait en protection (!) des gardes immobiles et devant les
agences d’intérim puis "ni cpe ni cdi on veut plus de patrons du tout"A ma connaissance et a l’heure qu’il est aucun blessé ni interpellé .
Le concombre masqué
ILS SONT GARDES SOYONS MOBILES
Le 18 Mars 2005 nous étions très nombreux à remettre en cause le CPE et
la précarité, à vouloir rejeter cette société qui organise la misère.
Beaucoup pensaient encore que les directions syndicales donneraient le
coup de grâce à ce système en encourageant les travailleurs à rejoindre
rapidement le mouvement … Maintenant nous savons que la grève
générale est nécessaire mais qu’elle aura lieu contre la volonté des
dirigeants syndicaux et par l’action à la base. C’est parce que les
travailleurs auront envie de lutter que nous gagnerons tous parce que
alors la grève sera sauvage et générale et qu’elle touchera l’Etat et
le Patronat là où cela fait mal, en paralysant l’économie. …Et que
tout sera alors possible. Mais si notre objectif est donc de donner
envie aux salariés de se battre à nos côtés, le pouvoir a précisément
l’objectif inverse par le pourrissement et l’isolement du mouvement de
lutte.Sa stratégie repose sur la temporisation et la focalisation (c’est en ce
sens que le discours officiel des syndicats est parfaitement adapté à la
stratégie du pouvoir).En effet, la seule exigence du retrait du CPE reste une stratégie
défensive … Alors que la meilleure défense c’est l’attaque. Les
revendications des travailleurs et de la population quelles sont-elles ?
Se limitent-elles au retrait du CPE ? Si l’on demande à l’ensemble de la
population de se battre, la moindre des choses serait d’élargir
clairement les revendications à l’ensemble du champ social et sociétal
contre toute forme de domination qu’elle soit économique ou autre ...Nous ne devons donc pas rester assiégés dans une forteresse
anti-CPE car avec le temps qu’il gagne le pouvoir va nous isoler, en
désinformant et en créant des réflexes de peur et de lassitude, son but
est de décourager toute dynamique de masse. Les actions que nous
devons mener doivent au contraire encourager cette dynamique, supprimer
les craintes et affaiblir le pouvoir. En ce sens nous pensons qu’il faut
éviter toute confrontation directe avec les forces répressives, nous
pensons qu’il faut les ridiculiser …Montrer que si eux sont gardés,
nous, sommes mobiles.Dans la rue … En attendant le 28 MARS
Des occupations de ANPE, agences d’intérims, mairies, édifices publics,
centres des impôts, tribunaux, ont déjà eu lieu avec succès, on a vu
qu’il suffit de s’organiser en groupes mobiles (par lycées, par UFR ,..)
qui partent dès qu’ils n’ont plus le rapport de force. De même, les
opérations de gratuité de péage ou de transport en commun sont
favorables à la popularisation de la lutte.A Rennes, par exemple, de multiples actions de ce type ont été menées
et continuent à l’être de puis le début du mouvement : des jets de
peinture sur différentes agences (immobilier, intérim, assurances…), des
déménagements du mobilier d’ANPE , des débordements des manifestations
plan- plan pour bloquer la circulation des trains, des actions de
solidarités avec des ouvriers en lutte...Dans tous les cas évitons de nous laisser identifier, n’oublions pas
que nous sommes en période de carnaval. Et amenons de la farine et des
œufs …Le 28 Mars 2005 sera une étape décisive, il faut avant tout que les
gens en lutte essaient de prendre contact directement avec les
travailleurs (pas avec leurs « représentants » ...) pour préparer
directement le blocage des transports, des entreprises et des lieux
publics, pour qu’émergent les revendications qui permettront à la grève
de se généraliser et de lui donner une structure durable.COMITÉ CHÔMEUR PRÉCAIRE ÉTUDIANTS / TENDANCE NI CPE NI CDI
Rendez-vous :
- VENDREDI 24/03 : 20 h réunion Ni CPE NI CDI au 7 rue Saint Rémésy
(proche des Carmes) à Toulouse
- SAMEDI 25/03 : 14h à LAVAUR au CARNAVAL ANTICARCÉRAL
- LUNDI 27 /03 : 20h SOUPE DES ENRAGÉS PLACE DU CAPITOLEActualité de l’Anarcho-syndicalisme
http://liste.cnt-ait.info
http://cnt-ait.info
[email protected]
Reproduction, diffusion et traductions encouragées -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 24 mars 2006Sur une des nombreuses listes de profs qui traînent en Seine Saint Denis , j’ai trouvé ce "récit". Ses considérations n’engagent que l’auteur. Mais par contre, sur qui tape qui, où et pourquoi, il est mieux informé que l’AFP et même les Indy.
Pour situer : Alfred Nobel est le lycée de Clichy sous Bois qui accueille ceux qui ne vont pas au Raincy, la ville chic du 93 . L’ATAC de Montfermeil se situe à la limite de Montfermeil et de Clichy entre la cité d’où venaient ceux qui ont été électrocutés et les Bosquets, cité connue de Montfermeil."Les élèves du lycée Alfred Nobel-presque 300- sont partis en manifestation
encadrés par un SO puissant qu’ils avaient constitué après une AG
(parfaite)au
lycée. Les élèves ne sont donc pas descendus au Raincy où quatre cars de
CRS
les attendaient. Le mouvement semblait réellement se structurer : Tam-tam,
ambiance détendue, slogans et banderoles...
les affrontements très violents de mardi devant le lycée Alfred Nobel qui
ont opposé des lycéens de livry, Gagny et de Clichy à la police (avec
après le
pillage de l’ATAC de Montfermeil) semblaient n’être plus qu’un mauvais
souvenir
(de plus)... mais en fin de manifestation, aujourd’hui à Invalides, un
individu
isolé -provocateur, tête-brulée incontrôlable ?- a poignardé un de nos
élèves
(qui ne sait pas pourquoi il l’a été. il est blessé au bras) : la réplique
a
été immédiate. Les jeunes de Clichy ont tapé tous les ceux qui se
trouvaient
place des Invalides et se sont affrontés collectivement avec les CRS (
début
des incidents aujourd’hui) : la violence des affrontements fut
impressionnante.Beaucoup d’élèves manquent au retour. L’ambiance est
maintenant
explosive...
La situation va évidemment devenir ingérable...Inconscience politique ou
calcul
machiavélique de ce gouvernement ?
@+
antoine germa. " -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, BL, 24 mars 2006Les jeunes de banlieue volent leur futur patron !
"Les invalides" n’ont jamais aussi bien porté leur nom jeudi 23 mars, après que ce lieu eût été le théatre de plusieurs agressions de manifestants de la part de quelques jeunes de banlieue.Ces actes peuvent être condamnés par les victimes de ces agressions, par les témoins médusés, les policiers impuissants ou les politiques, toujours autant éloignés du peuple et de la rue (idéologiquement et physiquement).Mais ces jeunes sont avant tout les premières victimes de cette société : victimes de la misère, de l’entassement dans des immeubles insalubres, de l’éloignement des centres villes et des paillettes parisiennes, de la répression policière, de la discrimination et du racisme. leur force ? : Leur nombre, leur mobilté, leur solidarité, leur rage..
Les manifestants scandent des slogans débiles contre le CPE, comme si celui-ci était le mal suprême de notre société. Ils ne retourneront certainement plus dans la rue lorsqu’il sera retiré. La misère et les inégalités resteront. Des slogans prônent le changement de cette société par le changement de nos dirigeants mais il est inutile d’épiloguer longuement pour comprendre qu’ils ne sont que des pions interchangeables, au service aveugle d’une société ultra capitaliste basée sur la croissance, l’individualisme, la mise en concurrence de chacun d’entre nous et la répression.
Les syndicats ont encore prouvé qu’ils étaient à la botte de l’Etat en acceptant de rencontrer le 1er ministre et en refusant d’appeller à la grêve générale. Leur service d’ordre a montré qu’il jouait un rôle policier et répressif en canalisant la révolte des jeunes dans leur rang et en matraquant les autres.. Les partis ou organisations se présentant comme révolutionnaires ont aussi montré leurs limites. Au lieu de profiter de ces évènements pour tenter des actions, ils ont préféré rester en retrait...une absence qui en dit long... On sait désormais qu’il est inutile de compter sur eux.
CERTAINS ont vu de jeunes manifestants innocents se faire dépouiller de leurs biens par des casseurs violents et immoraux. J’AI VU des jeunes de banlieue qui règlaient leurs comptes à une couche de la société à laquelle ils n’appartiendront jamais, à l’élite de demain, à leur futur patron..
CERTAINS ont vu des voitures endommagées puis brûlées, des vitres brisées et des magasins pillés par de jeunes racailles sans foi ni loi.. J’AI VU un peuple révolté dans les faits et dans leurs actes, loin des discours et des blablas des intellectuels révolutionnaires aux discours flamboyants mais aux actions inexistantes. Je préfère ceux qui cassent à ce qui est cassé.
CERTAINS ont vu une atteinte à la liberté de la presse dans l’agression de pauvres journalistes, caillassés ou dépouillés de leur appareil photo. J’AI VU des jeunes enfin conscients de la position malsaine du journaliste : Il y a d’abord le journaliste au service du pouvoir, qui utilise ses clichés ou ses images pour illustrer un article simpliste condamnant les violences, celui qui se positionne concrêtement contre ceux qui ne se contentent pas des manifestations planplan..Il y a aussi le journaliste qui se dit solidaire des jeunes et des manifestants. Si c’était vraiment le cas, pourquoi ne les voit-on jamais dans les rangs de ceux qui s’opposent au forces de l’ordre ?.. Enfin, il y a le journaliste qui se veut objectif et sans parti-pris, juste là pour couvrir l’actualité. C’est certainement la position la plus inconfortable, la plus détestable. Messieurs les journalistes, vous ne pourrez pas toute votre vie nager entre deux eaux, près de tout mais loin de tout, sans prendre parti.. Choisissez votre camp !
CERTAINS ont vu des hordes de jeunes sauvages complètement dépolitisés JE N’AI VU au contraire que des actes politiques car, même si cela relève de l’inconscient pour certains, ils ont compris ce qui est inéluctable : Le changement ne peut avoir lieu dans les urnes ou au coté des professionnels de la contestation irrémédiablement inefficaces.......
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, BL, 24 mars 2006Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les casseurs et leurs détracteurs ! Choses entendues, dans les médias mais aussi dans les facs, suite à la manif du 23 Mars à Marseille
« A Marseille la manifestation s’est arrêtée plus tôt que prévu du fait d’individus extérieurs au mouvement qui s’en sont pris aux forces de l’ordre à la gare St Charles » (sources : infos nationales, régionales, locales, papiers, télés, radios - manifestants )
1) Petit rappel des faits : La manifestation du 23 Mars est partie du Vieux Port et devait se terminer à la Porte d’Aix, or, à l’arrivée à la gare St Charles, un cordon de CRS bloque le parcours de la manifestation. La provocation est flagrante et tout un tas de gens du cortège vont à l’avant de la manif pour constater. Au bout de plusieurs minutes, des projectiles au moins aussi dangereux que des missiles mais camouflés en bouts de bois, canettes, cailloux,. volent en direction des flics qui n’ont comme d’habitude que des foulards déchirés pour se protéger de ces attaques sauvages : restrictions budgétaires obligent.
2) Mais qui sont donc ces « individus extérieurs au mouvement » ? Et surtout qui sont les individus patentés « intérieurs au mouvement » qui ont cette occulte prérogative de déterminer qui est intérieur et qui est extérieur. ? Le Che Guevara, la LCR, les RG, le SO de la CGT, celui de la FIDL, ou celui de Fac en lutte,. ? J’sais pas moi, je m’informe c’est tout .
« Les casseurs décrédibilisent le mouvement » (sources : trop nombreuses et multiples pour être citées)
1) Mais qui sont donc ces casseurs . ? Moi qui insulte les flics ? Toi charge tes poches de pierres parce que y’en a trop marre des provocs de ces connards qui ne sont là que pour protéger les bourgeois ? Ce lycéen qui balance une canette en direction des CRS ? Ce jeune qui s’est fait chopé parce qu’il a « une tête d’arabe » (propos d’un flic au moment d’une arrestation) ? Celui qui a explosé ces magnifiques panneaux de pub ? Le MEDEF ? Les flics qui tabassent (c’est-à-dire tous) ? Gaudin et son tramway : ça fait des débris partout et ça coûte plein de thunes pour tout remettre en état ensuite ? J’sais pas, j’demande juste.
2) C’est quoi un mouvement crédible ? Un service d’ordre qui protège le local du MEDEF au passage de la manif (ces syndicalistes qui prennent le travail des flics et qui protestent ensuite contre les hausses des chiffres du chômage, c’est pas juste !) ? Un mouvement qui sait prendre fin surtout quand il n’a rien obtenu mais au nom du fait qu’il faille « être responsable » ? Des partenaires sociaux qui savent magner la plume pour signer au bas des accords issus des négociations plutôt que d’appeler à la grève générale ? Des manifestants qui n’ont rien d’autres à dire que « la manif continue vers la droite ! » quand la moitié des gens se font charger et coffrer sur leur gauche ? Ceux qui rentrent chez eux ? Les bureaucrates de la révolution qui savent négocier avec les flics pour « les leurs » puissent se casser d’un cortège qui se fait charger ? Des gens qui pensent que les « CRS de la gare ils ont exagéré mais ceux du port ça allait » (propos véridique entendu mais peut être que c’est l’inverse je sais plus) ? ! Un mouvement qui met en pratique le fait que le CPE n’est que le symptôme d’une logique qui le déborde largement ? Des gens qui savent, parce qu’on le vit tout le temps, que les flics, la justice, les gouvernements, les patrons, sont des ennemis et qui réagissent en conséquence ?
3) Crédible auprès de qui ? De Villepin qui y met depuis le départ de la bonne volonté si seulement il n’y avait pas ces « casseurs » ? De TF1 ? De ceux qui freinerons toujours des quatre fers le jour où on sera des millions à rompre avec tout ce qui existe .. ? Quoi ? ! Crédible serait en fait synonyme de cadrable, gérable par les responsables politiques et syndicaux. Non, c’est pas possible.
« C’est normal que la police réprime puisqu’il y en a qui les attaque ! » ( Source : propos d’un anonyme alors que la manif se fait charger à la gare St Charles)
Bé oui hein et puis surtout pas prendre partie, on sait bien que dans les deux cas c’est de la violence qui engendre la violence qui engendre la violence qui engendre la violence.. C’est comme la drogue, c’est la spirale infernale quoi ! Un flic avec un flashball c’est pareil qu’un manifestant avec une canette. C’est des êtres humains comme tout le monde, jveux dire les canettes c’est vachement violent, en plus moi j’habite dans le 8ème , mon père est prof de socio à la fac et j’ai jamais eu de problèmes avec les flics donc bon faut se méfier de ce qu’on dit. Peace brother, c’est une manif pacifiste, tu sais on peut aussi faire la révolution avec des fleurs et des politiciens.
« Les occupants de l’EHESS à paris sont les mêmes que ceux de la Sorbonne : ce sont des casseurs. »( Source : France Info)
Là on avance : en fait le terme « casseurs » désigne une catégorie très hétérogène de gens dont le signe extérieur le plus reconnaissable est qu’ils ne portent pas d’autocollants ou de drapeau contrairement à ce que veut la tradition militante et qu’ils n’en réfèrent pas à des responsables avant d’agir, d’où le qualificatif communément admis pour les désigner : « irresponsables ».
« On va pas se fatiguer et risquer d’avoir des ennuis, de toutes façons ceux qui ont été interpellés sont des casseurs et s’il y a de vrais manifestants ils seront relâchés. » (Source : non c’est pas Sarkozy c’est la réaction d’un anonyme suite à un appel diffusé sur une liste internet marseillaise anti-CPE pour se rendre au tribunal en soutien aux interpellés lors de leurs comparutions immédiates)
C’est l’interpellation, ou mieux la condamnation, qui atteste, en dernier ressort, de l’identité de casseur : intéressant non ? ! Bref, no comment.
« ALLEZ CAMARADES, ENCORE UN EFFORT : TOUS ENSEMBLE, TOUS ENSEMBLE, OUAIS ! OUAIS ! »
- Chronique(s) de la lutte contre le CPE [Aux larmes, etc.], J., 24 mars 2006
La manif Marseillaise a duré 45 minutes avant les premières lacrymos à la gare. Il n’y a que la tête de cortège (quelques milliers de lycéens) qui aient été pris dans l’affrontement. Il n’y aucun doute sur la volonté délibérée des CRS de bloquer la manif : les troupes stationnées autour de la gare (ON avait évoqué un possible envahissement) se sont déployées en travers de la rue. De là...
Lorsque 30 minutes plus tard et quelques cavalcades, le SO musclé des syndicalistes qui piétinaient 3 rues plus bas a séchement fait reculer les jeunes (en larmes...), la manif s’est reportée sur le Vieux Port. 2 heures plus tard, alors que les centaines de manifestants se prélassaient sur les pelouses du Vieux-Port, les CRS sont venus finir le boulot : Encerclement et lacrymos, matraques, arrestations, bref, la classique.Il n’y a jamais eu quoi que ce soit "en marge" des manifs. C’est dedans et bien dedans que tout s’est déroulé. Une différence avec Paris, toutefois : ici personne ne semble envisager qu’existent des "bandes", des "casseurs" qui viendraient d’un "ailleurs" , comme on semble l’évoquer pour les Invalides.
Lecture différente ou histoire différée ? Les émeutes de Novembre ou leur absence semblent produire les mêmes échos...
- Chronique(s) de la lutte contre le CPE [Aux larmes, etc.], J., 24 mars 2006
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE [Tract bordigoïde], BL, 24 mars 2006MOUVEMENT ÉTUDIANT"
"CECI N’EST PAS UN MOUVEMENT ÉTUDIANT" (PRISE DE POSITION SUR LES ACTUELLES LUTTES EN FRANCE - 24 MARS 2006)"Le grand battage médiatique autour du dit "mouvement étudiant" ne peut nous faire oublier cette chose essentielle qu’il n’existe pas de mouvement étudiant, que celui-ci n’a jamais existé et ne saurait exister. Et cela pour une raison : c’est qu’il n’existe ni classe ni projet social étudiant !"
Depuis quelques semaines, des centaines de milliers de "jeunes" (qui ne sont pour le Capital qu’autant de marchandises/forces de travail en formation et qui devront jouer des coudes pour se vendre, une fois soumis aux lois de la concurrence sur un marché du travail déjà amplement saturé !) et de moins "jeunes" prolétaires que la bourgeoisie se plaît à nommer des "déclassés" et "précarisés" (chômeurs, smicards, RMIstes, intérimaires, etc.) descendent dans la rue pour crier leur refus de la misère, cette misère qu’ils sont condamnés à vivre toujours plus intensément en cette période de crise, d’austérité, de restructurations, etc. Pour imposer (même très faiblement !) la satisfaction de leurs besoins, ces prolétaires, non encore complètement (ou plus du tout !) intégrés à l’appareil productif, s’affrontent à l’Etat, à ses forces de l’ordre : ses flics, ses syndicats, ses assistants sociaux, ses journalistes, etc.
L’actuelle lutte "contre le CPE/CNE" (Contrat première embauche/ Contrat nouvelle embauche) en France s’inscrit dans un mouvement plus vaste contre les mêmes mesures d’austérité, de rigueur, de baisses de salaires, d’augmentation de notre exploitation, de l’extorsion de plus-value et autres saloperies que la bourgeoisie est obligée de nous imposer pour maintenir à flot le navire capitaliste qui chavire ! Pour mémoire, rappelez-vous les luttes "contre le CIP" (Contrat d’insertion professionnelle) en mars... 1994 ! Nous ne pouvons nous empêcher de reprendre les mots que de jeunes prolétaires de Nantes ont écrits à l’époque dans un de leurs tracts (intitulé "Un mouvement à tout casser !") : "Ce monde n’a rien à nous offrir, avec ou sans diplômes, que la violence du mépris et de l’exploitation. A la faveur du mouvement antiCIP, nous sommes de plus en plus nombreux à avoir manifesté dans la rue notre refus de cette violence-là. L’épreuve de force engagée dépasse largement la question du CIP. Les manifestants ont retrouvé dans la rue la répression et la solidarité, ils ne doivent oublier ni l’une ni l’autre. Tous les casseurs, de vitrines, de flics et de CIP sont nos camarades. NI JUGES, NI PRISONS N’ARRÊTERONT NOS RÉBELLIONS ! LE CIP EST MORT, ANTI-CIPONS ENCORE ! NI CHOMAGE, NI ESCLAVAGE SALARIÉ !"
"CE N’EST QU’UN COMBAT, CONTINUONS LE DÉBUT !"
OUI ! Nous n’en avons rien à foutre du CPE ou de la défense du Code du Travail bourgeois ; nous n’en avons rien à foutre de passer notre vie au chômage ou à bosser comme des esclaves salariés. Les plans d’austérité et de renforcement de notre misère concoctés par la bourgeoisie n’ont rien "d’original" ! Ils sont à chaque fois une énième version des nécessaires mesures qu’elle doit nous imposer pour relancer son taux de profit ! En cela, la réponse des prolétaires à ces attaques directes contre leurs conditions de survie ne présente pas de contenu plus "moderne" qu’à chaque fois que notre classe a pris les armes pour défendre sa peau et affronter les forces de l’ordre du vieux-monde !
Mondialement comme historiquement, la bourgeoisie, toutes fractions confondues, n’a qu’une seule et unique politique à offrir au prolétariat : le serrage de ceinture ! De la gauche à la droite, le programme est toujours le même ! L’avenir qu’ils nous promettent, c’est l’austérité, la misère, le chômage, l’esclavage salarié et... la GUERRE ! Mondialement comme historiquement, le prolétariat ne peut répondre qu’en reprenant ses armes de classes : la lutte intransigeante pour la défense de ses intérêts égoïstes de classe, la grève, l’émeute, le pillage, la destruction de la marchandise, l’organisation des minorités révolutionnaires, la décantation des perspectives de renversement de cette société de misère, l’affrontement à l’Etat, l’insurrection... la RÉVOLUTION !
La lutte du prolétariat s’exprime donc à différents niveaux de matérialisation, de rupture avec l’ordre bourgeois. Il est clair que dans une période encore globalement marquée par la contre-révolution, le niveau de notre affrontement à l’Etat ne peut qu’être fortement marqué par les scories du monde de la séparation. Jusque dans ses luttes, même si celles-ci sont une tentative pratique de faire éclater tous les carcans, le prolétariat porte encore cette dynamique de la parcellisation. Ainsi en est-il du dit mouvement "étudiant", de la lutte "des jeunes" ! Cette division du prolétariat en catégories, en secteurs "particuliers" (jeunes/vieux, chômeurs/travailleurs, banlieusards/citadins, immigrés/autochtones, etc.) ne permet pas encore de produire un réel saut de qualité dans nos luttes, de faire émerger de fortes minorités classistes, des avant-gardes capables de se réapproprier nos ruptures historiques, etc. Car derrière toutes ces catégories et ces divisions, il n’y a bel et bien qu’une seule réalité de classe : l’attaque bourgeoise de nos conditions de survie et la réponse prolétarienne qui en est le produit !
La lutte de cette frange plus jeune du prolétariat (en France comme partout dans le monde, sous le soleil noir du capitalisme) s’inscrit également dans la dominante qui caractérise toujours plus profondément les éruptions de notre classe. Les éléments les plus jeunes (et même très jeunes !), les moins intégrés à l’appareil productif, les moins liés à la défense d’un outil de travail, d’une entreprise particulière, ceux qui n’ont comme seul terrain de lutte que la rue, bref des "jeunes" prolétaires précisément se montrent les plus combatifs, ce sont eux qui relèvent plus rageusement et impatiemment la tête !
Aux jeunes prolétaires "étudiants" et "lycéens" qui s’engage dans la lutte, qui occupent leurs facs et leurs bahuts, qui manifestent, bloquent les gares et mènent des actions directes contre des boîtes d’intérim (par exemple), nous leur disons que ce n’est pas suffisant. Remettez l’ensemble de cette société de mort en question ! A quoi sert l’école dans laquelle vous galérez sinon à vous préparer au rythme infernal du travail ! Levés tôt, couchés tard, en rangs ou pas en rangs mais parqués entre quatre murs, huit heures par jour, avec à la clé contrôles, sanctions, exclusions... comme au travail, comme au chômage ! De nous, l’école fait des machines bien rodées, aimant la discipline, soumises au petit-chef, tenant la concurrence de tous contre tous comme unique horizon. Ce qu’on apprend ? Le dégoût de tout apprentissage, l’ignorance, le manque d’amour, de solidarité... Ils nous mentent, ils nous étouffent en faisant de nous de gentils petits pions voués à n’exister que pour faire du fric.
Dans chaque lutte du prolétariat se trouve déjà la perspective du communisme ! Ce danger, ce spectre hante la bourgeoisie de manière historique, et même plus fortement encore de manière cyclique. Elle le comprend très bien car à chaque coup, à chaque révolte de "jeunes" prolétaires, elle nous ressert, par la bouche d’égout putride d’un de ses politiciens ou sociologues faisandés, son plat réchauffé de "Mai 68" ! Et c’est vrai qu’elle s’inquiète, elle s’angoisse, elle pète de trouille, elle craint de plus en plus par ces temps difficiles une "explosion sociale" plus forte que les précédentes ; le véritable cauchemar de la bourgeoisie, c’est la réaffirmation avec force de la lutte des classes dans une période où globalement, surtout depuis la chute du mur à l’Est et la faillite d’un modèle de gestion, la bourgeoisie nous a fait croire à "la fin de l’histoire", à la "fin des antagonismes", à la pérennité du règne de sa Démocratie !
De manière générale, beaucoup de luttes aujourd’hui dépassent la vision restreinte imposée par toutes les fractions bourgeoises confondues. Jusques et y compris à l’intérieur de chaque mouvement, celles-ci freinent des quatre fers pour trouver une "solution", pour ébaucher une réforme et escamoter toute la subversivité potentielle d’une telle révolte, pour présenter une alternative valable, crédible,... responsable ! Le CPE aujourd’hui (comme le CIP hier) n’est que l’étincelle qui sert de catalyseur à l’émergence d’une lame de fond bien plus puissante qui s’exprime par un refus de tous les sacrifices et un rejet de toutes les organisations "ouvrières" chargées de nous les imposer ! Cette lutte contre une mesure spécifique et particulière représente une lutte contre toutes les mesures d’austérité ! Cette lutte n’est donc en rien un mouvement spécifiquement "étudiant" !
"EN-DEHORS ET CONTRE LES SYNDICATS !"
En-dehors des journées de "manifestations nationales" (cf. les promenades dans toute la France des 7, 16 et 18 mars) qui rassemblent à chaque fois des cortèges imposants de plusieurs centaines de milliers de manifestants, des manifs plus minoritaires, des occupations, des blocages de gares, des actions directes contre divers objectifs se multiplient contre le contrôle direct des syndicats. Ceux-ci doivent littéralement courir après le mouvement en organisant de grands cortèges afin d’assumer leur tâche primordiale : casser la lutte en canalisant les mécontentements sur des objectifs raisonnables et surtout négociables, séparer les prolétaires radicaux de la masse !
La fonction de toujours des syndicats se révèle plus ouvertement dans ces moments de lutte, par leur empressement à éteindre l’incendie social ! Les syndicats, dont le rôle est précisément de prévenir ce genre d’explosion, de servir de tampon et au besoin d’encadrer toute expression autonome de notre classe, tentent de freiner la lutte en feignant d’organiser ce qui les dépasse ! Les syndicalistes n’ont plus vraiment la cote, le mouvement se déroule en-dehors d’eux. Mais derrière ce simple rejet des syndicalistes, s’exprime bien sûr clairement l’une des grandes limites du mouvement : la tolérance vis-à-vis des syndicats et non pas la lutte à mort contre ces pompiers sociaux ! Les "jeunes" prolétaires n’ont pas eu la force de se réapproprier la totalité des leçons tirées précédemment par notre classe ! S’organiser en-dehors des syndicats et de tous les appareils d’Etat (coordinations, conseils, etc.), ne suffit pas ! C’est surtout CONTRE eux qu’il faut mener sa lutte ! C’est de façon ultra-minoritaire que des prolétaires plus organisés désigneront plus clairement les syndicats comme des ennemis irréductibles qu’il faut abattre !
Voilà pourquoi, les syndicats peuvent néanmoins exercer presque impunément leur sabotage en appelant systématiquement à chaque fin de manif à la dispersion, en dénonçant les prolétaires les plus déterminés à prolonger la lutte et en indiquant aux flics QUI réprimer ! Cette division du travail entre les différents appareils d’Etat permet à la répression de s’abattre sur nous ! Les syndicats dévoilent ainsi encore plus clairement et ouvertement leur véritable fonction : saboter nos luttes ! ORGANISONS-NOUS EN-DEHORS ET CONTRE LES SYNDICATS !
En tant que militants communistes, nous ne pouvons faire l’économie d’une critique du mouvement actuel. Ses faiblesses ne sont pas spécifiques à la France, mais touchent tout le prolétariat dans cette période encore fortement marquée du sceau de l’individualisme, de la résignation, de la soumission, de l’absence de perspectives révolutionnaires claires, etc. La faiblesse actuelle de l’affrontement entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre les deux projets, communisme contre capitalisme, laisse la place à l’aile gauche de la bourgeoisie, à la social-démocratie, pour occuper tout le terrain ! Jusque dans les faibles tentatives du prolétariat de faire réémerger son programme historique (l’abolition définitive des sociétés de classe et l’avènement de la véritable communauté humaine mondiale), nous sommes confrontés à la force d’inertie que fait encore peser aujourd’hui la contre-révolution, à sa capacité d’intégrer nos luttes, et au besoin d’en prendre la tête pour mieux les contrôler et les vider de toute substance subversive ! C’est là la tâche essentielle de tous les partis de la social-démocratie et de ses syndicats !
L’un des contenus de cette stratégie de la bourgeoisie, c’est la tendance à la personnalisation des cibles de la lutte ! A la lutte des prolétaires contre les mesures d’austérité, la bourgeoisie répondra toujours en envoyant ses gauchistes et ses syndicalistes pour dévier le mouvement d’une lutte potentiellement globale contre la misère, contre le salariat vers son contraire : le renforcement de cette misère ! En sabotant toutes les tentatives d’extension de la lutte à d’autres secteurs du prolétariat, les gauchistes désignent d’autres cibles dont le prolétariat n’a rien à foutre ! Aujourd’hui encore, ils ramènent la lutte de notre classe à la très gauchiste alternative politique : "Villepin démission !", en personnifiant, en diabolisant quelques bourgeois cooptés par l’être anonyme qu’est le Capital ! Après l’"anti-sarkozyisme" (très à la mode durant la récente "crise des banlieues"), c’est maintenant l’"anti-villepinnisme" qui fait fureur, mais cela ne résout rien quant à nos perspectives de lutte ! Derrière le sinistre personnage du "premier flic de France" ou du plus "avenant" et présentable "premier de la classe", c’est tout le programme impersonnel de cette société anonyme "Capital" qui doit s’appliquer avec rigueur, et qu’eux, leurs prédécesseurs et leurs successeurs (de gôche comme de droite ou de l’extrême centre) appliquent, ont appliqué et appliqueront ! L’action des sociaux-démocrates consiste donc à pousser le prolétariat à soutenir un autre projet de gestion du Capital, soit à changer d’équipe gouvernementale, en repolarisant entre la gauche et la droite, et non pas entre les deux projets de classe antagonistes !
La forme que prend généralement cette reprise en mains et qui se retrouve dans toutes les luttes actuelles, c’est ce que nous appelons globalement le parlementarisme ouvrier ! Même lorsque des luttes éclatent sur base d’une rupture formelle avec les syndicats, même si un certain niveau de violence est assumé par les prolétaires, jamais cette rupture n’est consommée globalement, poussée jusqu’à ses ultimes conséquences : càd s’organiser non pas seulement en-dehors des syndicats, mais aussi CONTRE eux ! Ce qui signifie rompre radicalement non seulement avec des organisations, mais surtout avec une PRATIQUE : le syndicalisme !
C’est cette pratique du démocratisme, de l’assembléisme, du fétichisme de la massivité dans les structures de luttes qui marque véritablement un frein à l’extension et à la radicalisation des luttes ! Si les prolétaires rejettent les syndicats, cela ne suffit pas puisqu’ils reproduisent au sein de leurs "coordinations" la même pratique syndicale, réformiste, etc. L’émergence des "coordinations", la tenue de larges AG ouvertes à tous, ne signifie rien d’autre que la pratique du syndicalisme sans syndicat ! Les AG, avec leur "magie" des délégués "élus et révocables à tout moment", n’ont jamais constitué aucune garantie formelle quant à la "pureté" de la lutte. Historiquement, notre seule garantie, c’est notre pratique sociale intransigeante en opposition à cette société de malheur. Ce n’est jamais la forme qui prime, mais toujours le contenu ! Notre lutte réelle contre tous les aspects du rapport social s’oppose violemment à la mise en valeur d’un Capital purifié, éradiqué de ses aspects "négatifs", ce qui non seulement constitue une impossibilité, mais est une utopie réactionnaire !
En outre, le démocratisme ambiant dans ce genre de coordinations et autres AG fait que tout le monde peut s’exprimer "librement", les grévistes comme les anti-grévistes ! A quoi cela rime-t-il de voter de grandes résolutions "très radicales" (comme "en finir avec le capitalisme") si le prolétariat ne casse pas les forces d’inertie qui bloquent l’extension et le développement de la lutte ! On ne discute pas avec les "jaunes", les briseurs de grèves et on les laisse encore moins s’exprimer : on leur casse la gueule et on les fout dehors ! C’est cela la véritable violence prolétarienne ! Toute notre histoire de classe est marquée du sceau d’une telle pratique ! Il faut briser ce fétichisme de la majorité, qui n’est que circonstanciellement en notre faveur, et peut se retourner contre nous suivant le rapport de force. Si demain une majorité se dessine contre les besoins de la lutte, alors il faudra aussi se plier à sa loi !
NON ! Nous revendiquons justement tout ce qui va à l’encontre de ce fonctionnement, tout ce qui rompt avec ce pacifisme bêlant et syndicaliste qui se développe dans la lutte. Notre mouvement, c’est la rupture avec la grève les bras croisés, la grève social-démocrate. Nous revendiquons les aspects de rupture contre la social-démocratie qui met toujours en avant "l’unité à tout prix", nous poussons au travail de fraction, en appuyant le développement des positions communistes pour dégager des minorités d’avant-garde et éviter le nivellement démocratique par le bas. Nous soulignons, revendiquons et tentons de centraliser tout ce qui rompt avec le modèle social-démocrate des masses qui défilent en rangs d’oignons, qui font non pas grève, mais s’arrêtent de travailler, ce qui correspond (que la majorité des protagonistes le veuillent ou non !) au fonctionnement normal du capital. Notre communauté de lutte n’a rien à voir avec cela, notre communauté de lutte, là où le prolétariat retrouve sa force collective et son identité, c’est dans la rupture avec tout ce cirque. Camarades, revendiquons, encourageons, dirigeons les pillages, sabotages, piquets volants, fraternisations,...
Toutes ces revendications demandant le "retrait du CPE" ou contre des "emplois au rabais" n’attaquent nullement la valeur, mais au contraire la renforce puisque la bourgeoisie peut aisément faire quelques concessions sur le salaire nominal ou le partage du temps de travail qui renforceront toujours notre exploitation. Dans un contexte de luttes beaucoup plus radicales, l’augmentation de salaire (relatif et non nominal) devra être un mot d’ordre révolutionnaire contenant les germes du programme communiste d’abolition du salariat par une diminution drastique du temps de travail. A ce moment-là, il ne s’agira pas de "demander" une augmentation de salaire, mais d’imposer par la force et la solidarité prolétarienne, la dictature de notre classe sur celle du profit.
"Ce à quoi on renonce dans le travail ne nous est jamais rendu."
La lutte est un rapport de force, ORGANISONS-LE :
.. continuons la grève, empêchons la reprise des cours, . mobilisons-nous dans toutes les grèves et appelons à la grève générale, . bloquons la circulation des marchandises aux carrefours, gares, aéroports, etc., . bloquons la production en organisant des piquets devant les usines, les bureaux, les lycées...
Aucun sacrifice ! L’économie est malade, qu’elle crève ! A bas la paix sociale !
Syndicats = briseurs de grèves ! Organisons-nous en-dehors et contre eux !
Rien à foutre du CPE, des "emplois au rabais" et du "Code du Travail" ! A bas le travail ! Généralisons la lutte à tous les secteurs du prolétariat ! A bas l’exploitation ! A bas le capitalisme !
A la violence de l’Etat, opposons la violence prolétarienne ! Sortons des banlieues, sortons des manifs-promenades, sortons des AG, sortons, sortons...
On veut tout et tout de suite ! A bas l’esclavage salarié ! Vive la révolution sociale mondiale !
Détruisons ce qui nous détruit ! Organisons-nous pour nous défendre contre le capital et son Etat !
Force contre force ! Prolétariat contre bourgeoisie !
NOSOTROS Email : [email protected]
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De "l’enlisement" de la théorie, et des "luttes théoriciennes" : théorie et pratique , Patlotch, 25 mars 2006Ce texte d’intervention est à comprendre et relativiser, du fait que je l’ai écrit dans une polémique et pour un lectorat d’abord démocratique, d’obédience LCR-PCF etc.
S’il est une chose que je ne regrette pas, c’est d’avoir eu connaissance des réseaux de théoriciens communistes, et de rendre compte depuis de leurs travaux, y compris à travers mes errements. Ce qui se passe en France donne tort à ceux qui les croient dans un splendide isolement, voire qui bêtement les prétendent absents de la pratique. Ces travaux sont en prise sur les luttes qui les alimentent, la théorie est "embarquée", et pour ma part, je considère que c’est un élément nouveau, qualitatif comme quantitatif. Ce n’est qu’un début...
Hugo ou Marx ?
Quant à la nécessité de participer aux luttes, elle est évidente, mais ne donne aucune garantie pour l’analyse, qui repose sur une bonne information : il est stupide de considérer qu’il faudrait être aux premières loges pour dire quelque chose de pertinent, tout simplement parce que personne ne peut être partout, et qu’on ne voit que ce qu’on veut ou peut voir, selon les lunettes qu’on porte. Mais pour analyser en communiste, il faut vouloir le communisme, pas l’aménagement de la société-capital. Ce n’est pas un passeport pour "la vérité", mais cela préserve de la collaboration.
Marx n’a pas écrit en France Les Luttes de classes en France, mais ses écrits sur 48 ont moins vieilli que ceux de Victor Hugo, qui était pourtant sur place, il est vrai comme envoyé parlementaire pour négocier avec les insurgés, et ceci malgré les pages magnifiques sur les barricades. Choisir les insurgés de la Commune, c’est encore avec Marx contre Hugo, même si celui-ci se bat après coup pour l’amnistie. Pas plus qu’avec 68, nous ne sommes des folkloristes. De la Commune, nous ne voulons pas retenir que l’échec, et si nous honorons les morts, c’est pour ce qu’ils ont tenté et vécu.
Il est au demeurant surprenant ou significatif que ceux qui ont bâti leur prestige sur la lutte armée dans la résistance au nazisme puissent refuser de voir comment se présente la guerre sociale, ce qui devient incontournable dans les formes d’affrontements que génèrent les limites de la reproduction du capital. Serait bien naïf qui penserait que nous pourrons éviter cette question, qui n’a rien à voir avec une quelconque apologie de la violence dans laquelle s’investissent aujourd’hui ceux qui la trouvent plus "révolutionnaire", sans parler des "casseurs Sarkozy". Toujours est-il que la question d’articuler des formes multiples d’interventions est désormais posée en grand, et que ce mouvement y contribue grandement.
Que se passe-t-il ?
Pour comprendre ce que le mouvement actuel comporte et porte de nouveau, il faut le replacer dans son contexte.
Ce contexte, c’est la restructuration du capital et la tendance du prolétariat à être défini par le précariat (par le chômage dit TC), ce qui a renversé historiquement la base conceptuelle sur laquelle était fondé le mouvement ouvrier jusqu’aux années 60-70, avec sa stratégie globalement "programmatique" (de la social-démocratie au conseillisme en passant par le bolchévisme), et le type d’organisations qu’il se donnait pour cela, avec les séparations syndicats et partis, luttes revendicatives et luttes politiques (pour l’Etat) [voir 22 mars].
La question révolutionnaire est aujourd’hui évacuée, par les mêmes qui considèrent que l’URSS fut un socialisme criminel ou un Etat ouvrier dégénéré, et non en gros un capitalisme d’Etat. Un libéral peut partager ce point de vue. Un révolutionnaire, non. Si, n’ayant pas le complexe du Grand soir ou de la dictature du prolétariat, un révolutionnaire n’est pas un démocrate, c’est parce que la démocratie ne pourra rien contre le capital, qui l’a produite comme Etat et comme idéologie économique et politique. Ce n’est pas dire que la révolution est à l’ordre du jour.
Il ne faut pas oublier, si j’ose dire, qu’en France, la précarité déjà là touche une dizaine de millions de personnes, alors que ne sont syndiqués que deux millions dans des couches salariées plus stables qui ne sont pas (encore ?) dans ce mouvement, et que ne votent plus que 60% des personnes en âge de le faire (si l’on tient compte des non-inscrits). Il est donc normal que, dans le premier mouvement massif, en France, qui s’en prend explicitement à la précarité généralisée, de nouvelles caractéristiques des luttes apparaissent ou se confirment. Encore faut-il les discerner, et nous sommes d’évidence confrontés à des difficultés, en théorie comme en pratique, que ne résoudrons pas des services d’ordres intellectuels ou physiques.
Dans ce contexte et son évolution, les grilles d’analyse qui projettent sur les faits sociaux-politiques une idéologie héritière des catégories dépassées par le capital actuel et les luttes en son sein, grilles politisées a priori par leurs présupposés démocratiques, ne permettent pas de lire dans ces événements la même chose que les analyses communistes, sans quoi la théorie révolutionnaire ne serait, comme pâle reflet de la sociologie politique, qu’otage de l’idéologie.
Quelles luttes ? Formes et contenu
Poser la question de la révolution serait "utopique", mais pas les fantasmes néo-keynésiens de la relève de gauche radicale, dont le discours sur "les provocateurs" rejoint celui des flics, des politiques et des journalistes sur "les casseurs", dans un amalgame où il s’agit de condamner toutes formes illégales de luttes violentes ou pas. Il faudrait vouloir que les choses ne soient pas ce qu’elles sont, préférer qu’elles se passent autrement : démocratiquement. Voilà la grande sagesse de l’objectivisme militant : « Vous devez faire ceci et pas cela, comme ci et pas comme ça, vous vous trompez... ». Contre vents et marées, les démocrates radicaux veulent nous vendre leur "stratégie", et ils nous font des prix pour leurs oeillères. Il n’est pas dit que la LCR notamment en ressorte aussi vierge qu’en 68, tant elle s’avère, sur le terrain, à côté de la plaque. Non seulement des camarades auraient tort de se battre comme ils l’entendent et y sont parfois obligés dans le déroulement de la lutte, mais la réalité du combat de classe serait fausse de n’être pas démocratique. Que certains le regrettent est une chose, sauf qu’ici (re)commence le mensonge.
Pour comprendre quelque chose à ce qui se passe, il faudrait cesser de considérer que l’essence des rapports sociaux se présente en toute pureté dans les faits. C’est Jacques Wajnsztejn, sauf erreur, qui remarquait combien les badges d’organisations sur les poitrines défilantes sont le digne reflet de la mode des marques dans la jeunesse. Voilà un rapprochement intéressant : lesquels en sont davantage, de cette société ? Et lesquels veulent ou ne veulent pas en sortir ?
Il faudra bien, un jour, comme dit François Lonchamps, ouvrir la brèche !
Amical’
Patlotch, 25 mars
des luttes contre le CPE -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 26 mars 2006Appel au blocage des voies de circulation tôt le matin
24 heures de grève, et après :La lutte, entamée depuis des semaines dans la rues,
les facs et les lycées, ne peut pas se contenter d’une
journée de grève. D’abord parce que la révolte qui
grandit dépasse largement, dans sa forme et ses
implications, les enjeux d’un seul nouveau type de
contrat de travail. Ensuite parce que nous
n’accepterons pas que les syndicats, à la traine
depuis le début du mouvement, nous dictent à nous
tous, précarisés (salariés, étudiants, chômeurs et
tous ceux qui n’acceptent pas les conditions qui leurs
sont faites), la forme et les moyens de mener cette
lutte, une lutte qui n’a jamais appartenu qu’à ceux
qui se battent. Le gouvernement joue l’inflexibilité,
comme un autre aurait joué la négociation, il ne nous
laisse que le choix entre toujours plus d’écrasement
et une révolte qui assume ses raisons et ses moyens de
se généraliser. La grève générale, sauvage et
illimitée, s’impose.Le blocage qui s’actualise depuis le début dans les
occupations comme pratique essentielle du mouvement
nous apparaît comme un moyen efficace de mettre des
bâtons dans les rouages de l’économie. Le blocage de
voies de circulation a été pratiqué par des
manifestants à de nombreuses reprises : comme
l’aéroport de Lannion au début du mouvement, les gares
de Rennes, Caen et Nantes ont été bloquées par des
manifestants. Des grands axes de circulation routières
ont aussi été investis à Lyon et à Fontenay-sous-Bois.Nous proposons donc, pour que se poursuive la lutte
au-delà de la journée du mardi et pour éventuellement
libérer un peu de temps habituellement pris par le
travail, de bloquer, le mercredi 29 mars tôt le matin,
avant l’heure de départ au travail, les voies de
circulation qui sont le lieu de passage concret des
flux de marchandises dont la plus importante : la
force de travail. Pour envoyer valser leurs réformes,
pour les faire reculer jusqu’à ce qu’ils tombent,
parce qu’ils doivent tomber. Maintenant se défendre,
c’est attaquer. Tous ensemble.AG en lutte, Paris
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE [APPEL de RASPAIL], , 26 mars 2006APPEL de RASPAIL
aux étudiants, chômeurs, salariés plus ou moins précaires,
de France et de Navarre,
à tous ceux qui sont ces jours-ci en lutte
contre le Contrat Première Embauche,
et peut-être contre bien plus que ça…Puisque nous parvenons de plus en plus précisément à envisager le moment où la
Terre sera entièrement consumée par notre mode de vie,Puisque les scientifiques en sont réduit à nous promettre la colonisation d’autres
planètes à consommer,Nous, salariés et étudiants, stabilisés ou occasionnels, de la région parisienne
et d’ailleurs, occupants du Centre d’Étude des Modes d’Industrialisation au 4è étage
de l’EHESS en ce premier jour du printemps, voulons réfléchir à ce que pourrait
être une vie pérenne et souhaitable dans un autre monde fini.Il nous semble impossible de poser la question de la précarité des emplois et des
revenus monétaires sans poser aussi celle de la précarité de la survie humaine globale. En
ces temps de désastre écologique très avancé, nous pensons qu’aucune position
politique et aucune revendication qui n’intègre pas le caractère d’impasse du
développement économique, de la croissance, ne peuvent avoir la moindre valeur.
Nous sommes donc à la fois fantastiquement utopistes et radicalement
pragmatiques, bien plus pragmatiques au fond que tous les gestionnaires
« crédibles » du capitalisme et des mouvements sociaux (quand UNEF rime avec
MEDEF…).Nous voulons briser le culte dont sont l’objet les créateurs d’emplois et de
richesse, réhabilités avec le concours de la gauche dans les années 1980. Aucun
discours sur l’exploitation et la précarité n’a de sens et d’efficacité s’il s’interdit de
malmener comme ils le méritent ces « bienfaiteurs de la collectivité ».
Nous voulons aussi lever le tabou de ce mouvement anti-CPE : la perspective
du plein-emploi, qui sous-tend la plupart des mots d’ordre et des revendications, n’est ni
réaliste ni désirable.Le travail humain, en Occident, est supprimé massivement par les machines
et les ordinateurs depuis plusieurs dizaines d’années. Il n’a certes jamais été autre
chose qu’une marchandise pour le capital, mais ce qui a changé au stade actuel du
« progrès » technologique c’est que l’accumulation d’argent exige moins d’humains
à exploiter qu’avant. Il faut se mettre dans la tête que le capitalisme ne peut plus
créer assez d’emplois pour tous. Et reconnaître qu’en plus, ceux qu’il crée encore
péniblement sont de plus en plus vides, déconnectés de nos besoins fondamentaux.
Dans ce système, la production matérielle est délocalisée vers les pays « en
voie de développement », où se concentre ainsi le désastre écologique (même si
nous ne sommes pas en reste…). Et chez nous, dans notre économie de services
prétendument immatérielle, fleurissent les emplois de serviteurs : esclaves des
cadences robotiques, domestiques des « services à la personne » (voir les récents
plans Borloo), petits soldats du management.Ce mouvement ne sera fort et porteur d’avenir que s’il fait entendre une
critique lucide du travail moderne. Et s’il permet d’établir définitivement qu’il n’y
aura pas de sortie de crise. Loin de nous laisser abattre, nous voulons faire de ce
constat une chance. Nous pensons qu’un mouvement social conséquent doit se
donner pour but d’aider l’économie à s’effondrer. Le monde actuel ne connaît pas
d’en-dehors, on ne peut pas espérer le fuir. Il faut donc patiemment y constituer des
milieux de vie où l’on puisse produire ses moyens de subsistance sans le concours
de la machinerie industrielle, et où émergent de nouveaux rapports humains,
dégagés d’elle. Il faut dans le même temps entreprendre le démantèlement de pans
entiers de l’appareil de production existant, inutiles ou nuisibles. Bien sûr, tout cela
exige, dans nos discours comme dans nos pratiques, un rejet résolu de l’Etat et de
ses représentants, qui seront presque toujours des obstacles à nos projets
d’autonomie.Cessons de réclamer un emploi stable
pour chacun !
(même s’il arrive à tout le monde de chercher du boulot ou de l’argent)
Que la crise s’aggrave !Que la vie l’emporte !
Les occupants du Centre d’Etude des Modes d’Industrialisation
(à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, bd Raspail à Paris),
constitués en Comité Pour la Désindustrialisation du Monde,
entre l’aube du 21 mars 2006 et le milieu de la nuit suivante. -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 26 mars 2006A Rennes, le mouvement anti-CPE dérive vers la violence
Le mouvement anti-CPE se radicalise à Rennes, bastion de la contestation, où étudiants et lycéens commencent à revendiquer ouvertement le recours à la violence comme seul moyen de se faire entendre.
Alors que la manifestation se forme jeudi matin près de la gare de Rennes, des étudiants et lycéens évoquent déjà ouvertement des actions violentes dans l’après-midi. "Il y aura de la violence en fin de manifestation et c’est voulu", confie Benoît, un ex-lycéen au chômage, membre du service d’ordre du Comité d’action lycéen. Selon lui, "le service d’ordre est là pour calmer les choses pendant la manifestation, mais après..."
S’il ne participera pas directement aux incidents, Benoît ne cache pas son soutien tacite aux casseurs. D’ailleurs, selon lui, "il ne faut pas dire casseurs, ce sont plutôt des +insoumis+".
Hugo, étudiant à Rennes 2, revendique le recours à la violence. Il était présent le jeudi 16 mars lors des premiers heurts entre jeunes et CRS dans les rues de la capitale bretonne. A l’issue de la manifestation, il s’apprête à recommencer.
"La radicalisation du mouvement est en cours. On n’a plus peur de parler de ça. La question désormais c’est +quel degré de violence on met dans le mouvement ?+", explique ce militant de la LCR et du syndicat SUD Etudiant. Selon lui, "un mix est progressivement en train de s’opérer entre la crise des banlieues et le mouvement anti-CPE. Depuis une semaine des jeunes des banlieues viennent défiler avec nous et participent aux violences".
Pour Hugo, qui n’avait jamais participé à des combats de rue avant jeudi dernier, l’attitude du gouvernement a légitimé le recours à la force. "On a fait de nombreuses manifestations, il y a eu un ultimatum des syndicats de salariés... et rien ne se passe. Alors que doit-on faire pour se faire entendre ?"
L’assemblée générale des étudiants de Rennes 2, en grève depuis le 7 février, a d’ailleurs revendiqué mercredi la responsabilité des violences dans un communiqué. "Les +exactions+ sont majoritairement des actions menées par les manifestants, conformément à ce qui a précédemment été voté en AG par des milliers d’étudiants. Les affrontements pouvant parfois en découler sont liés à notre mouvement", indique le texte.
Depuis quelques jours, des banderoles "Nous sommes tous des casseurs" ont fait leur apparition dans les cortèges.
Thibault Boyer-Baret, élu Unef à Rennes 2, veut toutefois nuancer. "Depuis 2002 on s’est pris des claques dans tous les mouvements sociaux. Les gens ne savent plus comment être écoutés", analyse-t-il. "La question maintenant, c’est comment laisser cette radicalisation s’exprimer, sans en passer par la violence. On essaie au maximum de contenir le phénomène de casseurs".
En début d’après-midi, à l’issue de la manifestation rassemblant entre 6.000 et 12.000 personnes, une occupation des Galeries Lafayette dégénère avec une porte en verre brisée, des projectiles et fumigènes lancés dans le magasin. Une heure plus tard, une manifestation devant le siège de l’UMP tourne à l’affrontement entre jeunes et CRS, comme jeudi dernier.
Source :http://www.vousnousils.fr/page.php ?
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 28 mars 2006voici le texte d’une affiche retrouvée collée devant les lycées : Rouen
Jusqu’au retrait du CPE : la MANIF SAUVAGE, pardi !
Une manif c’est quoi ?
Il est facile pour commencer d’énoncer ce qu’une manif ne doit pas être : une procession de moutons, une marche funèbre de vaincus. La manif est un moment de l’élaboration collective au sein d’un mouvement (ici contre le CPE). Il s’agit de ressentir une puissance collective, de rompre avec nos habitudes des foules solitaires, et non d’être « tous seuls ensemble ». Il est nécessaire, pour faire l’expérience de cette puissance, de laisser libre cours à la spontanéité, à l’intensité, aux coups d’éclat, à la joie collective, aux initiatives partagées. Assez de toutes ces manifs où chacun regarde tristement le désarroi de tous ! Où les slogans mille fois entendus beuglés au mégaphone, jusqu’à l’extinction de voix, ne sont plus un message
de révolte, mais une simple bande-son !Une manif pour quoi faire ?
Le but d’une manif n’est pas d’être (plus ou moins) nombreux, de marcher (plus ou moins) longtemps, d’écouter le discours des syndicats en fin de parcours, puis de rentrer chacun chez soi pour regarder à la télé « combien on était ». Tout rassemblement doit être non pas un spectacle, une représentation de l’unité et de la lutte, mais une occasion de constituer une force, fut-elle limitée à la durée de la manif. Pour cela, un programme minimal : que l’événement surgisse du non-événement qu’est habituellement la
manifestation. On se dit intuitivement qu’une manifestation est réussie lorsqu’elle dérange le cours normal des choses : faisons donc en sorte que ce dérangement soit le plus intense possible, et que l’on ne se souvienne non pas du nombre des manifestants mais de leur détermination et de leur force.Une manif. sauvage !
La manif sauvage, c’est le moment où l’ennui disparaît, où le mégaphone n’ est plus qu’un bruit parasite, où les traîne-savates sont dépassés, où une vitalité intense l’emporte sur le banal défilé. La manif sauvage, c’est quand on part en courant en se prenant la main, qu’on oublie les syndicats et leurs foutus cordons de service d’ordre, qu’on se fout du parcours que tracent les flics et ceux qui les suivent. La manif sauvage, on sait seulement d’où elle part, et on ne peut que la faire vivre, nul ne décide de son déroulement ni de sa fin que ceux qui y participent. La manif sauvage, c ’est quand on arrête de se demander « quand est-ce que ça finit », qu’on a envie que ça continue toujours. Pas de chef, pas de mot d’ordre écrit d’
avance, juste des sauvages maîtres de leurs mouvements. Manif sauvage des accélérations, manif sauvage des flics qui tournent en bourrique, manif sauvage des rires collectifs et du bonheur d’être là, d’investir enfin la rue avec autre chose que de l’ennui. -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 30 mars 2006Grenoble : Manif et émeutes du mardi 28 mars
news : 200 personnes ont été interpellés, une soixantaine ont passés la nuit
en GAVA 10h ce matin, mardi 28, sous la pluie, une énorme manifestation anti-CPE
partait de la gare en direction du Palais des Sports (au parc Mistral). 60
000 personnes disent les syndicats, ce qui paraît crédible tant il y avait
de monde.De gros cortèges lycéens et étudiants, mais les travailleur-euse-s se sont
aussi mobilisé-e-s en masse ! On dirait que tout le monde est là, même le
Parti Socialiste, dont on se serait bien passé (quand est-ce qu’on fait
dégager ces salauds de nos manifs ?). Rapidement, des centaines de personnes
se regroupent en tête de cortège, devançant la banderole intersyndicale
"Retrait du CPE" censée ouvrir la manif. Des drapeaux noirs et des tas de
manifestant-e-s affluent ainsi en tête de manif, avec derrière eux-elles un
service d’ordre (S.O.) tout aussi intersyndical que la banderole, mais
beaucoup moins marrant (pourtant la banderole n’est pas spécialement drôle).
Un S.O. tendu, qui fait la chaîne de façon permanente, histoire de bien se
dissocier du bon millier de personnes qui marche en tête de manif. Les
manifestant-e-s peuvent lire des graffiti "Nous sommes tous des casseurs"
sur les murs au fur et à mesure de l’avancée de la manif. A sa tête, ça
parle de faire dévier le cortège en direction de la préf’, de façon à ne pas
tomber dans le piège du concert-buvette proposé à l’arrivée par la CGT, mais
à partir des grands boulevards, les rues menant à la préfecture sont
bloquées par des cordons de CRS ou de gardes-mobiles, de nombreux mecs de la
BAC surveillant en groupe les abords du parc Mistral.Sur le boulevard Clémenceau, la manif stagne un peu, puis finit par
rejoindre vers 12h le concert-buvette de la CGT sur le parc Mistral. Le même
cégétiste que d’habitude s’empare du micro de la sono et gueule sans
conviction "Retrait, retrait, retrait du CPE" et annonce la bonne nouvelle
censée nous endormir : "on est 60 000 à Grenoble !". Au programme : merguez,
bières, groupes de rock et prises de parole contrôlées et limitées. Des
manifestant-e-s demandent à prendre la parole et se font rembarrer par le
S.O. de la CGT, qui encercle la scène de façon à ce que personne n’y accède.
Des barrières de "sécurité" en métal entourent aussi la scène, c’est très
accueillant tout ça, ça donne très envie de faire la fête...Des manifestant-e-s commencent alors à harceler les abords de la scène du
concert, en criant notamment "Grève générale" tandis que le MC de la CGT
gueule "Retrait du CPE" (faut bien les remettre à leur place ces jeunes
révolutionnaires !). Lors des concerts, il règne une ambiance assez moisie,
un membre d’un groupe de rock fait part de sa surprise quant au fait que les
cégétistes lui aient demandé de ne pas s’exprimer entre les morceaux...Un peu plus tard, la sono est sauvagement débranchée. Une fille en profite
pour prendre un mégaphone et appeler à repartir en manif (en rappelant que
"l’heure n’est pas au divertissement"), en direction de la préfecture. Le
temps que tout le monde se rassemble, et voici que vers 13h, un ou deux
milliers de personnes traversent le parc Mistral jusqu’à la rue Haxo,
bloquée rapidement par de nombreux flics au niveau de la préf’. Nous
apercevons alors une énorme banderole anti-CPE déployée sur la Bastille, sur
les hauteurs de la Chartreuse. La manifestation devient sauvage et s’engage
dans la rue Jean Bocq, jusqu’à la place Paul Vallier, où se trouve le local
de l’UMP ! Quelques dizaines de personnes s’engouffrent dans l’entrée
d’immeuble où se trouve le local, tentent d’en défoncer la porte d’entrée,
puis finissent par ressortir suite aux menaces d’intervention policière. Les
plaques de présentation de l’UMP (et de l’UDF, ils font local commun, faut
croire) sont graffitées. Des volets du local de l’UMP sont ouverts, les
fenêtres brisées.A ce moment là, la confrontation entre flics et manifestant-e-s commence
vraiment, et ne s’arrêtera pas avant de longues heures. Une ou deux grenades
lacrymogènes sont lancées et une première dispersion a lieu.La majeure partie des manifestant-e-s se retrouvent non loin de la Chambre
de Commerce et d’Industrie, au coin du boulevard du Maréchal Lyautey et de
la rue Hoche. Les flics se ramènent, de plus en plus nombreux, déjà. Nous
sommes déjà moins nombreux, et nous avançons sans conviction dans la rue
Hoche. Des tas de flics gardent les entrées de la CCI (après que celles-ci
aient été forcées, en vain, par quelques manifestant-e-s).Rue Hoche, une voiture de police nationale est à l’arrêt, face à nous. Il
n’y a qu’un policier à son bord, mais la manif n’est pas encore chaude, ça
observe avant tout. La moitié des manifestant-e-s doublent la voiture de
police, puis celle-ci est caillassée et bousculée. Le flic sort et balance
en vrac deux trois grenades lacrymos, aidé dans la foulée par les CRS qui
gardent la CCI un peu plus loin. Nouvelle séparation de la manif, tout le
monde court, une moitié a le temps de s’engager sur la gauche, boulevard
Gambetta (je me trouve dans ce groupe, si d’autres veulent raconter un peu
comment ça s’est passé dans l’autre groupe...). Des CRS coupent la rue à ce
moment là et l’autre partie de la manif part de l’autre côté.Nous prenons donc le Boulevard Gambetta jusqu’à la place Gustave Rivet, les
flics aux trousses : nouvelle dispersion. Je fais partie de celles et ceux
qui se sauvent par l’avenue Albert 1er de Belgique. Les flics ne sont pas
loin derrière, on est de moins en moins nombreux, plusieurs d’entre nous
trouvant des planques en attendant de se retrouver, plus tard...Nous arrivons essoufflé-e-s dans le parc Mistral en passant à côté de la
Halle Clémenceau, et nous nous apercevons que deux motards de la police
nationale nous suivent de près ! Ils arrêtent l’un d’entre nous, et entre
l’épuisement et notre faible nombre, nous ne pouvons réagir. Dégoûté-e-s,
mais pas abattu-e-s, nous rejoignons la "fête" cégétiste, et là, on
s’aperçoit qu’il n’y a plus personne, à part quelques zélés du S.O. ! On
peut dire que sur les 60 000 personnes susceptibles d’assister au fameux
concert, pas grand monde n’a jugé intéressant de le faire (pourtant, la sono
avait été remise en état de marche). Quelques autres manifestant-e-s
arrivent sur le parc, on discute un peu de la suite, on se refile des
conseils et des infos. Puis on se dirige en petits groupes vers la préf’, le
centre-ville... On y croise d’abord des tas de flics, puis pas mal de
manifestant-e-s éparpillé-e-s. Il se passe quelque chose en même temps,
c’est sûr, mais on ne sait pas bien quoi encore.Nous rejoignons un important groupe de manifestant-e-s avenue
Alsace-Lorraine. Des odeurs de lacrymos, ça a chargé, caillassé,
lacrymogéné, du côté de la gare, puis sur le cours Berriat. Avenue
Alsace-Lorraine aussi. Nous bloquons le croisement Alsace-Lorraine / Jean
Jaurès, mais la flicaille arrive de tous les côtés, notamment la BAC qui
déboule du nord du cours Jean Jaurès. Nous filons vers le boulevard Gambetta
par des petites rues. Là, l’ambiance est déjà bien chaude, et c’est loin
d’être fini !Tout le monde se rassemble au fur et à mesure sur la place Victor Hugo, qui
devient spontanément le point de ralliement des manifestant-e-s. Toutes les
issues n’y sont pas bloquées. A chaque fois que les flics s’y pointeront,
ils seront caillassés avec divers projectiles trouvés sur place. L’ambiance
est plus que bonne entre les manifestant-e-s, ça discute de partout, on
s’encourage, on s’entraide (le sérum phy’ et le citron, contre les
lacrymos - lacrymos dont les flics ont fait grand usage ce jour là).Des affrontements sporadiques ont lieu entre la place Victor Hugo et les
petites rues du centre-ville. les flics ripostent à la lacrymo et en
chargeant. Un groupe important de manifestant-e-s s’éloigne sur le boulevard
Agutte Sembat en direction de la CCI. Des poubelles sont renversées en
travers de la route ainsi que toute sorte de mobilier urbain, pour bloquer
la circulation, car pendant tout ce temps de confrontation, les voitures
circulent tant bien que mal, et c’est parfois dangereux... Arrivé-e-s au
coin de la CCI, les manifestant-e-s continuent de mettre un max de trucs en
travers de la route. Un automobiliste fait son show et agresse quelqu’un qui
mettait une barrière de chantier en travers de la route. L’agression est de
courte durée car tou-te-s les manifestant-e-s alors présent-e-s soutiennent
l’action du blocage. Quelques minutes plus tard, des flics arrivent en masse
et coursent tout le monde. Nouvelle dispersion. Je me réfugie dans un
immeuble, ouvert par un manifestant, qui y cache quelques personnes pendant
un moment. Rencontres, discussions, on veut tou-te-s continuer, on est
chaud-e-s !Nous retournons vers la place Victor Hugo, qui se remplit de monde à
nouveau. Les flics sont là, armés jusqu’aux dents. La rage est là, "c’est la
guerre", ça parle guérilla urbaine et dépassement de la question du CPE. On
apprend qu’il y a déjà eu un paquet d’interpellations, que la plupart des
personnes arrêtées sont des jeunes maghrébins, ça parle haine de la police
et de la justice raciste.Les lacrymos volent par dizaines, mais la place ne se vide pas. Les
projectiles volent également nombreux vers la flicaille. Une dizaine de mecs
de la BAC font parfois de courtes apparitions, flashballés et casqués,
sortant de la rue du Dr Mazet, mais n’interviennent pas. On se demande à un
moment s’ils viennent protéger le magasin d’Air France parce qu’ils bloquent
devant pendant quelques minutes, mais finissent par le quitter en marche
arrière, pas vraiment rassurés.A force de charges et d’incessants ballets de lacrymos, les esprits
s’échauffent. Quelques voitures en subissent les conséquences. Les vitrines
du Quick tremblent, mais ne cèdent pas. Lors d’une salve de lacrymos, une
grenade atterrit sur le toit du chapiteau d’une patisserie, qui s’embrase.
Par ailleurs, une vitrine de magasin serait tombée en se prenant une balle
de flashball. Après la grenade lancée par erreur jeudi dernier chez des
particuliers du côté de la préf’, ça fait des bonnes bourdes à l’actif de la
police (rires).L’heure avance, au fil des affrontements, la place Victor Hugo se remplit,
puis se vide, puis se remplit. Fatigués de balancer des lacrymos en vain,
les flics jouent le jeu de l’apaisement et de nombreux cars de CRS se
retirent. Deux ou trois élu-e-s se ramènent avec leurs écharpes
bleu-blanc-rouge. A part quelques citoyen-ne-s, tout le monde s’en fout. En
tout cas, on sent que des syndicalistes et autres gauchistes sont
arrivé-e-s, puisque des "Retrait, retrait, retrait du CPE" sont entonnés.
Auparavant, les quelques slogans criés pendant la manif sauvage étaient
plutôt "La rue, la rue nous appartient" ou "L’Etat assassine, assassinons
l’Etat".Les syndicalistes (Sud, essentiellement) et les élu-e-s poussent pour partir
en manif "tranquille", ça suit, mais les manifestant-e-s restent dans
l’ensemble très énervé-e-s. Non seulement rien n’assure que le CPE sera
retiré, mais il est clair pour tou-te-s que nous ne sommes pas là seulement
contre le CPE. Nous sommes là pour exprimer un ras-le-bol bien plus global,
que même la démission d’un gouvernement ne calmera pas. "On va tout niquer,
sérieux !" Des poubelles sont renversées à nouveau sur le boulevard Agutte
Sembat mais des manifestant-e-s citoyen-ne-s insistent pour les ramasser et
les remettre sur le trottoir. Des discussions s’engagent dans le cortège sur
l’intérêt ou non de caillasser les flics, de mettre du bordel dans les rues,
etc. mais ce n’est pas toujours le bon moment, des flics en civil pouvant se
balader dans la manif avec une oreille indiscrète...Arrivé-e-s au croisement du tram Chavant, des barricades de fortune sont
installées avec les barrières de chantier qui s’y trouvent. La plupart des
voies sont bloquées, laissant des espaces pour pouvoir passer à pieds. Un
moment d’hésitation divise la foule. La bande à syndicalistes et pacifistes
(LCR et autres citoyen-ne-s) veulent nous emmener jusqu’au parc Mistral (un
nouveau stand bière-merguez ?), on se demande pourquoi... Une rumeur dit que
les élu-e-s voulaient négocier avec les flics la libération des personnes
interpellées, mais personne ne captait bien avec qui illes allaient bien
pouvoir négocier dans un parc. Négociations ou pas, la plupart des
manifestant-e-s (jeunes des cités, anarchistes, autonomes, révolutionnaires
de tous poils, et autres !) appellent à se diriger vers le commissariat,
parce que c’est bien là que nos potes sont enfermé-e-s. "Police partout,
justice nulle part", ou justice de classe et justice raciste partout
aussi... Deux bons tiers des manifestant-e-s se dirigent donc vers le comico
en prenant par le boulevard Jean Pain, mais la flicaille bloque. Quelques
pierres volent vers les flics, qui ripostent assez vite à la lacrymo, en
inondant le croisement jusque dans la rue Jean Bistési et l’avenue Jean
Perrot, toutes deux empruntées par différents groupes de manifestant-e-s.La place Pasteur est barricadée vite fait avec du mobilier urbain. les flics
se ramènent peu à peu, chargent ou feignent de charger, ça se disperse peu à
peu vers le sud, direction le lycée Mounier pour certain-e-s, place Gustave
Rivet pour d’autres, sous la menace de la BAC, arrivée en force de l’autre
côté du boulevard du Maréchal Joffre. La dispersion paraît définitive à ce
moment là, il était 18h30, mais franchement, je n’en suis pas sûr...
Peut-être que ça a continué du côté de Mounier ?Ce qui est sûr, c’est que la ville entière pue la lacrymo, que la ville est
jonchée de débris de grenades lacrymo, de cartouches et de balles de
flashball, de canettes et d’autres projectiles, ainsi que de poubelles et de
leurs déchets déversés, de barrages routiers improvisés avec du mobilier
urbain, etc. D’après une dépêche de l’Associated Press, "au moins une
voiture* a été renversée et plusieurs autres ont eu leurs vitres cassées.
Des incidents moins violents ont également eu lieu en centre-ville où deux
vitrines ont été brisées ainsi que dans le secteur de la gare". La violence
n’aura pas été extrême mais Grenoble a vécu aujourd’hui une série de petites
émeutes, dans toute la ville. Les caillassages et les blocages de rue ont
été très fréquents, l’impunité policière a pris un coup sur sa sale gueule,
ce qui n’est pas une fin en soi, mais si on veut en finir avec ce monde de
merde, il va falloir de toute façon en finir avec sa police (entre autres).Autre aspect et non des moindres, la plupart des grenoblois-es qui nous
croisaient faisaient part parfois d’une rage envers les flics similaire à la
nôtre. Petite anecdote, une fille rentrait chez elle cet après-m’ et les crs
lui ont balancé de la lacrymo. Elle a gueulé et ils lui ont répondu "vote à
droite !" (rires). La lutte contre le CPE focalise pas mal de mécontentement
contre le gouvernement, ou plus largement contre l’Etat et l’organisation
sociale du système dont nous sommes dépendant-e-s (notons que la gauche ne
sera pas non plus une solution à ces problèmes).Ce que j’ai trouvé génial et que je tiens à signaler pour contredire les
rumeurs sur les "casseurs" et les "cailleras" qui terroriseraient les
"gentil-le-s étudiant-e-s", c’est l’excellente ambiance entre tou-te-s les
manifestant-e-s (ou entre tou-te-s les "casseur-euse-s", si vous préférez).
On était des centaines, des milliers, même, pendant cinq heures on a bougé
tou-te-s ensemble, au-delà de nos clivages et de nos statuts ("cailleras,
keupons, même combat !"), uni-e-s contre les flics et l’Etat, avec un peu de
temps pour avoir de bonnes conversations et, surtout, beaucoup de plaisir à
agir ensemble. Il n’y a eu aucune agression entre manifestant-e-s. Il y a eu
beaucoup d’entraide. Et il faudra encore plus d’entraide et de luttes
communes pour briser la séparation qui existe entre nous, nos vécus, nos
parcours, selon qu’on est étudiant-e ou déscolarisé-e, blanc-he ou
maghrébin-e ou reunoi-e ou autre. Ce qui est sûr, c’est que dans ces moments
ces différences sont invisibilisées entre nous, mais pas aux yeux des flics,
qui conservent une mentalité et des réflexes racistes permanents.La solidarité active doit s’accroître ! La lutte continue !
Ni l’Etat ni la municipalité ne nous feront taire, NI SARKO NI DESTOT,
INSURRECTION ! -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 30 mars 2006Les autonomes sont de retour
Ils paraient vraiment incroyable que le cortège déguisè soit attribué à la CNT AIT. Comme s’ils étaient 200 ! D’ailleurs malgré des positions politiques trés intéressantes (Abstention en 2002, soutien aux émeutiers en Novembre...) force est de constater qu’ils sont un peu mou dans l’action. Ce cortège des clowns et autres a déja été experimenté dans bien des manifs dans le monde. Cela sert à mettre les rieurs de notre côté, faire chier les journalistes et autres flics SO. Si nous mettons des masques c’est que chacun est pris pour ce qu’il est : dans sa pratique, sa pensée et non sur des à prioris. En ce qui concerne Mardi à Toulouse les SO ont fait une grave erreur ils s’en sont pris à des jeunes apprentis du Batiment. Ce que les abrutis du Mirail dénomment pudiquement comme lascar pour cacher leur haine des pauvres qui se sentent libres dans les manifs, sont en fait des jeunes gens trés politisés. En s’adressant au SO : "Vous êtes contre nous, les flics c’est vous, nous on veut plus travailler...). A la prochaine manif certains feraient mieux de se planquer car ça va chauffer sévére. L’éducateur débile de la LCR devrait s’abstenir de venir. Les syndicats sont contre les ouvriers rien de nouveau. Les syndicats étudiants sont contre les pauvres, preuve en est pour Novembre où ils n’ont pas cru bon de bloquer la fac en protestation à la loi martiale qui sévissait à 50 métres de leur fac chérie. Que tous ces gens qui propagent des rumeurs débiles fassent attention des camarades autonomes sont étudiants. Ils savent d’où ça vient. A bon entendeur, Vive la révolution, mort à TOUS les syndicats, Autonomie ! ! ! -
Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 30 mars 2006COMMUNE INSURRECTION
Il est dangereux de laisser trop longtemps des étudiants bloquer leur université. On se rassure en se disant qu’il n’y a pas là de perte majeure pour l’économie. Pourtant, il n’est pas de pire calamité pour les gouvernements que cette bonne nouvelle qu’il s’agit maintenant, pour nous grévistes, d’annoncer à qui l’ignore encore. Nous avons durablement pris goût à cette situation d’exception qu’est la grève. Il n’y a jamais eu pour nous de joie commune, de liberté politique plus grande. L’interruption illimitée de la production a fait naître le désir de ne jamais s’arrêter, d’étendre cette liberté et d’abattre ce qui l’entrave. Le mouvement nous a appris que nul mode de vie n’est en soi une forme de lutte, que nul engagement politique individuel n’est capable à lui seul de dépasser la médiocrité de l’existence libérale contemporaine. Aujourd’hui pour la plupart des grévistes, vivre et lutter ne font plus qu’un.
Le mouvement n’est plus un surgissement de colère sans lendemain, il est le cours pris collectivement par des milliers de vies, à Rennes et ailleurs. Nous avons constitué dans l’urgence un front commun contre le CPE-CNE, la loi sur l’égalité des chances, et de la solidarité mal dégrossie de ce front s’est dégagée, affinée, une communauté de lutte, plus déterminée encore. Une communauté politique peu sensible aux bruits de couloirs ministériels sur « l’aménagement » du CPE, indifférente aux tractations et manœuvres présentes et à venir entre gouvernants et dirigeants syndicaux qui depuis longtemps ne représentent plus rien. Ceux qui appelleraient à l’arrêt de la grève sans que nous obtenions au moins ce que demande l’AG passeraient immanquablement pour des traîtres. On ne peut plus négocier impunément.
Au fil des semaines, la fac est devenue notre lieu. Les anti-grévistes ont perdu l’espoir de reprendre les cours. Les conservateurs, le parti de l’ordre, tous ceux qui tiennent par quelque côté au maintien de l’état de choses, ont fui le campus, ou se cachent ; leurs quelques alliés dans le mouvement cherchent, le plus souvent, à passer inaperçus. Aujourd’hui, presque toutes les facs ont leur hall B, leur commune en puissance, dont il ne saurait, pour le moment, n’y avoir de reprise en main que par voie policière. La commune, c’est le processus de dissolution des institutions politico-économiques, et en vérité, il n’y a plus ci d’université, fut-elle « libre », « populaire » ou « autogérée », mais seulement une communauté d’étudiants en lutte qui réfléchissent en situation, pressés non de reprendre les cours, mais de lutter au côté des chômeurs, des précaires, des ouvriers. La commune, c’est la sécession collective d’avec la légalité et les titres de propriété qui ont cours dans le capitalisme, c’est la mise en commun des biens, idées et affects : la constitution d’un monde commun. Elle est déjà là, c’est à dire : elle est à construire.
Le mouvement par lequel, avant la grève, nous allions du hall B à la gare, au Colombier, aux boîtes d’intérim d’Henri Fréville, était celui de notre sollicitation subjective permanente par le capital : la mobilité d’une force de travail occupée à s’entretenir, s’optimiser, s’auto-exploiter ; aujourd’hui, les piquets de grève de la commune interrompent tout, circulation des marchandises, paisible socialité désincarnée des centre-ville et spectacles culturels corollaires, tragique banalité du contrôle social et de l’exploitation.
Ainsi l’évidence se fait-elle jour que la commune est l’insurrection même, qu’il n’y a de commune qu’insurrectionnelle, trouvant à s’alimenter dans le foyer qui l’a vu naître, ne se satisfaisant ni des limites d’un territoire, ni des manifestations symboliques qui ne dérangent personne, mais continuant, sous des formes variées, une offensive ininterrompue contre les dispositifs de l’ennemi. Parmi ceux-ci, on rencontre la classique opération de division entre « casseurs » et « manifestants pacifiques ». A l’heure où le gouvernement ne cache plus sa volonté d’anéantir, comme en novembre, le mouvement par des vagues massives d’arrestations et de condamnations, il est plus que jamais nécessaire de rappeler, par delà l’hétérogénéité certaine de ses expressions, l’exigence d’unité du mouvement contre ceux qui veulent l’étouffer.
Le mouvement, depuis sept semaines, va de seuil en seuil : il rejette la médiation de la Présidence, désavoue le dogmatisme de la non-violence en toutes circonstances, percevant bien en quoi une telle « position » pet contribuer au succès des tentatives gouvernementales pour casser le mouvement. Les modalités d’un blocage de l’économie rennaise sont désormais envisagées ; l’AG s’est, à plusieurs reprises, prononcée pour une rupture avec le capitalisme. Après sept semaines de blocage, plusieurs jours et plusieurs nuits d’affrontements et une détermination intacte, la question à l’ordre du jour est bien celle de l’insurrection.
Mesurons dès maintenant qu’il n’y aura de grève générale que malgré les directions syndicales ; celles là n’en veulent pas, parce que la grève générale, c’est l’insurrection, c’est à dire la fin des négociations, et donc des négociateurs. Cessons de croire aux interpros qui ne sont que des intersyndicales, à la distribution aux portes des usines de tracts qui se contentent d’informer sur notre mouvement et d’appeler abstraitement à une « mobilisation » sans contenus ni perspectives. Ce qu’attendent nombre de précaires et de salariés pour nous rejoindre, c’est que nous nous donnions les moyens de provoquer une crise majeure du régime, et par delà le retrait ou non du CPE, de renouer avec la puissance révolutionnaire du mouvement ouvrier, qui lui permettait d’imposer à la bourgeoisie des reculs successifs et durables. Cette fois-ci pourtant, le bocage de l’économie, l’interruption des flux de marchandises ne sera pas la conséquence, mais le préalable de la grève générale. Il s’agit pour nous de rendre sensible, par la généralisation du blocage, la possibilité pour tout un chacun de s’arrêter, de ne pas aller travailler. De rendre tangible la possibilité révolutionnaire contenue dans le mouvement, comme une proposition adressée à tous, d’y participer ou non.
La grève générale, ça n’est pas défiler à deux ou trois millions une fois par semaine, c’est la situation où en tous lieux, comme ici à Villejean, l’autorité des patrons est destituée, où en tous lieux s’affirme la commune comme processus d’indistinction entre vie et lutte collective, se substituant à la poursuite de l’activité économique. Le mouvement, chacun le perçoit, va bien au delà de contester un certain type de contrat, demander des créations d’emplois ou défendre tel ou tel secteur d’emplois menacé de disparaître, pour la simple raison que ceux qui le composent s’emploient à renverser un ordre qui borne l’horizon existentiel de chacun à ce triste sort : « trouver un emploi ».
Quel que soit le devenir du mouvement, il nous aura appris que la première exigence pour qui veut constituer une force politique est de fonder la question de la subsistance matérielle et affective comme question collective, et non comme un point de faiblesse par lequel nous serions perpétuellement acculés, chacun, isolément, à se vendre à un employeur, à retourner à sa vie privée. Il nous faudra nous employer aussi à ce que le travail, l’argent, les biens et denrées circulent dans le mouvement de manière à ce que nous soyons pleinement disponibles à ce que la situation exige de nous. Il n’y a, assurément, rien de mieux à faire que s’organiser en vue de confrontations d’une autre envergure.
Enfin, à ceux qui veulent nous distraire avec des questions du type « Et par quoi remplaceriez vous ce capitalisme que vous détestez tant ? », enjoignons les à regarder mieux, à voir que nous le dissolvons dès maintenant comme réalité éthique, en nous, parmi nous, et que nous n’aurons de cesse qu’il en soit ainsi partout.
L’alternative est ici même, dans le devenir insurrectionnel du mouvement
Rennes, le 27 Mars 2006
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 1er avril 2006"C’est par les prises de parole, les inscriptions sur les murs et dans le métro, le bouche-à-oreille et les médias alternatifs que nous rétablierons la vérité, que nous créerons des liens, des connivences."
Voilà une semaine que des affrontements opposent des gentes déterminé- e-s aux forces casquées du gouvernement.
Depuis la prise de la Sorbonne et son évacuation, les unes des journaux figent le mouvement « anti-cpe » dans une phase « violente », oeuvre de « casseurs » (uniquement des hommes bien entendu...).
Depuis une semaine, je discute avec mes voisin-e-s du métro ou du RER, avec la plupart des employé-e-s assis-es derrière les caisses de supermarché, des conducteurs de transports en commun que j’utilise. J’ai toujours reçu du soutien envers la lutte que nous menons.
Certes j’ai dû souvent expliquer l’usage spectaculaire du mot « casseurs » par les médias, expliquer qu’il s’agit bien de manifestant- e-s (et nombreu-ses-x de surcroît), qu’il n’y a rien de gratuit dans ces actes, qu’ils montrent juste la détermination d’un mouvement qui ne souhaite pas connaître les mêmes échecs que les précédents, qui vise à tout prix à éviter les mêmes erreurs.
Que Villepin ne retire pas son texte, ni aujourd’hui, ni demain, ni dans une semaine, qu’il s’obstine, c’est ce que nous voulons tou-te- s : que la lutte perdure, que les discussions déjà amorcées se développent, s’amplifient... et que chacun prenne enfin position : pour ou contre le monde que l’on propose et que subissent les plus précaires, celleux qui n’en peuvent plus de leur boulot, de leur patron, de leur vie.
Car nous sentons partout, dans l’air et dans les mots, un soutien, des questionnements, une envie que ça explose.
Nous cherchons un lieu (ou plusieurs) qui puisse devenir un point de ralliement, un lieu de convergence où tou-te-s les grévistes, du public comme du privé, les précaires, les activistes et les autres pourraient se rencontrer, partager leurs expériences, leurs souffrances, leurs espoirs et repartir avec l’envie de continuer, de pousser plus loin le combat que nous avons commencé.
Nous voulons la grève générale, que la machine s’arrête, que la routine soit cassée. Nous voyons déjà les sourires, la joie qui animent celleux qui en veulent à ce monde, celles qui sont déjà en lutte.
Nous nous reconnaissons dans la rue sans nous connaître. Nous ne sommes plus des anonymes.
Nous ne voulons pas de chefs, ni de porte-parole. Celleux qui existent, nous ne les reconnaissons pas. Que certain-e-s s’assoient à la table du gouvernement et illes seront désavoué-e-s. Nous n’avons rien à négocier et tout à prendre. Nous le savons maintenant plus que jamais.
Chirac a été élu contre Le Pen, sa majorité s’est installée grâce à l’abstention de l’électorat de gauche.
Les lois, les décrets, les ordonnances appliquées depuis sont illégitimes, comme les gouvernements qui se sont succédés.
Tout est passé : des politiques qui s’attaquaient aux plus faibles, aux plus dominé-e-s (sans-papiers, chômeur-se-s, rmistes...), des lois qui, pourtant, avaient réussi à former contre elles de véritables mouvements (retraites, réforme Fillon...), des mesures policières « d’exception » qui sont devenues la règle.
Nous avons vécu l’Etat d’urgence et la répression des émeutes d’Octobre-Novembre 2005. Passif-ve-s. Cela n’arrivera plus.
Nous voulons faire plus qu’un « coup d’arrêt. » Nous critiquons ce monde et les valeurs, les évidences qu’il porte en lui. Nous critiquons l’Ecole et la formation, le salariat, la croissance et le « plein emploi », le progrès et son cortège de destruction. Nous critiquons les rôles que la société voudraient nous faire jouer : nous ne serons pas des cyniques sans pitié, des « gagnants » prêts à écraser les autres, des consommateurs passifs ou des esclaves.
Nous ne combattons pas que la précarité, nous combattons l’exploitation et la soumission obligatoire. Nous savons qu’illes sont nombreu-ses-x celleux qui n’osent plus s’opposer. Et illes n’ont ni un CPE, ni un CNE, mais un CDI ou un contrat précaire.
Nous combattons pour une dignité bafouée, piétinée sur l’autel de la compétition capitaliste.
Voilà pourquoi les soutiens affluent, la colère mûrit et une grêve générale s’annonce (peut-être).
Nous savons qu’il n’y a pas d’alternative à gauche pour 2007, que les urnes ne nous amèneront que de nouvelles déceptions, que tout est à faire ici et maintenant de manière autonome, sans compter ni sur les syndicats, ni sur les partis.
Nous n’avons aucune confiance dans les médias et nous ferons tout pour mettre à nu les mensonges qu’ils répandent.
C’est par les prises de parole, les inscriptions sur les murs et dans le métro, le bouche-à-oreille et les médias alternatifs que nous rétablierons la vérité, que nous créerons des liens, des connivences.
Enfin, la lutte ne doit pas s’arrêter aujourd’hui pour une autre raison : les interpelé-e-s, les inculpé-e-s de ces derniers jours, de novembre, de tous les mouvements sociaux de ces dernières années ont besoin de notre soutien total pour qu’une amnistie soit possible.
Nous ne lâcherons rien (ni personne) !
Solidarité entre tou-te-s les insurgé-e-s quelque soit leurs modes d’action ou d’intervention !
PS - Ce « nous » est celui de tou-te-s celleux qui se reconnaîtront dans ce texte et de celleux qui me l’ont inpiré... Vous pouvez en faire ce que vous voulez : tract, appel
- Pour tuer l’argent, brûlons tous les diplômes ! (tract diffusé à partir du 10 mars 2006), , 1er avril 2006
Pour tuer l’argent, brûlons tous les diplômes !
Le soulèvement de novembre 2005 a été un soulèvement contre l’exploitation et l’humiliation subies par plusieurs générations de prolétaires. La critique en acte des inégalités sociales a été menée par les fractions les plus fragilisées de la société de classes contre le désir de cette société de se perpétuer dans le mensonge de l’égalitarisme républicain. Dorénavant, le CPE consacre officiellement la dévalorisation marchande des études et des diplômes et remet en cause les vieilles bases de l’inégalité et de l’exploitation sociales pour les radicaliser.
Aujourd’hui, défendre la valeur des diplômes, c’est défendre la logique d’un contrat social et d’une société qui nous a menés tout droit au CPE. Il n’y aura donc pas de retour a des formes antérieures et masquées de l’exploitation, l’exploitation marchande doit se poursuivre dans des formes collectives toujours plus visibles.
Ici et là, une certaine candeur veut encore croire à l’avenir possible d’une société humainereposant sur l’élimination systématique des pauvres. Mais aucun gouvernement de droite ou de gauche, ni aucun projet de réforme sociale de l’économie, n’ont pu et ne pourront mettre fin à la violence physique des inégalités réelles subies chaque jour par des millions d’individus isolés. S’attacher à défendre un système basé sur la sélection sociale au nom de règles soi-disant équitables et scientifiques, c’est accepter un monde divisé en perdants et en gagnants.
La seule arithmétique qui opère en ce monde, c’est la régulation de tout échange humain sous le règne de l’argent. L’argent dirige toutes les possibilités, toute élaboration de l’existence. Aucun marchandage des diplômes ne nous préservera du nivellement généralisé de la vie à son équation marchande. Contre cela, la seule égalité qui vaille c’est le refus organisé des institutions de reproduction du patrimoine et de la propriété privée dont l’Université est un des maillons. La mixité sociale au détriment des pauvres n’est que la continuation de l’égalitarisme républicain.
Vouloir un autre monde possible avec la conservation des chances d’accéder à un statut économique confortable condamne le plus grand nombre d’entre nous à la misère capitaliste. Car dans la société marchande, il n’y a pas de satisfaction économique sans sacrifices humains. Un mouvement qui se limiterait au seule retrait d’un projet de sélection sociale radicalisé comme le CPE serait le maintien du mythe de l’humanisme marchand.
Le mouvement contre la sélection sociale doit maintenant partir de toutes les sphères de la société s’il ne veut pas mourir. Chômeurs, travailleurs pauvres, immigrés, non-diplômés, étudiants ont un seul et même ennemi à abattre : la démocratie des exploiteurs marchands.
Des esclaves sans diplômes solidaires des esclaves diplômés.
- Pour tuer l’argent, brûlons tous les diplômes ! (tract diffusé à partir du 10 mars 2006), , 1er avril 2006
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Une pensée pour les émeutiers..., , 2 avril 2006Aucune revendication pour les banlieusards dans les AG. Personne ne se sent concerné par les évènements de novembre et décembre, pas même les étudiants. Alors rendez-vous prochainement, lorsque ceux qui ont tout misé sur leurs études pour s’en sortir et qui se retrouvent le bec dans l’eau décideront d’agir.
Déçu et dépité...Je constate qu’une fois encore, nous, banlieusards, nous sommes seuls...
Lorsque qu’on essaye de parler des émeutes qui ont secoué le pays ces derniers temps, on nous rétorque que cela n’a rien à voir avec le mouvement anti-cpe. C’est vite oublier que cette proposition gouvernementale est apparue suite à ces évènements. C’est vite oublier aussi que la précarité, c’est nous qui la subissons en premier lieu et que les émeutes étaient la conséquence de cet état de fait.
C’est vrai, j’oubliais que cela était le fait de délinquants qui ne pensent qu’à semer le désordre. Merci la propagande !
J’ai été déçu de ne pas avoir à ce moment le soutien des étudiant et je suis déçu de voir que même maintenant vous ne vous sentez pas concerné.. J’aurais aimé que vous nous apportiez votre maturité politique et votre sens de l’orgnisation. Y’a-t-il eu ne serait-ce qu’une tentaive d’AG à ce moment-là ?
Si, pardon, certains pensent à nous uniquement lorsque qu’ils sentent le mouvement se durcir et qu’ils ont besoin chair à matraque. Et vous ferez quoi lorsque certains seront emprisonnés ou renvoyés dans leurs pays ?
Je suis contre le CPE même si je sais qu’au fond, quoiqu’il arrive, on sera toujours les premiers exploités et précarisés. Je n’ai plus d’illusions...
Maintenant, puisque le message que je ressens autour de moi c’est "débrouillez-vous", je tiens à tous vous mettre en garde.
Une génération de banlieusards se trouve désoeuvrée car on leur à toujours dit que les études leurs permettront de s’en sortir. Cette génération a eu accès au savoir et à la culture politique. C’est cette génération qui tente d’étouffer sa rage en espérant des jours meilleurs. Mais un jour ou l’autre elle est confrontée aux discriminations et à l’injustice.
Cette rage, un jour, explosera.
Ne vous attendez pas à un mouvement soft car ce qui est contenu durant 20 ou 30 ans ne saurait être controlable. Ne vous attendez pas non plus à des émeutes car nous avons compris que les premières victimes, c’est nous.. Les actions seront organisées, ciblées, calculées et légitimmées par des argumentations politiques et je vous assure qu’elles prendront vite une tournure violente. Que vous le vouliez ou non, vous serez concerné car ce mouvement ne se cantonneras pas qu’aux cités.
Tant que tout le monde fait la sourde oreille et nous fait comprendre que l’on est toujours les brebis galeuses de cette société, notre rage s’en trouve que grandie. L’issue ne peut être que tragique.
Tant que les revendications étudiantes ne préciserons pas la libération et le retrour en France des émeutiers, j’ai du mal à me sentir concerné puisque je le répète, CPE ou non, cela ne changera rien pour nous.
Lorsque nous nous reveillerons, nous, étudiants venant de cités, vous pourrez nous traiter de tous les noms : racailles, délinquants, casseurs, terroristes et j’en passe. Mais, en mon âme et conscience, j’en aurais plus rien à foutre.
On nous laisse guère le choix...
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Ballade nocturne dans Paris, , 3 avril 2006Un rassemblement avait été appelé par les syndicats
étudiants et lycéens place de la Bastille.
Peu après huit heures, un premier cortège quitte la
Bastille par la rue de Rivoli en direction de
l’Elysée. Arrivé devant les grilles de l’Assemblée
après avoir passé le pont de la Concorde, le cortège
rebroussait chemin et reprenait la rue de Rivoli en
sens inverse.
Pendant ce temps, un second cortège parti de la
Bastille avec environ une heure de retard sur le
précédent empruntait lui aussi la rue de Rivoli. Les
deux cortèges qui progressaient donc en sens inverse
se rejoignaient devant le Louvre.
Comme les quais semblaient occupé par les flics, le
cortège prenait la direction du Nord par la rue du
Louvre. Arrivé aux grands Boulevard, le cortège
bifurquait vers la gauche en direction de l’Opéra.
Sur cette partie du parcours, la LCR, seule
organisation visiblement présente, prenait beaucoup de
place : banderole, drapeaux, camion son et surtout
service d’ordre tentant d’encadrer la manif sous les
huées d’une bonne partie des manifestants.
De l’autre côté de la place de l’Opéra, le chemin est
barré par une ligne de CRS. Le cortège prend donc la
première rue sur la droite, puis tourne à gauche pour
contourner le barrage. Arrivé place de la Concorde, le
cortège ignore les rangées de flics qui barre l’accès
à l’Elysée et fonce vers le pont pour atteindre les
grilles de l’Assemblée Nationale. Les cars de flics,
toute sirènes hurlantes, tentent de prendre position
et parviennent à couper le cortège en deux sur le
pont. Pendant ce temps, les premiers manifestants font
face au grilles, sur lesquelles une banderole est
attachée. Certains tentent de les escalader. Un cordon
de flics fend soudain la foule pour l’écarter du
voisinage immédiat des grilles.
Le cortège repart par le boulevard Saint-germain aux
cris de « à la Sorbonne ! ». Toutefois, nouvelle
bifurcation rue de Rennes puis en direction du Sénat.
L’accès à la porte principale du Sénat est bloqué par
les flics qui barrent la rue. Devant eux, le SO de la
LCR forme une ligne : ce sera la dernière fois qu’on
le verra de la soirée. Sur les arrières, une petite
porte qui donne dans le Sénat est sur le point de
céder sous les assauts des manifestants : mais le
cortège avance et les assaillants renoncent. La porte
est légèrement entrebaillée.
Ayant tourné à droite, le cortège rejoint le Boulevard
Saint Germain au niveau de l’Odéon. Les manifestants
se précipitent à la Sorbonne, ou ils retrouvent la
seconde partie du cortège qui avait été séparée vers
la Concorde. Les grilles devant la Sorbonne sont
attaquées, et les flics répliquent par des gaz
lacrymogènes.
Après un temps de flottement, le cortège rebrousse
chemin sur le Boulevard Saint-Michel et prend la
direction de Châtelet. Il est alors presque minuit et
demi, et la déambulation dure depuis trois heures. Il
est difficile d’évaluer le nombre de gens qui
participent à la manifestation nocturne. Le cortège
s’étire : il y a plusieurs milliers de personnes
peut-être.
Passé l’île de la cité, la manifestation change de
nature. Toute trace de la LCR a disparu. En arrivant
dans des quartiers populaires, de nouveaux
manifestants viennent se joindre au cortège. Sur le
boulevard de Sébastopol, les manifestants renversent
des poubelles et érigent de petites barricades pour
retarder la progression des flics qui commencent à
suivre le cortège dans leurs camions.
Le cortège prend le Boulevard Magenta et certains
manifestants commencent à choisir des cibles : des
agences d’intérim, puis un Mac Do sont attaqués. Les
poubelles sont toujours renversées et des barricades
sommaires dressées.
Arrivé à Barbés, le cortège tourne à gauche sur le
Boulevard et progresse jusqu’à Pigalle. Puis il prend
à droite et commence à escalader la butte Monmartre.
Les manifestants, qui marchent d’un pas encore vif
malgré le chemin parcouru, arpentent les rues aux cris
de : « Paris debout ! réveille-toi ! ».
Enfin, c’est l’arrivée devant le Sacré-Coeur.
Immédiatement, celui-ci est couvert d’inscriptions : «
la commune vaincra », « 1871 – 2006 », etc... Des
manifestants cherchent à enfoncer la porte ou à
endommager le bâtiment, symbole de la semaine
sanglante. Un feu est allumé sur l’esplanade qui
domine Paris. Mais très vite, les CRS avancent en
nombre. Après un peu d’hésitation, la foule repart en
descendant les escaliers de l’autre côté de
l’esplanade. Il est alors environ deux heures moins le
quart. La foule est toujours impressionnante : il y a
encore des centaines, peut-être des milliers de
personnes, malgré l’heure tardive. Mais arrivé en bas
des escaliers le cortège s’étire. Certains restent en
arrière, d’autres avancent et retournent sur le
boulevard. Les vitres d’un Mac Do volent en éclat.
Petit à petit, une dispersion tout aussi spontanée que
la manif elle-même s’esquisse. Il est alors un peu
plus de trois heures du matin et la manif sauvage dure
depuis presque sept heures...
Quelques irréductibles allument un feu sur le
boulevard Rochechouard, d’autres repartent dans
différentes direction. Les Bacs en tenue anti-émeutes
arrivent, et les flics commencent à sillonner les
rues. On apprendra le lendemain qu’un cortège est
tombé sur la permanence de Pierre Lellouche et l’a
ruinée. Une centaine de personnes ont été arrêtées, et
il y a eu plusieurs garde à vue. -
BIFURCATION, , 3 avril 2006Dans ce mouvement, la révolte n’est pas feinte, ni
tout à fait encadrée. Des actions non-symboliques,
comme le bloquage des routes et des gares, se
multiplient, ainsi que les affrontements durant les
manifestations.Pourtant, il nous paraît impossible de nous contenter
de manifester comme nous l’avons fait jusqu’à présent.
D’abord, parce que nous revenons toujours frustrés de
ces défilés où les mots d’ordre ne sont pas les
nôtres, où nos déplacement sont contrôlés, où les
organisateurs voudraient nous disperser à l’heure
dite. Ensuite parce que ces manifestations sont
dangereuses pour tout le monde, la police et les
syndicats se mettant d’accord sur le parcours et
surtout sur le fait de finir dans un cul de sac, dans
une nasse pour faire du chiffre ENSEMBLE, pour
interpeller le plus possible parmi ceux qui refusent
de se disperser et d’attendre la prochaine "journée
d’action". Au cours des 4 derniers défilés, ce sont
près de 1 300 interpellations qui ont eu lieu. Rien
que lors de la manifestation du 28 mars, où la
collaboration entre la police et les services d’ordre
des syndicats nous a été présentée comme optimale, ce
sont 600 manifestants qui ont été arrêtés.MANIF SAUVAGE
Si vous souhaitez sortir des rangs et participer à une
manifestation sauvage, joignez vous au cortège
derrière le grand drapeau rouge et le grand drapeau
noir.Tenez vous prêts !
PARIS, DEBOUT, REVEILLE TOI !
AG en lutte Paris, 3 avril 2006
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L’angoisse du manifestant au moment des arrestations, J., 4 avril 2006Il est 13h30. La fin du cortège de la manif marseillaise passe place Castellane. La dispersion est 500 mètres plus loin. Sur la fontaine, un peu comme sur la photo, il y a une bande de cinq types assez jeunes qui agitent des fumigènes orangés.
Ils se passent l’objet, à tour de rôle, et l’agitent quelques secondes. On les regarde, je les regarde. Je suis à trois mètres. Dans mon dos, deux types avec lunettes de soleil et talkie-walkie les regardent. Il fait chaud. L’ambiance est détendue. 200 000 personnes ont défilé jusqu’à cette place. J’en suis content de les voir se marrer tous les cinq. Ils ne savent pas bien les faire marcher leurs trucs, ils tatonnent, ils tapotent, ils argumentent. Ce sont presque des gamins. Des minots. Comme sur la banderole que j’ai vu sur le parcours : des minots, qu’on "ne laissera pas tomber".Quand le dernier fumigène tombe dans l’eau de la fontaine, le PCF passe devant nous en chantant l’Internationale. Tiens tiens... C’est assez peu courant...Je me retourne, et les flics ont doucement empoigné les gamins et les amènent sans heurts, sans cris, sans bousculade de l’autre côté de la place. C’est feutré, ou presque. Il y a là-bas une voiture de patrouille qui barre la rue. Je les suis et je dis à mes copains qu’on est en train de les embarquer. Je m’approche. Des civils arrivent. La BAC et ses matraques, pubis en avant. Autour des gamains, peut-être 15 flics. Autour des flics, on est quoi 6, 8, 10 ? Je me dis que je vais crier un truc genre "police partout, justice nulle part !", que quelqu’un va crier. Des centaines de personnes passent autour de nous en revenant de la manif. Ils passent et personne ne s’arrête. Il n’y a pas de raison de s’arrêter. Je regarde mes potes, plus loin et en fait, eux et moi, on a peur. Je suis tout près des flics et je me rend compte que je suis tout seul, que je peux me prendre un coup de matraque en quelques secondes.
Il fait toujours très beau. Les gens autour passent, de retour d’une manif réussie. Ils ne peuvent pas voir ce qui se passe, parce que ça n’a rien de spectaculaire. Quelques flics et quelques jeunes. Des anars passent de l’autre côté de la place.Une voiture bleue arrive. On fourre les jeunes dedans. La voiture part. J’ai mal au bide.
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APPEL DE L’ASSEMBLÉE DU 4 AVRIL 2006, , 5 avril 2006APPEL DE L’ASSEMBLÉE DU 4 AVRIL 2006 tenue à l’annexe
occupée de la Bourse du Travail rue de TurbigoL’assemblée, réunie ce jour, constituée de lycéens,
étudiants, précaires, chômeurs, travailleurs et
ex-travailleurs, appelle à la grêve générale illimitée
et au blocage des moyens de production et des axes de
circulation.L’assemblée appelle aussi à ne pas suivre les
consignes syndicales qui proclameraient la fin du
mouvement et le début de la négociation. Elle invite à
poursuivre la formation de collectifs dans les
quartiers, les lieux d’étude, les lieux de travail, et
à leur coordination.Bien au-delà du CPE et de la loi sur l’égalité des
chances, cette lutte ne se limite pas à la demande de
garanties supplémentaires face à la précarité
croissante et constitutive de ce système. Elle remet
en question les bases mêmes de sa légitimité. Notre
situation dans le capitalisme ne peut de toutes façons
aller qu’en s’empirant. -
A bientôt cpe [Indymedia], , 13 avril 2006Même pour ceux qui voudraient que ça s’arrete ça continue et ça les concerne
ayé le cpe disparait mais il reviendra, plus tard, sous une autre forme ou par petits bouts. en attendant il est remplacé par une mesure qui ne concerne que les non diplômés, autrement dit ceux qui n’avaient pas de koi se payer des études, ceux ki n’ont pas suporté l’école, ceux qui ne parlent pas français, et d’autres... est-ce pour les aidés à s’integrer ou pour les jetter en patûre aux profiteurs sans vergognes ? au regard de bcp d’éléments on pourrait pencher pour la 2e réponse. quand bien même on voudrait les "integrer", les integrer à quoi ?les politiques nous brandissent un nombre incroyable de pretextes (integration, chômage, terrorisme) pour nous faire accepter un nombre encore plus incroyable de mesures restrictives, de controles, de soumission (cpe, caméras, flics avec les pleins pouvoirs, fichier STIC...)
le combat continu qu’on le veuille ou non, car on est pas prets de ne plus recevoir de coups. libre a chacun de se laisser faire. ceux dans les hautes spheres qui qualifient ce "remplacement" de victoire sont ceux qui ont tout interet a ce que la situation se calme, ou qui veulent tirer profit de l’afaiblissement du gouvernement a des fins personnelles.
A-t-on réellement envi de s’integrer à cette "société" ? cette chose qu’on nous désigne comme le seul ordre viable et durable, la seule maniere d’exister qui ne déshonore pas notre nature d’humain. pourtant on sait, on voit, on sent, on vit cette état de fait comme nuisible. nuisible individuelement, pour une immense majorité, et collectivement, pour notre espece, notre environnement.
bref jarrete la de vous rabacher ce que vous savez tous déjà, je voulais juste dire que pr moi la question de la continuation ou pas du mouvement ne se pose meme pas. les raisons de se battre sont toujours là. evidemment la situation et l’issue ne sera pas la même si nous sommes 5000 ou 500 (ou 20 comme lautre jour), mais le combat continu de fait.
ces 2 mois de mouvement et toute les discussions auxquelles g participé ou que jai entendu, m’ont à la fois donné de l’espoir et fait prendre conscience de l’ampleur de la tâche à accomplir. g compri que si on dressait la liste de tout ce qu’il faut changer en profondeur, elle ferait des kilometres. s’attaquer à la base me semble impratiquable ajd. il faut continuer juska ce ke les mouvements prennent de l’ampleur et se rejoignent pour submerger le capitalisme, l’injustice, l’inégalité, la domination/soumission, le mépris.
les raisons immédiates de se battre sont bien là : luttons pour le retrait de la loi sur l’(in)égalité des chances, le CNE, l’immigration choisie, le fichier illégal de sarko, les expulsions de sans papiers, les rafles policieres, la repression abusive...
ou comme le dis ce texte, ne revendiquons rien, prenons, occupons.
notre rage suffit comme raison
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Le travail est fini, finissons-le !, , 17 avril 2006Je ne parle évidemment pas du travail contre le « C’est peu » ou les récentes lois capitalistes connexes, parce qu’il ne s’agit pas là d’un travail, tout au contraire. Notre printemps 2006 aura été une lutte centrée sur la notion de travail, et, par certains aspects, il fut même une révolte contre le travail réel dans la perspective de sa fin définitive.
Comme le disait un ami pendant la phase ascendante du « mouvement » (je n’utilise cette appellation que dans le strict sens que lui confère le tract « Avril 2006 – Mouvement » signé Le Gang Déprimeur) : « Plus il prend de l’ampleur, plus un petit bout devient intéressant. » Ce bout, le plus actif et créatif, ne combattait pas la forme juridique du contrat. Il n’avait que faire d’atténuer le caractère absolument inégal de la relation entre travailleur et patron au profit exclusif de ce dernier pour deux ans. Il était d’ailleurs évident, dès le 7 mars, que des représentants viendraient intermédier cette relation pour cogérer cette précarité, déjà bien réelle. Il s’agissait plutôt, et le bourgeonnement révolutionnaire des spectres de mars vint de là, de se saisir de cet aveu de toute-puissance pour « pousser le monde qui s’écroule » (titre d’un autre tract). Les diverses sauvageries de mars, comme celles de novembre, sont les conséquences nécessaires d’une fin du travail devenue palpable, et non plus seulement désirée comme en 1968.
La vérité subjective de 68 – « Ne travaillez jamais », « Jouissez sans entrave » – rencontre un contexte objectif généralisé où la fin du travail entre dans les mœurs. Car la sophistication des appareils de production a désormais atteint un point de non-retour tel que l’amenuisement du temps travaillé oblige les représentants à cogérer le temps libéré pour le rattacher au nœud salarial. Parallèlement, les entraves aux désirs nous sautent non seulement aux yeux dans nos urbanismes aseptisés des centres et carcéraux des périphéries, d’où le sens de la casse. En perdurant, le capitalisme ne peut que nous engloutir encore sous le tas de merdes de marchandises sans qualité et directement ou indirectement mortelles.
Par son indiscipline volontaire, l’activité du printemps 2006 aura cherché à compenser son incapacité à générer une grève authentique de salariés interrompant réellement le rapport salarial et le travail. Aux canalisations représentationnelles de la contestation, ont été opposées des AG occupationnelles où la démocratie avait si peu besoin de s’invoquer et de se régler pour s’exercer qu’elle en dénia son nom même et où s’analysait la situation et se décidaient les actions. Ces formes avaient toutes le rapport salarial et ses effets pour cibles et leur dépassement pour perspective. Ces expériences vécues finissaient le travail comme on achève un mort. Elles le firent certes brièvement et en peu d’endroits, mais elles le firent.
http://paris.indymedia.org/article....- Le travail n’est pas fini, puisque l’argent existe !, , 19 avril 2006
Camarades,
Modérez vos transports !Quand bien même vous vous en priveriez, ce sont ceux de votre entourage qui devraient pourvoir à votre entretien, encore avec de l’argent. Tout se paye et donc le travail existe (sous d’autres formes certes). La production est infinie dans ses transformations. Encore aujourd’hui, les esclaves travaillent pour survivre. L’argent détermine les possibilités de survie. Vous-mêmes n’êtes pas sortis de l’argent et de la nécessité d’en avoir. Comment pouvez-vous dire que "le travail est fini" ? Mais peut-être parliez-vous de l’idéologie du travail, ce qui n’est pas le même plan de l’existence ni affronter et combattre le même genre de difficulté. En effet, sur le plan idéologique, tout s’use assez rapidement, post-modernité oblige. On ne fait jamais que pousser des branches pourries quand on s’en prend aux idéologies. C’est facile et agréable. Cela ne mange pas de pain et chacun conserve son statut économique...Car sur le plan des rapports sociaux réels c’est une autre paire de manche. Les "persistances rétiniènes" sont innombrables. Tant qu’il existe un seul homme devant travailler pour se nourrir et se loger, le travail triomphe. La proposition "le travail est fini" est donc fausse. Prenons l’habitude de ne plus trahir la réalité pour pouvoir être en mesure de la combattre et de la détruire. Sinon nous risquons de nous opposer à de purs fantasmes. Dépasser un ennemi fantasmé n’est pas dépasser un ennemi réel. Les conditions ne sont pas de même nature.
Amicalement.
- Finitude et finition, Apnée, 19 avril 2006
Il y a une provocation volontaire à affirmer la fin du travail au présent de l’indicatif. C’est bien pour désigner la contradiction de notre situation historique que cette assertion est immédiatement contredite par notre impératif selon lequel il nous faut le finir, c’est-à-dire en finir avec le rapport salarial.
Le travail est fini au sens où il l’est tendanciellement, mais déjà de manière palpable là où les richesses et les marchandises sont les plus accumulées. L’avenir immédiat de ces endroits consistera à travailler de moins en moins souvent. Pour autant, tu as raison, le lien salarial n’est pas rompu, comment le serait-il de soi-même sans que nous le rompions ? Bien entendu, nous travaillons encore trop souvent et trop durement, et à certains égards plus que jamais. Et même il se trame, ce lien, à distance continue du travail réel, via les obligations de formation et les émiettements de la condition de chômeur que nous concoctent nos représentants.
Une société où à l’appropriation des appareils de production se substituerait un usage loisible et volontaire des moyens de production renverserait complètement la notion de travail, jusqu’à l’abolir. De toutes autres fins, y compris qualitatives, aux efforts consentis d’élaborations se substitueraient aux marchandises. Et la surproduction serait impossible. Or, la sophistication des appareils de production accélère l’avènement d’une telle situation et, ce faisant, la subjectivité des rapports sociaux, non seulement entre classes. L’affaire du « C’est peu » a révélé, même confusément, un moment de vertige historique où la condition de travailleur apparaît comme un vide. Notre avenir immédiat consisterait à souffrir en travaillant ou à souffrir sans travailler. Et en même temps, les travaux productifs ou coercitifs que nous sommes sommés d’exécuter aboutissent à un amoncellement d’immondices marchandes qui emprisonne nos vies de manière si évidente que le refus subjectif du travail est palpable au sein même des entreprises.
Seule la nécessité de l’argent nous contraint à travailler, l’heureux stakanovisme et la fierté de l’ouvrier aliéné envers « sa » Peugeot a laissé la place aux opportunismes carriéristes et aux assemblages de bagnoles identiques. Mais l’argent ne disparaîtra que si le rapport salarial (que je ne considère pas comme une « idéologie » mais comme une réalité à laquelle je suis aussi confronté), et les rapports sociaux qui en dépendent, est rompu et que de ce creux émanent d’autres relations aptes à faire correspondre nos efforts à nos loisirs.
J’inverserais donc ta proposition : « L’argent disparaîtra lorsque nous en aurons fini avec le travail ».
Amicalement
- Finitude et finition, , 20 avril 2006
Le renversement de "ma" proposition me convient tout à fait. Commençons par là où notre désir nous porte.
Salud.
- Finitude et finition, , 20 avril 2006
- Finitude et finition, Apnée, 19 avril 2006
- Le travail n’est pas fini, puisque l’argent existe !, , 19 avril 2006
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Compte rendu de l’AG en lutte du 18 avril 2006, , 20 avril 2006L’Assemblée générale en lutte s’est réuni hier au local de la Serre volante 52 rue Servan après la libération des occupants du quotidien La Tribune. L’AG a donc commencé effectivement vers 20 heures 30 avec quelques 60 ou 70 personnes, nouvelles pour la majorité d’entre elles.
Les discussions ont commencé sur l’action fraîchement entreprise et ont continué sur le déroulement actuel du mouvement ses perspectives et ses possibilités. Le retour de vacances semble être attendu par certains avec une certaine inquiétude en raison du risque d’un retour massif dans les études et la rupture que cela provoquera. La question de la participation des salariés a également été abordée, celle-ci constituant selon certains la condition indispensable pour une continuation du mouvement.
Des échanges ont porté sur l’identité actuelle du mouvement, sa dimension étudiante et son dépassement. Certains voulant insister que le fait que ce mouvement partait effectivement du secteur étudiant, usine à produire des futurs salariés, d’autres considérant qu’il fallait justement dépasser cette identification.
Ensuite, il a été abordé la question d’un lieu permanent ouvert sur l’extérieur ou étudiants, salariés, précaires et divers pourraient se retrouver pour la discussion et la lutte.
Cet aspect sera à nouveau abordé, un texte sera rédigé à ce propos.
L’AG en lutte se réunit les lundi, mercredi et jeudi vers 18h 30 et le dimanche à 16heures 30 au local la Serre Volante ; 52 rue Servan à Paris 19e métro Saint Maur.
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Nous voulons détruire la gauche, anti gauche, 23 avril 2006Nous voulons détruire la gauche
Nous voulons détruire la gauche
Nous voulons la mort de la gauche pour aider la lutte, nous voulons la mort de la gauche tout autant que celle de la droite et du capitalisme.
Nous voulons détruire la gauche car elle empêche toute prise de conscience collective, elle freine toute initiative de renversement d’une société que nous rejetons tous : toute initiative révolutionnaire.
Nous voulons détruire la gauche
Nous voulons la mort de la gauche pour aider la lutte, nous voulons la mort de la gauche tout autant que celle de la droite et du capitalisme.
Nous voulons détruire la gauche car elle empêche toute prise de conscience collective, elle freine toute initiative de renversement d’une société que nous rejetons tous : toute initiative révolutionnaire.
Non, ce texte n’a pas pour but de s’attaquer aux partis déjà haïs de la gauche plurielle. Car nous savons déjà que cette gauche est critiquable de par ses positions, de par ses actions, et de par le simple fait d’exister en tant que partis politiques, par le simple fait de réclamer le pouvoir.
Ce texte a été écrit pour critiquer la gauche, quelle qu’elle soit. Son existence même.
La gauche telle qu’elle est en 2003, dans ses partis, dans ses mouvements (l’altermondialisation pour n’en citer qu’un). La gauche qu’elle soit institutionnelle ou non. Pas seulement celle qui expulse les squatteur- euses et les sans- papier- e- s, qui se fout des travailleurs, qui pactise avec le Medef, qui lutte pour le pouvoir, qui use de tous les artifices de la société capitaliste.Toute la gauche. Celle qui milite. Celle qui réclame, qui proteste gentiment, qui veut réformer le capitalisme... Celle qui se dit libertaire, qui se complait dans le tourisme militant et dans ses revendications... Cette gauche est à détruire par le simple fait qu’elle plait, qu’elle séduit dans son fonctionnement actuel.
Nous savons que les rassemblements militants de la gauche, d’Evian au FSE, en passant par le Larzac ne mènent à rien. Nous savons tous que les manifestations ponctuelles, les grèves d’un jour n’apportent rien. Et nous savons aussi que cet état de fait est en grande partie dommageable aux partis, aux syndicats et aux organisations de gauche.
Ces organisations qui ne souhaitent pas la disparition d’un système qui les fait vivre ; tout autant que les collectifs qui se complaisent dans l’attente du grand soir. Pourtant, malgré cela, la gauche arrive toujours àcréer l’illusion d’un changement possible. Un changement qui devrait passer par elle. La gauche récupère.La gauche phagocyte tout mouvement, d’où qu’il vienne.La gauche récupère volontairement, de par son fonctionnement même. Etinvolontairement de par son existence, de par la façon dont elle est perçue par le reste du monde
Un drapeau de la LCR dans un mouvement suffit pour que ce dernier y soit entièrement associé par les médias bourgeois (ou non).
Actuellement tout mouvement DOIT être associé à la gauche. Sinon il perturbe. La gauche est associée aux mouvements car elle est active.Oui la gauche est active. La gauche critique ceux qui ne sont pas actifs. Mais tout en restant impuissante.
Pourtant il ne suffit plus de montrer aux gens cette impuissance de la gauche. Il faut détruire la gauche, en commençant par détruire la vision qu’ont les gens de la gauche.
Car par son activité débordante, qu’on ne peut nier, la gauche nuit à toute initiative révolutionnaire.La gauche est un grand canalisateur, un grand abrutisseur. La gauche est la télé, la religion des gens qui se sentent éveillés. Ces gens n’ont plus besoin de bouger, de vouloir. Leur activité militante leur suffit. Certain-e-s se laissent mener par la gauche. N’agissent que par elle. Mais qu’illes se laissent guider complètement ou non par la gauche, illes pensent toujours que leur activité, que leur appartenance à la gauche sert à quelque chose. Et c’est ce qui rend la gauche dangereuse.
Pour détruire la gauche commençons déjà par ne plus être la gauche. Cessons de reproduire les schémas que nous critiquons. Cessons de revendiquer et de s’activer. Cessons de nous chercher des noms.
Cessons de penser à notre image. Seule l’action compte. Maintenant il faut agir. Cessons de soutenir inconsciemment la gauche, cessons de participer à leur activité, il faut arrêter de cultiver cette image de gauche utile.
Enfin empêchons la gauche de jouer ce rôle de récupérateur et de canalisateur.
Systématiquement, la gauche doit devenir inexistante dans un mouvement qu’elle n’a pas insufflée.
Commençons par détruire tout symbole de la gauche qui pourrait s’immiscer dans une lutte et qui participe à un phénomène de récupération, parfois inconscient mais inexorable.
Quand la contagion de la gauche sera maîtrisée, il n’y aura plus qu’à la détruire, cesser l’aliénation.Pour que l’individu- e qui lutte existe en tant que tel, pour qu’une lutte ne soit plus associée qu’à sa cause et non à ceux qui la maintiennent.
Pour que les gens ne se complaisent plus dans une activité militante inefficace.
Le changement se fera sans la gauche ou ne se fera pas.
anti-gauche- Nous voulons détruire la gauche, Caroline V , 26 avril 2006
Sauf à croire que les luttes contre le patriarcat, l’Homo phobie ou la religion doivent se taire
devant la lutte contre le capitalisme ou l’Etat ou pire qu’elles n’ont pas de réalité, il faut faire avec la gauche politique non telle qu’elle est représenté au parlement mais comme une façon de changer les choses, tout en se gardant de toutes manipulations de quelque partis de gauche que ce soit.- Nous voulons détruire la gauche, , 29 avril 2006
et les manipulations des bureaucraties syndicales et communautaires ?
et le réformisme de la gauche ?
Et la gauche du système comme aménagement de la misère ?
La gauche est décidément ennemie de la révolution : c’est pourquoi il faut détruire la gauche.
- Nous voulons détruire la gauche, Caroline V , 6 mai 2006
Je pense que tu confonds le mythe de la gauche comme régulatrice de conflits, ce que j’appellerais la gauche de pouvoir avec la gauche extrême ou ultra qui s’appuierais sur une critique radical du pouvoir tout en gardant en tête qu’elle se fait grâce au fameux clivage entre sécurité et liberté, la critique de la religion et des discriminations de toutes sortes ( homophobie, sexisme, racisme. )
- Nous voulons détruire la gauche, , 8 mai 2006
La gauche sans autre qualificatif c’est pas nécessairement l’ultra-gauche ou l’extrême-gauche révolutionnaire
- Nous voulons détruire la gauche, jef, 9 mai 2006
la gauche c’est l’accumulation de gauche, point barre. encore 100 ans de débats sur le socialstalinisme ? pas d’autres chats à fouetter ? on ferait mieux de lire les operaïstes : le communisme c’est l’interruption du développement capitaliste, qu’il soit de droite de gauche du centre du haut ou du bas ;
alors, jusqu’à quand la tempête au bassin des enfants ? - Nous voulons détruire la gauche, Caroline V , 10 mai 2006
Il s’agit malheureusement de la même gauche qui vous permet de questionner le monde pourtant. Sauf à militer avec les Indigènes De La République qui nie les rapports de classes et les clivages politiques ou à nier les luttes parcellaires force est pourtant de constater qu’il s’agit de la même gauche, qu’elle soit extrême ou ultra ne change pas grand chose. Ce que je regrette c’est que j’appellerais l’économisme qui refuse de voir les autres formes de dominations ou d’exploitations qui préexistait à la lutte des classes et qui lui survivront comme le racisme ou le sexisme et dont le combat est de gauche. .
- Nous voulons détruire la gauche, , 11 mai 2006
Là-dessus je suis d’accord avec toi mais la destruction de tout rapport de domination passe par la destruction de son aménagement donc par la destruction d’une gestion gauchiste de la domination.
- Nous voulons détruire la gauche, , 11 mai 2006
- Nous voulons détruire la gauche, jef, 9 mai 2006
- Nous voulons détruire la gauche, , 8 mai 2006
- Nous voulons détruire la gauche, Caroline V , 6 mai 2006
- Nous voulons détruire la gauche, , 29 avril 2006
- La gauche ne sera détruite qu’en détruisant le capital et l’Etat, Patlotch, 9 mai 2006
Sans dénier toute vertu à cette déclaration d’intention provocante, je pense qu’elle porte des ambiguïtés, parce qu’elle sous-tend une question plus pertinente qu’elle tend à masquer : « Nous voulons détruire le capital ». Elle s’inscrit dans une dénonciation de l’idéologie démocratique dans ses variantes qui se présentent sous le label de gauche. Elle est un peu l’équivalent de « Nous voulons détruire la démocratie » ou « Nous voulons détruire l’Etat ». Elle dénonce les formes politiciennes, la représentation, la tradition républicaine, les formes d’organisation héritées du mouvement ouvrier et reformulées dans le "spectacle" y compris de façon "libertaire" ; mais elle dénonce ces formes sans dire de quoi elles sont le contenu, c’est-à-dire, pour faire simple, la politique et l’Etat, la société civile et l’idéologie, en tant qu’elles sont produites comme adéquates au capital comme société. C’est pourquoi elle dénonce ces formes comme idéologie dans un combat d’idées, sans voir que ce combat ne sera gagné que matériellement, contre le capital et ses caractéristiques, et non en tant que combat d’idées, sur le terrain de la lutte contre l’idéologie comme reflet.
Cette discussion pourrait inviter à un questionnement plus approfondi, à condition de sortir de la question formulée, d’une part donc sur les liens qui précèdent entre contenus du capital et formes politiques, d’autre part sur les labels d’"extrême-gauche révolutionnaire" et "d’ultra-gauche", qui distingueraient la gauche qu’il faut détruire de celle qu’il faudrait préserver.
Je ne suis pas qualifié comme historien de la gauche, mais il me semble que le concept est né en France dans celui de république à l’occasion de la révolution bourgeoise de 1789. Autrement dit, la critique de la gauche devrait être faite fondamentalement comme celle des concepts liés à cette période historique comme naissance du capitalisme, avec le succès et les échecs des combats du prolétariat pour la démocratie, le prolétariat utilisant pour son propre compte les méthodes et principes de la démocratie bourgeoise, dans l’idée d’une transition social-démocrate ou socialiste : prendre démocratiquement le pouvoir d’Etat pour s’en servir comme outil d’abolition du capital.
Il me semble que c’est relativement à la caducité de cette stratégie programmatiste du mouvement ouvrier que la séparation, en politique, de la gauche et de la droite n’a plus de vertu révolutionnaire, c’est-à-dire de vertu pour abolir le capital. Être de gauche, c’est autant qu’être de droite appeler l’Etat, y compris dans les formes les plus radicalement démocratiques ; et appeler l’Etat, c’est conserver le capital.
On ne fait pas l’économie de la critique théorique pour comprendre la nature de ce problème, et c’est bien la vertu des formes de luttes actuelles que d’inviter à y refonder cette critique.
En résumé, le problème est dans la question, qui ne peut qu’enfermer les réponses... La gauche, comme la démocratie et la politique qui l’ont inventée, seront détruites par les luttes de classes en tant qu’affrontement matériel dans le capital, et non sur le terrain des idées, du moins si celles-ci ne trouvent pas dans ces luttes les ingrédients de la théorie révolutionnaire.
Patlotch, 9 mai
- La gauche ne sera détruite qu’en détruisant le capital et l’Etat, , 11 mai 2006
Généralement d’accord avec toi P.,
’’Il me semble que c’est relativement à la caducité de cette stratégie programmatiste du mouvement ouvrier que la séparation, en politique, de la gauche et de la droite n’a plus de vertu révolutionnaire, c’est-à-dire de vertu pour abolir le capital. Être de gauche, c’est autant qu’être de droite appeler l’Etat, y compris dans les formes les plus radicalement démocratiques ; et appeler l’Etat, c’est conserver le capital.’’
Gauche et droite, c’est du même avec des différents. Et les deux sont voués à la destruction qu’est aussi la communisation
- La gauche ne sera détruite qu’en détruisant le capital et l’Etat, Caroline V , 13 mai 2006
La question des clivages entre la sécurité et la liberté, la distinction ou l’égalité, la tradition ou la sécularisation réglé à une question de communisation ou de programmatisme, c’est simple, peut être même un peu trop... on dirait presque la vulgate du PC des années soixante dix, c’est à s’y méprendre.
- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, N. , 14 mai 2006
Bonjour,
Ça ne fait guère avancer les choses que de répéter, chaque fois qu’un effort est fait pour esquisser les lignes d’une force d’une nouvelle politique communiste, comme "détruire la gauche", de répéter ad nauseam la formule : destruction du Capital et de l’Etat. Cela manque cruellement, en fait, de sens stratégique. Qui, dans "nos" milieux voudrait se déclarer en désaccord avec une telle formule ? Le seul problème est que son degré de consensualité la prive au bout du compte de toute force, de toute consistance et qu’elle n’est plus qu’un affect triste, un réflexe psychologique hautement conditionné dont la fonction est essentiellement de rassurer, de conforter, d’immobiliser des devenirs, dirais-je. Bref, du militantisme.
Je soutiens que le mot d’ordre" détruire la gauche" est juste et porteur d’une véritable puissance critique. Pourquoi ? Parce que l’Empire est fondamentalement de gauche. Je veux dire par là que la doctrine exclusive du l’Empire, sur tous les plans - économiques, politiques, culturelles, militaires et par dessus tout, les englobant tous d’un seul mouvement, existentiels - est le libéralisme social - qui est une invention de la gauche. Et le libéralisme social ne fonctionne si bien que parce qu’il est le parachèvement historique de toutes les idéologies du passé, son syncrétisme le plus élaboré et le plus invisible. Plus exactement, le libéralisme social est la synthèse théorique et pratique du socialisme et du capitalisme du cycle antérieur. C’est là toute sa force : avoir réconcilié ce qui semblait absolument et irréductiblement antagoniste. En ce sens, le 21e siècle impérial sera de gauche ou ne sera pas - pour autant que la fin de l’Histoire, au sens où l’On veut nous la faire comprendre - soit effectivement le dernier mot de l’Empire.
Détruire la gauche, cela doit alors s’entendre comme la volonté de discréditer sur les plans théoriques et pragmatiques, toutes les promesses de la gauche, tous ses programmes, son être même, en montrer la sublime indigence pour nos existences réelles. En ce sens, "détruire" n’est peut-être pas le terme le plus approprié. Il s’agirait plutôt de dévoiler le néant de la gauche, de dire seulement, et au sens le plus strict du terme : la gauche n’est rien. De ce monde, elle est le Rien. Ainsi compris, "détruire la gauche", c’est bel et bien détruire le dernier point d’appui du Capital, sa dernière chance. C’est pour cela que l’on peut légitimement affirmer : détruire la gauche pour détruire l’Etat et la Capital, leur police, leur civilisation, leur métaphysique. Et non l’inverse ! Soyons un peu logiques !
N.
P-S : J’ai indiqué ci-dessous une adresse email valide, mais "jetable", temporaire, afin d’éviter le "spamming" et toutes le pratiques inhérentes au grand bavardage psychiatrique mondial qu’est le "chat" sur internet.
- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, Patlotch, 14 mai 2006
Je ne crois pas être concerné par cette réponse qui sollicite ce que je crois avoir dit, en reposant le problème sur ses pieds "matérialistes". Cela ne signifie pas, pour moi en tout cas, qu’il n’y ait pas à mener le combat aussi sur le terrain des idées, dans le cours de la lutte de classes. Pour être clair, je ne rejette pas tout "militantisme", et forcément, quand on intervient, on se heurte à ceux qui portent les idées qu’on combat. Je partage par exemple la remarque de Louis Martin dans son texte Le point de rupture de la communisation : « Nous devons repérer et désigner tous ces points de rupture de la revendication comme étant des dynamiques de lutte qui sont nôtres, des lieux d’activité théorique (militante) »
Et comme je venais justement de mettre en ligne le type d’intervention que je crois nécessaire, le voici :
Quel sens à mes interventions politiques ?
Il n’est pas aisé de suivre mes interventions, en relation avec leurs présupposés théoriques et les questions qu’ils me posent (cf. 3) POUR LE "COMMUNISME" Interventions 2006) relativement au dit « courant communisateur ». Pour simplifier, elles s’inscrivent encore néanmoins, et grosso-modo, dans la perspective ouverte par l’éditorial de Théorie communiste n°13, en décembre 1996, sous le titre La révolution est redevenue un sujet polémique, et les débats suscités depuis dans les luttes, ou autour de la revue Meeting.
1. Le programmatisme
2. Le démocratisme radical
3. Comment allier la polémique avec la critique positive du démocratisme radical ?On n’aura pas manqué de vérifier, au fur et à mesure que les luttes en contenus comme en formes donnaient à ces concepts une présence nouvelle, la lucidité de cette phrase de dix ans :
« Il est bon d’être attaqué par ses ennemis ; nous avions envisagé dans un premier temps que le démocratisme radical, contrairement au programmatisme pouvait nous permettre une intervention critique positive. Nous savons maintenant qu’il s’agira aussi, outre cette intervention, d’une polémique très dure.[...] »
Dans leurs aspects plus politiques que théoriques, mes interventions relèvent de cette démarche, qui pour l’essentiel me semble validée par ce qui s’est produit depuis, avec la confirmation de la structuration du discours des organisations porteuses de l’idéologie démocrate radicale :
« La polémique doit s’exercer contre :
1° : Les attaques destinées à exclure du champ les positions de rupture révolutionnaire sous les prétextes les plus divers : élitisme, division du front "antifasciste", maximalisme, théoricisme, archaïsme, purisme..., cela en exposant les véritables enjeux du conflit : alternative ou révolution.
2° : Contre les stratégies de rattachement de tout ce courant à l’électoralisme suivant la double équation :
les "petites gauches" unies équilibrent le P.C.F
les "petites gauches"+ le P.C.F équilibrent le P.S.Sur ces axes polémiques, il est possible de s’adresser à ceux pour qui l’alternative n’est pas un grignotage du mode de production capitaliste, ne subsume pas, ne résoud pas la contradiction entre les classes au fur et à mesure de ses progrès, n’est pas un petit morceau de monde libéré, mais n’est que revendication de l’autonomie de la classe (vouée maintenant à l’échec —ce qui ne l’empêche pas d’exister et de se renouveler—), et qui font de celle-ci leur combat. »
A cet égard, mon tort aura été j’en conviens de m’adresser, au delà du possible, « à ceux pour qui l’alternative n’est qu’un grignotage du mode de production capitaliste... » et par conséquent de me perdre en polémiques certes dures, mais vaines.
Je ne sais pas exactement ce que d’autres ici ont à redire sur cette position qui a dix ans, dans la mesure où les leurs ont évolué depuis et que cette question traverse tout ce qui a pu être dit ici sur le « que faire ? ».
Cela dit, je pourrais préciser, mon titre étant ambigüe, que la destruction de la gauche se fera dans le mouvement des luttes de classes contre le Capital et l’Etat.
14 mai
Patlotch- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, Caroline V , 16 mai 2006
Ce qui est étrange c’est qu’en dehors de cette critique géniale du pouvoir, du capitalisme, du réformisme, des authentiques réactionnaires, des contre-révolutionnaires, des voyous, des casseurs, des empêcheurs de casser en rond, des flics, des militaires, des bourgeois, des lycéens, des étudiants et des autonomes, les mises en question sur des sujets aussi essentiels tels que le sexisme, les discriminations racistes sont peu présentes.
- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, Caroline V , 16 mai 2006
- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, jef, 15 mai 2006
"l’empire sera de gauche", sans blague.
la gauche s’est dissoute depuis longtemps dans le corps de l’Etat (au plus tard les années 60 pour le PCI italien), a cessé de longue date de jouer le rôle de la médiation des conflits surgissant de l’intérieur de la société au travail, de l’interface étatique entre la classe au travail et l’Etat de classe, l’être-là de l’unité du capital, de sa société. la gauche est une unité de production de personnel politique sur un marché fortement oligoposlitique, dispensant des services personnels aux affidés - et éventuellement, pour la base résiduelle des crétins complets, portion désormais en déclin de l’électorat, la promesse de l’assomption jadis du rôle de ladite méditation des intérêts extérieurs de la classe au travail.- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, N., 19 mai 2006
Bonjour,
Je suis assez d’accord avec l’analyse de Jef et je reconnais que mon affirmation « L’Empire sera de gauche ou ne sera pas » était au moins forcée, voire assez fausse. On peut effectivement dire, et c’est en un sens une banalité admise par à peu près tout le monde, que l’Empire est par delà droite et gauche, et c’est même toute sa puissance que d’avoir pu ou su dépasser les anciennes antinomie.
Cependant, je maintiens que, d’un point de vue que j’appellerais « sociologique », la gauche existe bel et bien, à titre de « fausse conscience », cela malgré la disparition de sa « base matérielle" (puisque, d’après le marxisme, il me semble, la superstructure évolue moins vite que l’infrastructure). Il suffit d’écouter les « gens » (et j’emploie à dessein cette catégorie indéterminée et vide) pour s’en convaincre. Beaucoup partagent encore l’illusion que ce qui se présente comme la gauche, ou les gauches, dans les rangs de la nouvelle intellectualité parisienne, ou de ce personnel politique en situation d’oligopole, représente une alternative politique sérieuse et crédible à la ci-devant gestion impériale. S’il est vrai que la représentation politique a atteint un stade de décomposition avancée, il n’en reste pas moins que les projets divers de participation (ce que l’on appelle, dans « nos » milieux le « citoyennisme », la vertu civique de l’ère impériale) font encore des adeptes, et que leur nombre ne va pas déclinant.
Qui plus est, la Théorie de la justice de Rawls demeure une référence pour tous les partisans d’un « renouvellement de la politique », comme disent les journalistes et les politiciens, (Rawls se présente expressément comme social-démocrate, de même qu Habermas, pour ne citer que quelques noms célèbres) et la littérature sociologique sur le « lien social » ne s’est jamais mieux vendue que de nos jours.
On peut donc soutenir, sans contradiction, que la gauche demeure la dernière chance du Capital et qu’elle constitue, à ce titre, l’ennemi principal.
Je maintiens aussi tout ce que j’ai dit sur les réflexes militants du « Il faut détruire l’Etat et le Capital » (et, en écrivant cela, je me rends compte à quel point ce « Il faut » est éthiquement exécrable).
Bonjour chez vous
N.
[email protected] [adresse email valide, mais temporaire et "jetable" - comme ce monde]
- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, jef, 19 mai 2006
au fond, présenté comme ça, je suis entièrement d’accord : le pire ennemi est le faux ami, puisqu’il fait illusion et donc déperd les énergies ; la classe au travail s’est donné de tout temps en guise de dirigeants les représentants de l’ennemi - les "programmatistes", qui n’étaient pas plus une nécessité historique du procès de développement du désir communiste comme désir d’abolition du salariat qu’il ne faut "attendre" la restructuration de la production, qui n’est que la restructuration du camp d’en face, le camp général en temps de décrue, pour inaugurer un nouveau cycle de luttes - pas plus qu’aucun cycle de luttes n’est palpable à l’heure actuelle, sauf à considérer quelques heures arrachées à la plus-value ça et là comme l’indice d’une reprise cyclique de l’offensive révolutionnaire, de la (dé)classe ou encore du communisme (il suffit de lire le manifeste de 1848, où il est question d’abolition du travail, en italique par papa marx/engels, pour se rendre compte que ce prétendu purgatoire programmatiste est une vaste blague inventée par les marxistes, c’est-à-dire la police interne de la classe en lutte, ou encore le mouvement ouvrier). les cycles du capital sont imposés par les cycles de la lutte, et pas l’inverse. le capital n’est cyclique que parce que les luttes le sont. que les luttes cessent, et le capital n’a plus "besoin" de cycles. l’attaque à la plus value précède toujours la crise de rentabilité qui inaugure la crise de surproduction. mais en l’absence de luttes ? trois cent millions d’enfants travaillent gratuitement pour produire de la plus-value réalisée par la troisième demande, patrimoniale : d’où ralentissement de la croissance, voire annulation, mais explosion du taux de profit général.
simplement, la résiduelle affiliation de la classe au travail aux partis de gauche est l’effet d’une hystérésis précaire en regard de la fulgurance de la restructuration de la production qui est tout uniment la dé-structuration de la (dé)classe comme autonomie, substance séparée du capital. Les générations qui viennent (à l’âge adulte) ne savent plus la différence entre la gauche et la droite. en ce sens, la ’superstructure’ - mais il faut oublier
tout ce vocabulaire platonicien - retarde sur la "réalité" de "l’infrastructure" étatique :
aidée en cela certes par la gauche qui se soucie d’entretenir une spécificité (de moins en moins nette pour la masse de plus en plus grande des illettrés, et de moins en moins crédible pour les autres), démocratie oblige, c’est-à-dire rivalité sur le marché de la loyauté aux maîtres ; mais aidée aussi par les papys qui racontent encore à leurs petits enfants des histoires de justice sociale. le reste de la réalité a tôt fait 1. de démentir ces tout aussi réels racontars, 2 ; de noyer toute possibilité de distinguer les partis sur une base classiste, possibilité dont me^me les partis se gardent soigneusement (la spécificité est soignée "palliatif", mais encore une fois, difficilement réductible à une affaire de justice sociale, encore moins à une affaire de (dé)classe). prenons l’italie. sait-on que le noveau PSI de michelien/craxien était allié à berlusconi au cours des dernières élections ? que prodi est tout sauf un dirigeant historique élu de la gauche ? que le programme qu’il vient de présenter au parlement ne revendique rien d’autre que la lutte contre la criminalité en col blanc et l’hémorragie des capitaux en général ?la spécificité de la gauche, ce serait l’affaire de candidats individuels, charismatiques, courageux, honnêtes, travailleurs, beaux, élégants. point barre. autant dire que le succès de la gauche ou de la droite n’a plus rien à faire avec la productivtié discursive de ces catégories. il s’agit de distinguer des bandes mafieuses officielles et rivales pour le contrôle de l’appareil de torture provincial - rome étant à washington. royal et sarko ont le me^me discours nazi, des patrons de droite annoncent qu’ils vont voter royal parce qu’elle est plus bandante, plus virile, plus ceci plus cela, le patronat italien a soutenu prodi de me^me que le sun soutenait blair. blair ! ami de bush/berlusca etc. etc.
donc, n’exagérons pas l’importance, la résonance du discours universitaire et son cortège de pleureuses de gauche. ceux qui veulent se faire une idée sérieuse de l’état du monde ne lisent pas le diplo, ni rawls ni (plus guère) habermas. et les autres sont dans la gadoue pure, le néant neuronal sans si ni mais. on en est à max weber, le métier/vocation de la politique : dans ce système concentrationnaire, ce sont les chefs charismatiques qui décident, et ceux de la pire espèce : pas les prophètes/magiciens, mais les chefs de guerre et les démagogues. ne parlons même plus des légalistes : avec la fin de l’Etat de droit, les chefs légalistes/kelseniens qui se proposent en rempart de la loi contre la rapine d’Etat érigée en système, sont ’objectivement’ dépassés, laminés. Jospin.
il n’y a plus de vérité prophétique, rappel à la loi cachée/bafouée, pas même de vérité légaliste prônant la soumission à l’impersonnalité de la loi : juste un désir de masse de salut individuel, le besoin de se soumettre pour sauver sa peau, se sentir épargné, non terroristifié, non banni - auquel répondent/correspondent les chefs charismatiques non prophétiques. la période des années 30 est illuministe en regard de celle-ci. le nazisme est la quintessence du bordel, mais la quintessence est aujourd’hui épurée - ou quasi, parce que toujours encore quasi, jusqu’à extinction complète de tout site web de ce genre-ci, par exemple, ou de toute culture vivrière dans le jardin. - le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, Patlotch, 19 mai 2006
On peut donc soutenir, sans contradiction, que la gauche demeure la dernière chance du Capital et qu’elle constitue, à ce titre, l’ennemi principal.
Votre « contradiction », par celle du capital (l’exploitation) qui ne tient pas à la gauche, c’est que le capital pourra continuer sans la gauche, du moins ce qui tient à ses caractéristiques telles que vous les décrivez. Le conseillisme et l’auto-organisation, le principe de l’autonomie contre et dans le capital, ne sont pas des valeurs ou des formes portées par la gauche, son aile radicalement démocratiste se contentant pour l’heure de promouvoir un mélange de démocratie directe et participative. Ces formes apparaissent aussi contre cette gauche dont vous parlez, et ce depuis qu’elles existent et reviennent dans les luttes. Et pourtant, le capital pourra parfaitement s’en accommoder. C’est le genre de questions abordées ici, parce que les luttes actuelles les posent pour le communisme comme mouvement de destruction du capital.
J’aurais tendance à me méfier non pas de mes ennemis, mais de n’en voir qu’un seul et de considérer que c’est le "principal", ou celui qui conditionne les autres. Le capital a besoin de l’Etat et ne peut exister sans lui. Mais on peut tout à fait imaginer une société sans Etat, autogérée, sur la base de l’auto-organisation des travailleurs entre eux : une société des travailleurs exploités par eux-mêmes, portant leurs chaînes comme des médailles. C’est ce qui est critiqué ici, au-delà de la gauche "ennemi principal" ou pas.
- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, jef, 19 mai 2006
- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, N., 19 mai 2006
- le capital et l’Etat ne seront détruits qu’en détruisant la gauche, Patlotch, 14 mai 2006
- La gauche ne sera détruite qu’en détruisant le capital et l’Etat, Caroline V , 13 mai 2006
- La gauche ne sera détruite qu’en détruisant le capital et l’Etat, , 11 mai 2006
- Nous voulons détruire la gauche, Caroline V , 26 avril 2006
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Mouvement étudiant : l’impasse ultra-gauche, anti gauche, 23 avril 2006Mouvement étudiant : l’impasse ultra-gauche
La levée des blocages s’opère dans beaucoup de facultés. Beaucoup d’étudiants ressentent l’abrogation du CPE comme une grande victoire, et la grande majorité, qui ont manifesté contre la précarité souhaite passer leurs examens.
Dans quelques facultés, des minorités, souvent impulsés par l’ultra-gauche, tentent de s’opposer par la force à des votes, ou bien à la reprise des cours.
Parfois, dans d’autres lieux, ils opèrent des actions spectaculaires, pour faire parler d’eux. C’est ce qui s’est passé ce mardi, au quotidien économique « La Tribune », propriété du patron de LVMH Bernard Arnault, par ailleurs première fortune de France.
Un groupe de cent cinquante personnes, affirmant représenter à la fois la coordination nationale étudiante de Nancy, les sans-papiers, les intermittents du spectacle et les précaires, a envahi les locaux de la rue Vivienne, à Paris.
Prise immédiate de parole d’un représentant, expliquant aux étudiants qu’ils étaient dans le cour de la désinformation au service du capital.
Immédiatement, un ouvrier du Livre CGT, présent, a tenu à prendre la parole.
Il a expliqué que dans ce quotidien, d’obédience libérale, il y avait des ouvriers, syndiqués à la CGT, mais aussi des journalistes qui, bien que salariés dans un journal appartenant à Bernard Arnault, avaient participé aux manifestations contre le CPE, et étaient capables d’exprimer, dans certains papiers, des positions pertinentes sur l’économie, qui n’allaient pas toutes dans le sens du modèle dominant.Cette nuance apportée ne fut pas du goût de tout le monde, notamment de ceux qui pensent que le monde doi être blanc ou noir, et qu’un salarié de « La Tribune » est obligatoirement un agent du capital.
Des discussions ont commencé. Les étudiants (dont les porte-paroles étaient assez âgés pour des étudiants) ont lu un texte interminable, avec des côtés intéressants (l’explication que le CPE n’était qu’une partie de la loi pour l’égalité des chances, et qu’il fallait abroger totalement cette loi) et des revendications plus contestables, telles que l’amnistie et la levée des poursuites contre tous les participants des mouvements sociaux (émeutes de novembre-décembre, mouvement actuel). Traduction : libérez les incendiaires d’écoles et les voyous frappeurs racketteurs.
Le responsable de la rédaction, par ailleurs libéral bon teint, François-Xavier Pietri, a discuté avec les étudiants, de manière courtoise, mais leur a fait savoir qu’en aucun cas, il n’accepterait de passer dans le journal le communiqué (fort long) qu’on voulait lui imposer.
Des discussions eurent lieu un peu partout, dans la rédaction, avec des journalistes, et avec les ouvriers du Livre. Très rapidement, les militants ouvriers les plus avertis constatèrent que le groupe était composé de deux entités : des étudiants sincères et déterminés, convaincus qu’il fallait continuer le combat, et toute une mouvance ultra-gauche, porteuse d’un discours dont les cibles étaient essentiellement les organisations syndicales étudiantes, dont l’Unef, et les organisations syndicales ouvrières, dont la CGT.
Ainsi, celui qui apparaissait comme le responsable le plus écouté des cégétistes n’accepta pas le discours de type CNT tenu par un des manifestants, agressif verbalement, par ailleurs âgé d’une cinquantaine d’années, qui affirma que la CGT était vendue aux patrons et aux flics, et était prête à brader le mouvement pour avoir la direction de l’Unedic. Il le fit virer de la salle, et lui dit de ne pas remettre les pieds dans ce local.
Un autre tract, hallucinant, l’ « Appel de Raspail » fut distribué.
Intitulé « Pour la désindustrialisation du Monde », il réclamait, de manière provocatrice, la fin d’un emploi stable pour chacun, et que la crise s’aggrave. On parlait aussi de décroissance. Les ouvriers CGT firent remarquer à quelques étudiants que c’est avec ce genre de conneries que les usines ferment, et que le chômage progresse. La position des ouvriers du Livre CGT, tout au long de l’occupation, fut claire : on ne fait pas grève parce que vous avez envahi le journal, on est solidaires du mouvement étudiant, et on ne travaillera pas tant que vous serez présent.Mais on protège l’outil de travail, les ordinateurs, et on vous demande de ne rien toucher sans notre accord. Finalement, il fallait une conclusion. Après une heure et demie d’occupation, une centaine de gendarmes mobiles, bouclier au poing, pénétrèrent dans les locaux, pour procéder à l’évacuation du journal.
Là encore, les représentants de la CGT discutèrent, et obtinrent que l’évacuation se passe sans violence, et qu’aucune interpellation n’ait lieu dans la rue. Mais ils ne s’opposèrent pas à la présence policière dans l’entreprise, ni à l’évacuation. Cela prit environ une heure. S’il y eut quelques bousculades, manifestement, les forces de l’ordre avaient des consignes qu’il n’y ait pas de casse de matériel, ni de blessure.
Seuls quelques salariés inexpérimentés, qui n’ont pas dû faire beaucoup de manifestations dans leur vie, virent des brutalités policières dans cette évacuation. Une fois tout le monde sorti, on vit un spectacle surréaliste, rue Vivienne. Cent cinquante manifestants, encadrés par plus de deux cents gendarmes mobiles armés de mégaphones, furent escortés jusqu’au métro, accompagnés par les ouvriers et par des journalistes, qui veillèrent à ce qu’aucune interpellation n’ait lieu.
Arrivé à l’angle de la rue Vivienne et du boulevard, les gendarmes s’écartèrent, et laissèrent partir les manifestants. Journalistes et ouvriers reprirent ensuite le travail, et le journal a quand même été bouclé, même en retard, et sera présent dans les kiosques dans le lendemain, avec même un coup de pub gratuit pour lui, puisque l’information de l’occupation a été relayée par nombre de médias.
Reste une question politique : sans nier la sincérité des étudiants présents, la manipulation de l’ultra gauche, et le discours hostile aux organisations syndicales, représentatives de la réalité du mouvement social et de la victoire contre le CPE, est patente.
On ne peut donc que se poser ces questions : ces actions et ces discours aident-ils le mouvement social et le monde du travail dans sa lutte contre le libéralisme, et à qui
profitent les actions groupusculaires de l’ultra gauche ?Pierre Caspi
le jeudi 20 avril 2006 à 18h05- La brèche de "l’ultra-gauche", Apnée, 23 avril 2006
Ces actes et paroles sont la lutte contre le capitalisme, et non le « libéralisme ». Il n’y a pas de « mouvement social » ou de « monde du travail » à aider. Car un mouvement est historique, quelle que soit son intensité, ou rien : « social » est un adjectif de journaleux ayant pour sens la spectacularisation et l’objectivation de ce qu’à d’historique et de subjectif un mouvement. Il s’agit d’imposer au lecteur une position théoricienne de sociologue observateur distancié pour le convaincre qu’il serait situé en dehors du « social ». Et par ailleurs il n’y a pas non plus un « monde du travail » qui serait à côté d’un autre monde : le capitalisme c’est la réduction du monde au travail. Enfin, ces actions ne « profitent » pas, ça arrive, parfois, même dans le « monde du travail » !
- Mouvement étudiant : l’impasse ultra-gauche, Bernard Lyon, 23 avril 2006
Ce message vient bien-sûr d’un anti-ultragauhe, apparemment d’un CGTiste, mais il est très utile pour savoir ce qui s’est fait à "La tribune" et comment peut (ou ne peut pas ) s’articuler la critique communiste avec un mouvement de lutte revendicatif même de masse et "radical" dans ses formes. En tout cas le nom d’ "ultragauche" qui avait fini par être attribué aux ex-gauchistes démocrates radicaux, nous est revenu ! Dommage que c’est un peu tard, il nous reste à nous faire attribuer le terme "communisateur" ( ne me dites pas "à quoi bon ?" svp)
Salut à tous, et à bientôt qu’on se voit, il me semble qu’on a des choses à se dire !
BL
- La brèche de "l’ultra-gauche", Apnée, 23 avril 2006
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 23 avril 2006AG en lutte l’Assemblée générale en lutte se réunira lundi prochain, 24 avril à 19 heures au local dit "La serre volant", sis au 52, rue Servan à Paris 19e arrondissement (Métropolitain rue Saint Maur, ligne 3). La derniere réunion tenue mercredi a poursuivi les débats autour de la question d’un lieu permanent et des projets qu’il pourrait accueillir et les moyens d’y parvenir. Par ailleurs, la question de la périodicité a également été soulévée. Ciboulette et Julie le vendredi
- « 2007 ? NON MERCI ! », tract distribué à Avignon lors de la manifestation du 1er mai 2006., x, 2 mai 2006
2007 ? NON MERCI !
« Le problème c’est qu’aujourd’hui, c’est qu’y en a qui croient faire la révolution par les urnes. Moi, personnellement, ppfff... j’en ai rien a foutre, j’y crois pas, j’irais pas voter » C. étudiant bloqueur, dans un bistrot
LE RETRAIT DU CPE n’est pas réellement une victoire puisqu’il a été remplacé par un nouveau contrat aidé, que le reste de la loi sur l’égalité des chances (LEC) est passé sans encombre (apprentissage dès 14 ans, travail de nuit dès 15 ans etc.), sans compter les autres revendications officielles du mouvement (lois Sarkosy...), le CNE qui reste en place... difficile de parler de victoire. Ce qu’il faut signaler c’est que la mobilisation a tout de même obligé le gouvernement à un recul tactique. Cette reculade, orchestrée avec l’action de ses alliés objectifs que sont médias et syndicats, a permis la démobilisation. Mais, lors de ces deux mois de lutte, la rue a rappelé qu’elle conservait tout son pouvoir corrosif, l’état la craint et fait de son mieux pour la combattre.
LES SYNDICATS n’ont pas trahi le mouvement après lequel ils couraient, mais ont assumé pleinement leur rôle, celui de médiateur, de canaliseur, de modérateur, de négociateur... brandissant bien haut le possible appel à une grève générale que tous les pouvoirs craignaient (eux en premier). L’utilisation de grandes journées de dé-mobilisation tout en calmant la base était une condition nécessaire pour qu’il se pose à tous en représentant d’un mouvement auquel ils étaient totalement étrangers.
LES POINTS POSITIFS du mouvement dit anti-CPE :
Rejet des syndicats considérés très lucidement comme inutiles et nuisibles.
Rejet des leaders et fonctionnement collectif horizontal (parfois en se passant de délégués élus et révocables).
Action directe, au-delà du symbolique (s’attaquer à l’économie), le refus des manifs pépéres, planplan, de digestion.
Utilisation de la violence, questionnement quant à son usage (contre la condamnation initiale des « casseurs » et du moindre semblant de dégradation, on en est venu à se questionner, à proclamer « nous sommes tous des casseurs ! », à parler de « réapropriation de la violence »).
Passer outre la légalité, outre les directives de la police, les services-d’ordre syndicaux (manifs sauvages...).
Volonté de dépasser le catégoriel. Appel à l’amnistie des « émeutiers de novembre ». Très rapidement, dans la lutte quotidienne, les actions, les AG, les étudiants ont été rejoints par les lycéens, puis de jeunes travailleurs et chômeurs. Les trois millions de manifestants, même si la reconduction de la grève n’a pas eu lieu, montrent qu’il ne s’agissait pas de soutenir, d’aider, les étudiants, mais que cette lutte était celle de tous. Travailleur et chômeurs « plus âgés » ont individuellement rejoint le mouvement. Appel à des AG interpro constant (le terme « interpro » reste pourtant encore limitatif, puisqu’il prend en compte la division capitalistique en différentes « professions » qui s’y trouveraient ainsi juxtaposées, alors qu’il aurait été bien plus percutant de les dépasser).
Envies de dépasser le cadre revendicatif. Contre de simples réformes, conscience de se battre contre un système (le Capitalisme que certains n’osent nommer).
Création d’espaces de vie, d’expérimentation, de solidarité, de réflexion collective.Les acteurs du mouvement, tout comme ses adversaires, ont pris conscience que la généralisation de ces points était LE réel danger.
LA POURSUITE DU MOUVEMENT ? Courons-nous assez vite pour le rattraper ? C’est plutôt lui qui viendra nous chercher. Les « irréductibles » ne provoqueront pas sa réapparition, ne le referont pas revivre artificiellement par la constitution de collectifs, les gesticulations politiciennes ou l’adhésion à des syndicats et organisations politiques. Les récupérateurs, recycleurs de cadavres encore chauds préparent déjà le terrain pour Ségolène (le mélange Thatcher/Blair à la française). Les élections de 2007 ? Rien à foutre !
GUERRE SOCIALE ! MORT AU CAPITAL !
CREVE LA DEMOCRATIE ET TUTTI QUANTI !BIC (Brigade d’Intervention pour la Communisation et l’anarchie)
- « 2007 ? NON MERCI ! », tract distribué à Avignon lors de la manifestation du 1er mai 2006., x, 2 mai 2006
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE [Réunion post AG en lutte], , 10 mai 2006vendredi 12 mai 2006
19H00 - La Serre Volante 52 rue servan metro rue saint maur - Réunion post AG en lutte
A ceux qui veulent vider le vase, nous répondons : brisons-le ! réunion sur la base du texte suivant le vendredi 12 mai à 19h précises au 52, rue Servan, M° Saint MaurA ceux qui veulent vider le vase, nous répondons : brisons-le !
L’AG en lutte s’est constituée dans le cadre du mouvement dit « anti-CPE ». Le contexte n’étant plus le même, cette AG n’a plus de raison d’exister. Ce mouvement n’a pas trouvé les moyens de perdurer au-delà des consignes syndicales , ni de sortir du cadre étudiant. Nous sommes nombreux à avoir participé aux AG. Nous avions des positions différentes, cependant une chose nous unissait : le CPE n’était qu’un outil de plus d’exploitation du capitalisme ; son retrait n’empêchera pas ce système de poursuivre ses offensives. Le CPE n’était qu’une goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Certains espèrent le vider en écopant. Que ceux qui pensent que le seul moyen est de s’organiser pour le briser se retrouvent le vendredi 12 mai à 19h précises au 52, rue Servan, M° Saint Maur.
Après la dernière AG en lutte
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE [Le CPE, une goutte d’eau dans un lac de rage], , 11 mai 2006Le CPE, une goutte d’eau dans un lac de rage
Quelques remarques sur la violence, l’illégalité et l’orientation des luttes sociales (Grenoble, avril 2006)par Les enragé-e-s ouvrent le bal
Ce texte mêle en vrac quelques réflexions nées à Grenoble lors de ce qu’on appelait jusqu’à il y a encore peu de temps le mouvement anti-CPE... Il n’est pas forcément très construit mais a pour oblectif de lancer des pistes à creuser. C’est toujours ça.
La violence comme moyen de se faire entendre
« S’il y avait connexion entre les étudiants et les banlieues, tout serait possible. Y compris une explosion généralisée et une fin de quinquennat épouvantable. »
Nicolas Sarkozy, Ministre de l’Intérieur, dimanche 12 mars 2006, cité dans "La grande peur de Sarko", en page 2 du Canard enchaîné (n°4455, 15 mars 2006).« Les émeutes, ce n’est pas un hasard. Les profs sont au service du gouvernement, pas au service de l’élève. »
Un professeur vacataire en lutte dans le 94, lundi 20 mars 2006, sur France Inter.« Ma grande crainte est que l’on ne se retrouve plus dans de l’opposition au CPE, mais dans de la provocation et dans un enchaînement de violence.. J’en appelle donc au retrait du CPE, à la responsabilité et au retour de la paix sociale. On est dans une situation folle. Il faut voir l’image qu’à la France en ce moment à l’étranger ; surtout après ce qui s’est passé en novembre. Une image épouvantable. »
Michel Destot, Maire de Grenoble, interviewé dans le Dauphiné Libéré du vendredi 31 mars 2006 (n°19092).Au fil des semaines, dès les premières manifs du mois de février, le mouvement étudiant-lycéen-syndical contre le CPE s’est peu à peu transformé en révolte sociale, renouant avec certaines des pratiques violentes d’octobre-novembre 2005, lorsque des émeutes avaient éclaté dans de nombreux quartiers populaires un peu partout en France.
Aujourd’hui, alors que le CPE a été "remplacé" (pour ne pas dire "retiré"), alors que la gauche dans son ensemble parle de grande victoire, alors que la société reste la même, alors que partout c’est la merde, ni la gauche ni la droite au pouvoir ni les médias ne diront que la chute du CPE est due avant tout aux débordements permanents du mouvement. Pourtant, sans la violence, sans les différentes pratiques illégales des manifestant-e-s, nous en serions encore à nous demander le cul vissé devant la télé "mais pourquoi rien ne change alors que nous étions des millions à manifester sagement dans la rue ? notre citoyenneté n’a donc aucune valeur ?". L’ironie de départ de ce texte se situe dans ce paradoxe :
Si le CPE est mort, c’est parce que des dizaines de milliers de révolté-e-s ont foutu le bordel de Paris à Toulouse, de Rennes à Grenoble, etc. Pourtant, la plupart de ces révolté-e-s restent plein-e-s d’insatisfaction et de rage, leur révolte reste intacte. Le CPE n’était pour eux et elles qu’un détail.
Ceux et celles qui crient victoire devant les caméras et se réjouissent au micro de la mort du CPE sont les mêmes par qui rien ne serait jamais arrivé si l’on avait suivi leurs mots d’ordre ("dispersez-vous !"). Ce sont également les mêmes qui ont hurlé au scandale face aux "casseurs", les mêmes qui ont empêché toute manifestation "sauvage", les mêmes qui ont tenté de canaliser la révolte vers la légalité des défilés officiels et autorisés. De l’UNEF à la CGT, tou-te-s devraient reconnaître que c’est avant tout grâce aux casseur-e-s, grâce à tou-te-s celles et ceux qui ont participé aux actions de blocage et de sabotage, grâce à tou-te-s celles et ceux qui ont pris au pied de la lettre leurs slogans "... ou alors ça va péter, ça va péter !" (tandis qu’eux-mêmes n’avaient qu’une peur, celle que cela se réalise bel et bien), que le CPE est mort-né et que Villepin a été ridiculisé au sommet de l’Etat.
Tout ceci n’aurait bien sûr pas été possible non plus sans la mobilisation des centaines de milliers voire des millions de personnes lors des diverses manifs de début février jusqu’à mi-avril. Au-delà des conflits avec les syndicats, la complémentarité des moyens d’action a été une de nos grandes forces.Mais en réalité, ce que nous retiendrons de tout ça, c’est bien plus que le "remplacement" ou le "retrait" du CPE. Nous nous souviendrons longtemps de cette union pour un mouvement populaire opposée à l’autre Union pour un Mouvement Populaire, nous retenons ce qui s’est passé entre nous, ce que nous avons commencé à construire ensemble comme ce que nous avons commencé à détruire ensemble.
A Grenoble, la première manif (le 7 février) a annoncé la couleur puisqu’en fin de manif le parvis de la préfecture a été envahi par des dizaines de manifestant-e-s, qui ont descendu les trois drapeaux nationaux pour les remplacer par des drapeaux rouge et noir. La frontière de la légalité était déjà franchie. Et cela n’a plus cessé, jusqu’aux actions du 11 avril visant en vrac agence d’intérim, agence immobilière, ANPE et médias locaux (Dauphiné Libéré, France Bleu Isère, M6-Grenoble).
Le 18 mars, en fin de manif, alors que la BAC en était encore à parader au milieu des manifestant-e-s, une grosse partie du rapport de force s’est joué pour la suite du mouvement à Grenoble : après avoir arrêté deux personnes, la BAC est obligée de sortir flashballs et tonfas pour repousser les manifestant-e-s en colère, qui se mettent à caillasser en vrac la BAC et les CRS. Les mecs de la BAC reviendront casqués et resteront dès lors bien à part des manifestant-e-s. La prise de conscience et la révolte prennent de l’ampleur.
Les 23 et 28 mars, ça part carrément en émeutes dans le centre-ville. Ce que redoutait Sarkozy se réalise, la connexion entre étudiant-e-s et jeunes des banlieues est intense (on pourra bien sûr regretter que ces moments de lutte commune soient bien souvent restés sans lendemain, pour le moment en tout cas). Le rapport de force est tangible, la révolte n’est plus symbolique mais bien concrète. En nuisant à la police et plus largement aux tenants du maintien de l’ordre, nous sortons de la résignation et de l’impuissance habituellement ressenties. Destructions et transformation de la ville pacifiée en lieu d’émeute sont synonymes de création, et inversement. Nous avons tou-te-s plus ou moins conscience que vivre dans un monde que nous choisirions devient impossible sans la destruction complète du monde actuel. Ainsi, lorsque nous détruisons ce qui nous opprime, nous participons à ouvrir les brèches qui nous permettent de créer de nouveaux rapports sociaux.
La violence insurrectionnelle (et donc destructrice) des manifestant-e-s porte en elle les germes de la construction d’une vie passionnante, une vie dépassant le cadre de la survie (que celle-ci soit sous-prolétaire ou bourgeoise, "occidentale" ou du "tiers-monde"), une vie réappropriée des mains de l’Etat et des patrons, abolissant le travail-famille-patrie-télé. La créativité contenue dans cette violence exprime l’impatience d’en finir avec la dépossession de nos vies, la négation en actes des rôles dans lesquels nous sommes censé-e-s rester enfermé-e-s.
Si les moments d’émeutes à Grenoble n’ont pas été aussi violents qu’à Paris ou qu’ailleurs, si les débordements ont été plus discrets dans certaines villes qu’à Grenoble, il paraît clair qu’un même état d’esprit insurgé se retrouvait partout. Les moyens spontanés ont parfois manqué pour matérialiser la révolte. Peut-être que des connexions vont se solidifier et s’inscrire dans la durée. Peut-être que nous saurons mieux prendre des initiatives émeutières, sans attendre que les flics eux-mêmes déclenchent l’affrontement (on a vu le 4 avril qu’ils pouvaient rester muets face à des caillassages quand ceux-ci arrivaient dans des moments stratégiquement gênants pour eux).
Dans l’ensemble du mouvement, les actions directes ont été utiles. Caillasser les flics, briser une vitrine ou retourner une voiture, ça n’a pas forcément un impact direct sur le pouvoir en place, mais ça augmente la tension, ça nuit à la paix sociale, ça augmente l’impact de notre lutte.
Bien sûr, il reste encore plus intéressant, dans la mesure du possible, de cibler nos actions.L’illégalité comme conséquence de la désobéissance
« Le refus d’être esclave est vraiment ce qui change le monde. »
Raoul Vaneigem, Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, 1967, p.265.La délinquance, comme désobéissance spontanée, comme opposition radicale à la citoyenneté, porte en elle la contradiction profonde de l’organisation des lois de cette société. Face au mépris généralisé qui lui est renvoyé sous forme passive (désintérêt massif pour la vie citoyenne ou la politique institutionnelle) ou active (délits de toutes sortes - émeutes, sabotages, destructions, vols, économie parallèle, etc.), le pouvoir ne cesse d’accroître les moyens dont il dispose pour contrôler la population.
Comme le veut la très citoyenne remarque : "plus vous commettrez d’infractions, plus ils mettront en place des moyens de contrôle pour vous en empêcher". Tout bon citoyen devrait aller au bout de ses idées policières et conclure par un "soumettez-vous, cessez donc de vivre", qui serait du meilleur effet.
La démocratie s’est arrangée pour acheter la paix sociale avec son lot de divertissements (télé, gadgets, tout le matériel du spectacle). En rajoutant la couche participative (associations, festivals, élections, débats avec nos sauveurs les "élus", etc.) [1], la gauche citoyenne a espéré canaliser les mécontentements sociaux, mais elle n’a pas plus réussi en cela que les religieux et autres récupérateurs de tous bords.
En réalité, la solution ultime pour la coalition Etat/capital est bel et bien la répression et sa meilleure alliée : la prévention sécuritaire. L’idéologie sécuritaire n’a pas attendu l’accroissement de la délinquance et des pratiques illégales pour renforcer son dispositif (police, armée, milices privées, services "sociaux", prisons, vidéo-surveillance, satellites et autres contrôles des moyens de communication, puces RFID, biométrie, etc.). A nous de renverser la remarque citoyenne précitée : "plus l’Etat et les entreprises privées mettront en place des moyens de contrôle pour nous empêcher de vivre en toute illégalité, plus nous mettrons en place des moyens d’y résister et d’y échapper". Tout-e bon-ne délinquant-e devrait aller au bout de sa désobéissance active et conclure par un "insoumission ! c’est maintenant que nous vivons" qui serait du meilleur effet [2].Dans le genre banale délinquance, tous les médias se sont jetés récemment sur les prétendus et controversés 300 000 euros de dégâts commis dans la galerie des amphis (UPMF), "saccagée" essentiellement par des graffitis inscrits sur tous ses murs... Ce lieu, habituellement étroitement limité à la réception passive de cours menant les étudiant-e-s droit à l’intégration dans un monde privé ou fonctionnaire, dans l’objectif d’être toujours rentables et soumis-es, est devenu pendant une bonne trentaine de jours d’occupation un lieu de vie, d’échanges humains, et quoi qu’on en dise, de création et d’autogestion, parfois de création à travers la destruction (toute partielle) d’un lieu de toute façon inhabitable et aux mains d’un président d’Université (monsieur Courlet) qui représente à lui seul tout ce qu’il y a de plus puant dans les institutions de ce monde (l’arrogance du pouvoir, mais aussi son hypocrisie, ses mensonges et manipulations, par dessus tout ses volontés de préserver ses privilèges). Qui décide de quoi au sujet de cette galerie des amphis ? Qui décide de quoi dans cette université comme dans les autres ? Qui décide de quoi dans ce monde ? Qui peut décider de quoi ?
Bien sûr, l’autogestion, comme mode de création d’une vie nouvelle, était pour la plupart d’entre nous une découverte. Pratiquée dans les squats ou dans certains collectifs, il nous reste à l’expérimenter sur du plus long terme, en étant de plus en plus nombreux-euses à l’envisager comme moyen et comme fin en soi. Sachant que le pouvoir a vis-à-vis de cette démarche deux intentions qui suivent une même logique, celle de nous mettre des bâtons dans les roues :
utiliser la loi et la force contre nos expérimentations, nécessairement illégales puisque autonomes. Ceci rend l’autogestion et l’autonomie partielles car "précaires", dépendantes du rapport de force mis en place face aux autorités du système duquel nous sommes prisonnier-e-s de toute façon.
nous pousser à pratiquer l’autogestion (ou la cogestion) au sein d’entreprises ou de lieux dépendants du système de manière légale (critères de sécurité, loyer, objectifs restreints / assos, etc.).
Le but est toujours de faire rentrer dans le rang, de nous rendre acceptables et inoffensifs.Des médias et de l’orientation des luttes sociales
Les médias, tentant de fabriquer la réalité, ne cessent de relayer des propos anti-grévistes au moindre blocage. Ce n’est pas nouveau, et cela s’est vérifié lors de ces deux derniers mois. Les journalistes, dans leur grande bonté, donnent la parole au peuple. Mais pas n’importe quel peuple, plutôt celui qui se plaint, celui qui se lamente, celui qui est une victime perpétuelle, celui qui n’a rien à redire des patrons et de l’Etat mais qui ne supporte pas qu’on l’empêche d’aller travailler, celui qui n’envisage pas un seul instant de se placer en solidarité avec les grévistes.Parmi les joies ressenties lors de ce mouvement, il y a eu les rencontres et les forces collectives pendant les émeutes et autres manifs sauvages. Il y a eu les forts bouleversements des rapports sociaux pendant l’occupation de la galerie des amphis ou les blocages de lycées. Il y a aussi eu les joies qui provenaient des différents signes de solidarité, effectués par toutes sortes de personnes, que ce soit pendant les manifestations ou pendant les émeutes... Parfois, des travailleur-euse-s étaient vraiment emmerdé-e-s par certaines formes de blocage, mais il nous paraissait parfois complètement dingue, alors que la ville était le lieu de plusieurs émeutes simultanées, que la vie continue pour certain-e-s comme s’il ne se passait rien de spécial (ce ne fût pas toujours le cas, puisque certains jours, des rues commerçantes entières avaient fermé leurs boutiques préventivement ou en voyant affluer manifestant-e-s et odeurs de lacrymo).
« Le 9 février 1961 à Naples, des ouvriers sortant le soir des usines ne trouvent pas les tramways qui les transportent habituellement, dont les conducteurs ont déclenché une grève-surprise parce que plusieurs d’entre eux viennent d’être licenciés. Les ouvriers manifestent leur solidarité aux grévistes en lançant contre les bureaux de la compagnie divers projectiles, puis des bouteilles d’essence qui mettent le feu à une partie de la gare des tramways. Puis ils incendient des autobus, affrontent victorieusement la police et les pompiers. Au nombre de plusieurs milliers, ils se répandent dans la ville, brisant les vitrines et les enseignes lumineuses. Dans la nuit, on doit faire appel à la troupe pour ramener l’ordre, et des blindés font mouvement sur Naples. »
Internationale situationniste n°7, "Notes éditoriales" (Les mauvais jours finiront), 1962, p.11.On a une fois de plus constaté, lors du mouvement contre le CPE et son monde, que le pouvoir comme les médias ne parlent de nous en termes "positifs" que quand ils nous considèrent comme inoffensifs, comme pour canaliser l’orientation de notre lutte. Quand nous devenons menaçant-e-s, dangereux-euses pour leurs privilèges, pour le statu quo, pour la paix sociale, le discours peut changer du jour au lendemain et nous sommes alors transformé-e-s en "casseurs", "voyous", qui n’avons "rien à voir avec les manifestant-e-s". A partir de là, c’est à nous de faire connaître nos luttes, à nous de créer des médias indépendants et d’intervenir directement le plus souvent possible (par la parole et la rencontre). On nous a trop habitué-e-s à communiquer indirectement (notamment à travers ce texte - nous ne voulons pas dire qu’il faut cesser d’écrire, simplement rappeler que ce qui s’est passé de plus fort lors de ce mouvement a été vécu directement, de vive voix).
Les médias, encore eux, cherchent à décrédibiliser notre lutte en annonçant partout que les grands gagnants du mouvement anti-CPE sont Sarkozy (qui devient le seul présidentiable envisageable pour l’UMP), le PS (la gauche unie profite toujours aux plus pourris) et les syndicats (en particulier la CFDT dont le grand mérite serait d’avoir été présent jusqu’au bout... jusqu’au bout de quoi ?).
Ce que nous savons, c’est que nous ressortons plus déterminé-e-s que jamais de ce mouvement. Ce mouvement, nous le prolongeons, sous d’autres formes. Pendant ces semaines de lutte, d’émeutes, de blocages, d’occupations, nous avons vécu ce que nous choisissions de vivre (dans la mesure ou "choisir" était possible). Nous n’avons pas fait comme on nous a dit de faire. Nous avons rencontré des gens avec qui nous avons des pratiques et des réflexions communes, pratiques et réflexions qui tranchent avec les politiques institutionnelles et électoralistes.
C’est en restant calmes que nous aurions fait "le jeu" de Sarko, du PS et de la CFDT ! C’est à coup sûr en nous calmant que ceux-ci se réjouissent des perspectives électorales de 2007. Pourquoi on resterait calme ?L’autonomie actuelle de nos luttes est forte en ce qu’elle est incontrôlable et agissante.
Tout en restant incontrôlables, nous serions encore plus fort-e-s en étant organisé-e-s en réseaux d’entraide. Restons en contact, continuons d’en créer de nouveaux. Répandons nos désirs.Grenoble, 20 avril 2006
Les enragé-e-s ouvrent le balLes enragé-e-s ouvrent le bal
[1] Notons que la gauche est loin d’avoir le monopole du "participatif" puisque toutes les émissions de télé ou de radio appellent leurs téléspectateur-ice-s ou autiteur-ice-s à "participer" en "intervenant" d’une façon ou d’une autre (poser une question à l’antenne, participer à un jeu, un sondage, un "vote", sans oublier bien sûr tout ce qui touche à la "télé-réalité"). C’est aussi ça la "démocratie participative"..
[2] Et au-delà de la démarche individuelle, penser l’organisation collective de réseaux criminels (au sens subversif du terme) de résistance et d’offensive semble nécessaire, non ?
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Chronique(s) de la lutte contre le CPE, , 18 mai 2006Appel à coordination nationale des collectifs ni cpe ni cdi
Le dernier mouvement qui a été amorcé par le refus du CPE à mis en lumière une crise bien plus profonde. Comme pour la révolte de novembre 2005, les médias ont bien évidement caché l’essentiel : une partie de la population s’oppose à ce système et lutte en dehors du carcan politico-syndical habituel.Pendant le mouvement les syndicats ont une fois de plus joué leur rôle de sabotage social en appelant pas à la grève générale. Depuis 1968 la place de ces syndicats au côté du pouvoir est évident, mais cette fois-ci, ils se sont complètement fait déborder par la spontanéité de la lutte. Des nouvelles méthodes ont été inventé : blocage économique comme en Argentine, appel direct à la grève général auprès des travailleurs, déménagement des ANPE et agences d’intérims... On a vu aussi beaucoup de textes circuler dans toute la France refusant le salariat, la valeur travail et le rapport marchand.
On pourrait dire qu’une tendance « Ni CPE-Ni CDI » a vu le jour spontanément. Pour toutes ses raisons l’ancien collectif Chômeur-Précaire-Etudiant de Toulouse fait un appel à une rencontre nationale auprès de toutes les personnes ayant lutté dans ce sens. Ce sera l’occasion d’échanger ensemble, de débattre et peut être de s’organiser en vue luttes futures.
Cette rencontre aura lieu le Samedi 17 et Dimanche 18 Juin au parc de la Mounéde à Toulouse à partir de 10H à l’occasion du festival L’ATIPIK. Des hébergements seront proposés.
contacter [email protected]
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Sur les émeutes de novembre
dimanche, 2 avril 2006
Quand les banlieues brûlent, ce qui nous détruit calcine !
texte programmatiste (et plus !) trouvé sur Indymedia
Nous proposons ici une analyse des émeutes de novembre 2005. Comme cela est d’actualité aujourd’hui nous tenons à rappeller qu’il est important de ne pas tomber dans le piège que l’Etat nous tend, à savoir nous diviser entre soi-disant "casseurs" et soi-disant "manifestants pacifiques". Nos intérêts fondamentaux sont les mêmes : la lutte totale contre l’Etat, contre le parti de l’ordre.
A propos des émeutes de novembre 2005 en France :
Quand les banlieues brûlent, ce qui nous détruit calcine !
"... Ce qui importe ce n’est pas ce que tel ou tel prolétaire, voire le prolétariat tout entier, se figure comme but aux différents moments. Ce qui importe, c’est ce qu’il est, et ce qu’il doit faire historiquement, conformément à sa nature : son but et son action historiques lui sont tracés de manière tangible et irrévocable (donc définitive et non révisable) dans sa situation d’existence comme dans toute l’organisation de l’actuelle société bourgeoise. Le prolétariat exécute le jugement que, par la production du prolétariat, la propriété bourgeoise prononce contre elle même." "... Pas plus qu’on ne juge un individu sur l’idée qu’il se fait de lui même, on ne saurait juger une telle époque de bouleversement sur sa conscience de soi ; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives et les rapports de production." (Karl Marx, émeutier de 1871)
"... A vous tous qui jugez le cramage de voitures, le cramage des écoles, des abris bus, vous êtes l’ennemi des pauvres, les félons, les fourbes. C’est de solidarité que nous avons besoin, pas de votre morale de petit bourgeois." (Des émeutiers. Le 10/11/05)
SITUATION INTERNATIONALE DE LA LUTTE Si nous avons choisi ici de parler des dernières émeutes de novembre 2005 qui se sont déroulées en France, ce n’est pas par admiration ou apologie des émeutes pour les émeutes mais, plus prosaïquement parce que nous voyons là une des expressions, un des moments, certes contradictoire, mais également plein de vitalité, de la lutte de notre classe sociale : le prolétariat.
Pour nous, la misère sociale n’est pas spécifique à tel secteur du prolétariat ou à telle zone géographique en l’occurrence aux jeunes et/ou chômeurs de telle banlieue. Précisément, cette misère sociale est générale -mondiale- à l’ensemble du prolétariat.
Où que nous habitions, quelles que soient nos conditions de survie, nous subissons tous, à des degrés divers certes, le même rapport social destructeur en tant que n’ayant que notre force de travail à vendre, en tant qu’étant dépossédé de tout par le capitalisme et, avant tout, de notre propre humanité.
Et au delà des différentes allures que peut prendre ce rapport d’exploitation, au-delà des diversités locales, la nature de la lutte, notre lutte, reste la même, au même titre que les objectifs que cible le prolétariat : attaque de la marchandise, de la propriété privée et autres concrétisations de l’état bourgeois (entreprises, magasins, transports, palais de justice, commissariats,...).
Alors que démarrent les émeutes en France, au même moment, le 25 octobre, de violents affrontements secouent l’Oranie algérienne, à Arzew, englobant tous les secteurs du prolétariat et tous les quartiers de la ville. Là aussi c’est la mort d’un jeune manifestant qui a joué le rôle de détonateur. Mais qui a fait le lien ? Qui a assumé la similitude des circonstances et l’identité de la lutte ? Et ces mouvements s’inscrivent dans la longue liste de luttes prolétariennes, bien souvent occultées, qui s’affirment ici et là dans le monde entier. Par exemple, en Chine, rien que pour l’année 2004, des dizaines de miliers de conlits sociaux (74000 selon les chiffres officiels) ont secoué le pays.
Malheureusement, comme similitude aussi, nous subissons de plein fouet la non reconnaissance, par notre classe, par nos frères de chaîne en lutte dans une région, de la lutte d’autres prolétaires dans d’autres zones du monde ! Et pourtant, le prolétariat entier, sur toute la surface de la terre, est concerné par chacune de ces luttes !
Envers et contre toutes les idéologies bourgeoises, nous affirmons que ces luttes sont nôtres, sont l’expression de notre classe.
Le présent texte affirme haut et fort que ce sont nos frères de classe qui se sont battus dans la rue et continuent à le faire !
PAS LE CHOIX !
Contrairement toujours à tous ces idéologues bourgeois, abrutis par la beauté de leur monde pourrissant des sociologues aux plâtriers d’extrême gauche et autres forcenés de la paix sociale- nous ne nous vautrons pas dans un décorticage d’économie politique pour comprendre le pourquoi du comment de nos luttes dans les banlieues de novembre 2005. Car nous affirmons que le prolétariat n’a pas d’autre choix que d’abattre le capitalisme, l’ensemble de cette société de merde ! Il n’y pas de porte de sortie, il n’y a pas de choix pour nous tous, prolétaires, sinon de faire ce que nos frères de classe dans les cités ont fait : tout foutre en l’air, point barre ! Sans tortiller du cul.
Non, nous ne décortiquerons pas cette réalité que nous vivons tous, parce que cette réalité, nous la connaissons tous, et parce que nous nous adressons ici à nos frères de classe, à nos camarades, à des prolétaires, c’est à dire à tous ceux qui s’unissent et s’affirment comme une force vive d’opposition pratique à la propriété privée. Une force qui renaît de ses cendres à chaque fois que nous prolétaires, que nous soyons jeunes, chômeurs, étudiants, ouvriers précaires ou non,... nous nous mettons ensemble à nous révolter contre l’Etat bourgeois.
C’est la dépossession totale de nos vies, dans chacun de nos actes, opérée par cette société, c’est l’absence totale de tout avenir sous les auspices de cette société, qui sont à l’origine de cette lutte et de la violence de ses actes.
Pas plus, nous ne sombrerons dans des prétendues classifications des prolétaires émeutiers, car contrairement aux bourgeois qui aiment nous dire "immigrés", "banlieusards", "RMIstes", "musulmans", etc... c’est à dire à nous empoisonner avec des considérations ethniques, raciales, géographiques, sectorielles, religieuses, etc... nous affirmons, paraphrasant la Commune de 1871 : "c’est la racaille ? Eh bien, j’en suis !". Oui, mille fois oui, les casseurs, les cailleras, les sauvageons... sont le prolétariat dans ce qu’il a de plus intense, de plus beau : la haine totale, la rage totale contre cette société ! En novembre 2005, la multiplication des foyers émeutiers et la rapidité de l’extension géographique de la lutte exprime que, dans les actes, il y a eu un dépassement des divisions raciales, religieuses, des rivalités de quartiers, etc.
* * * * *
Les prolétaires en lutte dans les cités ont affirmé cela clairement, ils l’ont craché à la face de la bourgeoisie : aucune négociation démocratique, aucune revendication, sinon celle, saine et humaine, révolutionnaire en somme, de la mise à mort brutale de cette société !
Et c’est bien là ce qui désespère l’ennemi bourgeois !
Et ce qui désespère bien plus les amoureux de cette société de merde, c’est la violence de classe qu’ont manifestée ces prolétaires. Aux idiots utiles qui narguent notre lutte en prétendant que nos émeutes ne contiennent aucun programme, nous répliquerons que la violence de classe avec laquelle ont renoué nos frères contient le seul programme qui soit digne de ce nom : la destruction du capitalisme par la révolution. Et la révolution se fait par la violence ! Et si la violence est fulgurante, c’est bien parce que nous n’avons que trop tardé à l’employer dans son essence la plus acerbe, c’est-à-dire comme critique finale de ce monde marchand ! Cette violence est inéluctable, c’est une réponse de classe face à la violence du Capital.
Car ce qui s’est passé dans les banlieues en novembre 2005, en France, est et reste une révolte contre l’Etat bourgeois, contre les expressions de cette société de merde, le capitalisme.
Et l’Etat ne s’y est pas trompé !
En mobilisant 12000 flics et gendarmes sur tout le territoire dont quelques 3000 mobilisés sur Paris et sa banlieue pour le seul week end du 11 novembre ! En arrêtant à tour de bras : 4770 interpellations, dont la moitié après la fin de émeutes, débouchant sur 4402 gardes à vue. En frappant de peines sévères les émeutiers pris dans les filets de la répression : 763 prolétaires ont été écroués, dont plus d’une centaine de mineurs (118), le plus jeune étant âgé de 10 ans. 135 informations judiciaires ont été ouvertes. En mettant en place de nouvelles réformes pour nous faire taire. En établissant l’Etat d’Urgence, après les couvre feux instaurés dans sept départements, visant une quarantaine de communes.
Face à ceux qui nous immolent sur l’autel du profit, qui nous emmurent vivant dans les taules ou les hôpitaux psychiatriques, qui nous forcent à produire de la merde en continu et à l’ingurgiter aussi sec, qui nous consolent de maladies qui deviennent héréditaires, de médicaments débilitants et jeux imbécilisants, et qui nous assassinent, tout simplement, sans état d’âme aucun, face à eux, notre seule réponse est : MORT A VOTRE SYSTEME !
C’est la critique par les armes, Messieurs les amateurs de subtilités philosophiques. C’est prendre le mal à la racine !
Non, nous ne voulons pas d’un monde qui nous châtre, et nous ne voulons surtout pas d’unique perspective d’avenir, et de devenir, qu’une société assurant plus ou moins proprement notre exploitation, dans le cadre, ô combien perfectible, de la rayonnante démocratie ! Nous n’en avons, d’ailleurs, jamais voulu !
La lutte du prolétariat dans les banlieues (étymologiquement : zones de bannissement) est une tentative d’offensive, avec des forces et des faiblesses, certes, visant à abattre ce monde. Elle a été dirigée d’abord vers ce qui affirme la présence de l’Etat, l’économie marchande, la propriété privée !
Cette lutte dans les cités est en phase avec certaines des luttes actuelles les plus notables de notre classe, parce qu’elle porte en elle le projet d’abolition de ce monde, et parce qu’elle contient les limites précises de tout projet qui ne parvient pas à se développer dans la durée, en se donnant des perspectives. Et c’est précisément notre propos ici, d’affirmer que nous ne voulons pas que nos luttes restent des traînées de poudre !
Nous affirmons que ces luttes dans les banlieues sont en phase avec les autres expressions de notre classe partout dans le monde, que ce soit celles qui secouent ce pays de merde ces dernières années, comme celle de Moulinex (où nous avons mis le feu à un bâtiment de l’usine), d’ACT à Angers, en janvier 2003 (où nous avons brûlé des produits finis), de Cellatex à Givet, dans le Nord (où 5000 litres d’acide furent déversés dans un affluent de la Meuse) ou encore de Daewoo, dans l’Est (où cette usine est partie totalement en fumée) ou celles qui secouent d’autres régions du monde comme l’Algérie, la Bolivie, l’Iran, l’Argentine, l’Irak, etc.
Les émeutiers de novembre 2005 ont marqué un pas qualitatif important, parce qu’ils ont montré qu’il nous faut brûler aussi les illusions démocratiques qui nous gangrènent encore dans nos actes de lutte, en clair : que le seul avenir possible est celui de la révolte intransigeante, sans aucune illusion sur ce monde et ses ardents défenseurs !
Dans la lutte, notre classe tend à perdre ses illusions démocratiques et cherche à instaurer un rapport de force, de classe, contre l’ennemi bourgeois, en dehors et contre toutes médiations démocratiques. Mais dans nos pratiques de lutte même, dans nos paroles, dans nos attitudes et dans nos habitudes, il reste une grande part de cette merde qui nous rattache à cette société, dont nous sommes socialement autant les actuels reproducteurs que les futurs fossoyeurs. Nous avons du mal à sortir des chemins tout tracés de la contestation pacifique, nous avons du mal à piller, à saboter, à détruire parce que nous avons encore trop en nous le respect de la propriété privée et des institutions bourgeoises.
Nous avons du mal à nous reconnaître commme prolétaire, cmme classe, à rompre avec le fatalisme hérité de la paix sociale, de la contre révolution. Combien des nôtres laminés par le quotidien, cassés dans leurs luttes, éliminés, massacrés pour faire admettre à nos enfants la logique impitoyable de ce monde ? Nous qui, dans nos mouvements présents dans les écoles, les postes, les transports en communs et les docks de Marseille, etc. nous nous laissons engluer le cerveau par les projets de réforme de l’Etat et tergiversons sur le bon aloi de tel vote de telle réforme du Code Pénal, du Code du Travail, de la Sécurité Sociale, de l’immigration, etc. Nous qui nous étonnons de nous prendre sur la gueule le GIPN (flics d’élite) comme les postiers du CTC de Bègles ou le GIGN (gendarmes d’élite) et les FUMACO (commandos de marine) comme les marins de la SNCM de Marseille, nous ferions mieux de réfléchir à comment nous organiser contre la répression à laquelle s’expose chacune de nos luttes !
Les émeutiers de novembre 2005 donnent une bonne leçon à tous ceux qui rêvent d’ébranler l’ordre établi mais qui n’osent pas s’y risquer.
Parce qu’elles rompent avec les protestations orchestrées par ces agents de la bourgeoisie au sein du prolétariat que sont les syndicats, les douze nuits d’incendie social auront d’autant plus fait mal à la bourgeoisie et développé la réponse immunitaire du prolétariat face à tous ceux qui essaient de le gangréner de leurs saloperies.
Oui ! Les prolétaires émeutiers de novembre 2005 ne revendiquent rien ! Ou mieux dit, ils ont transformé la revendication en attaque frontale de leur propre condition de classe. Ils se torchent le cul avec le "devoir républicain !" Ils ont attaqué tout ce qui les définit socialement et les produit :
Les flics (217 blessés) : parce que ce sont des flics, bordel ! et qu’ils assassinent les plus pauvres d’entre nous, qu’ils tabassent les grévistes et les manifestants. Rares sont les quartiers qui ne pleurent pas un des leurs, assassiné par ces cerbères là ! Les pompiers, dont certains sont rattachés au corps de l’armée, parce qu’ils sont intervenus contre notre lutte, entre autres, en éteignant les incendies que nous avons allumés ! Les jounaflics, parce que ce sont des balances, des indicateurs, parce qu’ils racontent des saloperies sur nos luttes ! Les institutions scolaires : parce que l’école c’est ce moule dans lequel on coule chacun de nos gosses pour leur inculquer l’acceptation de la société bourgeoise dans sa globalité, parce qu’on les y prépare à être de bons petits producteurs et reproducteurs de la force de travail : disciplinés, obéissants... (92 collèges touchés sur un total de 5200/49 lycées sur 2500/106 écoles sur 5100) Les éducateurs sociaux, de rue, de proximité, de ce que vous voulez, parce que leur fonction sociale c’est de nous transformer en bons citoyens, en privilégiant la conciliation, en tempérant les conflits, en nous faisant la morale, en nous faisant accepter n’importe quel taf de merde payé des clopinettes, en nous pacifiant, certains allant jusqu’à balancer aux mairies les noms des fauteurs de trouble ce qui veut dire, entre autres choses, suspension des allocations.. En les frappant et les dépouillant, les émeutiers ne s’y sont pas trompés ! Les sociétés de transports en commun : parce que pour nous trimballer comme du bétail, des temples du commerce ou des bagnes salariaux à nos clapiers, ils inondent leurs réseaux de vigiles, de contrôleurs zélés et autres agents de médiation qui exigent qu’on dise bonjour au conducteur, qu’on paye son voyage, qu’on soit sage, qu’on ne dégrade rien, qu’on ferme notre gueule... (140 bus caillassés en région parisienne, dont 10 bus attaqués par des cocktails Molotov, soit 5 millions d’euros de dégâts !). Tous ceux qui gèrent notre misère dans ces clapiers que sont les cités, du genre syndicats de co locataires, parce que ces gens là balancent aux flics n’importe quel prolo qui "tient les murs" dans un hall... Ces entreprises, installées en zone dite franche (exonérées d’impôts en échange de créations d’emplois dans les quartiers et qui embauchent ailleurs). En région parisienne, une centaine d’entreprises ont été touchées. Des médiathèques, des bibliothèques, ces hauts lieux de la culture bourgeoise qui se donnent comme mission de préparer les futurs citoyens de demain ! Des gym nazes (plus de 14 millions d’euros de dégâts !) : parce que c’est là qu’on y fait suer notre rage de classe ! Des commerces et autres temples de la marchandise (74 bâtiments privés touchés). Des bureaux de Poste (51 établissements touchés, une centaine de véhicules incendiés), des centres EDF, des Mairies, etc. 233 bâtiments publics, en tout, atteints. Les bagnoles des autres prolos, parce qu’elles sont à la fois le symbole de la réussite sociale à laquelle ils n’accéderont jamais et l’âme vivante de ce qui enchaîne le prolétaire à son travail, de cette ordurière respectabilité ouvrière ; c’est la bagnole pour les loisirs de merde, pour consommer et pour turbiner !
Tant que nous n’aurons pas compris tout cela, la bourgeoisie nous tiendra solidement par les couilles, et nous nous époumonerons toujours à défendre tout ce qui nous corsète dans la dépendance économique, le travail salarié, tout ce qui nous maintient enchaîné jour après jour par le biais des illusions démocratiques que suppure cette société. Une des forces de la démocratie : c’est de nous faire croire que la manière dont ce monde est structuré est la seule possible.
FORCES ET FAIBLESSES
Il s’agit ici de tenter d’articuler le rapport entre les forces (puissances) et les faiblesses (impuissances) du prolétariat durant ces émeutes.
Au delà de sa rage dévastatrice, ce mouvement est intéressant à plus d’un titre :
De par ses objectifs/ses cibles : comme nous l’avons relaté plus haut, les émeutes ont visé les institutions organisant le travail et la répression au quotidien, enluminant le monde de la marchandise et consolidant la paix sociale... Pour informations, les dégâts ont été chiffrés à 200 millions d’euros, dont seulement 23 pour les bagnoles cramées, ce qui relativise le bourrage de crâne médiatique international qui a saturé les reportages de bagnoles incendiées pour créer une opinion publique offusquée, décourager les élans de solidarité et empêcher que les prolétaires d’ailleurs se reconnaissent dans les objectifs autrement plus larges du mouvement.
De par son extension géographique : 25 départements touchés (environ 300 communes) sur les 96 que compte le pays. Voilà un aspect nouveau comparativement aux mouvements de lutte antérieurs. Les émeutes de novembre 2005 expriment un saut de qualité parce qu’elles dépassent, dans une certaine mesure, le localisme, limite castratrice qui est une caractéristique de beaucoup de luttes actuelles du prolétariat
De par son cadre organisationnel : actions commandos ciblées opérées par des groupes invisibles, extrêmement mobiles et efficaces, refusant la confrontation directe avec les flics ; rejet quasi global de montrer son visage aux médias ; tentative certaine de s’organiser efficacement ; tentative de développement géographique, même l’extension de ces luttes s’est plus produite comme le feu qui prend de l’ampleur dans les herbes sèches, fabrication en série de cocktails molotov comme à Evry (banlieue parisienne) où un atelier pourvu de plus de 150 bombes incendiaires a été découvert...
En cela, cette lutte rompt avec les diverses manifestations de ras le bol qui ont secoué les banlieues ces 25 dernières années. Qui se souvient des Minguettes, de Vénissieux, dans la banlieue de Lyon, en 1981, luttes dévoyées et cassées habilement par le Parti Socialiste en Marche des dits "Beurs" et transformées en 1983 avec comme "objectif raisonnable" l’égalité des droits puis, en Convergence 84 avec pour emblème les mobylettes, parce qu’elles marchent au mélange ? Qui se souvient de Vaulx en Velin en 1990 et de Sartrouville et Mantes-la-Jolie en banlieue parisienne, un an après ? Qui se souvient de la ZUP de la Petite Hollande, à Montbéliard, en juillet 2000, qui finit par secouer tout le département ?
Les illusions démocratiques de Citoyenneté et d’Egalité de chances ou d’Etat Providence, et autre foutaise "d’ascenseur social" en ont pris un coup ! Les prolétaires ont senti dans leurs tripes que la bourgeoisie les écrase de son mépris et ne prend même plus des pincettes pour les assigner à leur rôle de producteur de valeur. Que ceux qui ne courbent plus l’échine au travail, crèvent ! Et le cynisme verbal d’un Sarkozy n’en est que plus explicite..
Le mouvement en France est en cela à l’image des émeutes des banlieues qui secouèrent l’été anglais de 1981, en riposte aux plans d’une Thatcher (dont Sarkozy reste la pâle copie) qui cherchaient à répondre aux besoins du capital par les licenciements massifs, de nouvelles taxes et des restrictions des allocations sociales.
Mais, s’il est important de souligner les forces de cette lutte comme nous venons de le faire plus haut, il est également capital de définir les verrous qui ont bloqué son extension et l’ont mise en veilleuse.
Au lieu de larmoyer avec les pleureurs habituels sur la nature des dégâts, qui chialent devant le massacre de leur monde de merde (c’est dire combien ils y tiennent) comprenons d’abord pourquoi les émeutiers ont agi ainsi et ce, à tous les niveaux. Dans quel univers sont ils nés ? Analysons cela pas seulement sous l’aspect de la misère sociale, affective, etc... mais aussi sous celui de la rupture d’avec la génération passée, celle de leurs parents qui ne leur ont bien souvent transmis que la défaite, ne leur ont transmis aucune tradition de lutte, aucun repère classiste. Le prolétariat, sa solidarité, sa force collective, sa mémoire, son sentiment réel d’appartenir à un même corps, c’est quoi pour eux ? Situons cette lutte dans son époque, c’est à dire celle où se succèdent en série des défaites prolétariennes se traduisant par une déliquescence des critères de classe et des liens prolétariens, à une époque où l’individualisme le plus crasse prend le pas sur la communauté de lutte. Comprendre ceci, c’est aussi situer le niveau atteint par la lutte de novembre 2005 sur le plan de sa conscience -sa propre compréhension de ce qu’elle est, son identité de classe et dans quoi elle s’ancre historiquement- oui, de sa capacité à se comprendre elle même, et de voir où elle va.
Nous constatons effectivement qu’elle n’a pas su où elle allait après avoir critiqué la soi disant société de consommation par la consumation ! Tout est parti en fumée,... et après ? Ce constat demeure bien plus dramatique que quelques bagnoles cramées de prolos qui ne sont pas descendus dans la rue prêter main forte à ceux qui affrontaient les flics. A nous de comprendre la raison fondamentale de la non extension de la lutte à l’ensemble des secteurs de notre classe et au-delà des banlieues, et qui l’a empêché de dépasser les limites d’un vaste brasier.
Et là nous devons invectiver ce pauvre imbécile de prolétaire qui ne se reconnaît pas dans cette révolte, qui reste rivé devant sa télé trépanatoire, sa lampe magique, pendant que sa caisse est immolée au dehors ! Ou ces parents qui s’apitoient sur l’état de "leur" école, critiquée par les flammes, apeurés de ne savoir comment l’état parviendra à bourrer le chou de leur progéniture de mensonges et à la domestiquer !
Si l’ordre bourgeois perdure, ce n’est pas seulement en raison de l’exploitation de notre classe par la bourgeoisie, c’est aussi parce que la bourgeoisie parvient à s’associer des prolétaires à la défense de son propre projet, de ses propres infrastructures destinées à nous encadrer, nous pacifier, nous diriger, telles les crèches dont la fonction essentielle est de permettre aux parents d’aller produire, de cracher de la valeur et aussi d’apprendre à leur prole (leurs enfants) les règles de vie de cette société de merde !
Lorsque des prolétaires défendent "leur" école, "leur" crèche, etc... cela signifie fondamentalement qu’il n’y aura pas de saut qualificatif dans la lutte. Au lieu de s’associer et renforcer la lutte, ils défendent leur boutique afin que l’économie continue de fonctionner.
Ces saloperies sans nom d’écoles, de crèches, etc. sont là pour que nous puissions aller vendre notre force de travail. C’est tout. Et si les prolétaires les ont ciblées, c’est qu’ils ont tapé sur tout ce qui les faisait gerber instinctivement (l’instinct du prolétaire, le sauvage dans la cité qui fait tant frémir les civilisés !) et consciemment.
La transformation qualitative du mouvement viendra le jour où les contemplateurs de la lutte, menée par leurs frères, seront forcés, par les attaques du capital, à se relever, quitter leur télé, sortir leur nez des torche culs bourgeois avec lesquels ils se bouchent les oreilles et se chloroforment l’esprit ! Le prolétaire indigné de voir les bagnoles cramer etson merdique quotidien bousculé, rejoint en cela le parti de l’ordre.
Hé ! L’émeutier ! Tu crames ma bagnole ! Mais comment vais je aller au chagrin ? Hé ! L’émeutier ! Tu crames l’école, la crèche ! Mais comment vais je caser les bambins pour aller au turbin ! Hé ! Le routier ! Tu bloques les routes ! Mais comment vais je pouvoir faire le plein d’essence ? Hé ! Le cheminot ! Tu fais grève ! Mais comment vais je me déplacer pour aller skier ? Hé ! Le traminot ! Tu bloques les trains ! Mais comment vais je pouvoir aller faire les soldes ?
Voilà ce qui fait que chacun ne se reconnaît pas dans la lutte de l’autre et, surtout, fait que celui qui ne joint pas la lutte défend sa petite vie misérable de citoyen, amoureux de la consommation et des objets marchands !
Le capital est arrivé à tellement bien compartimenter, cloisonner les secteurs du prolétariat que chacun se croit différent de l’autre. Que dire de cette division au niveau international !
Se solidariser avec le mouvement de novembre 2005 c’est le reconnaître comme de notre classe, c’est trancher dans le lard d’avec toutes les saloperies déversées dessus par la bourgeoisie !
Une extension de la lutte signifie obligatoirement un saut qualificatif. Sortir des banlieues et faire le lien avec les autres luttes, au-delà des frontières géographiques et sectorielles. Ceci implique vouloir, penser cette extension et l’organiser à un niveau plus conséquent. Ceci implique élargir les contacts, tisser des liens, organiser la continuité. Ces ramifications multiplient les possibilités d’attaque du monde de la marchandise sur tous les fronts : non seulement brûler des marchandises, mais en bloquer la circulation, en saboter la production, s’opposer à tout ce qui protège la propriété privée,... multiplient les possibilités de se réapproprier les marchandises et de les utiliser pour répondre aux besoins de la lutte, attaquant ainsi le fondement de la dictature de l’argent, de la bourgeoisie, de l’Etat capitaliste.
LE PARTI DE L’ORDRE
"Pendant les journées de juin (NdA : de 1848), toutes les classes et tous les partis s’étaient unis dans le parti de l’ordre en face de la classe prolétarienne, du parti de l’anarchie, du socialisme, du communisme. Ils avaient "sauvé" la société des entreprises des "ennemis de la société". (Karl Marx, 18 brumaire)
Ah ! Les salauds ! Il leur aura fallu peu de temps pour montrer leur vrai visage. A chaque fois que nos luttes secouent la pétaudière bourgeoise, tous ces cancrelats qui se soucient de notre cher petit bien être sous le joug de l’esclavage salarial, qui nous aiment serviles, responsables, respectables, c’est à dire citoyens, foncent se réfugier dans leurs trous pour frémir de terreur et demander à leur maître bourgeois : l’ORDRE ! Que règne encore et toujours la terreur bourgeoise !
Et nous sommes heureux que, devant la montée de la violence prolétarienne, tous ces gens aient jeté, ensemble, tous confondus, leurs masques, pour nous faire taire, en réclamant des mesures expéditives ! Ils font l’unanimité sur la défense de ce monde face à notre rage dévastatrice !
Mais le Parti de l’Ordre c’est aussi les citoyens défendant leur école et autres lieux d’encadrement du prolétariat, même si ici nous mettrons plus l’accent sur les forces politiques organisées. Car force est de constater que l’ensemble du prolétariat ne s’est pas reconnu dans ces émeutes. Qui d’entre nous n’a pas entendu ses "collègues" de taf vomir sur les enragés des cités ? Peu d’entre nous y ont vu le ras le bol des mesures d’austérité joyeusement pondues par l’Etat bourgeois ces dernières années.
Et comme d’habitude, certains prolétaires ont joué le rôle de larbins zélés des bourges en réclamant à l’Etat l’intervention de l’armée, l’emprisonnement inconditionnel de tous les émeutiers. Ces abrutis totaux, ces esclaves dévoués ne font rien d’autre que réciter en choeur et mettre en pratique l’appel enragé d’un Chirac ré exigeant, dès le 6 novembre, l’impunité zéro, comme il l’avait déjà promis lors de sa campagne présidentielle en 2002.
Nous les désignons clairement comme des cerbères du Capital. Au même titre que ces acteurs, sportifs, comiques et autres bouffons contemporains, à la tête desquels l’apparatchik Djamel Debouze, appelle à juguler toute saine colère prolétarienne par les urnes ! Au même titre que ces 200 moutons bêlants de Grigny (banlieue Sud parisienne), petite ville particulièrement combative au rang des émeutes (50 flics blessés), réunis en une "Chaîne de solidarité" condamnant "fermement ces actes intolérables" et appelant : "tous les jeunes de Grigny quel que soit leur sentiment de colère parce qu’ils se sentent, à juste titre, exclus de la société et qui ont pu en venir à des actes de violence, à revenir au calme... L’heure doit être au rassemblement pour changer les choses dans la dignité. Associations, habitants, employés communaux et élus, nous nous sommes mobilisés pour nettoyer les classes qui ont fait l’objet de dégradations afin que nos enfants puissent retourner normalement dans leur école et pour protéger tous les bâtiments publics. Nous appelons chaque habitant de Grigny qui le souhaite à donner un peu de son temps pour former une grande chaîne de solidarité citoyenne en appelant la mairie".
Alors, du coup, ces sycophantes politiques nous ont pondu ça, cette perle qu’on aurait pu signer, le petit doigt sur la couture : Travail, Famille, Patrie :
"Appel unitaire pour la manifestation du 16 novembre à Paris. Non au régime d’exception, pour une urgence sociale.
On ne répond pas à une crise sociale par un régime d’exception. La responsabilité fondamentale de cette crise pèse, en effet, sur les gouvernements qui n’ont pas su ou voulu combattre efficacement les inégalités et discriminations qui se cumulent dans les quartiers de relégation sociale, emprisonnant les habitants dans des logiques de ghettoïsation. Elle pèse aussi sur ces gouvernements qui ont mené et sans cesse aggravé des politiques sécuritaires stigmatisant ces mêmes populations comme des nouvelles "classes dangereuses", tout particulièrement en ce qui concerne la jeunesse des "quartiers." Nous n’acceptons pas la reconduction de l’état d’urgence. Recourir à un texte provenant de la guerre d’Algérie à l’égard, souvent, de français descendants d’immigrés, c’est leur dire qu’ils ne sont toujours pas français. User de la symbolique de l’état d’urgence, c’est réduire des dizaines de milliers de personnes à la catégorie d’ennemis de l’intérieur. Au delà, c’est faire peser sur la France toute entière et sur chacun de ses habitants, notamment les étrangers que le gouvernement et le président désignent déjà comme des boucs émissaires, le risque d’atteintes graves aux libertés. Le marquage de zones discriminées par l’état d’urgence n’est pas conciliable avec l’objectif de rétablissement de la paix civile et du dialogue démocratique. Nous n’acceptons pas le recours à des procédures judiciaires expéditives voire à une "justice d’abattage" alors qu’en même temps la justice prend son temps pour élucider les conditions dans lesquelles sont morts Bouna et Zied à Clichy sous Bois. Restaurer la situation dans les "quartiers" et rétablir le calme, c’est d’abord restituer la parole à leurs habitants. Des cahiers de doléances doivent être discutés, ville par ville. C’est ensuite ouvrir une négociation collective pour mettre en oeuvre des actions de rétablissement de l’égalité : ceci implique l’adoption d’une véritable loi de programmation et que cessent les mesures de saupoudrage ou pire encore les marques de mépris comme la stigmatisation des familles ou la transformation de l’apprentissage en mesure de relégation scolaire précoce. Une solidarité nationale authentique doit être au rendez vous de la reconstruction du tissu social dans les banlieues. C’est, surtout, mettre en oeuvre, dans la réalité, une réelle politique nationale de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits. Nous affirmons qu’il y a là une véritable urgence nationale : il faut substituer à l’état d’urgence policier un état d’urgence sociale ; Nous appelons à se réunir le mercredi 16 novembre à 18h30, place Saint Michel à Paris pour dire notre refus de ce régime d’exception et pour exiger une autre politique".
Les signataires de cet appel ignoble réunissent toute la gauche habituelle jusqu’aux "anarchistes" en mal de visibilité spectaculaire, un beau panier de crabes où l’on retrouve pêle mêle : la FA, la CNT parisienne, bras dessus bras dessous avec LO, la LCR, le PCF, et le MJS (dont il faut rappeler que cette organisation des jeunesses socialistes fait partie intégrante du PS, parti favorable à l’état d’urgence dés le départ ! ! ) en passant par les raclures de chiottes d’ATTAC, du Syndicat de la Magistrature, etc.
Quelle déclaration enflammée et quel poème d’amour à la gloire du Capitalisme !
Cet appel, absolument immonde, définit clairement le programme contre révolutionnaire de ces organisations qui réclament à cor et à cri le retour à l’Ordre bourgeois, le règne de la terreur blanche du capitalisme, sa pérennité absolue. Cet appel n’est rien d’autre que le calque de Chirac, qui, le 2 novembre, déclarait : "Il faut que les esprits s’apaisent. Il faut que la loi s’applique fermement dans un esprit de dialogue et de respect.... Nous devons agir en nous fondant toujours sur les principes qui font notre République : chacun doit respecter la loi ; chacun doit avoir sa chance.... Il faut aller plus vite encore en associant action immédiate sur le terrain et développement du dialogue."
Chacune de ces paroles entonne le chant contre révolutionnaire habituel pour écraser la révolte prolétarienne dans l’oeuf ! Elles exigent la défense inconditionnelle de l’ordre bourgeois. Elles nient les classes sociales. Elles exigent le respect de la loi, des valeurs et des principes du capitalisme. Elles forgent le glaive qui cherche à percer ce coeur qui bat en chacun de nous, camarades ! Ce coeur qui est celui de la révolution sociale mondiale ! Elles cherchent à décapiter notre mouvement et à nous replonger tous dans la plus sombre des misères, la plus triste des désespérances.
Comme nous le voyons les anarchistes de la FA et de la CNT ne sont pas les plus timides à dénoncer la lutte et à se ranger du côté de l’état. Il s’agit bien ici de ces anarchistes bourgeois qui n’ont rien à voir avec ces militants révolutionaires qui ont lutté, revendiquant le drapeau de l’anarchisme. Entre les uns et les autres il y a un fossé de classe. Les premiers ne font que reproduire la contre-révolution social-démocrate tandis que les autres, bien que reproduisant quelques confusions sur la question de l’état, font partie de notre classe. Quant aux idéologues bourgeois qui se disent anarchistes, il ne s’agit pas de critiquer leur manque de clarté sur la question de l’état vu ils en sont de parfaits défenseurs.
A ce propos, nous reprenons un texte anonyme datant de 1980, qui dénonçait la pratique des anars bourgeois : "Sérieux et raisonnables, les anarchistes se sont toujours employés partout où ils le purent à torpiller inconsciemment ou non, mais avec énergie et dévouement, les luttes sociales afin qu’elles ne débouchent surtout pas sur le terrain "irresponsable et extrémiste" de l’auto organisation révolutionnaire du prolétariat contre le capital et l’état. Verbalisme d’apparence anti étatique allié à une pratique social démocrate classique ; telle est la carte d’identité de l’anarchisme."
Mais, continuons donc dans les citations puantes pour clairement identifier nos ennemis historiques, puisque ces chiens gras ont tous hurlé ensemble à l’hallali sur nos luttes :
Lutte Ouvrière (du 18 novembre 05 de son organe officiel) appelle l’Etat à prendre toutes les mesures qui ressusciteraient la classe ouvrière d’antan pour conjurer la "violence aveugle", tout en appelant "les vrais ouvriers" (son électorat et ses militants : cadres, fonctionnaires zélés, flics sociaux, etc...) à s’interposer "entre voitures incendiées et occupation policière." Puis, dans l’édito des Bulletins d’entreprise de Lutte Ouvrière : "C’est pourquoi, lorsque les jeunes s’en prennent aux pompiers en tant que représentants de l’autorité, cela ne montre pas une bien grande conscience !"
Voilà bien qui montre la continuité de l’attitude méprisante, léniniste de ces trotskistes, importateurs de la conscience ouvrière !
Nous, prolétaires, nous ne sommes pas oublieux que déjà en 1981, dès que les banlieues se sont embrasées, LO écrivait à propos des flics de proximité : "la disparition de la peur du gendarme transformerait les rues en jungle, et à la limite, il ne serait plus possible de sortir sans son revolver personnel (...) La police N’EST PAS SOUVENT LA le soir dans les couloirs du métro, JAMAIS là dans les rues sombres de banlieue, dans les cités, dans les gares. Cette fonction de protection, la police l’assure de moins en moins (...) ".
A ce joli petit couplet sur les flics de proximité, rajoutons ce dernier élan d’amour pour la Maréchaussée, parue dans le n ?662 de Lutte Ouvrière : "Si le but de la police était réellement de protéger la population, elle serait dispersée parmi elle. Les policiers seraient effectivement des îlotiers, comme le revendique le PCF, connaissant chacun bien dans son quartier, présents là où des agressions risquent de se commettre, là où la population se sent en insécurité. Cela reviendrait à une plus grande surveillance de la population par la police ? Cela dépend de ce que l’on entend par là. En l’occurrence, ce serait bien plus l’inverse qui serait vrai : un policier en fonction dans le quartier où il habite (...) pourrait difficilement se désintéresser des problèmes qui se posent (...) Il aurait intérêt à être bien vu pour que ses fonctions soient vivables. Il est facile de passer à tabac un jeune ou un immigré dans un commissariat (...) Il est plus difficile de le faire dans son propre quartier, dans sa rue, sous les regards de ses voisins."
C’est y pas beau ça ? Ceux qui ne comprennent toujours pas que LO est un chien de garde sanglant du Capital sont des abrutis notoires, ou des petits soldats aux ordres !
Mouvement Communiste (Lettre n ?19, de décembre 2005) bêle pacifiquement, globalement sur le même ton que LO : "En l’absence de tout message ou revendication émanant explicitement des émeutiers, force est de s’en tenir aux actes pour essayer d’apprécier la situation. Des milliers de véhicules ont été livrés aux flammes dans les mêmes quartiers d’où sont issus les émeutiers ; des écoles ont été prises d’assaut ; des salles de classe détruites ; des pompiers, des travailleurs des transports publics et des prolétaires isolés ont été dépouillés et, parfois, sauvagement attaqués. Un aspect de ces événements aura été de concentrer en peu de temps ce qui se passe d’habitude aux mêmes endroits toute l’année. Ces faits déplorables ne se sont pas déroulés en marge d’un mouvement aux objectifs et aux formes de lutte différents et compatibles avec la lutte indépendante du prolétariat. Malheureusement ils ont représenté l’essentiel de actes recensés. C’est pourquoi nous considérons que ces faits sont dépourvus d’un quelconque fondement politique de classe." (Souligné par eux) Bêêêê ! !
Le Parti Chauvin Français (PCF), ces staliniens de toujours, le dimanche 6 novembre, hurle, quant à lui, bien plus explicitement aux loups : "La propagation des actes de violence est insupportable pour les populations concernées. L’ordre doit être rétabli. Il y a urgence à prendre un ensemble de mesures permettant de mettre un terme à une évolution de plus en plus dangereuse. La sécurité de tous ne peut être rétablie par l’acceptation de l’escalade de la violence..."
Puis, le 7 novembre, la palme de clarté revient au député maire stalinien de Vénissieux, qui, écrivant à Chirac, nous pond cette diarrhée : "Je souscris à vos propos pour rétablir l’ordre. La société française est en dérive. La République est menacée. On voit poindre des germes de guerre civile. Il n’y a pas hésiter : rétablir l’ordre est la priorité. Tous les responsables politiques, de gauche comme de droite doivent parler de la même voix. L’heure est au rassemblement républicain pour éradiquer la gangrène, la barbarie, la sauvagerie. Il faut en finir avec le pourrissement social et moral, terreau de la haine et de la violence."
Le message est clair, il suinte la haine farouche et sanguinaire du prolétariat qui se révolte, et nous rappelle l’appel aux massacres des communards de 1871 !
Les infâmes suprêmes du CCI (Cerbères Capitalistes Ignobles) dans un texte paru sur leur site, larmoient sur le caillassage des pompiers : "De même, les blessures infligées aux pompiers, des personnes dont c’est la profession de secourir les autres, souvent au péril de leur vie, ne peuvent que choquer." puis, plus loin, dans le texte, pontifient : "(...) ce qui se passe en ce moment en France n’a rien à voir avec la violence prolétarienne contre la classe exploiteuse : les principales victimes des violences actuelles, ce sont des ouvriers. Et au delà de ceux qui subissent directement les conséquences des dégâts provoqués, c’est l’ensemble de la classe ouvrière du pays qui est touché : la battage médiatique autour des événements actuels vient occulter toutes les attaques que la bourgeoisie déchaîne en ce moment même contre les prolétaires, de même que les luttes qu’ils essaient de mener pour y faire face. (...) Les jeunes qui brûlent des voitures comme les ouvriers ne peuvent tirer rien de positif de la situation actuelle. Seule la bourgeoisie, peut, d’une certaine façon en tirer un avantage pour le futur."
Ces divers appels sont avant tout les fruits d’une pratique historique contre révolutionnaire, ce sont des positions/des pratiques indécrottables de défense de l’ordre bourgeois qu’ont toujours eues ces groupes, partis, associations et syndicats, elles sont inscrites en ligne droite dans une continuité historique, celle de la contre révolution qui cherche à nous briser les reins, et, comme on l’a vu, dans la rue, lors de la manifestation du fameux 16 novembre, où tous ces gens là, tous ces défenseurs ardents de la démocratie, donc de l’état bourgeois, ont réclamé devant le Sénat, pacifiquement et en bon ordre, la fin de l’état d’urgence au moment même où nous, prolétaires, nous nous affrontions aux flics, où nos luttes s’essoufflaient dans les Cités, où l’état bourgeois réprimait nos frères de classe émeutiers !
Non seulement ces gens là ont cherché à nous épuiser dans une manif traîne savates, mais en plus nous y trouvions toutes les forces politiques favorables au rétablissement de l’ordre républicain dans les banlieues, comme on le lit dans leur appel nauséabond. A leur façon, toutes ces raclures conscientes ou non (idiots utiles de service, militants sincères bernés) participent à l’enterrement de toute cette belle énergie prolétarienne qui venait d’éclore.
Prolétaires ! L’Union sacrée nous mène toujours à la fosse commune, aux charniers !
A tous ces serviteurs du capital, nous n’avons qu’une réponse à leur cracher au visage, celle qui, dans le Manifeste du Parti Communisme, en 1848, cinglait à la face des bourgeois :
"Vous êtes saisis d’horreur parce que nous voulons abolir la propriété privée. Mais, dans votre société, la propriété privée est abolie pour les neuf dixièmes de ses membres. C’est précisément parce qu’elle n’existe pas pour ces neuf dixièmes qu’elle existe pour vous. Vous nous reprochez donc de vouloir abolir une forme de propriété qui ne peut exister qu’à la condition que l’immense majorité soit frustrée de toute propriété. En un mot, vous nous accusez de vouloir abolir votre propriété à vous. En vérité, c’est bien ce que nous voulons".
VERS UNE "EXTENSION" INTERNATIONALE DES LUTTES ?
Il nous importe davantage de distinguer dans les quelques émeutes et autres actes prolétariens plus isolés, qui se sont déroulés à travers le monde, le fait que des prolétaires, des frères de classe, se sont reconnus dans les émeutes sur le territoire français, que leur quantité. On pourrait certes faire la fine bouche en alignant les quelques chiffres ne serait ce que de voitures cramées ici et là et les mettre en parallèle avec ceux des statistiques françaises, mais ce serait essayer de chier à travers les hémorroïdes de la conception bourgeoise des faits ! Le week end du 6 novembre, quelques actions du même type ont eu lieu en Belgique à Bruxelles, Liège, Anvers, en Allemagne à Berlin, Brême (deux nuits d’affrontements), en Espagne, à Séville, à Barcelone,... A Athènes, en Grèce, plusieurs cocktails Molotov furent lancés sur une usine française, ainsi que sur un supermarché franco grecque, quelques manifestations furent organisées devant l’ambassade de France, en "soutien aux insurgés français".
Certes, c’est peu, mais cela nous montre la sympathie internationale qu’ont connue les émeutes en France auprès de prolétaires d’autres zones géographiques.
D’autres éléments nous montrent que la bourgeoisie a craint une contagion de la lutte dans d’autres pays et s’est mobilisée pour parer aux développements possibles des affrontements.
Nous savons ainsi qu’en Belgique les autorités ont suivi de très près les émeutes en France. "Les bourgmestres des trois quartiers proches de la Gare du Midi (Anderlecht, Forest et St Gilles, théâtres d’affrontements en 1991 et 1997 entre jeunes d’origine immigrée et force de l’ordre) se sont réunis hier pour discuter des mesures à prendre pour éviter toute contagion. Leur groupe de travail restera sur pied tant que les événements continueront en France, soulignant que des échauffourées ont eu lieu ce week end à Schaerbeek, autre commune bruxelloise où vivent de nombreux immigrés" (Libération, 7 novembre 2005).
Romano Prodi, leader du centre gauche en Italie et ancien président de la Commission européenne, déclarait : "Nous ne devons pas penser que nous sommes tellement différents de Paris, c’est seulement une question de temps." Et l’infâme Tony Blair, de mettre en garde : "Tout le monde est inquiet de ce qui se passe !"
L’analyse d’ensemble que nous dégageons du présent constat est que notre classe reste engluée dans la passivité et la consommation télévisuelle/médiatique de ses propres luttes, que les actes de solidarité internationale sont terriblement isolés, terriblement sporadiques. Mais ils maintiennent le fil rouge, ils restent ces petites étincelles qui cherchent à raviver le brasier de la révolution sociale mondiale, comme des lueurs d’espoir qui refusent de s’éteindre, cherchent la propagation, comme des étoiles dans la profondeur d’encre des ténèbres de la paix sociale. Et tant que couvent les braises...
PERSPECTIVES
Notre texte présent n’est pas écrit pour conscientiser, expliquer ou donner des leçons mais pour donner des perspectives. De toute lutte, il faut savoir tirer des leçons. Il faut savoir en extraire les moments forts et en comprendre autant les faiblesses, afin que demain nous ne répétions pas les mêmes erreurs et que nous sachions comment développer, fortifier notre lutte. Il s’agit ici de contribuer à sortir ce mouvement de ses propres limites, à faire le lien avec les autres luttes de notre classe.
Comme nous l’écrivions en avant propos, nous refusons de nous sentir extérieurs à ces émeutes, car elles restent nos luttes, celles de nos frères qui brisent les chaînes de l’esclavage salarial. Nos écrits présents oeuvrent à faire mûrir les ruptures qui ont pu se dégager lors de ces révoltes, pousser à la rupture radicale d’avec toute forme d’illusion démocratique et d’encadrement social-démocrate. Ils posent des jalons pour la continuité et le renforcement de la lutte sociale.
Surtout, nous tendons la main ici à tous ceux qui se sont reconnus dans ces luttes, à tous ceux qui s’en sont revendiqué, à tous ceux qui veulent oeuvrer avec nous pour embraser cette société de merde une fois pour toute et jeter ses cendres dans les poubelles de l’histoire de l’humanité ! Nous sommes les pièces dispersées d’une arme magnifique qui suicidera le capitalisme. A l’instar de nos aînés, nous relevons le flambeau de la révolution et nous reprenons leur cri de guerre : "PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSONS NOUS !"
Il s’agit ici de tisser des liens forts et durables entre nous tous. Il s’agit ici de s’associer avec d’autres prolétaires pour tirer un bilan de ces émeutes.
SOLIDARITE ET SOUTIEN A TOUS LES EMBASTILLES ! ETENDONS LA REVOLTE A TOUS NOS LIEUX DE SURVIE ET DE TRAVAIL ! DETRUISONS CE QUI NOUS DETRUIT ! NE LAISSONS DE CETTE SOCIETE QUE SES CENDRES ! A LA VIOLENCE DE L’ETAT, OPPOSONS LA VIOLENCE REVOLUTIONNAIRE ! SORTONS DES BANLIEUES, ORGANISONS NOUS POUR NOUS DEFENDRE CONTRE LE CAPITAL ET SON ETAT !
CONTACT : proletairesenavant
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Ce qui ne paraîtra pas..., , 4 avril 2006Ce texte est profondemment juste, il est possible qu’on ait envie de le publier , on verra à la prochaine AR,
BL
- Tant Mieux ? , Caroline V , 9 avril 2006
Je suspecte l’auteur(e) de ce texte de ne pas avoir participé aux événements de novembre 2005 et de calquer ses propres explications sur les destructions des écoles, des crèches ou des bibliothèques, sujet au combien important pour construire une véritable solidarité. Sauf à prôner une forme d’intelligence supérieure à toutes formes de médiations écrites, ce qui n’est pas à écarter, de la part de ces jeunes mais qui reste à prouver, je ne saisit pas bien la NECESSITE de prôner la destruction des bibliothèques ou médiathèques.
- Ce qui ne paraîtra pas..., Bernard Lyon, 9 avril 2006
P.S.
Texte profondemment juste, nonobstant ses présupposés programmatistes d’affirmation du prolétariat, qui ne coincident nullement avec l’essentiel qui est dit, c’est à dire que les "émeutes" sont des attaques de la société capitaliste telle qu’elle se présente, comme le résultat synthétique du capital. Ce texte montre les émeutes comme insurrection des prolétaires de maintenant, comme insurrection contre la société, comme antisociale.
BL
- Tant Mieux ? , Caroline V , 9 avril 2006
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Ce qui ne paraîtra pas..., DOC, 9 avril 2006Encore une fois on reste dans la lourde phraséologie autonome des "seventies"...Certes, je suis d’accord à 90 % sur l’analyse, certes, le capitalisme, par médias interposés, divise le prolétariat pour mieux règner, surtout à l’heure actuelle où la lutte anti-CPE semble embraser la Phrence en distinguant les gentils manifestants pacifiques estudiantins des "cailleras" des quartiers...mais le capitalisme c’est aussi la guerre de tous contre tous (cf. la manif Invalides), des micros tribalismes qui s’installent durablement dans les quartiers populaires, des micro_fascismes permanents où il ne vaut mieux pas être bon d’être une femme, un gaucho anarcho, un homo, un punk goth, voire un "fromage blanc"...Il faut que la mouvance toto, libertaire situ conseilliste réagisse face à cette nouvelle dérive fascisante de certaines bandes des quartiers popus...Certes, il y a eu les Apaches au début du siècle, les blousons noirs dans les "sixties", les "zoulous" des "nineties" mais à ce que je sache, ils n’ont jamais été des révolutionnaires au sens "classiste" du terme...Dans certains pays, on a souvent retrouvé ce "lupenprolétariat" du coté faf (cf. les SA dans l’allemagne d’avant guerre), on n’en est pas encore là mais il vaut mieux être vigilant
Situdoc
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Les mouvements de travailleurs en Chine
Une traduction d’un article de Wong Kam Yan, nom de plume d’un "militant ouvrier et chercheur" se trouvant à Hong-kong. Lundi, 10 avril 2006.
p>Une Deuxième Vague d’Agitation dans le monde du Travail ?
IL y une augmentation de 30 % des émeutes en Chine ces dernières années. Alors qu’en 1993, il y avait 10,000 cas officielement recensés et 700,000 participants, en 2003 le chiffre est passé à 60,000 avec 3 millions de participants. Comme le montrent ces exemples, l’agitation dans le monde du travail a été tout à fait remarquable, bien qu’il soit difficile d’obtenir des statistiques officielles.
La première vague de protestation était principalement le fait d’ouvriers des Entreprises Publiques (SOEs) contre la privatisation ou leur restructuration en entreprises modernes. Elle a commencé au début des années 1990 et, au tournant du vingt et unième siècle, elle est devenue plus aigue et a impliqué plus d’ouvriers. Le gisement de pétrole DaQing et l’exemple LiaoYang ont été les cas les plus largement commentés.
En mars 2002, 50,000 ouvriers du gisement de pétrole DaQing ont protesté plusieurs jours contre la réduction d’emplois. L’industrie pétrolière avait subi une énorme restructuration pour rivaliser avec des géants pétroliers étrangers dans le marché intérieur. Plus tôt, en 2001, une usine de métal dans LiaoYang, située au Nord Est comme le domaine DaQing, a fait faillite, la propriété publique ayant été pillée par la direction et les fonctionnaires locaux. Les ouvriers sont decendus dans les rues pour protester.
Tandis que le cas DaQing était emblématique pour le nombre des protestataires et leur appel à des syndicats indépendants, celui de LiaoYang était spectaculaire pour la tentative de faire le lien avec d’autres ouvriers contre la privatisation.
Les deux situations ont été sévèrement éliminées par les autorités et les deux leaders principaux de LiaoYang condamnés à des emprisonnements de quatre et sept ans. L’usine de Liao Yang a ensuite fait faillite. Dans l’industrie pétrolière, 600,000 ouvriers pétroliers ont finalement été mis à la porte.
Il peut y avoir eu des centaines ou même des milliers de cas de résistance d’ouvriers des entreprises publiques dans les dix dernières années, mais généralement, ils ont perdu les batailles. Jusqu’à 30 millions de ceux-ci ont été mis à la porte et les femmes étaient généralement les premières à partir. Entre 1993 et 2003,la production industrielle publique a baissé de 47 % à 38 % par rapport à la production industrielle totale.
Sous la politique "On garde les grandes entreprises publiques, les petites s’en vont" (en fait beaucoup d’entreprises moyennes ont été lâchées aussi), beaucoup de moyennes et petites entreprises ont été privatisées. Quant aux grandes entreprises publiques, elles ont été restructurées comme des entités commerciales dont l’ambition suprême est de se transformer en multinationales et rivaliser sur le marché mondial avec le Mobile, ou Ford. Leur succès est une autre histoire....
La Nouvelle Classe ouvrière
Tandis que des ouvriers des entreprises publiques été mis à la porte en quantités énormes et leurs rangs transformés en termes d’âge, de conditions de travail et d’expériences, une nouvelle classe ouvrière était formation dans les Zones d’Exportation (Export Processing Zones )(EPZs), principalement situées dans le Delta de Perle.
Il y a environ 800 EPZs dans le monde entier, employant environ 30 millions d’ouvriers. Les EPZ Chinoises emploient environ 20 millions, le deux-tiers du total mondial.
Ces chiffres démontrent que la Chine est devenue le refuge privilégié de l’investissement des multinationales étrangères, car les travailleurs des entreprises publiques travaillent 12-14 heures par jour pour un salaire minimal, permettant seulement d’acheter trois boules de nouilles un jour. Les produits chinois des ces entreprises, incroyablement bon marché, sont exportés sur le marché mondial, causant la désindustralisation à l’étranger et la migration vers la Chine des usines de beaucoup de pays.
C’est une double perte, tant pour le classe ouvrière internationale que pour la classe ouvrière chinoise : tandis que l’une perd ses emplois mieux payés, l’autre ne récolte aucun avantage, mais seulement des emplois pourris avec des conditions de travail épouvantables.
Ces ouvriers EPZs acceptent de telles conditions de travail horribles parce qu’ils arrivent de la campagne et n’ont pas d’autre choix pour gagner leur vie. Grâce à la révolution 1949 et à une des seules conquêtes sociales de la révolution non renversée pendant la longue restauration capitaliste de 15 ans, les paysans possède toujours de petits lopins de terre, mais insuffisants à la survie. Les parents doivent envoyer à leurs enfants travailler dans les villes.
Les filles ont de bien meilleures chances d’obtenir des emplois dans les EPZS parce que les patrons préfèrent les jeunes femmes, perçues comme plus passives et capables de supporter les longues heures de travail dur. Les femmes en constituent 70 % de la main-d’oeuvre .
Tandis que des ouvriers SOEs étaient en grande partie défaits dans leur combat contre la privatisation, il y a eu une hausse de grèves et des protestations dans l’EPZS. Selon les officiels de Shenzhen, une grande ville de migants près de Hong-Kong, les conflits du travail ont impliqué 300,000 ouvriers en 2004. L’année dernière, il y a eu plus d’une douzaine de grèves et des blocus de route répertoriés dans la seule provinceGuangdong . De nombreux autres exemples d’agitation n’ont pas été répertoriés.
En juillet 2004, il a été annoncé que deux usines de piles en Chine avaient empoisonné au moins 370 ouvriers au cadmium. Les deux usines appartiennent à Gold Peak Industrial Holding Ltd, une multinationale de Hong-Kong et Singapour basée en Asie ; ses produits électroniques sont vendus dans le monde entier sous des marques différentes.
Les ouvriers affectés ont reçus une petite compensation et ont été menacés de poursuites criminelles par la société et la collectivité locale s’ils adressaient à nouveau une pétition au gouvernement central à Beijing.
Les ouvriers ont réussi à résister. Depuis lors, plusieurs grèves et blocus de route, seule façon de faire entendre leurs voix, ont été lancés. Les ouvrières ont pris l’initiative dans ces actions.
Globalisation Monitor , une organisation non gouvernementale basée à Hong-Kong, s’est depuis saisie du cas et a fait campagne contre la société. Elle a gagné l’appui de beaucoup de syndicats et organisations non gouvernementales dans l’exigence que Gold Peak crée un fonds médical à Hong-Kong pour s’occuper des ouvriers.
Le 5 août, la société a finalement cédé à la pression d’ouvriers et des militants de Hong-Kong et a annoncé l’installation d’un fonds de 10 millions de dollars HK. L’intervention de Hong-Kong était importante dans l’obtention de cette concession de Gold Peak. Sans elle, la lutte des ouvriers aurait pu ne pas avoir été soutenue ou connue. Même chose pour le cas de Stella dont nous traitons ci-dessous. Hong-Kong a été cruciale pour la bureaucratie dans son projet capitaliste, mais peut être également utilisé dans l’avenir par le mouvement ouvrier chinois : Hong-Kong est la seule ville chinoise qui accepte la liberté de parole et les droits électoraux partiels.
La grève violente chez Stella
Stella est une société taiwanaise fabriquant des chaussures pour Nike et d’autres grandes marques. Deux usines de Stella payaient régulièrement leurs ouvriers en dessous des accords. Le 21 avril 2004, les ouvriers d’une des usines ont vu leurs salaires à nouveau diminués et 1000 ouvriers ont immédiatement répondu par une émeute : les machines ont été brisées, des voitures renversées et des surveillants battus .
Deux jours plus tard, la même chose arriva à une autre usine, avec même plus de violence cette fois. Trois mille ouvriers ont fait irruption dans les usines et ont tout cassé. La Police est arrivée, mais a été dépassée. Le jour suivant plus de police anti-émeutes a été envoyée. Finalement dix ouvriers ont été arrétés et condamnés à trois ans et demie prison Plusieurs douzaines d’ouvriers ont été mis à la porte par les deux usines. Tous les ouvriers étaient ensuite libérés au début de 2005 après que les activistes de Hong-Kong et des Etats-Unis ont fait campagne pour eux.
Bien qu’il y ait eu de nombreuses grèves dans les EPZS, peu d’organisations suivirent, même quand l’action réussit à contraindre les directions à des concessions. Les grèves démarraient spontanément et s’arrêtaient ensuite brusquement après la répression ou quelques concessions des directions. C’est parce que ces migrants ruraux connaissent peu le syndicalisme et parcequ’il leur manque toujours de l’identité collective d’ouvriers, empéchant leur organisation à long terme. C’est ce qui fait le cas Uniden si significatif.
Uniden : première organisation consciente ?
Uniden est une société d’électronique japonaise, qui fonctionne en Chine depuis 1987. C’est une grande société de 12,000 ouvriers. Le salaire mensuel de base pour des ouvriers ordinaires était 480 RMB, ce qui fait à peine assez pour survivre. Pour obtenir 800 RMB, les ouvriers devaient faire jusqu’à 12 heures supplémentaires par jour.
Des salaires si bas constituaient depuis toujours le premier grief. Une autre plainte était la mauvaise alimentation fournie par la cantine de l’usine. Cela et d’autres griefs ont finalement déclenché une grande grève le 10 décembre 2004. Un des participants a écrit : "le matin quand nous sommes allés travailler nous avions tous un tract dans nos casiers. Nous avons tous compris que quelque chose allait arriver. Et ensuite à 4 heure de l’après midi les ouvriers ont commencé à sortir de la chaîne de montage. Imaginez juste a quoi ressemblent 10,000 ouvriers réunis ; si cela n’avait pas été au-delà de leur forces, ces femmes adolescentes ne seraient pas sorties, mais auraient plutôt continué à travailler comme des robots."
De ce moment là et jusqu’à avril 2005, cinq grèves ont été organisées - et elles ont été en effet organisés, elles ne sont pas apparues spontanément. En effet, les ouvriers d’Uniden ont fait quelque chose de très rare chez les ouvriers EPZs : Ils ont appelé à la création de syndicats. Un comité a été créé et fonctionne.
La raison en est principalement le fait que les techniciens de grade moyen et les ouvriers qualifiés aient été au premier rang de l’effort d’organisation, probablement originaires des villes. Ils ont distribués des tracts aux collègues, publiés leurs demandes et fait un rapport Internet, une compétence peu habituelle chez les ouvriers migrants ruraux.
Les ouvriers migrants ruraux peuvent avoir beaucoup de griefs, mais notre entrevue avec des ouvriers d’Uniden a confirmé que c’était la couche de techniciens et d’ouvriers qualifiés qui avaient pris le leadership et la direction plus consciente. Ce qui rend le cas Uniden si particulier, alors, c’est ce milieu de techniciens moyens et d’ouvriers qualifiés s’unissant avec des ouvriers migrants ruraux, par contraste avec le cas de Stella où les ouvriers ordinaires se sont simplement révoltés sans aucun leadership sérieux, ni demandes même très claires.
Laissés à eux-même, y compris dans les cas ou des ouvriers migrants portent les revendications, celles-ci ont tendance à être tout à fait étroites, visant seulement des choses spécifiques qui concernent individuellement les ouvriers, peu conscients du besoin de généraliser les demandes, d’englober tous les ouvriers et de construire la solidarité.
Les demandes des ouvriers Uniden étaient beaucoup plus claires :
Des salaires de base devraient être conformes aux salaires minimaux comme stipulé dans la loi ;
La société doit payer pour l’assurance de base comme stipulé dans la loi ;
Le souvrières doivent avoir un congé de maternité d’un mois ;
La rémunération des heures supplémentaires devrait être 150-300 % de salaires de base ;
Aucunes heures supplémentaires obligatoires comme stipulé dans la loi ;
Les ouvriers fonderont leur syndicat propre ;
Aucune déduction de salaires quand les ouvriers prennent le congé de maladie ;
Allocations de logement et alimentaire
Augmentation des salaires selon ancienneté.
Le 20 avril 2005 des ouvriers d’Uniden frappaient à nouveau, en accord, cette fois, avec le mouvement anti-japonais [des protestations contre le refus du Japon de reconnaître son occupation brutale de la Chine pendant les années 1930 et pendant la Deuxième Guerre mondiale]. Étant donné le sentiment général de l’époque, la grève devint plus de radicale ; non seulement le droit de former des syndicats fut revendiqué, mais également, pendant des actions, quelques fenêtres furent brisées. La grève fit bientôt face à la répression policière, comme pendant les quatre grèves passées, avec les leaders arrêtés, emprisonnés, ou mis à la porte.
Le "Washington Post" rapporta qu’une ouvrière déclara que, "quelques fonctionnaires du ministère du Travail local nous ont dit que nous devions coopérer sinon les investisseurs se retireraient et se déplaceraient ailleurs et que nous serions jetés de nos emplois." De telles menaces dissuaderont-elles des ouvriers à protester dans l’avenir ?
Nous devons attendre et voir. Mais en décembre 2004, quand la première grève se produisit, une ouvrière déclarait : "si nous étions des hommes, il y aurait eu une grève il y a longtemps. Les femmes sont plus faciles de bafouer, mais nous avons des coeurs d’acier." ("New-York Times", le 16 décembre 2004).
Comme d’habitude, il y a toujours beaucoup de choses que nous ignorons et les lecteurs doivent tenir compte du manque de détails ; sous la censure il est extrêmement dur de vérifier des faits. (La corrections par des sources fiables seraient bienvenues.) .Cependant, de sources différentes, nous pouvons plus ou moins dessiner le contour général de la situation, en particulièrement sur l’effort conscient d’organiser qui a a été pris.
Il y a des bien sûr de nombreuses questions sans réponse : Pourquoi les techniciens, dans d’autres cas, n’ont-ils pas pris le leadership comme ceux d’ Uniden ? Est-ce que le fait qu’Uniden est japonais est significatif ? Quels sont les autres facteurs ? Est-ce qu’Uniden est un cas spécial ? Quel est le destin des ouvriers emprisonnés ?
L’Avenir
Contrairement aux ouvriers mis à la porte dans les SOES, les ouvriers EPZs sont absolument nécessaires pour les sociétés qui souffrent d’un manque de travail. Cette différence donne un avantage aux ouvriers EPZs. Étant donné que les salaires réels des ouvriers EPZs sont descendus pendant les quinze ans passés et que les conditions sont plus mauvaises que dans les sweatshops en Indonésie, il est fort probable qu’il y aura plus de luttes de cette nouvelle classe ouvrière dans les années à venir.
Cependant, le chemin est long (« c’est une longue marche » sic Ndt !) de la lutte spontanée à la grève organisée, étant donné les problèmes que rencontrent les ouvriers migrants des campagnes . Le cas Uniden est peut être un exemple, mais il peut se passer du temps avant qu’il ne se reproduise. Et sans organisation, malgré leurs luttes héroïques et spontanées, les ouvriers EPZs obtiendront peu de succès à long terme.
Cependant, considérant le potentiel pour la lutte il ne faut pas seulement considérer les ouvriers. La situation dans toute la Chine doit être prise en considération : après que plus de vingt ans de croissance rapide, la Chine na pu entrer dans cette nouvelle période que parce que les énormes taux de croissance ont été acquis au prix d’un épouvantable coût humain, social et environnemental, en plus du paiement d’énormes intérêts sur la dette publique. Et conformément aux condition d’accession à l’OMC, les marchés intérieurs devront s’ouvrir en 2007.
Tout cela est ingérable à long terme. Ca l’est déjà dans certains secteurs. Et la nouvelle direction du Parti Communiste Chinois ne sera pas capable de gérer tous ces problèmes. Ils sont bien sûr une partie du problème, pas sa solution.
Le dernier ancien secrétaire général Zhao Ziyang, sur son lit de mort, prophétisa que la Chine, comme les vieilles dynasties, ne sera pas capable de s’auto réformer et que la date pour de l’écroulement soudain saurait être éloignée. Nous pouvons ajouter que, quand il y a une crise, un soudain saut de conscience peut arriver dans ce nouveau prolétariat en devenir.
Il est importatnt que le mouvement ouvrier international se prépare à la solidarité avec les rébellions futures des ouvriers chinois. La Chine a un classe ouvrière forte de 200 millions de personnes. Le classe ouvrière peut baisser en nombre dans certaines parties du monde mais dans d’autres secteurs elle s’accroit - sa distribution à travers le globe est en constant changement. Ca n’est qu’avec la solidarité entre les classes ouvrières chinoises et internationale que la course folle et mondiale vers la destruction pourra être arrêté et renversée.
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Hard blocking
vendredi, 5 mai 2006
paru dans Interventions n° 7 avril 2006
Temps critiques
Le mouvement actuel n’est pas un mouvement revendicatif
Comme celui de novembre, il ne revendique rien, au sens strict, ne propose rien non plus, mais il exprime un refus de la situation qui trouve son point d’ancrage dans projet de loi sur "l’égalité des chances" et particulièrement le CPE. Cette absence de revendication s’exprime de plusieurs manières :
par un refus qui tend à englober toutes les formes de précarisation (le refus du CNE est clairement énoncé) ;
par son symbole "Rêve général" qui englobe l’idée de "Grève générale" tout en la détournant ;
par le slogan "Ni CPE ni CDI" ou des pancartes comme "Contrat Premier Esclavage" qui reflètent l’influence puis les liaisons avec des associations de chômeurs et avec des courants critiques du travail. Au fur et à mesure que le mouvement s’approfondit, ces liaisons sont de plus en plus recherchées.
C’est aussi cette absence de revendication qui le pousse à ne rien négocier. Le mouvement s’en tient à son point d’ancrage original et à partir de là, il cherche à produire un rapport de force. C’est là son aspect radical et non pas une quelconque position politique qui viendrait se greffer après coup. Il n’est pas obsédé par l’idée de tenir compte de l’opinion publique car c’est le rapport de force qu’il construit, qui justement, produit l’empathie nécessaire à sa popularisation sans qu’il ait besoin de se prostituer auprès des médias [1]. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine les premiers sondages étaient favorables au CPE ainsi que l’ensemble de la presse hormis L’Humanité. Depuis, malgré toutes les entourloupes habituelles des professionnels de la communication, on peut dire que le mouvement a réussi à amener les médias et particulièrement la presse écrite sur son terrain en lui faisant appréhender les événements sur les bases voulues par le mouvement. La tendance dans les sondages s’est alors inversée.
Le mouvement révèle l’intensité de la crise de la reproduction du capital
Le discours autour de la création d’emplois n’est que l’antidote publicitaire à la crise de la valeur-travail. L’exploitation de la force de travail n’est plus l’opérateur central de la valorisation. Il ne s’agit pas de la fin du travail mais de son inessentialisation (domination du "travail mort" c’est-à-dire des technologies sur le "travail vivant") et de son indifférenciation (la mise en avant de la notion vide de compétence tente de suppléer la fin des métiers et la reconnaissance de la profesionnalità, comme disent les italiens).
Cette crise passe, pour la première fois, par un traitement spécial imposé à la jeunesse, un traitement qui dépasse les politiques traditionnelles de domination d’une classe par une autre. En effet, si le CNE a peu de chance de toucher les personnes très qualifiées et diplômées parce qu’il cible les sans emploi ; le CPE ne vise qu’une catégorie d’âge, mais il implique toute cette catégorie. Désormais, le diplôme ne constitue plus un marquage suffisant. C’est pour cela qu’aujourd’hui, confusément, tous les jeunes se sentent concernés alors que beaucoup ne devraient pas l’être. Il y a là comme une surenchère politicienne d’une partie du personnel de l’État qui cherche à revaloriser sa fonction dans le commandement capitaliste. Le MEDEF n’était d’ailleurs pas demandeur.
Dans la crise du travail, les jeunes (précaires) et les vieux (pré-retraités ou dispensés de recherche d’emplois) servent de variables d’ajustement sur le marché. Cette tendance à l’irreproductibilité de la force de travail, se manifeste encore bien plus chez ceux pour qui le CPE n’est même pas envisageable car ils sont en deçà du seuil d’employabilité. Cela s’est vérifié dans les "zones franches", en banlieues, où la plupart des entreprises ne se sont même pas préoccupées de recruter leur main d’œuvre sur place. [2] C’est aussi pour cela que l’unité ne peut se faire sur la base d’une revendication du type : "Un CDI pour tous". Le mouvement ne la formule d’ailleurs pas. On retrouve ici la volonté de ne pas opposer au retrait une revendication précise.
La jonction immédiate avec les salariés n’est pas la jonction organique qui s’impose naturellement au mouvement
Le décalage entre ce mouvement qui s’efforce d’unir étudiants et salariés et celui de novembre 2005 tient dans le fait que les conditions d’accès au marché du travail étant de plus en plus difficiles, les inégalités et les discriminations reproduisent les séparations de classes, mais elles le font en dehors de l’antagonisme prolétariat/bourgeoisie. Ce phénomène est notamment perceptible à travers les réalités suivantes :
la masse des étudiants et lycéens, n’est plus repérable dans les termes traditionnels de la classe sociale (enfants de la bourgeoisie ou de la petite bourgeoisie [3] par opposition aux enfants des couches populaires) ; beaucoup travaillent d’abord pour vivre et non pas pour l’argent de poche ;
les bandes de jeunes radicalisées n’expriment aucune identité de classe et leur action réduit le capital à son État, à quelques institutions et aux marchandises. Leur critique du travail, implicite mais pourtant radicale, les amène à se situer sur le terrain de l’appropriation directe (y compris au sein des manifestations) et non pas celui de la réappropriation par les producteurs. Il y a rupture avec ce qui a été à la base du programme prolétarien et que des groupes politiques (LCR) ou syndicaux (CNT) reprennent aujourd’hui sous la forme d’une morale du consommateur : "Rien est à eux, tout est à nous. Tout ce qu’ils ont, ils l’ont volé" ;
le rôle très effacé des élèves de LEP, pourtant à la pointe des luttes en 86 et 94 porte la marque d’une radicalisation de la crise de reproduction avec d’un côté les élèves des LEP "poubelles" qui participèrent activement aux événements de novembre, mais pas à ceux de ce printemps et de l’autre, dans les LEP sélectifs, la montée d’une idéologie du petit entrepreneur qui a fait le succès de l’Italie de Berlusconi et de Benetton dans les années 90 [4].
En faisant de sa liaison avec les salariés un axe prioritaire, le mouvement actuel rejoue, risque de se mettre à la remorque d’un mouvement de salariés moins développé, dont la partie émergente est particulièrement bureaucratisée, alors que ce mouvement est grandement redevable à la révolte des banlieues dans l’ébranlement du système. Certains étudiants et lycéens en sont conscients quand ils en appellent à la lutte à la base dans les entreprises, cherchent le contact avec les jeunes travailleurs mais n’en oublient pas pour autant les chômeurs, les sans papiers et les jeunes condamnés en novembre.
Il faut évidemment poursuivre la popularisation et accroître les contacts avec les salariés combatifs, mais sans se mettre à la remorque d’une classe ouvrière qui n’est plus aujourd’hui qu’une référence symbolique aux luttes du passé. Une classe qui n’a plus d’existence subjective autre que ses différentes représentations syndicales qui ont laissé passer le CNE et approuvé l’état d’urgence. Une classe qui ne peut jouer aucun rôle d’avant-garde dans la mobilisation présente et surtout, qui ne peut plus affirmer un programme propre susceptible d’engendrer l’unité autour d’elle. Les risques de ce rattachement se situent à deux niveaux. Il y a tout d’abord le risque d’orienter le mouvement vers la revendication en noyant le retrait du CPE au sein d’un nouveau "Grenelle social" sur la précarité des jeunes. Il y a le risque, ensuite, de perdre toute spontanéité, de rendre les actions prévisibles et inoffensives dans le cadre de manifs bien huilées et encadrées [5].
Cette unité, si elle doit se réaliser ne se fera que dans les luttes et les rencontres qui s’en suivent. Elle ne se fera pas sur une communauté d’intérêts qui, dans l’immédiat, sont divergents : les salariés du public défendent les statuts et le service public ; les intermittents un système de flexisécurité à leur avantage ; les chômeurs un droit au revenu indépendant du travail ; les jeunes "violents" un droit au respect et l’accès direct à la "thune", etc. L’unité à rechercher devrait plutôt se réaliser sur une communauté des causes.
Les moyens d’actions de la révolte ou des refus sont aujourd’hui extrêmement variés (blocage des facs et des lycées, occupations ou même destruction d’agences ANPE, blocage de manifestations culturelles ou sportives, interventions sur des plateaux de télévision ; résistances à la police ou attaques contre celle-ci, destructions de biens ou de lieux symboliques, mises à sac de permanence de partis politiques, grèves), mais ce qui compte ce n’est pas que chacun agisse dans son coin, à partir de ses propres déterminations, mais qu’il y ait des échanges, des passerelles qui permettent aux individus en lutte de quitter une partie de leurs oripeaux d’origine, qu’ils en soient transformés en même temps qu’ils transforment les conditions présentes.
L’auto-organisation et le vol d’étourneaux
Si la pratique de l’assemblée générale et de la démocratie directe persiste, ce mode d’action n’est plus considéré que comme une base commune relative et non comme un principe absolu. Il est remarquable que la référence à "l’autogestion" ait quasiment disparu du langage du mouvement alors que l’auto-organisation des débats et des interventions reste le modèle dominant. Ce dépassement de l’idéologie autogestionnaire et de ses oripeaux usinistes rend conscient au plus grand nombre qu’un nouveau cycle de luttes s’est ouvert ; celui qui doit affronter le despotisme de la valeur dans toutes les activités humaines. L’auto-organisation apparaît comme l’horizon dépassable du mouvement et non plus comme un critère de son accomplissement. La prise en charge collective de la vie quotidienne dans les bâtiments universitaires occupés ne fait plus l’objet de débats interminables sur la possible répétition des normes du système dominant. Le respect de l’autonomie de chacun dans ses initiatives et ses dires ne trouve ses limites que dans la reconnaissance qu’il manifeste pour le devenir du mouvement. Si l’échange d’idées et les propositions stratégiques sont souvent développées en commission elles n’enferment pas les actions dans un carcan. Les déplacements urbains [6] en forme de vol d’étourneaux, se divisant pour se protéger puis se regroupant pour immobiliser ou pour frapper conjuguent l’efficacité du collectif et la créativité de l’individuel.
C’est la question générale de la domination et du pouvoir qui est posée… à chaud
Le mouvement ne la pose pas en terme de prise de pouvoir, ni même dans les termes clairement anti-capitalistes propres aux "avant-garde" de jadis, mais en termes de dévoilement de l’oppression par une puissance en mouvement. L’injonction de la coordination nationale d’une "démission du gouvernement", ne propose aucune alternative politicienne alors qu’on peut dire que le mouvement développe une action éminemment politique de par sa critique en acte de l’idéologie de l’économie. Le mouvement n’a donc pas besoin d’être politisé de l’extérieur par des groupes qui croient toujours donner un contenu à des formes alors qu’ils ne font qu’affirmer, à travers leurs slogans décalés, leur propre impuissance à percevoir les contenus nouveaux qui émergent de ce mouvement.
De par son extériorité objective à la production le mouvement ne peut s’attaquer directement qu’aux institutions de la reproduction et aux réseaux de circulation de la valeur, aux flux. Flux d’informations, flux de marchandises, flux d’individus, flux de pouvoirs, flux d’images, etc. Cette limite est réelle, mais elle est moins gênante à une époque où c’est justement la reproduction qui est centrale et non plus la production. Par contre, l’avantage c’est que le mouvement est en adéquation avec le terrain sur lequel il agit. Il n’a pas à se poser la question de sa plus ou moins grande dépendance à un éventuel mouvement de salarié nécessaire pour bloquer la production. A priori tout le monde peut participer à un blocage immédiat des flux [7].
[1] La coordination nationale refuse leur présence. Sur les façades de certains amphithéâtres où se tiennent les AG on peut lire "Médias, casse-toi".
[2] Une analyse cartographique des mobilisations montrerait sans doute qu’elle est la plus forte dans les zones où le rapport entre densité de population et nombre d’emplois est le plus défavorable (Nord-Ouest et Ouest de la France, Sud ; villes en voie de désindustrialisation) et dans les zones où l’idéologie du travail est la moins prégnante (Sud encore puisque paraît-il "la misère est plus supportable au soleil"…).
[3] Il n’est pas rare d’entendre les anti-blocage qualifier les partisans actifs du mouvement, de "petits bourges" qui parlent de révolution mais ignorent tout des lois universelles de l’économie et de la réalité d’une misère des banlieues à laquelle le CPE viendrait répondre. Ceux qui ont toujours nié l’existence de luttes de classes s’amusent ici à en fabriquer une…pour leur propre cause et profit !
[4] Malgré les efforts en direction de la "génération Tapie" dans les années 80, cette tentation ne commence qu’à décoller en France dans les milieux populaires et se combine à celle des milieux un peu plus aisés où on rêve de réussir en Angleterre, ce pays de cocagne où on pourrait travailler pour s’enrichir et non simplement pour survivre !
[5] Les différents services d’ordre qui, depuis le 28 mars, se partagent le travail avec la police officielle ne cherchent pas à éviter les cassages de gueule intempestifs et barbares puisqu’on a même vu, que, pour la police au moins, les ordres sont parfois de ne pas intervenir comme cela avait déjà été le cas à Paris en 2005. Derrière le but avoué d’éviter tout débordement (le terme est déjà parlant en lui-même), il y a la volonté syndicale ou organisationnelle d’en rester à une démonstration de force sans se fixer des objectifs précis (les parcours officiels sont d’ailleurs calculés pour ne jamais rencontrer de tels objectifs potentiels) dans les limites fixées par les règles du jeu syndical et politique. Il ne s’agit surtout pas de faire mal, mais simplement de faire signe !
[6] La "tournée" du 6 avril dernier dans Paris, évitant Montparnasse pour occuper la gare du Nord, puis, déjouant les CRS, pour bloquer le périphérique, a porté cette pratique du vol d’étourneaux à un point d’incandescence élevé.
[7] Ce que les étudiants rennais en lutte viennent de réaliser efficacement au centre de tri, le samedi matin 8 avril avec l’aide de postiers sur place, démontrant par là aussi le sens actuel de la liaison étudiants-travailleurs.
Comments
De la revolte des cites aus mouvements etudiants et lyceens
samedi, 22 avril 2006
texte d’H. Simon diffusé sur un réseau de discussion
La révolte des cités de l’automne 2005 contre leurs conditions de vie et les
mouvements étudiants et lycéens contre le contrat précaire dit CPE au
printemps 2006 sont les deux bouts du même bâton : le mouvement mondial du
capital.Cela ne veut pourtant pas dire, dans la situation présente,
notamment en France que les deux bouts peuvent se rejoindre ; au milieu, il y
a la grande masse des travailleurs, ceux qui assurent ici la marche du
capital et dont seule une lutte généralisée pourrait sinon ouvrir la voie
vers une autre société, du moins être un levier autrement plus puissant
contre l’offensive présente dans les conditions d’exploitation du travail.
Avant tout, il faut considérer que la France n’est plus, malgré toutes les
prétentions des politiques et des organisations politiques et syndicales de
quelque obédience, un "Etat souverain", qu’elle n’est plus qu’un élément
dans une Union Européenne économique cohérente supranationale. Cette Union
Européenne est elle-même incluse dans une dynamique capitaliste mondiale que
personne ne maîtrise et qui impose ses lois à toute structure et
organisation oeuvrant dans son sein et/ou pour sa pérennité. Même si on peut
déceler des éléments de crise dans les présents mouvements du capital, on
ne doit pas sous-estimer ses possibilités d’adaptation comme il a pu le
montrer dans le passé, face à une crise autrement plus grave comme celle des
années 30.
Le problème essentiel qui se pose à notre réflexion eu égard aux deux
mouvements qui secouent la France en l’espace de quelques mois n’est :
- ni dans les gloses sur les stratégies des organisations ou réformistes ou
révolutionnaires qui prennent le train en marche comme on jouerait en bourse
pour faire un bon placement - ni dans la discussion sur les mesures cosmétiques qui seront
inévitablement prises pour éteindre le feu. - ni dans des condamnations au nom d’une morale (prolétarienne ou pas). Les
luttes sont ce qu’elles sont et il s’y mêle toujours des éléments "
perturbateurs " y compris des provocations policières. Mais face à des faits
d’une certaine dimension, il s’agit d’abord de comprendre et de tenter de
voir ce qu’ils expriment socialement
Les mesures prises par le gouvernement, celles qui sont contestées et celles
qui seront discutées éventuellement pour les remplacer ne visent, dans le
cadre national qu’à maintenir la paix sociale de l’exploitation capitaliste
en atténuant quelque peu les effets de la dynamique du capital au plan
mondial. Le problème essentiel se situe précisément à ce niveau mondial et
ce qui se passe en France n’est que l’aspect spécifique dans ce cadre
national de l’évolution mondiale du capital : toute lutte qui reste
circonscrite à un seul problème, à un seul pays ne réussissent finalement
qu’à assurer la pérennité du système en l’aidant à surmonter ses difficultés
présentes.
Plus le capital se développe ( et il l’a fait considérablement dans les 50
dernières années à la fois géographiquement et en envahissant des espaces où
il n’existait pas),il développe en même temps une armée de réserve de plus
en plus importante ( voir Marx, Le Capital, La Pléiade, tome 1, p 1162)).
Cette armée de réserve atteint de par le monde au moins un milliard
d’individus. Jusqu’à récemment elle se concrétisait principalement dans les
pays du tiers-monde. Elle envahit peu à peu l’ensemble des pays
industrialisés avec une présence permanente du chômage dont on tente de
dissimuler l’importance par des artifices divers. La dmension démesurée de
cette "armée de réserve" conduit à considérer que, pour la plus grande
partie, il ne s’agit plus de travailleurs éventuellement utilisables, mais
d’inexploitables donc rejetés définitivement hors circuit de production
capitaliste. Par l’action du capital, ils ont souvent été dépossédés de
leurs moyens traditionnels d’existence non capitalistes et contraints de
venir s’accumuler dans les excroissances misérables des grandes villes. On
pourrait voir, sous cet angle ici même en France, la distinction entre
chômeurs recensés et RMistes non recensés comme chômeurs, qui ne serait pas
seulement une question d’indemnisation mais celle d’une segmentation entre
ex - travailleurs potentiellement récupérables et irrécupérables pour le
capital. On pourrait même voir les nouveau contrats précaires CNE, CPE et le
contrat fin de carrière comme destinés à "faire le tri" entre les
"récupérables" et les "irrécupérables" pour le capital..
Le problème actuel pour le capital devant cette masse énorme croissante
d’inutilisables n’est pas tant de savoir comment les intégrer éventuellement
dans le circuit de production capitaliste, que de les maintenir dans les
limites de la survie pour conserver le minimum de paix sociale lui
permettant soit de continuer à exploiter des ressources de matières
premières, soit de poursuivre l’exploitation du travail de la main d’oeuvre
"utilisée". Bien sûr, les solutions diffèrent selon les situations. Cela va
de solutions genre RMI dans les pays industrialisés à l’aide alimentaire
via les ONG dans les pays du Tiers-Monde. Mais on peut trouver des
similitudes entre les "solutions" de survie dans les cités françaises, les
bidonvilles du monde entier ou les ghettos noirs des USA : trafics en tous
genre y compris de drogue et économie souterraine. Un de problèmes que l’on
peut se poser est de savoir si, sur le plan mondial, le capital peut
distraire suffisamment de plus-value pour maintenir la tête hors de l’eau de
cette masse d’inutiles et garantir la paix sociale globale qui lui est
nécessaire. Toute une série de mesures d’ordre social prise en France ne
visent qu’à ce but et il est évident que, même restreint au cadre national,
elles posent un problème de financement et donnent lieu à des politiques de
"récupération" artificielle pour tenter de réinsérer les "inutilisables"
dans le circuit capitaliste élargi pour la circonstance à des secteurs non
productifs. Il est évident que le CNE tout comme le CPE procèdent, en
partie, de telles politiques.
Ce problème n’est pas si simple car il se télescope avec l’impératif pour le
capital de trouver des mesures pour contrer la baisse du taux de profit (
une autre conséquence de l’extension du capital indépendante de sa dynamique
elle-même). Dans le monde entier, le capital doit tenter partout de
récupérer la plus value maximum et de réduire autant que possible la part de
cette plus value distraite pour assurer la reproduction de la force de
travail. Dans les sociétés industrialisées, cela signifie reprendre, d’une
manière ou d’une autre, ce qu’il avait concédé ou dû concéder dans les
années passées pour assurer la paix sociale et/ou obtenir des efforts des
travailleurs dans des périodes de reconstruction après les guerres ou
d’accumulation primitive. Il n’est pas besoin de s’étendre beaucoup, en ce
qui concerne la France (et pas spécialement la France) sur les attaques
tous azimuts pour réduire non seulement les "avantages sociaux" mais aussi
pour accroître la productivité du travail c’est à dire d’extraire la
plus-value maximum.
L’augmentation de la productivité du travail est au centre du processus de
production capitaliste et un élément essentiel de la compétition entre
capitalistes notamment quant à leurs bases nationales et au maintien des
privilèges liés à cette base. Pour la France, la réforme du contrat de
travail dont on parle à propos des CNE et CPE, ne sont pas des faits isolés
mais doivent être replacés dans le contexte des réformes touchant
l’exploitation du travail dans les vingt dernières années :
* L’annulation par le patronat de la plupart des conventions collectives de
branche qui prévoyaient des garanties à l’embauche et en cas de
licenciement,
* les lois Aubry qui permirent la flexibilité totale du temps de travail
avec l’annualisation ( qui de l’aveu des organisations patronales ont permis
de donner à la France la première place des pays industrialisés quant à la
productivité heure/travailleur)
* le développement de contrats précaires de toutes sortes ( il peut y en
avoir près de 15 différents donnant un choix aux entreprises pour adapter
les conditions aux besoins de leur industrie)
Toutes ces mesures furent les premières étapes vers la flexibilité (passées
sans opposition sérieuse à cause de la pression économique ou de
présentations fallacieuses) .Le CNE pour les entreprises de moins de 20
travailleurs adopté l’été 2005 sans provoquer véritablement de réactions
syndicales fait partie de l’étape suivante ; Il s’agit en fait, avec le CPE
et le contrat spécial préretraite des éléments d’un puzzle destiné à
harmoniser et à unifier les conditions d’embauche en laissant aux
entreprises la possibilité, à moindre coût, de disposer d’une flexibilité
prévisionnelle de deux années. Ces dernières mesures peuvent permettre une
adaptation, à moindre frais, sur le long terme, de l’exploitation du travail
aux fluctuations du marché. Tous ces éléments, apparemment disparates, ne le
sont qu’en apparence et une des étapes peu avouée vers une simplification,
dans l’intérêt des entreprises de l’ensemble des conditions d’exploitation .
Contrairement à leurs déclarations et le soutien purement verbal aux
réactions de base ( pour les émeutes de banlieues, c’était carrément un
rejet), les syndicats, notamment la CGT et la CFDT étudient depuis pas mal
de temps, leurs propres réformes en ce même sens et les mouvement actuels
ne vont leur servir qu’à se réintroduire avec leurs propres suggestions dans
le mouvement d’ensemble de réforme du code du travail. Toutes ces mesures
s’intègrent dans un plan " Sécurité Sociale Professionnelle qu’un
commissaire européen qualifiait de " flexsécurité " ( LES Echos 23 mars
2006). Il ne faut pas ignorer, dans tout ce débat, que cette même réforme
se joue aussi au niveau européen : ce n’est pas une simple coïncidence si
l’Allemagne veut également porter à deux ans la période d’essai lors d’une
embauche.
L’élan pris par la lutte anti CPE ( qui recoupe en partie la précarisation
générale du travail d’où la soutien sinon actif du moins passif de la
marginalité " intégrée " du travail), relayé par le soutien intéressé et
restreint des centrales syndical ouvre la voie à UN Grenelle " Sécupro " et
à un relookage syndical ( avec en vue une réunification syndicale CGT et
CFDT dans la " syndicat rassemblé " dont certains éléments sont déjà en
place.
Le capital se trouve devant un dilemme : d’une part contraint d’entretenir
une masse considérable de non- travailleurs inutilisables, d’autre part
contraint de pressurer toujours plus l’ensemble des travailleurs, productifs
et improductifs ( pressant encore plus ces derniers pour réduire la part de
plus-value qui les entretient).Les deux termes apparemment contradictoires
ne le sont pas dans le fait qu’ils peuvent être générateurs de troubles
sociaux, ce qui contraint de consacrer des dépenses considérables et
toujours plus importantes pour la "sécurité", celle du capital bien sûr,
pour une paix sociale reposant sur "l’équilibre de la terreur". Il est un
autre problème, inhérent au capital lui-même, mais qui joue par le canal des
entreprises, des trusts, des multinationales et des Etats : en fait tout un
ensemble de problèmes qui découlent de la compétition acharnée au sein de la
jungle capitaliste. Nous n’avons pas l’intention de développer ici les
canaux industriels et financiers par lesquels joue cette compétition mais
nous voulons souligner que l’économie mondiale se débat, dans tous les
domaines, avec une surproduction qui aiguise encore plus cette compétition.
Le capital, pour se maintenir et progresser , a besoin de consommateurs pour
réaliser la plus-value. Outre le maintien de la paix sociale, c’est aussi le
sens de l’entretien minimal de survie des non - travailleurs. Mais s’il
réduit la portion concédée aux travailleurs, c’est une contradiction de plus
par rapport à ses impératifs. D’où également le recours au crédit sous
toutes ses formes qui est une manière d’entretenir
la consommation, mais aussi de faire des prélèvements sur la part future de
plus-value concédée aux travailleurs. C’est un cercle vicieux puisqu’avec
les pressions sur salaires et conditions de travail, ce futur des
travailleurs est déjà largement obéré.
Personne ne peut dire ce que sera le futur des deux mouvements distincts de
lutte que nous avons évoqué au début de ce texte. Celui des banlieues s’est
éteint étouffé par la répression et certainement par le fait qu’il n’a pas
été relayé par d’autres que les jeunes des cités eux-mêmes ( et le feu couve
toujours - ce que craignent les dirigeants - car la situation est inchangée
hors des promesses verbales et le restera après que la question du CPE aura
été réglée). La grande différence avec le mouvement des étudiants lycéens,
c’est que ceux-ci, dans leur grande majorité issus de ce qu’on pourrait
appeler une large classe moyenne, luttent pour un futur qu’ils pensent
menacé, alors que les autres luttaient pour un présent, l’impossibilité de
vivre "normalement" actuellement et bien sûr dans un futur. Les méthodes de
lutte diffèrent aussi totalement :
* une similitude avec le mouvement ouvrier pour les étudiants - lycéens
restant à ce stade dans un légalisme avec occupations, blocages,
manifestations et un rejet majoritaire de la "violence" et une revendication
initiale précise, le rejet du CPE( ce n’est pas un hasard si la plupart
recourent aux syndicats ouvriers pour l’organisation même des manifestations
purement étudiantes et son encadrement flicard) ;
* une démarche totalement différente pour les jeunes des cités, d’emblée la
violence, dans le seul lieu public où elle peut s’exercer, la rue et
pratiquement aucune revendication précise sauf en linéament pour que "ça
change". Il n’est nullement étonnant que ces " jeunes des banlieues "
profitent des grands rassemblement pour " exercer leur activité marginale "
, partie de leur survie, le vol par agression ; ils l’ont toujours fait lors
des rassemblements festifs ou commémoratifs ou d’autres manifestions. Qu’on
le veuille ou non, quelle que soit l’interprétation qu’on donne à cette
violence, elle marque une différence de classe : classe dangereuse contre
classe moyenne et cela n’a pas grand chose à voir avec les violences "
motivées " des avant-garde politisées.. Ils n’ont rien à faire des "
réformes " car ils savent de par leur quotidien qu’aucune mesure ne
changera à leur présent et à leur futur : n’attendant rien, ils prennent
pour survivre ce qui est à leur portée et la violence et l’illégalité sont
les seuls moyens
d’y parvenir
Il ne dépend de personne de faire que les uns et les autres débordent ce
stade premier de leurs actions, se donnent des revendications plus générales
remettant en cause non pas le présent gouvernement, mais le système lui-même
qui fait qu’ils sont présentement ce qu’ils sont. Bien sûr une infime
minorité tente de "radicaliser" le mouvement étudiants - lycéens soit par
des actions violentes en marge des manifestations ou par des occupations
sauvages, soit en tentant d’élargir le champ revendicatif ou en posant le
problème de la société globale. Ils peuvent aussi penser que des "jeunes des
banlieues" viendront les relayer( ce qui est parfois le cas mais pour de
toutes autres motivations).Jusqu’à présent ces efforts sont restés vains
même s’ils donnent parfois au mouvement un caractère spectaculaire. Tout
cela dépend de la dialectique de la lutte, des actes répressifs et/ou
conciliateurs des détenteurs présents du pouvoir politique et de la
détermination des uns et des autres de ne pas céder aux sirènes de la
médiation mais surtout et avant tout de l’entrée dans la lutte de l’ensemble
des travailleurs ( ce qui n’est pas le cas présentement, dans une attente
d’appels syndicaux qui viendront mais avec une toute autre signification).Il
est certain que le pouvoir dispose de nombreuses possibilités d’établir des
contre-feux et que, pour ce faire, dans la ligne de ce que nous avons dit de
l’attitude des syndicats, ces organisations sont prêtes , sous certaines
conditions, à oeuvrer pour un retour au calme : c’est leur fonction dans le
système capitaliste et il est parfaitement illusoire de penser qu’ils
pourraient agir autrement.
Que restera-t-il de ce mouvement du printemps 2006 comme de celui de
l’automne 2005 ? Quelle que soit l’issue de ces deux mouvements, ils ont
présenté tous deux un trait commun qui les relie aux grands mouvements de
lutte d’un passé récent, y compris celui de mai 1968.Ce trait commun une
sorte de jonction mythique étudiants - ouvriers, classes dangereuse - classe
ouvrière, c’est leur généralisation rapide à l’échelle nationale, à partir
d’un fait précis, débordant, par sa spontanéité et son imprévisibilité, le
cadre étroit revendicatif et syndical. Cette tendance est balbutiante quant
à ses formes d’organisation, son contenu et ses formes d’action. Elle se
heurte aux cadres étroits de la revendication traditionnelle qui la dévie,
la contient, l’utilise et au besoin la réprime. On ne peut en tirer de
conclusion sauf de constater qu’elle se reproduit au fil des années avec
plus ou moins de force et en précisant plus ou moins ses caractères. Et
ceci, sans qu’on puisse parler d’une transmission quelconque d’une
expérience passée. Seulement pour dire qu’elle est le produit des formes et
du contenu de la domination capitaliste, qui, intégrant dans sa répression
les caractères antérieurs de cette tendance, transmet objectivement les
termes de ces luttes antérieures. Une telle tendance n’est d’ailleurs pas
spécifique à la France. On peut déceler des mouvements similaires dans
d’autres pays européens par exemple en Grande Bretagne, lors de la grève des
mineurs de 1984-85 ou du mouvement de résistance à la poll tax. Mais là
aussi, personne ne peut prévoir un futur qui dépend du mouvement du capital,
des réactions aux mesures que ce mouvement impose aux politiques, de
l’ampleur de ces réactions dans la dialectique des relations avec les
répressions de tous les pouvoirs de domination. L’extension d’un mouvement
de lutte, de son unification à tous les exploités, de sa généralisation
dépendent des travailleurs eux-mêmes : si à un moment donné, celle-ci
s’arrête pour une raison quelconque, tout retourne, même avec des "succès"
qui ne peuvent être que temporaires, dans le cadre des relations de
domination capital - travail. Et tout est à recommencer, ou plutôt à
continuer : la lutte pour l’émancipation est un long chemin parsemé d’échecs
et de luttes toujours recommencées, mais jamais identiques elles-mêmes,
modelées par l’évolution du capital et par ses contradictions ainsi que par
ce qu’il a intégré des luttes antérieures.
-
DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, R.V., 22 avril 2006Remarques à propos des textes d’Henri S sur les mouvements sociaux en France
On ne peut que saluer le souci d’Henri S d’informer les "non français" sur les événements en France. Il a ainsi mis sur le réseau anglophone trois textes, dont un : "De l’émeute des banlieues au mouvement étudiant" (30 mars 06) qui reprend l’essentiel de celui mis à ce propos sur le réseau francophone (27.03.06). (1)
Mais, je ne partage pas certains aspects importants de la vision donnée par Henri du mouvement social qui se déroule en France depuis maintenant près de deux mois. Henri semble passer à côté de tout ce qui fait la nouveauté, l’importance et la force du mouvement. Au lieu de voir celui-ci comme un dépassement des émeutes des banlieues de novembre, il semble nostalgique de celles-ci et va jusqu’à dire qu’il y a "un large fossé" entre les deux mouvements, celui de novembre ayant été de loin supérieur.
"On peut mesurer le large fossé qui sépare le mouvement présent de celui des "émeutes de banlieue" en regardant la réaction de la majorité contre ceux qu’on appelle les casseurs et l’utilisation des équipes syndicales chargées de la répression." ("Questions précises...")Je voudrais tout d’abord rectifier l’image qu’il donne du mouvement "étudiant/lycéen. Ensuite, j’aborderai brièvement la question des "jeunes des banlieues".
Henri présente le mouvement étudiant et lycéen comme
une expression de la "classe moyenne", par opposition aux actions des jeunes de banlieue qui expriment la "classe dangereuse".
Il reproche aux étudiants et lycéens
de se cantonner à des revendications ne concernant qu’eux mêmes au détriment de tout le reste et en particulier des problèmes des jeunes de banlieues ;
d’être des alliés des syndicats auxquels ils ont recours pour que leurs services d’ordre les protègent contre "les casseurs" ;
de refuser toute forme de violence pour lutter.Sur ces quatre aspects, je pense qu’Henri perçoit la réalité de façon déformée. Prenons les un par un.
1. Le mouvement est il l’oeuvre de la classe moyenne ?
Henri écrit : "Quoi qu’on pense à propos de ces faits, cette violence et ces comportements sont la marque d’une différence de classe : la classe dangereuse contre la classe moyenne." (De la révolte des cités...)Il y a deux questions ici : la composition sociale des lycéens et étudiants, d’une part, et d’autre part la participation de travailleurs au mouvement.
Je crois qu’il est faux d’affirmer que les étudiants et les lycéens sont pour l’essentiel des enfants des classes moyennes. La population des lycées et des universités de 2006 en France n’est pas la même que celle de 1968. La proportion d’élèves qui finissent leurs études secondaires s’est énormément accrue, en particulier parce qu’on a multiplié les diplômes de fins d’études (Bac) de type "professionnel" ainsi que les "lycées techniques". La composition sociale des universités (qui sont gratuites en France) s’est aussi "prolétarisée", non seulement parce qu’il y a plus d’enfants de prolétaires qui y ont accès (dans certaines universités parisiennes ou de banlieue, les étudiants "blancs" sont minoritaires) mais aussi parce que les franges basses des "classes moyennes" se sont appauvries.
Après quatre ou cinq ans d’études dans les universités publiques, les jobs auxquels les étudiants peuvent accéder (après des mois, sinon des années de "stages" non payés ou très mal payés) sont souvent rémunérés à peine au-dessus du salaire minimum légal. Bien sûr il reste des enfants des classes moyennes "aisées" dans les universités, mais ils n’y ont plus le même poids. C’est plutôt dans les "Ecoles" et "Grandes écoles" qu’on les retrouve.
Dans les pays avancés, en particulier depuis les années 70, le capitalisme a développé un "prolétariat éduqué." Toyota, au Japon, se vantait d’avoir dans ses usines des travailleurs qui avaient tous au minimum terminé avec succès leurs études secondaires.
Evidemment y a aussi une très grande partie des prolétaires, plus ou moins étendue suivant les pays, qui ne dépasse pas le nombre d’années scolaires obligatoires ou qui sont déscolarisés avant l’âge. Mais ce n’est pas une raison pour considérer que tous ceux qui sont allés au-delà ne sont plus des prolétaires, qu’ils sont des membres de la "classe moyenne".Ensuite, le mouvement anti-CPE n’a pas mis dans la rue que des étudiants et des lycéens. Dans beaucoup d’universités les travailleurs des secteurs administratifs tout comme une partie des enseignants ont été solidaires du mouvement dès le début. Si le mouvement a démarré en février dans les universités, Rennes et Poitiers en particulier, puis s’est étendu et radicalisé pendant six semaines dans ce milieu, à partir des manifestations du 18 mars, où l’on voit dans toutes les grandes villes du pays la participation d’un nombre important de travailleurs à côté des étudiants et lycéens, le mouvement "anti-CPE" a pris une dimension sociale plus large. Même si les centrales syndicales ont tout fait pour espacer et garder le contrôle des mobilisations de travailleurs, il y a quand même eu trois journées de grèves et manifestions massives en 18 jours. (Entre 1 et 3 millions de participants, suivant les évaluations, pour les deux dernières manifestations). Au cours des actions de blocages de routes et de gares par les étudiants et lycéens, les manifestations de sympathie sont nombreuses, comme à celle de la Gare de Lyon, à Paris, où une partie des voyageurs reprenait les slogans que criaient les bloqueurs. Il faut ajouter que les jeunes déscolarisés de banlieue n’ont pas fait qu’attaquer les manifestants et qu’ils ont aussi participé à côté des étudiants aux affrontements avec la police. Et enfin, même si c’est ponctuel, on peut noter que des agriculteurs ont apporté des vivres aux étudiants qui bloquent les universités à Bordeaux et à Lille.
C’est cette socialisation du mouvement, la menace de son extension et intensification, et non la seule force des étudiants et lycéens, qui ont provoqué le recul partiel du gouvernement et la crise politique gouvernementale qui s’en suit.2. Le mouvement est-il resté cantonné à la stricte question du CPE ?
Henri écrit : "Pour la plupart des étudiants, même si la toile de fond était un malaise à l’égard de l’actuelle société, peu de revendications allaient au-delà du retrait du CPE". (Questions précises...)Pourtant, un des aspects particuliers de ce mouvement est le fait qu’il s’est très vite conçu comme une lutte contre une mesure sociale qui touche tous les exploités. Il est significatif que dès le début les assemblées générales des universités se sont ouvertes à l’extérieur, aux non-étudiants, comme en 1968 et contrairement à ce qui se fait dans les mouvements syndicaux classiques. Le thème du CPE conduit immédiatement à celui de la précarité en général et du système qui l’engendre. Si les étudiants étaient si enfermés sur leurs propres spécificité d’étudiants, comment expliquer qu’une assemblée générale de l’université de Tolbiac ait pu voter une motion au début mars parlant de la nécessité d’"en finir avec le capitalisme" ?
Henri écrit :
"Dans les manifestations, pratiquement toutes les pancartes, petites ou grandes, individuelles ou collectives concernaient le CPE, très peu parlaient d’autre chose et aucune ne concernait les banlieues" (texte du 3.04)
Cette affirmation me surprend d’autant plus que j’ai eu l’occasion de rencontrer Henri à trois reprises au cours des différentes manifestations, mais de toute évidence nous n’avions pas le même regard....
Il suffirait de citer quelques unes des pancartes qui jouaient avec les initiales CPE pour contredire la vision donnée par Henri : "Contrat Premier Esclavage", "Contrat Précarité Eternelle", "Chômage, précarité, exclusion"... il y avait de nombreuses variations qui élargissaient la signification sociale des trois lettres.
Après les initiales CPE, le mot certainement le plus écrit dans toutes les pancartes et banderoles c’était "précarité". Et ce mot à lui seul résume la condition et le problème le plus pressant non pas pour les seuls étudiants et lycéens mais aussi pour l’ensemble de la classe exploitée et en premier lieu pour les jeunes de banlieue.
La revendication du "retrait du CPE" a naturellement constitué une constante, le point de départ et de ralliement. Mais, au fur et à mesure que le mouvement s’est développé, en particulier avec les manifestations, les slogans et les pancartes ont abordé des questions de plus en plus globales. "Il y en a marre de cette société !" a mille fois été répété dans tous les cortèges et fréquentes étaient les pancartes qui disaient "Ni CPE, ni CDD, ni CDI", c’est à dire le refus de tout type de contrat de travail. Il y avait même des "A bas le travail !", "Droit à la paresse", "Il faut détruire le système d’exploitation !", etc.Pour étayer sa vision d’un mouvement étudiant strictement corporatiste, Henri rappelle que le CPE fait partie d’une loi plus générale : la "Loi pour l’égalité des chances" et que celle-ci contient des articles qui touchent violemment des secteurs les plus défavorisés des travailleurs : "possibilité de travailler - écrit-il - comme apprenti dès l’âge de 14 ans et autorisation du travail de nuit à partir de 15 ans, ce qui est une rupture par rapport à l’éducation obligatoire jusqu’à 16 ans et l’interdiction du travail de nuit pour les enfants ; (...) sanctions pécuniaires contre les parents pour manque de surveillance de leurs enfants, particulièrement s’ils jouent aux truands fréquemment...", etc. (Questions précises...)
Puis Henri ajoute : "Nous devons observer que l’actuel mouvement ’anti-CPE’ ne mentionne pas du tout ces mesures répressives contre les gens des banlieues."Dans son dernier texte, Henri cite Y. qui lui dit que cela est faux et lui donne pour preuve le fait que la coordination nationale des étudiants et lycéens (qui se réunit toutes les semaines dans une ville différente et regroupe des délégués de toutes les universités et lycées en lutte) a explicitement déclaré qu’elle ne demandait pas le seul retrait du CPE mais de l’intégralité de la loi. (Le journal Libération (7 avril ) cite un représentant de la coordination de la région parisienne affirmant que leur combat dépasse largement le CPE : "Nous voulons le retrait du CNE [un contrat du type CPE, en vigueur depuis plusieurs mois, mais qui ne concerne que les entreprises de moins de 20 salariés], de la loi égalité des chances et de la loi Sarkozy sur l’immigration.")
Et Henri répond : "C’est vrai. Mais le problème est de considérer la taille et l’importance de cet appel au retrait de la loi. Pratiquement toutes les déclarations et appels des syndicats officiels d’étudiants et de travailleurs (qui ont appelé à la plupart des ’journées d’action’ et organisé les principales manifestations) se sont focalisées seulement sur le CPE."Mais, est-ce que les syndicats officiels d’étudiants (UNEF) et de lycéens (UNL, FIDL) sont une expression plus authentique du mouvement que la coordination nationale ?
Cela nous conduit au troisième aspect du mouvement qu’Henri présente, à mon avis, de façon déformée : les formes d’organisation du mouvement étudiant/lycéen et leurs rapports avec les syndicats officiels.
A suivre- DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, R.V., 22 avril 2006
Suite
3. L’auto-organisation des étudiants/lycéens.
Henri passe à côté d’un des aspects les plus importants et novateurs de l’actuel mouvement : la capacité d’auto-organisation des étudiants et lycéens. Depuis le début, le mouvement étudiant s’est organisé en dehors des syndicats. Contrairement à ce qui se fait d’habitude, les assemblées ne sont pas présidées par des délégués syndicaux mais par des participants de l’assemblée élus à chaque occasion. Dans beaucoup d’assemblées, les organisations syndicales n’ont même pas le droit de s’exprimer en tant qu’appareils. La coordination des assemblées n’est pas assurée par une "intersyndicale", mais par des délégués élus pour chaque réunion de la coordination. A une telle échelle, c’est une des plus larges expériences d’auto-organisation réalisées en France.
Le GCI pour qui la radicalité d’un mouvement se mesure essentiellement à la violence des affrontements avec la police, se moquait de ces efforts et écrivait dans un tract daté du 21 mars : "En s’enfermant dans la débilité de l’assembléisme, véritable moulin à parlottes et non véritable lieu d’organisation de la lutte, ainsi l’AG de Dijon s’est réunie (19-20 mars) pendant 17 HEURES pour décider 2 journées de "mobilisation". D’autres ironisent sur la méticulosité avec laquelle les assemblées générales des universités procèdent à des votes pour même la moindre décision, au contrôle des mandats des délégués, etc. Ils ne voient pas que c’est l’apprentissage de l’auto-organisation, de la capacité à tenir des assemblées et des coordinations qui se gouvernent elles-mêmes et ne sont plus de simples publics d’un show syndical ou de minorités organisées et "décidées", comme se voudrait le GCI et autres "guerriers" en manque de troupes. Des lieux où l’on apprend à se reconnaître comme collectif et comme individu responsable du collectif.
Cela est d’autant plus difficile que les militants trotskistes (en particulier ceux de la LCR -IVe Internationale- et de LO) jouent en permanence sur les deux tableaux, en tant que délégués syndicaux et en tant qu’éléments "combatifs" favorables aux assemblées autogérées. Comme ils l’avaient fait, avec succès, dans le mouvement de 2003, ils ont recours à toutes sortes de manœuvres pour se faire nommer délégués et être présents dans les commissions pour défendre leur politique de coopération/soumission aux syndicats. Lors d’une assemblée générale de Censier (3 avril), le délégué qui rendait compte de sa participation la veille à la réunion de la coordination nationale à Lille, s’est plaint ouvertement des magouilles de la part de l’UNEF (syndicat étudiant) de la LCR et de LO.Même si le niveau de clarté des différentes assemblées d’étudiants et de lycéens est hétérogène, il est remarquable de voir comment dans les assemblées les plus avancées, telles Tolbiac et Censier à Paris, la méfiance à l’égard des toutes les organisations syndicales et politiques est devenue une donnée de base.
Henri semble ignorer cette réalité pour ne voir que ce qui se fait au niveau syndical. Il en est ainsi lorsqu’il parle des efforts des étudiants pour élargir leur mouvement vers les salariés : "Mais cette tentative vers les syndicats de travailleurs est plus compliquée : les contacts sont faits à partir des syndicats d’étudiants vers les syndicats de travailleurs ; il n’y a pas, par exemple, de tentatives de la part des étudiants de la base d’aller directement à la porte des usines pour prendre contact avec les travailleurs." (Questions précises...)
Tout d’abord sur ce dernier point : il n’est pas vrai qu’il n’y a pas eu de tentatives de rencontrer les travailleurs en dehors des filières syndicales. Celles-ci se sont multipliées surtout après le 4 avril avec des mini-manifestations "sauvages", c’est à dire en dehors des syndicats, qui se rendent dans les lieux de travail, par exemple aux dépôts des bus parisiens, à 5 heures du matin. Le six avril, à Rennes des étudiants et lycéens sont allés bloquer le centre de tri postal de la ville et les travailleurs sont partis spontanément en grève en solidarité, jusqu’au lendemain.Il est cependant vrai que la volonté des étudiants et lycéens de s’adresser aux travailleurs s’est traduite aussi par des appels adressés aux grandes centrales syndicales, formulés évidemment par les syndicats étudiants et lycéens en premier mais aussi par des assemblées. L’idée que ces centrales représentent tant bien que mal les travailleurs n’est pas encore disparue et est quotidiennement entretenue par l’action conjointe des syndicats, du gouvernement, des médias et de façon plus insidieuse par les gauchistes. Il n’est pas surprenant, tant qu’il n’y aura pas de mouvement significatif des travailleurs clairement en dehors des contrôles syndicaux, que les étudiants s’adressent aussi à elles pour parler aux travailleurs.
Des illusions subsistent. Mais, ce n’est pas une raison pour laisser entendre, comme le fait Henri, que les étudiants étaient globalement d’accord avec l’action des centrales et en particulier avec les actions policières des services d’ordre syndicaux pendant les manifestations.
"Ce n’est pas par hasard -écrit Henri- qu’il y a eu un accord général pour demander l’aide des principaux syndicats de travailleurs pour l’organisation des manifestations, même de celles purement estudiantines et que les ’gros bras’ des services d’ordre syndicaux ont contrôlé les manifestations contre ’les jeunes des banlieues’ ensemble avec la police." (Des émeutes des banlieues...)Même si la méfiance des étudiants et lycéens à l’égard des syndicats de travailleurs reste insuffisante, leur mouvement n’est pas pour autant soumis passivement à l’action des grandes centrales. L’assemblée générale de la Sorbonne, par exemple, traduisant un sentiment très généralisé, avait voté une résolution dénonçant la décision des grands syndicats, au lendemain de la première manifestation ayant connu une forte participation de travailleurs, le 18mars, d’appeler à une "journée d’action" devant se dérouler seulement 10 jours plus tard, faisant tout pour que la combativité qui venait de s’exprimer s’attenue.
Quant à la question de l’action des services d’ordre syndicaux pendant les manifestations, en particulier vis-à-vis des "jeunes de banlieue" les choses sont plus complexes.
Après l’attaque de la manifestation d’étudiants et lycéens, le 23 mars, par des centaines de "jeunes de banlieues", où des manifestants et manifestantes furent violemment volés et frappés, provoquant ne véritable ambiance de panique à la fin de la manifestation, les étudiants ont effectivement demandé l’aide des syndicats de travailleurs pour se défendre. Mais, lorsqu’ils ont vu lors des manifestations du 28 mars les services d’ordre syndicaux se livrer à une véritable coopération ouverte avec la police, livrant à celle-ci les jeunes qu’ils avaient capturés, il y eut des réactions de stupeur mais aussi de réprobation ouverte comme celle de certains groupes, place de la République à Paris, criant : "CGT collabos !". Même si de telles réactions sont restées minoritaires, même si l’ensemble des manifestants n’a eu ni la conscience ni la force suffisante pour s’opposer aux agissements des services d’ordre syndicaux, il est faux d’assimiler la coopération des services d’ordre avec la police à la volonté du mouvement étudiant et lycéen.4. Le mouvement étudiant/lycéen et la violence.
Enfin, avant d’aborder la question des "jeunes de banlieue" et de leur rôle dans le mouvement "anti-CPE", il me semble nécessaire de rectifier l’affirmation d’Henri d’après laquelle : "Le mouvement étudiant veut donner une" bonne image" et rejette toute sorte de violence." (Des émeutes des banlieues...)Il suffit de regarder la composition des listes de manifestants arrêtés lors des divers épisodes d’affrontements avec la police pour se rendre compte qu’il n’y a pas que les "jeunes de banlieue" qui se battent violemment la police. En dehors de Paris, dans des villes comme Rennes, Caen ou Toulouse les étudiants ont été plus particulièrement violents. Ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté : la violence à la fin des manifestations estudiantines et lycéennes en France n’est pas d’aujourd’hui.
Par contre, ce qu’il y a eu de nouveau c’est les tentatives de transformer les fins de manifestations en meetings ouverts où tout le monde puisse prendre la parole. Ainsi, à la veille de la manifestions du 18 mars, l’assemblée générale de la Sorbonne avait appelé à tenir un tel meeting à la fin de la manifestation de Paris, place de la Nation. Malheureusement, peu avant la fin, une voiture fut incendiée près de cette place et il y eut les premiers gaz lacrymogènes, annihilant toute possibilité de meeting. A la veille de la manifestation du 23 mars, c’est une coordination des assemblées de facs parisiennes qui propose de tenir un meeting à la place des Invalides, choisie pour son ampleur comme aboutissement de la manifestation. Mais la place ne servit que comme champ de bataille pour l’attaque des manifestants par les "jeunes des banlieues" puis par les forces de police.
A ma connaissance, d’après une information sur Indymedia-Paris, il n’y a eu qu’à Nice qu’une telle tentative a été réussie donnant lieu à des prises de paroles qui n’avaient rien à voir avec le langage stéréotypé des syndicats.Tout comme le GCI, Henri semble voir dans la violence par elle même un critère de radicalisation d’un mouvement social. Cela n’est vrai que dans une certaine mesure. Au delà du terrain de l’affrontement avec les forces de police, sur lequel il sera pendant très longtemps impossible d’avoir le dernier mot, la question de la transformation des fins de manifestations en lieux de rencontre où l’on puisse se parler librement, prendre conscience de la force du rassemblement, prendre des décisions est beaucoup plus importante et fertile. A mon avis, ce n’est pas moindre le mérite de ce mouvement que d’avoir commencé à poser la question.
... à suivre
Raoul Victor
9 avril 2006Note :
1 ; Les deux autres textes sont : "Questions précises posées par un camarade grec qui pourraient être utiles aux non français pour comprendre ce qui est en train d’arriver en France" (1 avril) ; un mail daté du 3 avril où Henri répond a certaines critiques faites a ces textes par un camarade, Y., de Paris. Toutes les citations que je donne viennent de la version anglaise des textes.
DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS.- DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, Maxime, 22 avril 2006
A tous
Rebond en seconde file sur Raoul par rapport à Henri
Salaud de jeune ! Le camarade Christian, méprisant la règle de préséance
qu’il eût dû observer en égard à mes cheveux plus blancs que les siens, a piqué
sous mon nez les remarques que je m’apprêtais à faire sur le texte de Raoul
apostrophant Henri. Le malpoli ne m’offre pas même la ressource de dire ma pensée
mieux qu’il ne l’a fait. Mais, trop bon, je lui pardonne.Comme Christian - et Raoul sur ce point et aussi Jacques Wajnsztejn-,
j’estime qu’Henri a complètement tort de ne voir dans le mouvement étudiant
d’aujourd’hui qu’une expression des enfants des classes moyennes. Et la bévue d’HS
apparaît encore plus grave quand on prend en compte l’ensemble des scolarisés
mobilisés contre la précarité, en incluant donc les lycéens. La chose laisse
plutôt pantois venant de la part d’un vétéran archiformé, en principe, pour
discerner l’évolution des facteurs sociologiques au cours des trente dernières
années.
En dehors de ce point, je me place, derrière Christian, tout à fait du côté
du camarade d’Echanges - donc en opposition aux objections que lui fait Raoul
, quand, dans son message d’information aux "non-Français", Henri indique les
limites du mouvement anti-CPE. Sur l’appréciation générale de la
mobilisation des scolarisés et du soutien que lui ont apporté les "salariés", Raoul, tout
en pointant cependant des faiblesses, se montre trop optimiste. Cela même de
l’intérieur de sa vision "programmatiste" du prolétariat devant prendre en
main la gestion du salariat avant d’abolir celui-ci et dont l’avancée du
"programme" passe par le progrès de l’auto-organisation face aux syndicats et aux
partis de gauche (cf. son texte d’il y a deux ans sur la légitimité de la
représentation syndicale).Je ne repète pas les arguments de Christian et d’Henri, qui me semblent plus
que suffisants ; je souligne seulement quelques aspects.
A propos, justement, de l’imposture des syndicats, le cri de triomphe que la
CGT, la CFDT, FO, l’Unef, la Confédération étudiante, la FIDL et les autres (à
part la CNT), ont poussé à l’annonce de l’enterrement de fait du CPE par le
gouvernement montre bien que, malgré la défiance exprimée effectivement contre
eux ça et là dans les AG des scolarisés, les syndicats ont eu barre sur le
mouvement et l’ont pris finalement à leur compte. A ce plan, l’auto-organisation
des scolaires n’a pas été plus loin qu’une volonté d’autonomie - de toute
façon bien propre à l’humeur de la jeunesse en général ; mais l’autonomie n’est
pas l’indépendance et encore moins une déclaration d’hostilité. Il faut de toute
manière rappeler que ni l’autonomie ni l’indépendance organisative d’un
mouvement ne portent automatiquement en elles, en tant que formes, la garantie d’un
dépassement de l’idée syndicale, qui, tant qu’elle subsiste, laisse la porte
ouverte à la récupération par les syndicats institués ou des syndicats de
remplacement, " de base ", " de lutte de classe ", etc.
Par rapport à Henri, je veux dire qu’il n’ y pas lieu de séparer le " bon
mouvement " des émeutiers " de novembre, parce que conduit par des ressortissants
de la " classe dangereuse " (le prolétariat, bien entendu), du moins bon,
voire mauvais, mouvement des scolarisés. Les deux se rapportent au même problème
de la " salariarisition " dans le capitalisme d’aujourd’hui. La "
précarisation ", comme on dit. La rébellion des cités banlieusardes a exprimé seulement le
côté le plus extrême de la précarité : l’exclusion pure et simple hors du
champ salarié. Pour revenir au mouvement des scolaires, le lien entre les
différents aspects de la précarisation a certainement été fait dans les esprits, et
Raoul a raison de le dire, mais cela ne s’est guère traduit au plan de
l’expression la plus publique du mouvement : les manifestations de rue. Plus que sa
présence formelle dans les libellés inscrits sur les banderoles des cortèges
(présence pas si abondante que ça, d’ailleurs), ce qui aurait traduit la
globalisation du problème dans les consciences devait être une invitation expresse
faite aux jeunes des banlieues (ceux, du moins, qui n’étaient pas déjà incorporés
en tant que lycéens ou étudiants, il y en a malgré tout) de s’agréger aux
défilés sous un calicot affichant l’unité de combat entre scolaires et
"émeutiers". La remarque vaut d’ailleurs dans l’autre sens aussi bien, à savoir
l’exigence posée par les
" encapuchonnés " du 9. 3. (et d’ailleurs) d’avoir leur place officielle au
cœur des défilés, et je ne sache pas que la requête a été exprimée. J’aurais
aimé entendre sortir des poitrines ce cri salutaire : " Nous sommes tous des
kaïras (racailles). Nous sommes tous des casseurs !". Alors, c’est vrai que,
comme le souligne Raoul, certains scolaires (pas tous) et certains
banlieusards (pas tous) se sont retrouvés côte à côte face aux charges des CRS, surtout
après le 18 mars. Mais ce rapprochement a plus relevé des contingences de la
situation que d’une volonté délibérée, " politique ", de fusion.
Il en va de même pour ce qui regarde le soutien des "salariés" au mouvement.
Car, bien entendu, des cortèges aussi massifs que ceux de Paris, Toulouse,
Marseille, etc., ne renfermaient pas que des scolaires. Là aussi, c’est clair, le
lien entre la précarité des jeunes et celle des seniors s’est opéré dans les
esprits. Mais cette convergence de conscience s’est précisément traduite
seulement sous la forme, non de fusion, mais de soutien, donc avec une certaine
extériorité qui amenuise le degré de conscience. De nouveau, l’absence de
banderoles centrales, dans les manifs, proclamant : "
Etudiants-lycéens-émeutiers-salariés, même combat, une seule lutte contre le capitalisme et sa société. Tous
en grève reconductible ! " (slogans que portaient en effet quelques pancartes
individuelles et éparses, sûrement pas des milliers), cette absence, donc, est
révélatrice de faiblesse.
Dans le prolongement de ce point, je voudrais faire une réflexion sur la
remarque d’Henri disant qu’" il n’y a pas de tentatives de la part des étudiants
de la base d’aller directement à la porte des usines pour prendre contact avec
les travailleurs ". Raoul rétorque que des démarches de ce genre se sont
multipliées au lendemain du 4 avril, c’est-à-dire après la date d’émission du
communiqué d’HS aux non-Français. A mon avis, et outre que le phénomène fut très
tardif, elles n’ont pas été aussi nombreuses que le dit Raoul et, je le
répète, n’ont pas dépassé le stade de la demande de soutien. Mais ce n’est pas
cela, ma réflexion. En fait, les " salariés " étaient bien présents dans les
manifs, venus d’eux-mêmes, mais pas, comme naguère cela se faisait, sous forme de
cortèges d’entreprises, d’usines, sinon à titre individuel, comme parents de
scolaires ou bien de citoyens. Il me semble qu’il y a là une déperdition du
sens de l’appartenance à la " classe ouvrière " dans la notion classique de la
chose ; l’apparent oubli du réflexe d’aller aux portes des usines refléterait
en réalité un effacement de la symbolique des usines comme lieu privilégié où
se forge la force de classe et à partir de l’exemple duquel se cristallise
l’identité prolétarienne des non-ouvriers. Et cela renvoie à cette réalité que,
aujourd’hui, les ouvriers ne sont plus le centre de gravité de la " classe
ouvrière ". Ce que traduit le type massif des manifs d’après le 18 mars, c’est
que, si la classe ouvrière - ou classe prolétarienne pour mieux dire- a
encore un sens en 2006, comme je le crois, elle est maintenant partout et en même
temps diffuse. D’où la difficulté actuelle des prolétaires à se reconnaître
comme classe et à fusionner ses différents moments et aspects de luttes. Ce n’est
pas pour rien que, dans le mouvement contre la précarité, les protagonistes
n’ont jamais appelé les prolétaires autrement que sous l’appellation
œcuménique et vague de salariés.
Je terminerai en incorporant au champ de mes remarques le dernier texte de
Jacques Wajnsztejn (JW). C’est au moins plaisant à faire pour noter chez Jacques
un optimisme sur les manifs égal à celui de Raoul. Mais pas pour les mêmes
raisons. Si Raoul y voit un progrès, certes à confirmer mais un progrès quand
même, de l’affirmation prolétarienne au sens où l’entend l’ultra gauche en
général, Jacques y relève une avancée, certes embryonnaire, du nouveau mouvement
révolutionnaire, c’est-à-dire, si je comprends bien le camarade de Temps
critiques, un mouvement qui, je le cite, " ne revendique rien, ne propose rien non
plus ", qui refuse tout, en l’occurrence du CPE au CDI. Comme Raoul, il a vu
de nombreux signes qui confortent sa propre vision et, à l’instar de Raoul, il
exagère : il me semble, de même qu à Christian et à Henri, que le mouvement,
dans son tout, a fait du retrait du CPE une revendication centrale. Mais pour
m’en tenir à la vision révolutionnaire de JW, je dois avouer qu’elle me laisse
circonspect. Je comprends bien la critique que son courant, et les "
communisateurs " en général, fait au revendicativisme ainsi qu’à la vieille notion de "
classe ouvrière ". Je perçois parfaitement qu’un problème se pose au
prolétariat du fait que le travail vivant est de moins en moins essentiel dans la
production capitaliste. Mais je ne vois pas comment une force révolutionnaire de
masse peut se constituer en ne revendiquant rien , en ne proposant rien. Pas
même la " révolution à titre humain " ?, belle (et ancienne) idée qui,
toutefois, ne suffit pas en soi à agréger un mouvement social concret.
Maxime 20 avril 2006- DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, Ni armée, ni réserve, 22 avril 2006
L’armée de réserve du capital ?
Rien d’autre qu’un contresens historique, un gourdin stupidement donné à l’ adversaire pour mieux se faire démolir la tronche (et le porte-monnaie). La division ainsi artificiellement créée entre salariés au travail (sous-entendu : productifs, même si c’est au service du capital) et chômeurs en réserve (donc exclus du processus de production, voire inutiles), témoigne d’un aveuglement quasi caricatural, et d’une pensée qui reste collée à celles des syndicats réformistes honnis. L’armée de réserve est le mythe qui sous-tend l’idéologie de la concurrence de tous contre tous, celle qui nous dresse les uns contres les autres. Quand dans la 4e ou 5e puissance économique mondiale plus d’un tiers des sans domicile fixe exercent une activité salariée, quand pour une génération entière le salariat devient une circulation incessante des individus entre chômage, emploi, formation, intérim, travail au black....Quand le travail ménager, familial et domestique, la reproduction de la force de travail, le plus souvent gratuite, non rémunérée, devient la condition indispensable à l’expoitation de la force de travail dans le salariat, traiter de petit-bourgeois un mouvement étudiant qui se constitue non pas sur une hypothétique dichotomie travail/chômage mais sur le refus d’une précarité subie, cela ne mérite qu’une seule réponse : Il serait temps que l’armée de la connerie s’y mette, elle, en réserve.
- DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, Ni armée, ni réserve, 22 avril 2006
- DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, Bernard Lyon, 9 mai 2006
Un mouvement vainqueur sans victoire
Les arguments développés par Temps critiques et par RV se fondent sur l’existence dans le mouvement contre le CPE, de très réelles expressions refusant aussi bien le CDI que le CPE, d’expressions qui assimilaient le refus de la précarité officialisée qu’était le CPE au refus de la précarité salariale toute entière, au refus du salariat lui-même. De ce point de vue il est évident qu’il saurait y avoir de revendication du tout (comme le dit Temps Critique) car ça n’aurait aucun sens de revendiquer la fin du salariat !
Mais il est aveuglant (pour ceux qui ne s’aveuglent pas) que le mouvement dans son ensemble (mais non dans sa totalité) était bel et bien revendicatif : Il revendiquait le retrait du CPE - et secondairement celui du CNE - et cette revendication essentielle et définitoire a été satisfaite, le CPE a été retiré (soi-disant « remplacé »). Cette revendication était cependant purement négative il n’y avait aucune demande d’autre chose, d’un quelconque statut garanti, même le CDI comme unique contrat n’a pas été massivement réclamé, cette revendication négative était à la fois « radicale » (sans discussion possible aucune) et insatisfaisante, il était impossible de « positiver » un refus pur et simple ;
Le mouvement, dans son cours même, montrait bien que le retrait ne serait pas vécu comme une victoire, et la fin subite et absolue du mouvement quand le CPE a été retiré n’a donné lieu à aucune démonstration de joie (à part la misérable séance où les leaders syndicaux ont sablé un champagne qui semblait bien n’être qu’un malheureux mousseux de supermarché). L’impression « radicalement » fausse selon laquelle le mouvement contre le CPE n’aurait pas été revendicatif, alors qu’il l’était absolument, provient de la focalisation de l’attention sur les élément réels mais marginaux qui refusaient le CDI autant que le CPE, mais si l’attention (d’observateurs opposés au salariat) pouvait se focaliser ainsi c’est parce que la revendication était purement négative et laissait clairement percevoir que sa satisfaction ne pouvait être satisfaisante, pour ceux-là même qui la scandaient sur tous les tons.
Le refus de la précarité officialisée pouvait être comprise comme le refus de toute précarité salariale parce que le CDI n’était que très peu revendiqué. Si le CDI était très peu revendiqué c’est très certainement que sa mort programmée dans la création des CPE et CNE était profondément saisie comme inéluctable et déjà intégrée dans la revendication syndicale bien connue (même si elle n’a pas été explicitée dans les cortéges syndicaux) de sécurisation des parcours professionnels ; la merveilleuse flexisécurité qu’on réclame du Medef à la Cgt en passant par Sarkozy et Chéréque !
La défense du CDI aurait été prise dans le discours antilibéral et citoyen du démocratisme radical, mais justement le discours DR a été absent du mouvement, cette absence est identique à sa non positivité, aucune autre modalité plus « solidaire » de l’exploitation n’a été avancée par ce mouvement qui ne fût strictement pas alter - quelque- chose, et c’est pour ça que certains ont pu le croire non revendicatif.
C’est ce caractère de strict refus qui rapproche visiblement ce mouvement contre le CPE des révoltes des banlieues de novembre. Si les émeutes, explicitement au moins, ne revendiquaient rien le mouvement de 2006 ne revendiquait que la satisfaction d’un refus.
La présence, bien que marginale, d’un refus de toute forme de contrat de travail et surtout la pratique par la grande masse des manifestants étudiants et lycéens de formes d’action non encadrées et offensives constituaient l’existence au sein du mouvement revendicatif d’un écart indiquant / annonçant le dépassement de la défense de la condition salariale, (le caractère massif offensif et non encadré du mouvement des jeunes a d’ailleurs été la condition de sa victoire) mais cette annonce n’est pas - en l’état - le début de ce dépassement, même si c’est déjà l’impossibilité de sa défense de type programmatique.- APRES LA TEMPÊTE..., Patlotch, 10 mai 2006
Il faut sans doute distinguer ce qu’on peut dire dans le faire, à chaud, et ce qu’on peut en dire après. De ce point de vue, je n’ai rien à redire à cette synthèse analytique d’une remarquable densité, et c’est peut-être ce qu’elle ne dit pas, mais qu’elle suppose, qui me poserait plus de problèmes : les présupposés projetés dans l’analyse (la grille de lecture et d’interprétation), qui ne sont évidemment pas ceux de Temps critiques. Autrement dit, cet épisode est aussi l’occasion de vérifier quelle est la théorie la plus pertinente, et je ne vois pas qu’ici on puisse éviter le dialogue sur ces aspects, sauf à penser qu’il a lieu ailleurs, en coulisses (coups lisses).
Par ailleurs, ce n’est pas pareil d’adopter une focale analytique sur le mouvement « dans son ensemble » et de participer à ce qui est « marginal » comme il est dit ici à juste titre. Et ce n’est pas pareil pendant et après. Car on n’imagine pas les "communisateurs" participant autrement que marginalement, ou pas. On ne les voit pas être de plein pied dans la revendication négative « Retrait du CPE » (et rien d’autre)...
A titre d’exemples :
Louis MARTIN a pris un risque en exposant un point de vue théorique distancié dans le cours de la lutte (Le point de rupture de la revendication), qui m’a personnellement beaucoup aidé à m’y situer, quand d’autres ont préféré demeurer plus discrets voire muets, ou parler d’autre chose supposé plus important à terme sur le plan théorique, ou si subtilement en relation avec ce qui se passait que cela ne fut accessible et audible qu’aux spécialistes de « l’ensemble »
d’autres (ou les mêmes) ont pris des risques plus physiques en participant aux actions les plus « offensives et les moins encadrées » tout en ayant sur « l’ensemble » une vue comparable à celle de BL ou plus « aveuglée ». C’est peut-être fumeux, mais on est fondé à se demander si avoir une telle vision de « l’ensemble » n’est pas un frein à ce qui participe du plus « marginal » ou à créer « les conditions de la victoire »...
En résumé mon problème, c’est que cela invite à éclaircir la relation entre théorie, pratique théorique et pratique politique (le genre de questions posées par C. Charrier > De la pratique théorique, de la théorie... ), qui sont, dans cette discussion, mélangées, ce qui suppose à chaque lecture de mettre au point, au sens photographique, pour articuler ces différentes focales, du télé-objectif de l’expérience singulière et située au grand angle de l’ensemble, et leurs rapports. Cela posera un jour ou l’autre des questions de réactivité, de tactique, de stratégie...
Il est indéniable que pris dans le mouvement, si on n’est pas passionné par ses limites (retrait du CPE...), et si on participe à les pousser le plus loin possible (vers l’abolition du salariat... sans quoi il n’y aurait pas « marginaux » et peut-être beaucoup moins d’« offensifs non encadrés »), on n’a pas envie de désespérer les orphelins de Billancourt : on en est ou pas (Hemingway). La question est ici à quel moment peut-on savoir qu’on « s’aveugle » ou pas, et ma réponse est la nécessité de l’expression théorique dans le cours des événements.
***Cela dit, personnellement, à froid, je trouve plus de pertinence à la synthèse analytique de BL qu’aux analyses fondées sur une surestimation de l’expression « marginale » ou sur les potentialités "communisatrices" de « l’offensif non encadré ». Elle me semble éviter les élans théorico-romantiques sur l’écart.
Quelques remarques sur le "caractère revendicatif négatif" :
il est remarquable, dans cette lutte centrée sur l’évolution du travail salarié (il faut quand même le dire, relativement aux questions des dominations diverses), qu’elle n’a pas débouché sur une négociation entre les syndicats et le gouvernement et/ou le patronat. Celle-ci viendra sans doute, passé le traumatisme des "vaincus" et rangés les verres de mousseux des "victorieux", mais elle n’a pas été produite directement comme sortie de cette lutte et condition de cette sortie, comme dans les luttes précédentes (1995, 2003). Je ne sais pas s’il y a des précédents mais cela me semble rajouter à ce que dit BL : les syndicats n’ont jamais été en position d’avancer positivement la "solution" de la sécurité sociale professionnelle. Ô temps suspends ton vol ! On est comme entre deux, ce que prolonge la conjoncture politique (Clearstream, présidentielles etc.). De même la gauche politique (PS ou gauche de la gauche) n’a rien proposé à voix haute en dehors de son exploitation politicienne de l’embarras de la droite, et même aujourd’hui, elle ne le fait pas (voir le vide de la lettre de Bové à Olivier, Marie-Georges et autres gentils anti..., et l’arlésienne du programme alternatif de gouvernement depuis trois ans : le démocratisme tourne en rond sur lui-même, réduit à sa définition, être radicalement démocratique, devoir rompre avec le programmatisme tout en poursuivant son ombre projetée comme absence)
dit autrement : les syndicats, unité et remise en selle légitimée de la représentation oblige, n’ont pu relayer que le refus. C’est-à-dire qu’en toute rigueur et à ce jour, ils n’ont pas pu assumer au grand jour leur être de représentant du prolétariat dans le capital négociant la valeur de la force de travail (déplacement du curseur de l’exploitation globale) : jusqu’à quel point peut-on parler de crise de l’identité syndicale, dont on avait déjà eu une idée dans l’usage qui en est fait par les luttes non encadrées (ou auto-organisées, mais BL a évité le concept qui fâche...).
revenu garanti... je ne mesure la présence de cette revendication dans les luttes, j’ai seulement vu que Moulier-Boutang et ses Multitudes remettaient la gomme là-dessus. Je me demande, relativement à celle plus classique du parcours sécurisé de travail, quel peut être son destin... si elle peut resurgir massivement plus tard, dans l’épuisement de la solution des syndicats de salariés...
Un peu en vrac, comme d’hab’
Amical’
Patlotch, 10 mai
- APRES LA TEMPÊTE..., Patlotch, 10 mai 2006
- DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, Maxime, 22 avril 2006
- DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, , 2 juin 2006
Rebonds sur les critiques de RV au texte de HS
Tout d’abord, je remercie Raoul d’avoir « décortiqué » le texte d’Henri et d’en avoir souligné les aspects les plus discutables ( la raison de notre réseau )
Je voudrai souligner concernant ce mouvement de février-mars 2006, qu’il a remis la question sociale à l’ordre du jour et que c’est le premier mouvement contre le développement de la précarité. De ce fait il ne peut être compris que comme un mouvement de prolétaires
Je reprends donc dans l’ordre ou RV se prononce
1/ le mouvement est-il l’œuvre de la classe moyenne ?
Je partage totalement ses ( ces ) critiques, voir les étudiants de 2006 avec les lunettes de 1968 c’est vraiment faire preuve..d’aveuglement ! Je ne peux que reprendre les arguments développés aussi par Jacques dans son supplément n°14 à Temps Critiques, le nombre d’élèves en cycles universitaires d’a rien à voir avec celui des années 68 /70, le mode de vie ( précarité du logement, développement d’étudiants/travailleurs etc.) et leurs futur. Si à la fin des années 60, les étudiants pouvaient espérer avoir un avenir de décideurs, cela n’est plus le cas aujourd’hui, soit le chômage ou un poste d’opérateur dans la société capitalisée.
2/ le mouvement est-il resté cantonné dans la stricte question du CPE ,
Je serai plus nuancé, selon que l’on se place sur se qui a été débattu dans les AG ou sur les impressions laissées par les manifestations..parisiennes.En ce qui concerne les AG, et de se que j’ai pu lire ( étant logé en lointaine banlieue, je n’ai pas assisté physiquement à une AG étudiante ) un certain nombres d’entre elles étaient ouvertes aux non étudiants, développaient des positions très radicales, anti travail, anti salariat
Mais elles ne regroupaient que quelques milliers de participants.Mais on a pu assister aussi à des AG cantonnées à la défense de la lutte anti CPE et restées fermées sur elles-mêmes en exigeant la présentation de la carte universitaire pour pouvoir participer aux votes.
En ce qui concerne les manifestations, surtout après la main mise par les organisations syndicales de salariés sur le mouvement, le ton dominant était effectivement le retrait du CPE
3 /l’auto-organisation des étudiants/lycéens .
Si effectivement Henri passe à côté de cet aspect, Raoul lui ne voit que le côté positif, démocratique ou les grévistes ( et dans certaines AG des non grévistes )peuvent exprimer librement leurs opinions sans en mesurer les limites.
Je pense que l’auto-organisation n’est pas un but en soit mais une nécessité pour la lutte, un moyen d’être plus efficace dans les discussions et dans les actions.
C’est de ce point de vue pratique que l’on doit juger pour savoir ce qui renforce les luttes et ce qui les stérilisent. C’est aussi pour cela que tout en ne partageant pas les positions ( que je connais très mal) du GCI que je ne suivrait pas RV dans la critique qu’il lui fait.
Nous ne sommes pas des démocrates ( et les étudiants non plus qui non pas attendus un large consensus pour bloquer les facs et ainsi permettre le développement de la grève.)
De plus, dans la période actuelle, ou le mouvement syndical s’est transformé, dans cette lutte comme dans celles à venir, nous pouvons nous retrouver confronté à une auto organisation qui ne dépasse pas l’horizon syndicaliste et qui est relayé par les syndicats « alternatifs » ( Sud, CNT, Cobas etc )
Sur l’élargissement aux travailleurs
Je ne rentre pas dans le faux débat faut il s’adresser directement aux salariés ou à leur organisations.Le fait est, et contrairement à la vision positive de Raoul, que cet élargissement n’a pas eu lieu, et que RV, pour argumenter face au scepticisme d’Henri, cite des tentatives de rencontres datées du.... 4 et 6 avril 2006, c’est à dire deux mois après le début du mouvement et à son crépuscule.
Non et malheureusement mais pouvait il en être autrement, c’est rencontre d’un troisième type avec une classe ouvrière mythique n’a pas eu lieu.
4/ le mouvement étudiant/lycéen et la violence
La d’accord avec Raoul, à Rennes ou le mouvement à pris naissance, la violence à été un des principal moteur de la radicalisation et du développement, idem à Toulouse
Mais concernant la violence, si le fait d’employer la violence n’est pas obligatoirement un critère de radicalisation, refuser d’avance de l’employer, c’est se condamner à la défaite.
Amitiés
Christian le 13 avril 2006
- DE LA REVOLTE DES CITES AUX MOUVEMENTS ETUDIANTS ET LYCEENS, R.V., 22 avril 2006
Comments
Provocateurs ?
dimanche, 14 mai 2006
Nous publions ce texte diffusé durant la lutte par Mouvement Communiste sous forme de tract parce qu’il est une position politique et théorique qu’il faut traiter en tant que telle, comme ce que nous avons à combattre,
comme quelque chose qui a sa réalité actuelle dans la lutte de classe. En
tant que telle il faut montrer ce qu’ils disent et peut-être font, dire
qu’ils sont devenus et ne pourront se confirmer que comme acteurs (entre
autres) d’une mise en forme de ce que nous avons à combattre dans ce cycle
de luttes. Défendant le prolétariat, ils se préparent et se manifestent
déjà dans la mesure de leur possibilité à faire office de police contre
tout mouvement ou dynamique de lutte qui pourrait contenir sa remise en
cause. Il est devenu évident qu’ils se rallieront à toutes les forces du
capital pourvu qu’elles préservent une existence qu’ils posent en idéal du
prolétariat, ce qui est la contre-révolution même. Ce ne sont pas les
quatre pitres du MC qui sont ici en cause, mais la compréhension dans le
présent de la dynamique qui le dépasse et dans laquelle nous devons
prendre position.
Théo Cosme
Certains passages ont été soulignés par nous ;
On peut voir l’original ici
POUR OBTENIR LE RETRAIT DU CPE/CNE, IL EST NECESSAIRE QUE TOUS LES TRAVAILLEURS REJOIGNENT LA LUTTE
Cette journée d’action arrive bien tard et risque de ne pas être suffisante pour obtenir
le retrait du CPE/CNE. Les tractations entre centrales syndicales et gouvernement n’ont
aucune chance d’y aboutir si le front de lutte ne s’élargit pas. La mobilisation étudiante etlycéenne a atteint un palier. Pour l’essentiel, le mouvement tient encore mais il a besoin d’unnouveau souffle pour réussir.Le gouvernement et les patrons font de cette affaire une bataille politique. Ils sont convaincus que, s’ils cèdent, leur programme de flexibilisation du marché du travail se retrouvera bloqué pour plusieurs années.
Les confédérations syndicales, de leur côte, n’ont rien fait pour accroître la volonté des travailleurs de se joindre à ce combat. De très rares assemblées générales, organisées localement, ont été tenues dans les entreprises.
Pourtant, cette lutte est vitale pour un grand nombre de salariés. Dans beaucoup d’usines, de magasins et de bureaux, les patrons utilisent amplement les différentes formes de précarité déjà existantes. A Flins, chez Renault, la moitié des ouvriers de chaîne sont intérimaires. A la Poste, un tiers des travailleurs ne sont pas titulaires du statut de postier. En 2005, près de 14% des salariés en France n’avaient pas des contrats à durée indéterminée.Et ceux qui bénéficient des emplois les plus stables, sont, eux aussi, de plus en plus exposés aux licenciements et à la précarité. Rien qu’en janvier 2006, 16.000 travailleurs en CDI ont subi des licenciements économiques, 53.600 autres ont été mis à la porte pour des raisons différentes. En moyenne, le temps passé au chômage est désormais de 12 mois. La durée des CDI est loin d’être à vie. Dans le secteur marchand non agricole, elle n’est que de 110 mois en moyenne.
Face à ces réalités, la réponse syndicale n’est pas de contribuer à unir les travailleurs
par delà leur condition. La défense syndicale à tout crin de l’entreprise et de l’outil de travail, le patriotisme économique dont ils font sans cesse preuve, la recherche continue de la compromission avec l’Etat, leur action de cogestion de l’exploitation, les en empêche.
Les syndicats et les partis de gauche qui claironnent leur opposition au nouveau
contrat ne font rien pour favoriser la convergence sur le terrain de la lutte entre le mouvement en cours et les travailleurs. Comme la précédente, la manifestation de mardi est un excellent moyen pour eux d’exploiter les énergies dégagées par la lutte à des fins électorales (2007 approche...) et/ou pour renforcer leur pouvoir contractuel vis-à-vis du gouvernement.
C’est pourquoi, le mouvement contre le CPE/CNE doit prendre directement en main la perspective de l’élargissement et de l’enracinement de
la lutte. Le mot d’ordre de grève générale, en l’état, n’est pas crédible. Des
nombreux pas doivent être faits pour parvenir à un combat global de la
classe ouvrière contre la précarité dans toutes ses formes, anciennes et
nouvelles.
Il faut éviter de rester campés dans une logique de lutte purement étudiante. Le seul
chemin praticable est celui de la recherche de l’établissement de liaisons directes entre
étudiants, lycéens et ouvriers. D’autant plus que, très souvent, les étudiants sont
majoritairement déjà des salariés. Bien plus de la moitié d’entre eux doivent travailler pour survivre et payer leurs études.
Dans les facs, dans les lycées et dans les collèges, et à proximité, il existe de nombreux
lieux de travail précaire. Les salariés qui le subissent n’ont pas toujours la force de se révolter.
Le mouvement contre le CPE peut représenter un catalyseur et un centre d’organisation de ces prolétaires.
Diriger les manifestations vers les usines, les magasins et les bureaux, et en priorité
ceux qui sont connus pour employer massivement du travail précaire et/ou qui licencient.
Diffuser des tracts, faire des prises de parole auprès des salariés, expliquer les raisons du combat ; les inviter à la rejoindre ; impulser l’auto-organisation et la coordination entre foyers de lutte, voilà la perspective. Mais pour ce faire, il faudra d’abord encore élargir le mouvement dans les Universités, les IUT, les lycées et les collèges. La mobilisation contre le CPE et le CNE doit gagner des secteurs étudiants et lycéens encore passifs. Elle doit être plus efficace dans l’explication des motifs de notre refus de ce nouvel instrument de précarité qui accroît la soumission au patron.
Il faut également que le mouvement se préserve des provocateurs en bande qui ont
sévi en nombre contre des manifestants pacifiques lors des derniers défilés parisiens. Se défendre n’est pas un luxe, c’est désormais devenu une nécessité. La peur ne doit pas s’installer dans nos rangs. Ces bandes organisées font le jeu des forces de répression. Pire, elles font leur travail. En appeler à la police n’est pas la solution. Celle-ci exploite abondamment ces exactions pour justifier sa présence agressive. Les incursions de ces provocateurs peuvent servir de prétexte pour des interventions musclées des forces de répression au sein même des manifestations. Le Ministre de l’intérieur n’a pas manqué l’occasion d’ordonner la présence renforcée d’équipes de policiers en civil dans les cortèges.
Les partis politiques de gauche et d’extrême gauche et les organisations syndicales, même sur ce terrain élémentaire, n’ont pas tenu à assurer la moindre protection des
manifestants. Se cantonnant à patrouiller leurs pré-carrés, ils ont livré la plupart des manifestants à la violence réactionnaire et gratuite de ces provocateurs.
Pour leur part, des éléments souvent étrangers à la lutte et qui se disent très radicaux
ont tantôt exalté ces actes de pillage en les reliant aux « émeutes des banlieues » de novembre 2005, tantôt refusé de le combattre sous prétexte que leur priorité est de « s’affronter aux flics ». Ces révolutionnaires de pacotille n’ont pas à coeur le développement du mouvement contre le CPE/CNE. Ils préfèrent mener des actions certes très médiatiques mais parfaitement contre-productives, à l’image de l’occupation/dévastation de l’EHESS, à Paris.
Il faut mener une bataille d’ensemble contre toutes les formes de précarité ; contre les licenciements et pour une meilleure rémunération des chômeurs.
Les travailleurs aux emplois les moins menacés doivent s’unir à leurs frères de classe menacés de licenciement.
Les ouvriers des grandes usines doivent s’opposer fermement, sur leur lieu de travail, à l’intérim, aux CDD et aux CPE et impliquer dans ce combat les
salariés de la sous-traitance.
Les étudiants, dont bien plus de la moitié sont des travailleurs précaires, doivent abandonner le simple terrain de l’Université pour rejoindre les autres
salariés et leur proposer de se battre ensemble.
Seule une lutte qui est capable de durer, de se généraliser et de s’enraciner sur les lieux de production peut faire reculer le patronat et son État.
Paris, le 27 mars 2006.
MOUVEMENT COMMUNISTE
Pour toute correspondance écrire, sans autre mention, à : BP 1666, Centre Monnaie 1000, Bruxelles 1,
Belgique.
Consulter le site Internet de Mouvement Communiste : www.mouvement-communiste.com
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Provocateurs ?, Patlotch, 18 mai 2006Il apparaît que ce type de commentaires (ceux soulignés en gras) a traversé toute la palette des organisations engagées dans la lutte "anti-CPE". La formulation en est différente selon la base idéologique et les aspirations politiques, entre ceux très investis dans le "démocratisme radical" (PCF, LCR, syndicalistes) et ceux très scotchés au "programmatisme" (LO, CCI, Mouvement communiste), avec les variantes intermédiaires de circonstances dans ce cycle (la forte rémanence dans le démocratisme du fond programmatisme, chez ceux qui se revendiquent encore du communisme ou se disent "révolutionnaires"), et au-delà, chez de plus libertaires ou post-situs (cf la controverse avec François Lonchampt sur le réseau international de discussion (voir http://patlotch.free.fr/text/1e9b54...). Cela dit, il n’y a pas homogénéïté de position au sein des organisations "programmatistes" et les épisodes évoqués ont produit des réactions assez contrastées chez les militants, selon leur expérience sociale.
Certains se rendent bien compte que leurs fondements théoriques ne sont plus du tout à même de rendre compte de ce qui se passe, d’autant que leurs orgas tranchent dans le vif sans se préoccuper de l’expérience réelle de ceux qui connaissent vraiment les "casseurs", la "racaille"... Cela produit toutes sorte de contorsions que seul le discours maître de l’organisation peut recadrer, mais avec un décalage et une tension qui ne manqueront pas de produire des ruptures, et des questionnements qui justifient d’autant notre intervention.
Quand je dis toute la palette des "anti-CPE" je suis gentiment réducteur, puisqu’on retrouve le même fond chez ceux qui, au pouvoir, ont voulu distinguer « vrais manifestants » et « casseurs », au premier rang desquels Nicolas Sarkozy et Chirac, dans la manoeuvre d’ensemble pour relégitimer les « négociateurs" vaincus ou victorieux. Cela ne devrait pas nous étonner, puisque contenir dans ses limites le mouvement, et plus généralement dans les luttes de ce cycle le capitalisme, cela renvoie (ou renverra) à terme dans le même camp tous ceux qui n’en remettent (remettront) pas en cause les fondements, y compris quand ils se revendiquent (revendiqueront) de la révolution et du communisme, ce qui est le cas de Mouvement communiste.
Poser la question en ces termes dès aujourd’hui apparaît certes marginal si on ne retient que le nombre et la puissance des poignées de militants qui sont derrière. Mais c’est parce qu’elle n’a pas atteint dans les luttes le point d’évolution et le seuil quantitatif propres à produire un basculement qualitatif, un dépassement des limites, ou du moins en révéler (en "annoncer") les enjeux comme en Argentine, avant que l’on connaisse des affrontements où cette question sera réellement posée comme affrontement explicite de ces limites.
Il est donc judicieux de mettre ce texte en ligne ici (et peut-être d’autres dans le genre), et d’en faire la critique à laquelle invite le chapeau introductif :
Défendant le prolétariat, ils se préparent et se manifestent déjà dans la mesure de leur possibilité à faire office de police contre tout mouvement ou dynamique de lutte qui pourrait contenir sa remise en cause. Il est devenu évident qu’ils se rallieront à toutes les forces du capital pourvu qu’elles préservent une existence qu’ils posent en idéal du prolétariat, ce qui est la contre-révolution même.
Cela va dans le même sens que ce que j’écrivais au point 8 de ma Lettre ouverte à Meeting...
Il est tout à fait significatif qu’en lisant certains textes "authentiquement communistes et révolutionnaires", on partage pas mal de points tranchants avec l’alternative radicale, et puis boum ba da boum, tout s’effondre sur des passages tels que ceux relevés, ou à la chute sur "le grand parti ouvrier" ou telle lubie autogestionnaire. Il nous faudra aborder ces polémiques sans états d’âmes.
Patlotch, 18 mai
- Provocateurs ?, , 22 mai 2006
Il me semble que le premier passage souligné ne dit pas autre chose que beaucoup de textes et interventions parues sur le net après cette fameuse manif : il faut que les manifestants apprennent à se défendre contre ces agressions, tout simplement.
Dois-je me laisser exploser la tête parce que mon agresseur viens de banlieue (donc prolo) et en plus est d’origine immigrée (donc victime-du-racisme-des-anciens-colons-que-nous-sommes-tous, etc.) ?Il faut en tout cas constater que la fausse conscience est chez elle aussi bien au PS qu’à l’ultra gauche.
- Provocateurs ?, Bernard Lyon, 22 mai 2006
Il faut comprendre ce que les mots veulent dire, et "provocateur" dans le langage de ceux qui se veulent révolutionnaires veut dire flic tout simplement. Il n’y a pas de fausse conscience là-dedans ni de barartin anti-raciste ou anti-fasciste et c’est enfoncer une porte ouverte que de dire : il faut se défendre et pas se laisser éclate la tête par quiconque.Par ailleurs il y a totale continuité entre les deux passages soulignés et déjà MC se lamentait en novembre de voir des "voitures d’ouvriers"être brulées en banlieue (voir ailleurs sur le site "Meeting")
Quant à pouvoir dire que Meeting est Ultra-gauche, il faudrait pour ça que l’Ultra-gauche soit pour la communisation immédiate ce qui n’est pas du tout le cas (voir sur le site ;"Plus radical que moi tu meurs") l’Ultra-gauche pose l’affirmation du prolétariat et du travai productif, donc d’une classe propre sur elle et qui ne casse pas les équipements sociaux.
Avant de parler on s’informe et on apprend que Meeting n’a aucune admiration, a-priori, pour les prolos et n’a aucune trace d’anti-colonialisme et de la mauvaise conscience qui va avec
- Provocateurs ?, Patlotch, 22 mai 2006
il faut que les manifestants apprennent à se défendre contre ces agressions, tout simplement
« Tout simplement » ? Rien n’est si simple, et ces affrontements n’ont pas été inventés par la so called « ultra-gauche » pour sauver sa « conscience », vraie ou fausse, ni même sa théorie : ce sont des faits. Il faut donc essayer de les comprendre, non pas moralement, mais théoriquement. Perso je ne suis pas avec des « manifestants » simplement parce qu’ils manifestent : ce qu’ils demandaient ("non au CPE" et pas "oui au CDI"), il existe une partie de la population pour qui ça ne change déjà plus rien. Il faut peut-être commencer, tout simplement, par prendre en compte son existence, pour comprendre comment certains peuvent être amenés à réagir. Cela n’en fait pas un nouveau sujet révolutionnaire, mais des acteurs impliqués de la lutte des classes telle qu’elle se présente aujourd’hui, avec ses contradictions internes à la classe prolétaire, ce qui traduit aussi l’illusoire poursuite de l’unité ou de la convergence politique.
Les jeunes de banlieues mais aussi les marginaux de tous les systèmes scolaires ne pouvaient qu’être là, mais leur seule présence était la manifestation physique (personnalisée) de l’inanité de la revendication du retrait du CPE, une telle nature du rapport à l’intérieur du mouvement entre ses divers éléments ne prend pas la forme du cours d’un long fleuve tranquille. La dynamique était contradictoire, une contradiction pouvant aller jusqu’à la violence entre les acteurs. Cette dynamique et les actions non-encadrées et offensives, remettant en cause les formes d’auto-organisations au fur et à mesure qu’elles les créaient peut être qualifiée d’écart à l’intérieur de l’action en tant que classe entre n’exister que comme classe du capital et, par là même, se remettre en cause comme classe : une contradiction interne de l’action en tant que classe. Le point d’explosion de la revendication
Autrement dit :
1) L’analyse de Mouvement communiste est aveugle à cette contradiction, et vous semblez oublier dans ce passage ces phrases :
Ces bandes organisées font le jeu des forces de répression. Pire, elles font leur travail.
2) Cette analyse et cette phrase ne sauraient être séparées du deuxième passage, qui est une condamnation en règle de tout ce qui ne défile pas en bon ordre :
Pour leur part, des éléments souvent étrangers à la lutte et qui se disent très radicaux ont tantôt exalté ces actes de pillage en les reliant aux « émeutes des banlieues » de novembre 2005 [...] Ces révolutionnaires de pacotille n’ont pas à coeur le développement du mouvement contre le CPE/CNE [...]
« Eléments très radicaux » qui se sont multipliés comme par hasard chez les lycéens, étudiants, ou autres bien au-delà des activistes plus traditionnels, grâce à quoi le mouvement ne s’est pas enlisé : eux ne demandaient pas (ou pas que) le retrait du CPE, mais sans eux il n’aurait pas été retiré.
3) Qui relie le mouvement Anti-CPE aux émeutes de novembre ? C’est nous :
En conséquence, on peut considérer comme une évidence qu’aucune compréhension du mouvement anti-CPE n’est possible en dehors de l’ensemble formé par cette lutte et les émeutes de novembre. Au-delà d’une situation objective commune, la liaison entre les émeutes de novembre et la lutte anti-CPE fut consciemment vécue et pratiquée dans le mouvement anti-CPE. C’est précisément là le problème. Louis MARTIN, Id.
Il y a par conséquent dans ce texte de Mouvement communiste un double voire triple amalgame en cascade, comme par hasard dans le miroir des explications de la police (et encore les flics les plus intelligents ont bien compris que c’était moins simple que vous le dites en particulier avec votre allusion à l’origine immigrée, et c’est pourquoi ils se sont mis d’accord avec les SO syndicaux : tous ensemble Yeah ! parti de l’ordre établi jusque dans les manifs, c’est le bras armé de la contre-révolution qui s’annonce).
En quoi, soutenant les « Eléments très radicaux », je me sens moi agressé par Mouvement communiste, même si ce n’est que sur le papier, et je considère qu’il faut que les "éléments très radicaux" apprennent à se défendre contre ces agressions, tout simplement.
Patlotch (qui n’est pas un ancien colon), 22 mai
- Provocateurs ?, jef, 23 mai 2006
ce n’est pas parce que tout le monde le dit que c’est prodigieusement perspicace ; cela dit, présenté de cette dernière manière, la "défense contre les provocations" prend un sens tout à fait particulier : il s’agit d’auto-défense physique ! si tel est le cas, je vois mal qu’il y ait parade à l’argument de MC. en revanche s’il s’agit de défendre l’intégrité "discursive" du mouvement en "condamnant" les composantes qui se livrent à des "débordements" qui ne mettent pas directement en péril les autres composantes, sinon par invitation au débat amical, si je puis dire, alors il faut répondre que toute lutte est contreproductive et fait le jeu du pouvoir et de la répression, TOUTE. toute initiative même la plus rangée s’expose à la calomnie et aux médisances de l’appreil de propagande, la moindre grève, même déclenchée par le syndicat soi-me^me, comme on vient de l’observer en Belgique l’hiver dernier, est "anticompétitive, conservatrice", tout ce qu’ils veulent, bref. lutter c’est s’exposer à la l’illégitimité de la contestation de la seule légitimité possible, celle souveraine de l’Etat, au personnel régulièrement recruté d’autorité, malgré la mascarade (quasi)plébiscitaire de la consultation électorale, ou plutôt en vertu de celle-ci, quand elle la participation est obligatoire - et quand elle ne l’est pas, il suffit d’un quorum : l’Etat a besoin d’un quota de volontaires pour applaudir les équipes du personnel politique qui s’apprêtent à les passer à la casserole. il s’oblige à réunir les volontaires. à défaut d’un taux d’applaudissements suffisant, il y a trop d’ingrats, le pouvoir ne s’abaisse pas à faire le bien des gens à leur place, si les gens ne sont pas assez convaincus qu’on ne leur veut que du bien.
- Provocateurs ?, Bernard Lyon, 22 mai 2006
- Provocateurs ?, , 22 mai 2006
Comments
Lettre ouverte aux participants à Meeting, au Réseau de discussion international, et à quelques autres plus ou moins loin
mercredi, 24 mai 2006
reproduit tel que, depuis le site du camarade patloch
Les « émeutes de novembre » et le « mouvement anti-CPE » ont été l’occasion d’apprécier sur pièces, en situations, les pratiques théoriques et parfois politiques de ceux qui se revendiquent du communisme. Après la tempête, elles sont et seront encore à juger au regard de leur pertinence quant aux faits.
Je fais référence et je m’adresse à des groupes ou personnes gravitant en France autour de : Meeting, Théorie communiste, Réseau international de discussions, CCI, Mouvement communiste, Echanges et mouvements, Temps critiques, Trop loin (mes excuses à ceux que j’oublierais par ignorance). Je ne cite ni RobinGoodfellow ni La Matérielle, qui à ma connaissance ne se sont pas (encore) exprimés directement sur ou dans ces luttes, ce dont je n’ai pu juger qu’à travers leurs publications sur Internet. De Troploin, nous disposons d’un texte sur "les émeutes" mais pas sur "l’anti-CPE". Quant à ce que j’ai cru bon de dire ou de relayer concernant ces luttes, on le trouve là Propos en luttes ou épars là PASSAGES DU TEMPS & SPATIALS CHANGES.
Pour ce qui nous concerne en commun, j’exclus du champ de mes remarques les positions relevant, dans le champ politique institutionnel étatico-médiatique, de la croyance en la future montée en puissance du mouvement ouvrier organisé, ou au possible débouché communiste de l’alternative radicale (pour un aperçu voir Alternatives, émancipations, communisme L’alternative radicale des "marxistes" selon Espaces-Marx), et ceci on le comprendra malgré le rapport de ces positions au communisme, qui est manifestement, et pour cause, entré en crise théorique et pratico-politique (LO, LCR, PCF, FA, CNT Vignolles… et leurs satellites ou recompositions) [Pour faire mentir Antoine Vitez réagissant dans Le Monde aux contorsions du PCF après la chute du mur de Berlin : ils n’ont plus grand chose à voir avec ce dont ils portent le nom].
Cette lettre ouverte a pour objet d’expliciter l’évolution de mes positions depuis mon inscription dans ce champ en janvier 2005, en espérant que son intérêt dépasse cette dimension individuelle et auto-référentielle, en particulier par sa teneur autocritique. C’est aussi la nécessité pour tous que chacun sache et dise d’où il parle.
1) Je dois reconnaître, dans les six premiers mois de 2005, le côté « tout nouveau tout beau », le choc théorico-politique comme je l’ai dit alors, qu’a provoqué la découverte des thèses sur la révolution communiste comme problème d’actualité dans la période ouverte. Cette découverte, je l’ai faite, en pleine polémique personnelle théorique et politique au sein de l’alternative radicale, alors que je cherchais confusément une critique pertinente du capital et de l’Etat (CARREFOUR DES ÉMANCIPATIONS, oct-déc 2004). Cette découverte, je l’ai faite à travers « Les fondements… » de Roland SIMON, c’est-à-dire par le corpus de Théorie communiste, qui conditionne l’existence de Meeting, revue et site dont je me suis alors rapproché.
2) Une période a suivi d’appropriation peu distanciée de ces thèses (jusqu’à l’été 2005 2.1. INTERVENTIONS janvier-septembre 2005), puis une d’approches plus critiques de ma part (jusqu’à la fin de l’année 2005 2.2. INTERVENTIONS octobre-décembre 2005), alimentées notamment par les réflexions de Christian CHARRIER dans La Matérielle, et consistant en diverses considérations personnelles sur l’anti-humanisme et la méthode dialectique (Ceci pourrait être un voeu de bonne santé). A noter que celles-ci portaient, pour faire court, davantage que sur « nos tâches immédiates », sur la production « positive » du communisme, dans un sens s’écartant de la thèse de Théorie communiste de la "communisation" comme stricte négation du capital et du prolétariat s’auto-abolissant comme classe. Cette période a débouché sur mon retrait de Meeting, considérant que le poids de Théorie communiste ne permettait pas à Meeting de prendre son essort.
3) Rétrospectivement, je ne remets pas en cause la pertinence de mon questionnement sur le fond, qui reste en suspens comme chantier théorique à ouvrir, mais, tout bien considéré, ce retrait de Meeting tenait à des désaccords de formes plus que de fond (bien qu’ici, comme le dit C. Charrier, les deux soient liés par le positionnement de Théorie communiste dans la revue et "le courant communisateur" ; ce lien est celui qu’entretiennent théorie, pratique théorique, et pratique politique, voir ses notes de travail) : la revue n’était pas alors selon moi ce qu’elle rêvait et affichait d’être, et n’en prenait pas le chemin, notamment pour rendre compte des luttes existantes et de leurs analyses théoriques, ou même des positions différentes à cet égard au sein de Meeting. On peut aussi considérer que c’était en partie faute, blé à moudre, de luttes effectives (ce que m’avait répondu un des participants).
4) Mais tout ceci, c’était avant les « émeutes de novembre » et le « mouvement anti-CPE » (on peut remarquer, si l’on s’en tient à son résultat immédiat, que ceux qui ont voulu le nommer autrement auront eu tort d’avoir raison), et c’était donc avant que Meeting ne prenne l’initiative d’ouvrir sur son site deux rubriques répondant en partie aux critiques sur la forme dont j’ai parlé plus haut (Chronique(s) de la lutte contre le CPE, et la catégorie d’interventions non destinées à la publication « on peut en parler ou pas »), qui me semblent mieux assumer la raison d’être de la revue et de son site, et leur donner un plus large intérêt que strictement pour ceux qui s’y reconnaissent a priori.
5) Parallèlement je comprenais mieux, à travers les textes (notamment de Temps critiques, Echanges et mouvements, Troploin, et d’interventions sur la liste du Réseau de discussion international), des positions que je connaissais mal ou seulement à travers leurs critiques, par Roland Simon dans Les Fondements..., ou dans des textes de Théorie communiste. Je parvenais ainsi pour mon compte à établir une cartographie plus claire des points d’accords ou de désaccords entre les diverses approches de la théorie communiste. Jacques WAJNSZTEJN, de Temps critiques n’a pas manqué, dans l’appréciation qu’il a bien voulu porter sur mon site début mars (commentaires de JW) de me placer devant mes contradictions, et d’éclairer l’impasse théorique dans laquelle je risquais de m’enfermer [j’ai lu depuis "L’individu et la communauté humaine", et au boulot on s’est fort moqué de mon ’livre rouge’, bien que pas petit]. Je me trouvais devant la nécessité de choisir, sur la question de la contradiction essentielle de l’exploitation et notamment de trancher ce point : continuer ou non à prendre pour argent comptant ( ) les lois de la valeur et de la baisse tendancielle du taux de profit…
6) J’anticipe sur la suite en le disant tout net : j’ai choisi. Tout dans la réalité que j’ai sous les yeux : exploitation du travail salarié et précarisation généralisée, dominations et oppression, évolution de la globalisation capitaliste, extension quantitative de la classe ouvrière mondiale, nécessité de produire pour transporter, nourrir, habiller, loger, et réjouir de loisirs… et donc de consommer des choses matérielles matériellement produites (sans intervention de prolétaires, les meilleurs robots s’arrêtent), et in fine dans la classe d’en face nécessité de s’enrichir ; rien dans les considérations théoriques sur la valeur émanant du capital cognitif (néo-opéraïstes négristes et moulier-boulangistes), ou du capital fixe (Temps critiques), sur son évanescence, sur les seules dominations et non l’exploitation conditionnant la reproduction du capital, sur la disparition du travail exploité comme base de la plus-value avant valorisation du capital (Temps critiques et certains participants du Réseau international de discussion) ; presque tout chez ceux qui appuient encore leurs considérations théoriques sur la pertinence de ces lois tout en rejetant la possibilité que le mouvement du communisme s’alimente de la montée en puissance, unitaire, organisée et autonome du prolétariat face au capital (autrement dit contre le déni de l’implication réciproque des classes dans le rapport d’exploitation)… Ce rien et ces presque tout, donc, me conduisent à confirmer mon attachement aux lois de la valeur et de la baisse tendancielle du taux de profit, et par conséquent au poids déterminant en dernière instance du facteur de l’exploitation du travail salarié productif* dans la reproduction du système capitaliste, et dans les conditions de son abolition comme dépassement produit des contradictions du système en tant que capitalisme, fondé sur ce qui le caractérise comme mode de production, y compris de/par/dans la lutte de classes, production de sa nécrologie : il faut être deux pour se baiser à mort, c’est le tango du capital. (Noter que, si je reprends des formulations conceptuelles de Théorie communiste, je prends soin de les laisser ouvertes aux questions de fond que j’ai évoquées au point 2). *Bruno ASTARIAN « Division du travail, division de la propriété, et valeur »).
7) Pour boucler mes remarques sur le contexte des « émeutes de novembre », et du « mouvement anti-CPE », ce qui aura déterminé mon choix, ce sont les analyses et prises de positions critiques des protagonistes dans cette période. J’entends par là aussi la dimension centrale, dans ces luttes comme dans les analyses, du rapport au travail salarié exploité, à la force de travail globale dans le capitalisme globalisé. J’entends par là la lecture de la singularité des événements français dans la dimension mondiale de la restructuration du capitalisme. Cf Théorie communiste 19 "sur la restructuration" et Ballade en novembre. Les plus pertinentes et les éclairantes des interventions quant à ce que je pouvais penser et dire par moi-même pendant le mouvement anti-CPE auront été celles gravitant autour du corpus de Théorie Communiste (de Louis MARTIN pendant, le point de rupture de la revendication, à la synthèse rapide après de Bernard LYON De la révolte des cités aux mouvements étudiants et lycéens / Un mouvement vainqueur sans victoire) sous réserve de ne pas y inclure toutes les considérations sur la « communisation » et la « théorie de l’écart » (TC 20). Cela ne signifie ni que tout m’y convienne, ni que rien ne soit intéressant chez d’autres (en particulier certains textes mis en ligne par Christian CHARRIER sur La Matérielle, répondant au besoin entre autre d’une « critique de l’économie politique du capitalisme contemporain » ou celui de Bruno ASTARIAN évoqué plus haut). C’est la grille d’analyse théorique qui me semble avoir le mieux collé à ce que nous avions sous les yeux et/ou à quoi nous participions. (Petite remarque : il n’est sans doute pas paradoxal que cette grille ait conduit à plus de retenue chez Henri Simon d’Echanges, quant aux perspectives du mouvement anti-CPE que certaines critiques portées, dans le Réseau international de discussions, à ses textes, et rapportées sur Meeting. Remarque qui ne vaut pas approbation de la caractérisation par HS, de « couches moyennes » pour le mouvement des étudiants et lycéens > Voir sur ce point Le point d’explosion de la revendication).
8) Je suis donc en mesure d’affirmer rétrospectivement : ce sont les thèses de Théorie communiste en ce qu’elles s’opposent non seulement au "démocratisme radical", mais aussi aux autres dans la mouvance communiste évoquée en introduction, qui m’ont permis de rompre avec mes errements alternatifs, et ces autres n’auraient pu m’y conduire, pour deux raisons : 1) Je n’aurais pas été plus attiré par des thèses programmatistes néo-bordiguistes, par celles du CCI, par celles de Mouvement communiste, que toute proportion gardée par celles de LO. On aura, exemple significatif, pu observer la parenté de leurs regards portés sur « la racaille » ou le « lumpen-prolétariat allié du pouvoir » (cf sur Meeting le texte de Mouvement communiste sous le titre « provocateurs ? »). 2) Je n’aurais pas pu rompre avec le « démocratisme radical » sur la base des thèses de Temps critiques, Trop loin, ou Echanges, parce que leurs approches ne m’en auraient pas convaincu : elles n’auraient pu produire le choc théorique me conduisant à cette rupture. Ceci, je suis donc en mesure de l’affirmer après coup, à la lumière de leurs analyses comparée des luttes récentes (on attend celle de Troploin et de Robin Goodfellow, mais en bonne logique s’ils ne rompent pas avec ce qui fait leur originalité théorique, ce ne sera pas une surprise, et donc pas susceptible de modifier mon appréciation).
9) On pourrait comprendre ma position comme le besoin de disposer d’une théorie construite en cohérence peu ou prou « totalisante », pour analyser ou intervenir dans les luttes, le besoin disons-le d’une théorie-guide de l’action. Et considérer, cette cohérence étant bien pratique quand il s’agit pour ceux qui le jugent nécessaire de dire ou faire quelque chose, que cela ne va pas sans risques dans le rapport entre théorie et pratique, risques quant à la capacité d’être attentif à la surprise des événements, si l’observation vient seulement alimenter, comme vérification, la théorie ; ou si, à l’inverse la théorie est acceptée comme norme pour l’action, pour décider quoi faire (la question étant par conséquent celle de l’observation et de l’intervention théorique embarquées dans les luttes). Je m’en défends, car sauf à passer pour une girouette, je dois bien reconnaître qu’en dehors de celle de Théorie communiste, les autres approches ne m’ont pas paru suffisamment pertinentes pour l’analyse de ces luttes concrètes, alors que parallèlement les critiques qu’en fait Théorie communiste me semblent pour l’essentiel tenir la route sur le plan théorique.
10) A cet égard, je ne doute pas de l’intérêt de l’existence du Réseau international de discussion pour se tenir informé de divers points de vue, du fait des interventions collectives ou individuelles qui s’y échangent dans la variété sur des questions qui font problème pour la production du communisme. Je saisis moins ce qui, sans parler de pratique dont ce n’est pas directement l’objet, fait l’intérêt de ce réseau pour la théorie, dans la mesure où les positions qui s’y expriment sont, pour les plus claires parfaitement incompatibles entre elles (à l’extrême Temps critiques, Echanges, et RobinGoodfellow ou CCI), et pour les plus individuelles vouées à un syncrétisme sans cohérence théorique, d’autant qu’elles lorgnent du côté de la « communisation » (Christian Lenivelleur et Maxime comprendront que ce n’est pas un reproche en soi), puisque cela ne fait qu’ajouter de l’incompatibilité théorique à un mélange de théorisations incompatibles, et que je n’imagine là personne envisageant de convaincre personne, à la manière des débats ad nauseum entre militants des organisations. De ce point de vue, pour re-réagir tardivement à une autre Lettre à Meeting (mai 2005), je crois que cela ne servirait qu’à « embrouiller » les choses que de vouloir réunir la famille. Dans les positions en présence, je n’en vois ni les bases, ni l’intérêt pour les uns et les autres, ni ce qui pourrait être commun au-delà de bonnes intentions communistes et révolutionnaires. Ce n’est pas (encore et seulement) le débat entre personnes qui importe, mais aussi et surtout le débat entre positions des personnes, et l’élaboration éventuelle entre personnes -élaboration inter-individuelle- qui partagent un minimum de raisons de s’auto-organiser comme pour faire un meeting... A cet égard, le refus de participer de Troploin [sic] (Un appel une Invite, 2004) me paraît avoir le mérite de la logique, et ne pas relever seulement de polémiques personnelles dans le milieu plus que trentenaire de la théorie communiste ayant accompli la rupture avec le programmatisme du mouvement ouvrier et de ses organisations.
11) Je ne sais pas si l’on doit considérer comme humaniste, bordiguiste, utopiste, programmatiste, immédiatiste, autonomiste, irréaliste ou fumiste, l’idée que l’élaboration inter-individuelle annoncerait l’immédiateté des rapports (non-)sociaux caractérisant le communisme. La production anticipée de l’homme nouveau n’est pas a priori, au sens strict, técéiste, mais qui sait ? Humain trop humain...
12) Au total, et l’on appréciera comme on voudra mon changement de perspectives sur ce point (changement lisible dans un mien commentaire de l’Adresse...) élargir le sens et le champ d’accueil théorique de l’Adresse de Meeting ouvrirait sans doute une auberge espagnole. Il faudrait pour cela que Meeting se soit créé dans une autre genèse et sur d’autres bases : je ne vois pas franchement lesquelles à quelques formulations près, ni lesquelles permettraient de lui conférer à court ou moyen terme, soit un intérêt théorique dans un minimum de cohérence, soit un minimum de pertinence d’analyse et d’interventions dans le so called cours quotidien de la lutte des classes. Autrement dit c’est 1) à choisir entre considérer l’existence de Meeting comme positive ou pas pour ce qui nous engage pratiquement et théoriquement en commun(isme) 2) selon la réponse à la question précédente, à choisir d’y participer ou non. Et pour ma part c’est on l’aura compris deux fois oui : choisir c’est ne pas renoncer.
Comments
Quelques unes des nombreuses reflexions pour centrer un debat qui depasse largement le CPE
mercredi, 24 mai 2006
p>Henri Simon ( Echange et mouvements ) 29 avril 2006
EPILOGUES
Quand le doigt montre le lune, l’idiot regarde le doigt ( proverbe chinois)
Les uns retournèrent sur leurs bancs, après des vacances méritées et préparèrent leurs examens et leur avenir.
Les autres retournèrent tenir les murs et parfois se battre avec les loups. Comme le dit un jeune de Clichy-sous-Bois : "Rien n’a changé sauf une inscription sur le mur d’en face ’Solidarité avec Zyed et Benna’"
UN RESUME DES TEXTES PRECEDENTS
Avant d’entrer dans le débat qui porte plus sur des détails que sur le fond ( d’où le proverbe chinois mis en exergue), je voudrais précisément rappeler une chronologie des textes que j’ai écrits pendant les deux mois du mouvement anti-CPE en soulignant les points que je considérais alors ( et encore maintenant) comme essentiels et qui n’ont même pas été effleurés dans les critiques.
1 - LE CADRE MONDIAL DU CAPITAL : vers la mi-mars, j’ai mis sur le réseau français, un premier texte intitulé "De la révolte des cités aux mouvements étudiants et lycéens", tentant de replacer ces deux mouvements dans le contexte du capital mondial ( quel était le sens présent de l’excroissance d’une énorme armée de réserve, question théorique - mission du réseau - restée sans réponse)
2 - LE CADRE NATIONAL : le CPE n’est qu’un maillon de tout un courant du capital qui de puis près de 2O ans tente, pour répondre à la compétition mondiale, d’adapter pour le capital français, au plus près l’utilisation de la force de travail aux impératifs du capital, c’est à dire à atteindre une flexibilité totale quant au porteur de cette force, le travailleur. Ce courant, soutenu depuis plusieurs années par toutes les organisation, politiques, patronales et syndicales vise à faire de la précarité le coeur de l’exploitation du travail sous l’étiquette, dissimulée jusqu’à maintenant mais de plus en plus introduite dans le vocabulaire des discussions économiques et politiques : la sécurité sociale professionnelle.( là aussi bien peu de commentaires sur cette analyse)
3 - DES RESISTANCES PARCELLAIRES - D’emblée, je soulignais que les deux mouvements révolte des banlieues et manifestations anti CPE étaient dus à une même cause mais qu’ils ne pourraient se rejoindre que dans un mouvement global de la classe ouvrière. A défaut d’une telle jonction, ils sont restés distincts, touchant des catégories nettement distinctes de la population, mettant en oeuvre des méthodes et moyens distincts de résistance
4 - UNE MARGINALISATION PAR RAPPORT A LA LUTTE DE CLASSE - A aucun moment , soit de la révolte des banlieues, soit du mouvement étudiant - lycéen, un mouvement d’ensemble de la classe ouvrière n’est venu poser le problème global de la précarité, celui des conditions générale d’exploitation du travail, encore moins celui de la société d’exploitation elle-même
5 - UN CONTRÔLE POLICIER POUR LES BANLIEUES, SYNDICAL POUR LE MOUVEMENT ETUDIANT-LYCEENS. Pour ce dernier mouvement, les organisations syndicales ont pris le train en marche étant contraintes d’aller un peu au delà d’une opposition de principe ( comme pour le CNE) mais que cela ne les a nullement fait dévier sensiblement d’une collaboration avec le patronat pour la mise en place des contrats d’adaptation à la précarité.
6 - UNE CONTINUITE DANS LES MOUVEMENTS DE RESISTANCES DES 20 DERNIERES ANNEES. Quelles que soient les issues des ces mouvements de lutte, ils présentent, à travers les différences évidentes des caractéristiques qui les rattachent aux importants mouvements de lutte des années écoulées. L’accent était mis plus cette généralisation peu contrôlée au départ plus que sur les manifestations d’auto organisation qui d’ailleurs étaient implicites dans cette extension des luttes)
Ce texte a été mis sur deux réseaux de discussion en anglais (29/3/2006) avec des compléments visant notamment à préciser la dimension réelle du mouvement étudiant-lycéen et la nature des couches sociales impliquées dans ce mouvement.
Sur un de ces derniers sites de discussion , un camarade français fit quelques commentaires quant à ce dernier texte. (1/4/2006). Ses remarques concernaient :
sur le lien entre les deux mouvements banlieue - étudiants
sur les contacts directs avec les travailleurs
sur l’organisation de la lutte
Une discussion sur ce même réseau avec ce camarade amena à préciser les différences de points de vue, notamment qu’à aucun moment il n’y eut de grève générale en France.
Un dernier texte, uniquement en anglais, fut mis sur ces réseaux en anglais en réponse à des questions précises d’un camarade grec. Ce texte contenait en particulier :
des précisions sur l’ensemble des contrats de travail en France et le sens des CNE-CPE et sur l’ensemble de la loi sur " l’égalité des chances" dont le CPE n’était qu’un chapitre, l’essentiel concernant des mesures répressives pour discipliner les cités.
une comparaison avec le dernier mouvement lycéens de 1994 contre le CIP ( SMIC jeunes)
la composition de classe des manifestants. Une explication détaillée du système éducatif français dont le résultat était qu’à chaque stade il excluait de la "meilleure" éducation, pas du système lui-même jusqu’à la fin de l’obligation scolaire ( 16 ans), les enfants des classes les moins “ favorisées ” socialement.
que le mouvement étudiant-lycéen regroupait, à cause de cette discrimination de fait, pour l’essentiel les enfants des catégories sociales plus favorisées que l’on pouvait - à défaut d’une définition précise - étiqueter comme "classe moyenne". Le premier texte en français et en anglais précisait bien cette catégorie qui va, en partie faire l’objet d’une controverse : "La grande différence avec le mouvement étudiant-lycéen, c’est que ceux-ci, dans leur grande majorité sont issus de ce qu’on pourrait appeler une large classe moyenne"
J’en viens maintenant aux remarques d’un camarade français R.V.( du réseau de discussion en français, remarques qui figurent également sur l’un des réseaux en anglais)
XXXXXXXXXX
UNE PREMIERE REMARQUE
Qu’il ne partage pas mon interprétation des événements et qu’il s’en explique est tout à fait normal, mais :
ces explications ne restent-elles pas un peu courtes - lorsqu’il cite des phrases séparées de leur contexte (les lecteurs du site en français ne peuvent apprécier le sens des critiques s’ils n’ont pas accès à l’ensemble) Par exemple la citation concernant les "classes moyennes" : cette notion non précisée dans le premier texte est mieux définie dans la réponse au camarade grec. Dans ses objections, R.V ..ne développe qu’un fait patent l’accès plus large aux études supérieures depuis trente ans ce qui ne dit rien des couches sociales qui y ont accès ; il y ajoute un autre paragraphe qui ne concerne pas cette question de "classe moyenne", celle de la participation des travailleurs au mouvement qui est une autre question que celle de l’origine sociale des étudiants-lycéens.
une sorte de personnalisation du débat avec des termes comme "il reproche", "je crois qu’il est faux de", "semble passer à côté de" ,"nostalgique de". Toute une partie des critiques reposent ainsi sur des affirmations subjectives que R.V. résume bien dans certaines de ses impressions des manifestations : "...de toute évidence, nous n’avions pas le même regard". Ce qui est vrai, mais se réfère aussi à un passé politique et à des appréciations passées d’autres événements et bien sûr à des conceptions politiques.
Je reprends le points mentionnés par R.V. dans sa critique.
1 - La "classe moyenne" et la "participation d’un "nombre important de travailleurs"
Que peut-on entendre par "classe moyenne" aujourd’hui ? Je sais fort bien que cette notion n’est plus celle d’il y a cent ans (même si certaines catégories considérées comme telles existent encore, considérablement réduites). Faute d’un débat sur ce point, je me réfère aux statistiques ( qui valent ce qu’elles valent, mais extraits des Tableaux de l’économie française -INSEE références, 2005-2006 et 1998-1999)
Ces tableaux classent la population dans son ensemble et dans l’enseignement supérieur en catégorie se définissant à la fois par le statut professionnel et par l’importance du revenu : sur la base d’un revenu moyen des ouvriers et employés( sous 5 et 6),les catégories 1,2,3, et 4 ont un revenu moyen supérieur à une fois et demi celui des catégories 5 et 6 ; les catégories 7 et 8 sont des "inclassables" tant par leur activité et leurs revenus
Activité | % dans population | |||
1997 | 1996-1997 | 2004 | 2003-2004 | |
1 Agriculteur | 1,4 | 2,8 | 1,4 | 2,4 |
2 Artisan, commer | 3,6 | 8,9 | 3,1 | 7,2 |
3 Cadres sup,prof lib | 6,6 | 35,2 | 7,6 | 31,3 |
4 Prof. intermédiaires | 10,7 | 19,6 | 12,4 | 15 |
5 Employés | 18,9 | 12,7 | 16 | 12,5 |
6 Ouvriers | 14,8 | 12,8 | 14 | 10,6 |
7 Retraités | 21,4) | ) | 30 | 10,5 |
8 Autres | 25,4) | )8 | 15,3 | 9,9 |
en résumé succinct :
en 2003-2004, les catégories 1,2,3,4 ( celles que l’on pourrait appeler classes supérieures, moyennes traditionnelles et "intermédiaires" forment 24,5 % de la population mais occupent 55,9% des places universitaires alors que les catégories 5 et 6, employés et ouvriers forment 30% de la population mais n’occupent que 23,1 % des places universitaires.
En 2003-2004, 60% des 15-24 ans sont scolarisés donc 40% ne le sont plus et parmi ces derniers, seuls 11% du total des 25-24 ans ont un CDI, le reste 29% sont dans la précarité à des titres divers. Parmi les jeunes ainsi définis qui ont quitté le système scolaire en 2001, 40% des non-qualifiés sont au chômage, respectivement 20% et 19% de ceux qui ont le “ niveau bac “ sans diplôme ” ou bac+1 ou+2 sans diplôme alors que pour tous les autres, le taux de chômage tourne autour de 10% ( Le Monde 1/2/2006). A quelle couche sociale appartiennent ceux qui “ s’en sont sortis ” et les autres “ laissés pour compte ” ?
On pourrait ajouter d’autres chiffres tout autant éclairants, par exemple qu’un enfant de cadre a 23,3% de chances de finir ses études secondaires sans le bac alors qu’un enfant d’ouvrier a 82 % de chances de ne pas avoir le bac.
Lorsque l’on considère que les enfants d’ouvriers et d’employés qui gagnent moins d’une fois et demi le salaire moyen de leurs deux catégories n’entrent à l’université que pour 23%, est - il faux de dire que les 77% des autres peuvent être considérés comme "issus des classes moyennes ? ( R.V. remarque justement que les enfants des catégories supérieures vont de préférence dans les Grandes Ecoles, mais cela ne change guère les données car ces élèves ne forment qu’à peine 10% des effectifs du supérieur et que souvent, les formations sont mélangées)
.
Une des critiques de R.V. sur cette question de "classe moyenne" me laisse quelque peu dubitatif. Je cite : “ Evidemment ,il y a aussi une très grande partie des prolétaires, plus ou moins étendue suivant les pays qui ne dépasse pas le nombre d’années scolaires obligatoires ou qui sont déscolarisés avant l’âge. Mais ce n’est pas une raison pour considérer que tous ceux qui sont allés au delà ne sont plus des prolétaires qu’ils sont membres de la "classe moyenne". Qui vise R.V. dans ce passage ? Les étudiants - lycéens ou bien l’ensemble des salariés ? Si ce sont ces derniers, le texte critiqué n’a jamais contenu de telles affirmations. Si ce sont les étudiants-lycéens, ce passage qui semble viser effectivement les salariés ne les concerne pas et n’a rien à faire dans le débat. Un étudiant ou lycéen, même s’il accomplit un travail occasionnel pour payer ses études, ne peut être classé définitivement ni comme prolétaire, ni dans une toute autre classe, car il n’est rien dans le procès de production ou de distribution. Il ne l’est qu’en devenir dans ses aspirations qui ne seront pas forcément réalisées. Le seul classement possible des lycéens dans des groupes sociaux ne peut se faire qu’en référence à l’activité de ses parents mais cela ne lui donne pas la qualification de ceux-ci. Il est certain que cette origine sociale modèle les aspirations ( la reproduction de la classe d’origine) et que l’aggravation des conditions économiques qui rend plus difficile la réalisation de ces aspirations explique les résistances présentes à la formalisation de la précarité ( qui existe déjà largement sous différentes formes). La grande majorité des étudiants - lycéens ne sont pas encore “ des laissés pour compte ” et peuvent conserver des espoirs d’insertion sociale selon leurs désirs. Même si l’on peut apparenter leur frustration à une même cause générale que celle des jeunes des cités, la manière dont ils l’affrontent est radicalement différente et partant les méthodes et objectifs de leur lutte. Il est évident que ces questions comportent une grande part d’interprétation et d’ambiguïté : ce n’est d’ailleurs pas une question de définition et de qualification, mais d’une situation de fait concernant l’éviction de toute le système éducatif des plus défavorisés socialement qui, alors se trouvent placés dans la pire des situations dans la sélection sévère pour se faire exploiter dans le système de production.
Quant à la participation au mouvement éudiant-lycéen "d’un nombre important de travailleurs", tout est relatif. C’est bien évident qu’il n’y eut jamais, au cours des deux mois d’actions et de manifestations, ni de grèves générales ( seulement les sempiternelles journées d’action syndicales, unanimes certes mais avec toujours la même fonction que celle qui avait été assumée dans el mouvement contre les retraites au printemps 2003).Il était tout aussi évident dans ces journées d’action, ponctuées de quelques débrayages couverts par des préavis de grève, que la participation syndicale était largement minoritaire eu égard à la masse impressionnante des étudiants - lycéens. Le fait que certains secteurs enseignants, que quelques travailleurs aient participé aux assemblées de facultés, que des tracts aient été distribués aux portes de certaines usines, que lors de blocages des manifestations de sympathie aient été relevées, etc...ne sauraient être assimilées à la participation d’un nombre important de travailleurs.
Certains citent à l’envi l blocage du centre de tri de Rennes et la grève qui aurait suivi. Voici le communiqué d’agence de presse et le témoignage, non plus du milieu étudiant, mais d’un postier de Rennes qui rétablit le faits :
Voici ce que les médias en ont dit :
“ Une cinquantaine de jeunes bloquent un centre de tri postal à Rennes
Une cinquantaine de jeunes lycéens et étudiants anti-CPE ont bloqué dans la nuit de vendredi à samedi un centre de tri postal près de l’aéroport de Rennes, a-t-on appris auprès de la direction de l’établissement et du syndicat SUD PTT, qui a soutenu l’action.
Les jeunes ont allumé des feux de palette devant les accès du centre, peu après 21H30, paralysant l’activité du site qui gère le courrier du département d’Ille-et-Vilaine et distribue du courrier vers une douzaine de départements du grand Ouest. Un responsable syndical a indiqué que le blocage serait levé vers 02H30 du matin.
"Il y aura très peu de distribution de courrier samedi sur l’Ille-et-Vilaine et les départements voisins", ont indiqué à l’AFP des responsables de l’établissement postal.
Un avion, qui devait assurer le départ du courrier vers Paris, est parti quasiment à vide alors que des dizaines de camions sont restés bloqués devant les portes du centre de tri, a-t-on précisé de même source.
Selon Serge Bourgin, du syndicat SUD PTT, les salariés du centre de tri ont apporté leur soutien à l’action des manifestants avec qui ils ont tenu une assemblée générale commune. ”
Voici les précisions du camarade postier :
“ je te confirme qu’il y a eu juste ce qu’on appelle un débrayage de quelques heures qui aura retardé l’acheminement du courrier de Rennes vers Paris de 24 heures... De toute façon, je connais les quelques activistes en question : le sieur Bourgin (maoïste d’ex-VLR qui écrit aujourd’hui dans la feuille de chou épisodique "Marx again") est du genre a réussir à agiter les médias locaux avec des rassemblements de 12 postiers de droit privé cagoulés sur une photo genre FLNC ; problème : il y a 500 autres postiers de droit privé en Ille-et-Vilaine qui ne suivent guère ces actions spectaculaires !...)
la CGT-PTT est généralement assez influente dans ce centre de tri (45% aux élections, tandis que SUD n’y dépasse pas 25% depuis 10 ans)"
Etant donné le faible nombre d’actions du même genre, le faible nombre de participants étudiants et travailleurs, l’intervention spectaculaires de militants de groupuscules "révolutionnaires", quelle conclusion peut on tirer quant à la participation d’un " nombre important de travailleurs". Quelques arbres ne cachent-ils pas la forêt ?
Quant à la présence de "travailleurs" dans les manifestations derrière les bannières syndicales ( tous syndicats réunis),elles étaient plutôt squelettiques, même si, vu la mobilisation des délégués et bureaux syndicaux ( sans compter les municipaux des municipalités de gauche) ça pouvait "faire nombre" mais comme le soulignait un camarade syndiqué, "ils ont tous pris leurs heures de délégation".
2 - Quant au mouvement cantonné à la stricte question du CPE et à un dépassement éventuel des revendications du mouvement vers le CNE et la loi sur "l’égalité des chances", il est certain que R.V. et moi n’avons pas les mêmes lunettes.
On ne peut comme le fait R.V. tirer des conclusions des innombrables variations sur le sigle CPE ou des "programmes" des assemblées, de celui de la coordination nationale étudiante, des inscriptions sur les murs. Si on peut effectivement penser que le fond de la lutte anti CPE était , en général, contre la précarité à travers sa formalisation dans le CPE, que dire de l’effondrement du mouvement ( mis à part quelques bastions universitaires) après le retrait alambiqué (même pas l’abrogation pure et simple pourtant réclamée à grands cris et impérativement par toutes organisations syndicales et coordinations comprises). Tout le reste, CNE, mesures répressives de la loi sur "l’égalité des chances" sont et restent bien en place. Je n’évoquerai pas ici les manoeuvres qui ont conduit à cette situation, mais ne parlerai que des deux dernières manifestations à Paris à huit jours d’intervalle. L’une , le mardi 4 avril dans la ligne des précédentes associant toutes les organisations, syndicales ou pas, avec plus des 2/3 des 300.000 manifestants ( 2 millions dans toute la France) formés d’étudiants et de lycéens, le reste derrière les bannières syndicales tout le monde affirmant haut et fort que personne ne céderait sans l’abrogation du CEP. Bien sûr il y avait les pancartes et calicots relevés par R.V. et une profusion de tracts dans le même sens , mais , que penser d’un tel flot de “ bonnes paroles ” quand la mardi suivant 11 avril entre 5.000 et 10.000 manifestants se retrouvent pour lancer les mêmes slogans, cela sans aucune participation syndicale et bien peu d’étudiants et lycéens qui huit jours auparavant formaient le gros des troupes anti CPE .Le lundi 10 avril, toute la cohorte des dirigeants syndicaux ouvriers et étudiants fêtaient cet “ authentique succès ” ( déclaration d’un dirigeant CGT à propos du substitut alambiqué d’un simple article de la loi sur ‘l’égalité des chances’ dont le reste était bel et bien maintenu de même que le CNE) ; en même temps, les mêmes dirigeants affirmaient que “ les actions prévues restaient à l’ordre du jour ”. De son côté , la coordination nationale affirmait “ Nos revendications restent le retrait total de la loi sur l’égalité des chances et du CNE ” avec des appels grandiloquents à d’autres actions, y compris la grève générale.. Tout cela ne prouvait-il pas que pour l’immense majorité de ceux qui animaient les assemblées étudiantes ou lycéennes et avaient participé en masse à plusieurs manifestations nationales, leur motivation était d’abord le retrait du CPE et qu’une fois cela acquis ( et même dans des termes bien peu précis) plus rien ne subsistait pour justifier une mobilisation qui s’était effectivement polarisée sur ce seul objectif et rien d’autre.. La coordination nationale étudiante pouvait bien, dans ses déclarations paraître “ une expression plus authentique du mouvement ”, distincte de “ l’unité ” affichée des syndicats ouvriers, étudiants et lycéens, mais dans les faits, cette expression authentique restera paroles verbales et rien d’autre. Que dire d’un mouvement de cette ampleur qui ne demande même pas , sauf quelques isolés une réponse politique au delà d’une simple abrogation d’un article de loi, que dire d’un mouvement qui cesse aussi brutalement par des communiqués de victoire, sans même exiger l’annulation de toutes les poursuites ( ce qui est classique dans toute fin, de grève ouvrière et ne viendra que de cercles limités) ?
3 L’auto-organisation des étudiants-lycéens
R.V. parle d’un des aspects les plus importants et novateurs de l’actuel mouvement, “ une des plus larges expérience d’auto organisation réalisées en France ” qui m’aurait totalement échappé.
Si j’examine l’histoire des mouvements importants des vingt dernières années, je ne citerai que les nombreuses coordinations tant ouvrières qu’étudiantes depuis les premières dans la grève de la SNCF dans l’hiver 86-87 , les imposantes manifestations étudiantes du 4 au 8 décembre 1986 autour d’assemblées et d’une coordination nationale qui aboutirent au retrait total du projet de réforme des études universitaires, à la démission du ministre de l’éducation , de la répétition d’un mouvement identique contre le CIP ( SMIC jeune) en mars 1994 qui aboutit aussi à son retrait total, des assemblées ouvertes dans les transports lors des grèves de 1995 qui sonnèrent le glas du premier ministre Juppé, des assemblées ouvertes et des tentatives d’actions communes lors du mouvement du printemps 2003 contre la réforme des retraites et celle du système éducatif. Il y a continuité, mais pas novation. (en annexe 1 , la liste de tous les mouvements étudiants - lycéens dans les trente dernières années où l’on retrouvait certains des caractères “ nouveaux ” relavés par R.V. et dans lesquels on a pu également voir l’intervention des “ casseurs ” avec la même litanie de protestations)
Pourquoi R.V. éprouve-t-il le besoin de rompre des lances avec un autre groupe la GCI pour dénoncer une hostilité à toute forme de “ démocratie de base ” d’assemblée qui ne figure nullement dans le texte qu’il critique. La question n’est pas pour moi de juger une pratique mais de tenter de voir ce qu’elle signifie tant quant à ceux qui s’y exprime que par ce qui en résulte.
D’un côté, ces assemblées attirent les mouches du coche “ révolutionnaires ” qui vivent éternellement dans l’attente d’événements qu’ils vont considérer comme les prémisses de la voie royale qu’ils s’épuisent depuis des décennies à discerner dans tout ce qui rompt avec la routine quotidienne. Ce qui explique que de ces assemblées vont surgir à la fois des paroles plus radicales et des tentatives d’actions supposées entraîner le mouvement vers ce dont il rêve, ce qui les amène aussi à surdimensionner les dites paroles et lesdites actions. Les quelques arbres ne doivent pas cacher la forêt.
Il en est ainsi de propos que cite R.V. comme des exemples d’une tendance générale qui ne sont en fait que des actions de cette “ avant-garde diffuse ” qui ne doit rien au mouvement et qui , d’une autre façon que les syndicats traditionnels, prennent le train en marche pour réaliser leurs espoirs. Il en est de même des quelques actions vers les travailleurs qui, pour être réelles ne furent souvent le fait que d’infimes minorités ( voir l’exemple cité du centre de tri de Rennes) ; un bon exemple de ce surdimensionnement de l’événement , c’est lorsque R.V. affirme que les “ tentatives de rencontrer les travailleurs... se sont multipliées surtout après le 4 avril avec des mini- manifestations sauvages...ne citant que deux exemples, sans donner une idée quelconque de leur nombre, de leur dimension et de leur efficacité.. Il reste que l’affirmation que l’élargissement vers les salariés ne s’est fait pratiquement que par la mainmise de tous les syndicats unis ( en raison précisément de ce qu’il pouvaient craindre d’une auto organisation du mouvement qui ne s’est guère affirmée dans les faits) sur l’organisation du mouvement, la fin peu glorieuse du mouvement après “ l’abandon syndical officiel ” montrant bien les limites de ce que pouvait représenter l’auto - organisation du mouvement étudiant - lycéen
Je ne commenterai pas plus ce que dit R.V. sur l’utilisation des services d’ordres syndicaux dans les manifestations étudiantes. C’est un fait patent et pas du tout nouveau : dans les manifestations de 1986 contre Devaquet ou anti CIP c’était déjà là et dans des circonstances identiques ( protection contre les casseurs). Des protestations contre l’action de ces SO, on les a aussi entendues en 2003 lorsque le SO protégeait les flics contre les “ excités ”. R.V. fait remonter cette intervention, parfois intempestive des SO syndicaux à la manifestation du 23 mars ; en fait, elle remonte aux toutes premières manifestations Le fait que la coordination nationale, toute intéressante et influente qu’elle ait été ait dû suivre le timing des organisations syndicales et fait montre de son impuissance à répondre , d’une manière ou d’une autre à ce “ problème des banlieues ” corrobore ce que j’ai dit sur les limites de l’auto-organisation du mouvement.
3 Le mouvement étudiant/lycéen et la violence
Cela mènerait le débat trop loin de discuter cette question de la violence bien que R.V. l’aborde sur un plan général avec cette citation déjà mentionnée sur la position du GCI, qui, à mon avis n’a guère de sens, pris ainsi comme une position de principe.
De même, l’affirmation de R.V. sur la violence qui a souvent marqué les “ queues de manifs ” , si elles est effectivement exacte, ne préjuge en rien sur le caractère de cette manif : c’est bien connu que les “ éléments radicaux ” de groupes “ révolutionnaires ” tentent alors, au delà de “ se faire du flic ” d’entraîner les masses dans un affrontement. Mais il n’en reste pas moins, en ce qui concerne le mouvement dont nous parlons, que l’ensemble du mouvement ne cherchait en aucune façon un affrontement direct avec les forces de répression
Dans une dernière ligne, R.V. ajoute encore que je “ semble voir dans la violence par elle-même un critère de radicalisation d’un mouvement social ”. Je m’interroge sur l’endroit de mes différents textes où il a pu trouver ce qui l’autorise à affirmer cela. On peut en discuter, mais c’est un long débat. En annexe 2 , un texte des étudiants de la Sorbonne analyse clairement cette question , par delà la “ violence ” d’une jonction des deux mouvements - banlieues et anti-CPE.
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Quant à ce que R.V. juge de “ nouveau ”, la transformation des fins de manifs en meetings ouverts, ce n’est pas nouveau . Les étudiants avaient tenté cela avec Cohn Bendit le ...13 mai 1968 et ce fut un échec retentissant. Je dirai de plus, qu’un tel dialogue peut avoir lieu mais qu’il ne s’organise pas : en mai 1968, ce dialogue s’instaurait un peu partout, comme des forums sauvages non organisés. D’une certaine façon, ces tentatives d’organisation ” d’un dialogue, c’est aussi le retour à une tradition historique des discours des organisateurs en fin de manif disparue de puis longtemps.
Pour en revenir au proverbe chinois placé en exergue, je veux souligner de nouveau que la question essentielle derrière le CPE - d’une réorganisation totale des relations de travail et des conditions d’exploitation - n’est nullement débattue dans ces critiques qui ne s’attachent qu’à des questions de détail concernant effectivement les réactions temporaires et limitées contre un petit morceau du puzzle dont les éléments se mettent en place depuis des années.
Une traduction en anglais ira sur le réseau en anglais, mais cela prendra du temps
H.S. 29/4/2006
ANNEXE 1
Chronologie des mouvements lycéens - étudiants en France (d’après le Figaro 20/3/06)
Avril 1973
100.000 étudiants et lycéens manifestent contre la loi Debré qui réforme le service militaire et supprime l’octroi automatique de longs sursis aux étudiants. La loi passe quand même.
Mai 1975
85.000 lycéens et étudiants contre la réforme Haby, qui supprime l’examen d’entrée en 6° et crée le collège unique. La réforme est jugée insuffisante par les manifestants. Elle entre en vigueur à la rentrée 1977.
Mars-avril 1976
50.000 étudiants et lycéens contre la réforme du 2° cycle universitaire par Saunier-Seïté. La réforme crée la licence et la maitrise et ouvre modestement l’université aux entreprises.
Novembre 1986
500.000 étudiants et lycéens contre la loi Devaquet, qui prévoit d’augmenter l’autonomie des universités. La mort de Malik Oussekine entraine la démission de Devaquet et le retrait de la loi par J. Chirac, premier ministre.
Novembre 1990
200.000 lycéens contre le manque de moyens et l’insécurité. L. Jospin, ministre de l’EN, annonce 4,5 mds de Francs pour les lycées.
Mars 1994
100.000 étudiants et lycéens contre le Contrat d’Insertion Professionnel (80% du SMIC pour un jeune en contrat d’apprentissage). Balladur, premier ministre, abandonne le 28 mars.
Février 1995
10.000 étudiants contre une circulaire de F. Fillon (enseignement supérieur) durcissant l’accès des élèves d’IUT à la licence. Balladur, premier ministre, annule la circulaire.
Octobre 1998
500.000 lycéens réclament des moyens. C. Allègre, ministre de l’EN, annonce un plan de plusieurs centaines de millions de francs.
Mai 2003
Les syndicats appellent à la grève contre la loi Ferry sur l’autonomie des universités. Quelques milliers d’étudiants perturbent les examens. Ferry retire son projet.
Février 2005
100.000 lycéens contre le projet de loi Fillon qui réforme l’école et modifie le bac. Fillon abandonne la modification du bac mais maintient le reste.
Les " casseurs de banlieue " et le " mouvement étudiant "
Tabou, névrose... ou extension nécessaire du domaine des revendications
Par Des étudiants de la Sorbonne
Pour nombre d’entre nous, la journée du 23 mars a constitué un tournant ; la confrontation avec les jeunes des banlieues a été un moment de prise de conscience douloureux, elle nous a montré que notre lutte n’était pas aussi simple, ou isolée, qu’elle en avait l’air (les bons, nous, contre les méchants, le gouvernement). Un troisième terme s’invitait à la fête. La question ne nous paraît pas se résorber par le seul renforcement, nécessaire, du service d’ordre. Et le vote du vendredi 24 : " L’AG de la Sorbonne ne se prononce pas sur la question " nous paraît autruche : non seulement lâche, mais hypocrite. Ne pas se prononcer, c’est en faire un sujet tabou : on renforce le SO, et on continue à regarder devant nous (le gouvernement) en feignant d’ignorer ce qui déboule par derrière et les côtés (la banlieue). Belle névrose en perspective.
Il ne s’agit pas de faire de l’angélisme et de nier les vols et les agressions physiques perpétrés par ces jeunes à l’encontre de plusieurs d’entre nous. Ces agressions, nous les condamnons catégoriquement ; et nous avons le devoir de nous en défendre. Mais il nous paraît impossible de rejeter ces jeunes sous le nom de " voyous ", tout en continuant à afficher une solidarité de façade à l’égard du " mouvement des banlieues " de novembre dernier. Il serait trop facile de voir en eux un mouvement social, posant des problèmes de fond, tant qu’ils restent en banlieue et brûlent là-bas des voitures ; pour ensuite n’y voir plus que des " voyous " quand ils viennent dans Paris et qu’ils s’en prennent à nous, étudiants et manifestants. Nous devons nous défendre contre les agressions qu’ils commettent contre nous ; mais il nous paraît décisif de considérer par ailleurs que nous n’avons pas à juger leurs modes d’action : les casseurs sont fréquemment hués par les manifestants étudiants, dès qu’ils s’en prennent à un abribus ou une voiture. Nous, étudiants au Quartier latin, parce que nous ne subissons pas la violence exercée quotidiennement sur ces jeunes, ne saurions être en mesure de leur donner des leçons de civisme et de responsabilité. La violence de ces jeunes répond à une violence d’Etat. Pour condamner celle-là, il nous faudrait taire celle-ci. Or il est grand temps au contraire de la faire apparaître au grand jour. Il nous faut donc refuser catégoriquement la posture qui consiste à condamner les actes venus de la banlieue en les opposant à un mouvement étudiant qui serait, lui, " civilisé ", " non violent ", " responsable. " Cette posture est un piège : elle est exactement ce que le gouvernement attend de nous ; car elle légitime et renforce la posture qui est la sienne à l’égard des émeutes de banlieue : une posture policière (surveillance, contrôle, répression).
La manifestation de jeudi a jeté le trouble dans l’esprit de beaucoup d’entre nous. Cependant, 1) notre détermination à obtenir le retrait du CNE et de la Loi sur l’Egalité des chances n’a pas faibli. Nous continuons la lutte en ce sens avec autant de détermination. 2) mais nous prenons conscience que notre mouvement ne saurait se poursuivre sans prendre en considération (et ce, de façon également prioritaire) le désarroi des banlieues ; ni sans tisser de liens avec elles.
La rencontre conflictuelle de deux jeunesses dans les rues de Paris jeudi était un constat amer : enfin, la réalité de la colère de novembre nous éclatait à la figure. Nous, étudiants de la Sorbonne, reconnaissons n’avoir pas su prendre la mesure du mouvement des banlieues : comment avons-nous pu laisser passer le mois de novembre sans une fois organiser, sous quelque forme que ce soit, la manifestation de notre soutien ? En mars, notre silence de novembre retentit amèrement. Il est inacceptable que le mouvement étudiant, par crainte de discrédit auprès des médias et de l’opinion, en vienne à se désolidariser des jeunes de banlieue et s’autorise à condamner leur violence. Car c’est adopter le même ton, poli, que le gouvernement : c’est ne pas voir que ce discours d’anti-violence polie tait et cache la violence véritable, exercée au quotidien sur ces jeunes (contrôles policiers, discriminations à l’emploi, au logement, etc.). Si nous adoptons ce discours, nous nous plaçons du côté du gouvernement ; et contre eux. Gagner sur le CPE sans avoir obtenu quoi que ce soit pour la banlieue, ni su établir aucun lien avec elle, ne serait plus pour nous qu’une victoire amère. Nous ne saurons oublier que, ce 23 mars 2006, dans les rues de Paris, deux jeunesses se sont regardées de travers, échangeant des regards pleins d’incompréhension, de méfiance, de désarroi, de honte, de haine ; deux jeunesses devenues étrangères l’une à l’autre. Ce divorce est le fruit de politiques, menées depuis nombre d’années, qui nous apparaissent aujourd’hui dans leur violence criminelle. Ce sont ces politiques que tous, depuis la banlieue comme depuis Paris, devons combattre. Sur cette fameuse question de la violence, qui divise les AG de France, il serait bon de ne pas se tromper de cible. La ligne de partage que cherchent à imposer le gouvernement, les médias, l’opinion (entre les bons étudiants non-violents et les méchants casseurs) est un piège redoutable. Elle permet que soit laissé dans l’ombre un terrible détail : la violence exercée sur ces jeunes par l’Etat, au quotidien. Commençons par condamner cette violence, haut et fort, et prenons clairement position contre elle, avant de nous scandaliser benoîtement devant celle qui y répond. [Pour cette raison, l’AG de la Sorbonne décide d’ajouter à ses revendications la suivante : " ... "] [Nous décidons par ailleurs de consacrer une partie de nos forces à mettre en place les conditions d’un dialogue avec la banlieue. Cette tâche, difficile, nouvelle, doit inventer des formes nouvelles, etc...]
Hier, enfin face à face avec les " jeunes de novembre ", nous évitions les coups et les vols ; et notre " bonne conscience " était plutôt mal à l’aise ; non seulement nous prenions des coups, mais nous baissions les yeux. Il s’agissait de nous défendre contre un " ennemi " qui n’en était pas un. Il est temps d’accomplir ce pas décisif : [déplacer] le problème.
[Nous condamnons l’attitude de tous les gouvernements qui ont permis qu’une telle ligne de partage se produisent à l’intérieur de la jeunesse, et plus généralement de toute la population ; c’est-à-dire tous les gouvernements qui ont Nous exigeons des gouvernements actuels que des mesures soient prises en faveur des banlieues.] [Nous condamnons la rhétorique qui consisterait à opposer les deux jeunesses ; cette rhétorique est celle du gouvernement, de la plupart des médias, et de certains syndicats étudiants].
Car le problème du CPE (qui nous oppose au gouvernement) est un problème confortable pour nous (puisqu’il nous place du côté des victimes). Le problème de la banlieue nous met bien plus mal à l’aise : les victimes, ce n’est plus nous - et lutter sans posture de victime, voilà qui est moins simple. Il oblige à inventer des formes nouvelles. Relevons le défi.
Les jeunes de banlieue ont exprimé en novembre dernier un malaise profond qui n’a pas été entendu par le gouvernement et que nous mêmes avons été incapables de prendre en compte.
Des étudiants de la Sorbonne
Comments
Cherche mouvement social, disparu entre le 4 et le 11 Avril 2006...
lundi, 5 juin 2006
Robin Goodfellow 22 Mai 2006
Lille, 4 Avril : 60 000 personnes dans les rues.
Lille, 11 Avril : 2 000 manifestants.
Au plan national, c’est de plus de 2 millions à 40 000 que le nombre de protestataires a chuté. Ce reflux brutal, cet évanouissement subit du mouvement, cet éclatement d’une « bulle » protestataire comme on parle de « bulle » financière ou immobilière, mérite à lui seul une analyse et au-delà c’est le mouvement tout entier de Mars 2006 qui doit faire l’objet d’un commentaire.
Le contexte général.
La bourgeoisie française est, d’une manière générale, en position de relative faiblesse depuis plusieurs années, à la fois au plan national et international. Elle a de la peine à faire adopter les mesures d’ajustement qu’exige la concurrence internationale et elle est de plus fragilisée par plusieurs facteurs : poids permanent d’une extrême droite forte sur le plan électoral mais non représentée dans les instances officielles, difficulté à assimiler les populations d’origine immigrée, maintien du chômage à un niveau élevé, tandis que certaines branches exigeant une main d’œuvre très flexible, mal payée, avec de longs horaires, peinent à trouver de la main d’œuvre, etc. Que ce soit sous une forme directement politique, électorale ou sociale, cette situation se traduit par l’administration régulière de coups de semonces, épisodes dans lesquels le prolétariat joue un rôle plus ou moins actif, mais jamais autonome. Sur les cinq dernières années, on peut citer comme jalons les épisodes suivants : élection présidentielle de 2002, où l’extrême droite devance le PS au premier tour, entraînant un réflexe plébiscitaire et républicain autour du candidat gaulliste (élu avec 82% des voix) ; tactiquement, la droite a mal interprété le phénomène et au lieu d’en profiter pour mener une politique d’union nationale qui lui aurait garanti le soutien d’au moins une partie de la gauche parlementaire, elle a choisi de crisper le jeu politique. Le résultat, évidemment prévisible, fut la bascule à gauche de tous les corps régionaux aux élections de 2004. Enfin, le référendum sur la constitution européenne de Mai 2005 s’est converti en un cauchemar pour l’ensemble de la classe politique française, de la bourgeoisie éclairée et des médias, puisque le non l’a emporté à 54% des voix. En face de ces phénomènes, la crispation du pouvoir sur une attitude faite d’un mélange de certitudes et de mépris, l’exacerbation de la chasse aux places, la lutte ouverte pour le pouvoir en remplacement du chef vieillissant et incapable ont conduit en retour à exaspérer une opinion publique qui estime qu’il n’existe aucune écoute des signaux émis de plus en plus puissamment. Au printemps 2003, l’ensemble de la fonction publique, à commencer par les enseignants du second degré rentre dans une lutte d’ampleur contre une réforme visant à allonger la durée du travail de 37,5 à 42 années. Cette « réforme », qui fut une des plus grandes défaites du mouvement ouvrier de ces dernières années (un allongement du temps de travail de 12%) avait déjà été réalisée sans coup férir auprès des salariés du privé par un précédent gouvernement quelques années auparavant, aussi le mouvement ne s’étend pas, (bien que, comme à chaque fois, il y ait un soutien indirect de l’opinion publique pour les grévistes), les centrales syndicales faisant tout pour empêcher une quelconque extension du mouvement. Celui-ci est battu sans rien obtenir et les conditions de la défaite sont assez lourdes pour les grévistes, le pouvoir refusant totalement les aménagements habituels pour les retenues sur salaires. En 2004, une réforme de la sécurité sociale ne provoque que les réactions habituelles des syndicats et partis réformistes. En 2005, les lycéens manifestent pendant deux mois contre la loi Fillon.
Sporadiquement, des conflits longs, durs, et se soldant systématiquement par des défaites, se produisent comme chez les traminots marseillais en 2005, les marins de la Sncm, les dockers... sans qu’aucune convergence des luttes ne se fasse jour. Qu’il s’agisse de ces mouvements, soigneusement encadrés par les syndicats, ou des grands mouvements nationaux comme 2003, les tactiques dilatoires, les atermoiements, les rodomontades (FO appelant à la grève générale une fois le mouvement quasiment terminé) ne sont là que pour masquer un travail de sape et de sabotage accompli de main de maître.
Enfin, en Novembre 2005, suite à une énième et traditionnelle bavure policière à Clichy-sous-Bois, dans la banlieue de Paris, la énième et tout aussi traditionnelle émeute qui s’en suit ne se limite pas, pour une fois, à la seule commune du lieu du drame, ni à deux ou trois jours, mais se répand très rapidement dans toute la couronne parisienne, dans de nombreuses villes de province et même à l’étranger (Belgique). Ces émeutes quotidiennes dureront trois semaines. On notera que des hauts lieux des émeutes urbaines comme les banlieues lyonnaises (années 1980), les quartiers nord de Marseille, de Lille-Sud, etc. resteront remarquablement calmes, tandis que de nombreuses cités moyennes de province, habituellement calmes, s’enflammeront. Pendant trois semaines, environ 20 000 jeunes activement mobilisés, mais appuyés dans leurs quartiers par de nombreux autres, cibleront de manière systématique toutes les institutions qui cristallisent leur révolte et leur malaise face à leur exclusion de la société française : écoles, bâtiments administratifs, services sociaux, pompiers et bien sûr flics. Cette rage destructrice, restée toutefois limitée au quartier, n’épargnera pas non plus les maigres biens de la population qui les entoure, voire leurs biens propres : voitures notamment. L’isolement de ces émeutiers est total et le front de ceux qui ont tout fait pour condamner et étouffer ce mouvement est remarquable : des associations musulmanes de quartier aux gauchistes de Lutte ouvrière [1], en passant par les caïds du trafic organisé et l’extrême droite. Des études des renseignements généraux, ainsi que les rapports des tribunaux qui ont fortement réprimé les émeutiers concordent pour montrer que, contrairement à ce qui a été affirmé par les hommes politiques et les médias, le profil type de l’émeutier est souvent un jeune adulte, masculin, (donc il ne s’agit pas seulement d’adolescents [2]), de travailleurs effectuant de manière intermittente des boulots précaires (donc il ne s’agit pas seulement de délinquants vivant de trafics), et pour la plupart « inconnus des services de police ». Le mouvement de Novembre 2005 est bien un mouvement prolétarien, il en a porté les caractéristiques que nous avons décrites dans notre texte de Décembre 2005. Il a aussi montré qu’il n’existait aucune solution bourgeoise au problème, à part la répression et ceci implique qu’il resurgira nécessairement, et à plus grande échelle. Pour autant que les promesses de moyens soient tenues, elles n’ont pu qu’encourager le mouvement social de Mars 2006.
Ainsi, telle une zone sismique, la France connaît tous les 6 ou 9 mois une « secousse », d’un genre parfois différent, d’intensité variable, mais qui contribue à entretenir un certain climat électrique et témoigne, à tout le moins, d’un profond malaise social et politique. C’est dans ce contexte qu’intervient, au début 2006 la « crise du CPE ».
Malgré tout, aucun de ces épisodes ne semble capable de cristalliser/capitaliser une énergie qui se manifesterait de manière durable en tant que germe de recomposition d’une force révolutionnaire. Il en ira probablement de même cette fois-ci, ce qui n’empêche pas d’essayer de tirer un minimum de leçons de ce qui s’est passé.
2 - Les projets de la bourgeoisie sur le travail.
Sans entrer ici dans une analyse approfondie qui mériterait de longs développements, il convient de resituer l’épisode particulier du CPE dans une stratégie plus globale de la bourgeoisie française par rapport aux relations de travail et au contexte juridique de l’exploitation de la force de travail prolétarienne. Une partie de la bourgeoisie, la fraction dure de la droite parlementaire représentée par le parti gaulliste, l’UMP, est idéologiquement persuadée que la clé de la situation économique et notamment du phénomène de chômage persistant gît dans la « rigidité » du code du travail. Elle est persuadée que si on peut faire sauter les verrous à l’embauche et surtout à la débauche, les contraintes administratives et financières qui pèsent sur l’acte de licenciement, on créera mécaniquement de l’emploi [3]. Elle regarde pour cela du côté de l’Angleterre ou des Etats-Unis, tandis qu’une autre fraction, appuyée en cela par les partis réformistes, cherche des réponses dans l’alliance « flexibilité/sécurité » à la danoise. L’idée finale est d’en arriver à un « contrat unique » de travail qui remplacerait la douzaine de formes existantes et qui permettraient une plus grande flexibilité (le tout assorti d’une sécurité professionnelle....) Elle répond en cela aux exigences de l’industrie moderne qui réclame un travailleur adaptable, mobile, capable de passer d’une branche d’industrie à une autre, de la même façon que les capitaux se déplacent dans la société, non en fonction de l’endroit où existent des besoins de développement humain, mais là où ils sont assurés de trouver la plus grande valorisation.
De son côté, la gauche bourgeoise joue la carte de l’assistance par l’état, comme elle l’a fait entre 1997 et 2002 avec les emplois jeunes et comme l’avaient fait même des gouvernements de droite avant eux.
Rappelons que, depuis 30 ans, tous les emplois créés ont été des emplois assistés, peu qualifiés (même s’ils sont occupés par des populations plus qualifiées), à temps partiel, féminins, mal payés et basés sur des contrats précaires (CDD...). Contrairement aux idées reçues, le nombre d’emplois créés pendant cette période a été plus important que pendant les « 30 glorieuses ».
La réalité est donc que toutes les politiques, de droite comme de gauche depuis 30 ans n’ont fait, d’une manière ou d’une autre qu’encourager et organiser, faute de mieux, la précarité.
Sachant que le thème du « contrat unique » est particulièrement conflictuel, le gouvernement en place a souhaité engager cette réforme par petites touches, et dès l’été 2005, profitant des congés, fait voter une loi instaurant le CNE (contrat nouvelle embauche), pour les entreprises de moins de vingt salariés. Ce CNE ne se substitue à aucun autre contrat, il est donc un recours de plus, mais il a des caractéristiques bien particulières : c’est un contrat à durée indéterminée (CDI), mais qui n’est consolidé qu’après une période dite « d’essai » de deux ans et qui autorise l’employeur à licencier le salarié sans avoir à justifier de motif et ceci dans les délais propres à la période d’essai classique, c’est-à-dire immédiatement. Au cours du second semestre 2005, de nombreux cas ont d’ailleurs été rapportés d’évictions brutales de salariés, surtout dans des petites entreprises ou des commerces.
Le credo du gouvernement en place est que cette mesure créera des emplois sur le moyen et long terme et qu’il faut donc laisser venir les résultats, puis généraliser les dispositifs qui auront fonctionné. Mais ce qui se cache en toile de fond derrière toutes ces mesures partielles, c’est la volonté de démanteler le droit du travail jugé trop contraignant dans les circonstances actuelles.
C’est donc, à partir de ce raisonnement, que le même type de dispositif a été reconduit, en Janvier 2006, avec le CPE (contrat première embauche), excepté le fait qu’il est destiné et réservé aux jeunes de moins de 26 ans, non qualifiés, la taille de l’entreprise qui embauche n’étant pas un critère entrant en ligne de compte.
L’argument avancé est que les jeunes, notamment les jeunes non qualifiés ou faiblement qualifiés, payent le plus lourd tribut au chômage, qu’ils n’accèdent à l’emploi définitif qu’après une longue période (pouvant aller jusqu’à 10 ans) d’alternance de stages, CDD, petits boulots... et que donc le CPE ne peut pas « être pire » ou qu’il est « mieux que rien » [4]. De fait, les pratiques opérées par les entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, et même par les services de l’état et les collectivités locales se situent totalement en marge de la légalité. Normalement, selon le code du travail en vigueur, le recours au CDD ne peut se justifier que pour répondre à une activité précise, temporaire ou saisonnière, mais non régulière de l’entreprise, ou par exemple pour remplacer un salarié absent [5]. Or, de fait, dans nombre d’entreprise, le recours au CDD est la norme ; même si globalement, celui-ci ne représente que 13% de l’ensemble des contrats, il est malgré tout en hausse, et il représente 32% des emplois des 15-29 ans. D’autres pratiques illégales, comme la reconduction plus de deux fois de suite d’un CDD sont couramment pratiquées, et régulièrement, comme dans le cas de Peugeot en 2005, des tribunaux condamnent les entreprises à réintégrer en CDI des travailleurs précaires qui ont enfilé CDD sur CDD parfois pendant des années. Un autre moyen pour les entreprises d’assurer la souplesse dans l’emploi de la force de travail est le recours à l’intérim, ce qui contribue à séparer les prolétaires selon la nature juridique de leur contrat de travail, puisqu’ils ne dépendent pas du même employeur tout en accomplissant les mêmes tâches sur le même lieu de travail.
Ainsi le CPE comme le CNE, légalisent, d’une certaine manière, la précarité, l’incertitude liée au contrat de travail. On peut évidemment voir cela de deux manière : du point de vue de la légalité bourgeoise, c’est un « progrès », car l’employeur peut ajuster son volant de main d’œuvre sans recourir aux procédés douteux décrits plus haut. Mais du point de vue des travailleurs et plus généralement de l’opinion publique cela revient à officialiser des pratiques identifiées comme « sauvages ». De ce fait, l’opposition au CPE se cristallise autour de ces deux points particuliers, qui apparaissent dès lors comme LES points litigieux : la période d’essai courant sur deux ans, et la possibilité de licenciement sans énoncer de motif particulier.
Ainsi, le mouvement sera grevé dès le départ d’une double ambiguïté, et d’une double limite : limite à la contestation du seul CPE à la place d’un élargissement du mouvement à la lutte « contre la précarité » en général, voire une lutte contre les pratiques libérales en matière de contrat de travail en général, et encore plus largement, contre le capitalisme ; et, au sein même du dispositif CPE, limite à l’aménagement possible de ces deux seuls point litigieux contre l’abrogation ou le retrait pur et simple. Ainsi, le front syndical, et, au-delà l’ensemble des acteurs politiques à l’exception des soutiens les plus fidèles du parti au pouvoir peuvent communier dans une large opposition « au CPE », dans un éventail de positions allant d’une critique fonctionnelle (il faut aménager la solution) à une opposition de nature idéologique. Même le patronat, dans son expression institutionnelle (le Medef) ainsi que les grandes entreprises purent faire la fine bouche en disant que ce dispositif était mal ficelé. Du point de vue syndical, il s’agissait avant tout tactiquement de jouer la carte de l’unité et donc de définir un plus petit dénominateur commun qui permettrait de montrer une opposition ferme et surtout unie. Ceci a des conséquences sur la manière dont a pu se négocier la fin du mouvement.
De fait, un large front a pu se constituer sur le seul mot d’ordre du « retrait du CPE », ce qui faisait à la fois le succès superficiel des manifestations de rue, avec un nombre énorme de participants, et la fragilité du mouvement, s’écroulant comme un château de cartes, dès lors que cet « objectif » était atteint, ou semblait l’être. A partir des étudiants, rejoints par les lycéens, le mouvement s’est élargi à certaines catégories de salariés, moins ès qualités que comme « parents », « grands-parents » ou « citoyens ». L’argument démocratique n’était pas absent des motivations, à travers la critique d’un gouvernement « autiste » qui n’écoute pas le peuple, ni la rue, aidé en cela par la désastreuse gestion de crise de la part de l’équipe au pouvoir, exsangue (cf. l’intervention du président de la république le 31 mars 2006, proche du contorsionnisme même du simple point de vue du droit constitutionnel bourgeois). Ainsi, chaque intervention du pouvoir ne faisait qu’exaspérer un peu plus les personnes déjà mobilisées, sans forcément contribuer à élargir le mouvement.
3 - Le mouvement.
Celui-ci a démarré sur une journée d’action nationale, assez peu suivie, le 7 Février 2006. Rapidement, ce sont des actions de grève, puis de mise en grève avec blocage des universités (Rennes, Nantes, Lille, Toulouse, Montpellier...) qui lancent l’action, et ceci de manière suffisamment forte pour résister à la période des vacances de Février, le point culminant est atteint courant Mars avec une soixantaine d’universités en grève ou bloquées, rejointes par de très nombreux lycées, en grève ou occupés dans toute la France. Les débats qui ont accompagné les actions de blocage ont eu le mérite de poser clairement la question de l’action et du rapport de force en dehors d’une vision démocratique : en bloquant les facs, une minorité assurait le succès du mouvement par son élargissement [6]. Cependant, dans les entreprises, la grève ne se profile, au mieux, que pendant les journées d’action nationale, qui, en revanche mobilisent dans la rue des millions de manifestants. Les principales étapes sont le 11 mars, occupation et évacuation brutale de la Sorbonne à Paris, le 16 Mars, manifestation aux invalides, le 18 Mars (un samedi) manifestation nationale 1,5 millions de manifestants dans tout le pays, 25 Mars, puis le 4 Avril, plus de deux millions de manifestants, avant le dégonflement subit à partir du lundi 10 Avril, jour où le pouvoir annonce le remplacement, dans l’article 8 de la loi sur l’égalité des chances, du dispositif du CPE pour un autre dispositif centré sur les jeunes non qualifiés. Mis à part les manifestations de rue, imposantes et souvent clôturées par des violences policières même en l’absence de violences de « casseurs », les actions notables ont été des actions « coup de poing » menées par des groupes de quelques centaines d’étudiants et lycéens, mobiles et dispersés en plusieurs points des grandes villes : blocage des gares (gare de Lyon à paris), des aéroports, des routes, périphériques et ronds-points des principales villes, manifs de nuit, distributions de tracts dans les zones industrielles, les ANPE, etc.
Dès le 25 Février à Toulouse, puis le 11 Mars à Poitiers, les coordinations nationales étudiantes et lycéennes élaborent une liste de revendications dépassant largement le seul retrait du CPE : il s’agit de demander le retrait du CNE, qui ne fait pas partie de la loi sur l’égalité des chances, de critiquer les autres dispositions de cette loi comme la possibilité de travailler à 14 ans, et de travailler de nuit dès 16 ans. D’autres revendications font partie de la panoplie des revendications du syndicalisme étudiant comme le rétablissement des quotas de postes d’enseignants supprimés aux concours nationaux Capes et Agrégation, notamment dans des filières très touchées comme le sport ; retrait du LMD (réforme européenne du rythme de la scolarité, qui fit l’objet d’un éphémère mouvement de protestation rapidement avorté en 2004)... Mais plus généralement, très tôt, la coordination nationale et étudiante se fait le relais d’un élargissement du combat à d’autres revendications que le simple retrait du CPE, voire à un embryon de critique du capitalisme (identifié toutefois au « libéralisme » et restant dans les limites du discours de la gauche bourgeoise, altermondialiste ou autre). En outre, qu’ils émanent directement de la coordination, ou plus souvent de groupes de grévistes ou d’inorganisés, de nombreux textes ont circulé qui témoignent d’une conscience politique dépassant largement le cadre du seul « retrait du CPE ». Par exemple un « appel du 22 Février », signé de la « Tendance gréviste ni CPE ni CDI de l’Université de Rennes-2 » constate qu’il existe « au sein du mouvement une forte tendance à ne pas se satisfaire de slogans tels que « non au CPE, pour plus de CDI », qui suggèrent que le CDI serait en soi un contrat équilibré, favorable aux salariés, qu’il s’agirait de défendre comme un acquis, une position de force conquise par les luttes passées. Il apparaît pourtant que tout contrat de travail garantit seulement les modalités d’une exploitation. Nous considérons que rejeter une réforme qui aggrave nos conditions de vie ne doit pas signifier la valorisation unilatérale de l’état de chose préexistant. »
Même si cette critique globale emprunte pour partie l’argumentation traditionnelle de l’extrême-gauche (la LCR a semblé assez forte dans le mouvement) ou de la rhétorique altermondialiste (critique du « libéralisme », de la marchandisation...) elle a le mérite de remettre sur la place publique un argumentaire clairement anticapitaliste.
Toutes ces choses, le front des médias, des syndicats et des partis politiques évitera soigneusement de les relayer pour se centrer exclusivement sur le mot d’ordre de « retrait du CPE ». Ainsi le retrait final de celui-ci entraîna, in fine, la fin brutale du mouvement, et pour cause puisqu’on avait réduit celui-ci à cette seule revendication. Néanmoins, si cette fin a été si soudaine, cela signifie aussi, mis à part l’épuisement consécutif à deux mois de lutte dans certains endroits, que la conscience globale des enjeux de la lutte n’était pas si aiguë que cela pour la majorité du mouvement, mais, comme le note justement la « tendance gréviste ni CPE ni CDI » de Rennes 2 déjà citée :
« Curieusement, c’est ceux qui veulent que l’horizon du mouvement ne se limite pas au retrait du CPE qui prennent le plus ce mouvement au sérieux, qui sont les plus déterminés à aller jusqu’au bout, à lutter, quoi qu’il en coûte, jusqu’à son retrait. »
Mais une fois ce « retrait » acquis, d’un seul coup, la grande masse des mobilisés, satisfaite d’avoir « gagné » (et les appareils de la confédération étudiante par exemple ainsi que l’Unef pour les étudiants, et tous les syndicats sauf Sud et la Cnt pour les salariés) s’est détachée d’une petite « avant-garde » qui regroupait certes des militants (trotskystes, autonomes, anarcho-syndicalistes...) mais aussi une frange sans doute non négligeable d’inorganisés qui auront, au fil de cette mobilisation, découvert le militantisme et l’engagement politique, dans un esprit de grande méfiance vis-à-vis des syndicats et des partis officiels, fussent-ils d’extrême gauche. Ici ou là, à la rentrée des vacances de printemps, quelques facs ont bien essayé de reconduire le mouvement, mais celui-ci est désormais exsangue et la grande masse des étudiants se concentrera désormais sur ses examens. Seul l’avenir dira si, en se retirant, la vague aura laissé quelque limon susceptible de fertiliser un mouvement anticapitaliste de plus grande ampleur.
De ce point de vue, le mouvement de Mars 2006 s’inscrit dans la suite de ces innombrables « escarmouches » dont parle Engels qui finissent par déboucher sur un mouvement de plus grande ampleur. Encore faut-il tirer les leçons de la lutte.
4 - Quelles leçons de ce mouvement ?
4.1 - La conscience.
Une nouvelle fois, un mouvement social aura confirmé la théorie : la conscience est un fait matériel avant d’être un fait de pensée, un acte réfléchi. Et, de même que Hegel parlait des « ruses de la raison », les cheminements et les ressorts d’un mouvement empruntent des voies sinueuses qui ne peuvent pas se résoudre à la seule expression des positions en présence. Sur le papier, le projet de la bourgeoisie avait le mérite de la cohérence dans sa propre sphère de rationalité et dans le cadre de ses intérêts ; comme nous l’avons dit il mettait en adéquation les actes - illégaux- de l’entrepreneur individuel avec la loi, et il visait principalement les franges non qualifiées de la jeunesse, croyant apporter en cela une réponse à la « crise des banlieues » de Novembre 2005. Première fausse conscience car dans tous les cas, un tel dispositif ne ferait que transférer des emplois déjà existants en CDD sous la nouvelle forme et ne serait pas susceptible de créer ex nihilo des postes en dehors d’une demande sociale [7]. Même si l’argument était juste, en ce qui concerne la facilité à embaucher et donc de résorber une forme de disproportion créée par le droit du travail, on assisterait en même temps à une amplification des licenciements, dès lors que la conjoncture deviendrait moins favorable. Mais cette mesure a été reçue comme une provocation par une partie de la jeunesse à qui elle n’était fondamentalement pas destinée : la jeunesse étudiante. Celle-ci, à qui l’on a toujours fait miroiter son accès à des postes qualifiés et stables, s’est vue brutalement annoncer sa déchéance au même rang que le prolétariat. Deuxième fausse conscience, mais positive celle-ci puisqu’elle a mis en mouvement une partie de la jeunesse partiellement sur un malentendu et à ce titre elle joue plus un rôle de révélateur qu’autre chose [8].
Ce qui a transparu derrière cette réaction c’est un rejet, même minoritaire, d’un système qui montre toujours plus son absurdité, son inadéquation aux besoins humains, sa violence à l’égard des individus. Des millions d’individus sont ballottés de chômage en travaux précaires, de situations de « travailleurs pauvres » où l’emploi (ou un cumul de plusieurs emplois à temps partiel) ne suffit même pas à assurer la subsistance ordinaire, au chômage à nouveau. Dans ces conditions, la poursuite des études, pour une partie de la jeunesse répond à une injonction sociale, qui repose sur une part de vérité : plus on a de diplômes plus on a de chances d’échapper à la précarité, au chômage. En même temps l’Université joue également un rôle de maintien d’une surpopulation latente. Nous précisons ci-dessous quelques éléments pour caractériser la composition sociale du mouvement, mais il est clair que pour une frange au moins de la jeunesse étudiante, la lutte allait au-delà du seul mot d’ordre du « retrait du CPE » et devait s’engager dans la voie de la lutte anticapitaliste, en commençant par l’extension et la généralisation des luttes. Même si la dynamique n’a pas pu réellement s’enclencher, cela montre bien que la conscience ne se développe que dans le mouvement et la lutte, même si le point de départ est ambigu. Son évanouissement subit est aussi la marque de sa nature sociale, sur le fond, les mouvements dans lesquels la classe moyenne est prépondérante, ont du mal à s’inscrire dans la durée dans la mesure où ils n’ont ni la tradition historique ni le projet révolutionnaire qui caractérisent le mouvement prolétarien.
L’une des leçons à en retirer est que les révolutionnaires doivent appuyer tout mouvement qui est porteur d’une rupture potentielle avec l’ordre existant, quelle que soit l’expression initiale que prend ce mouvement.
4.2 - Composition sociale
Le mouvement est resté largement circonscrit aux couches scolarisées, étudiants, lycéens, parfois collégiens. Si les lycées de banlieue étaient bien présents dans les manifestations parisiennes, ainsi que des salariés, ces derniers l’étaient souvent plus en tant que parents ou « citoyens » (ou militants syndicaux) que sur la base d’une véritable action qui aurait pu converger avec celle des étudiants. Les gros bataillons des transports, Sncf et Ratp n’ont quasiment pas bougé, et les grandes entreprises industrielles non plus. Le mouvement, à la différence de celui de Novembre, qui portait des intérêts prolétariens, exprimerait donc les intérêts des classes moyennes. En rester là pour caractériser ce mouvement comme uniquement petit-bourgeois serait cependant réducteur.
La population étudiante en France représente en 2006, 2,2 millions de personnes. 40,5% des étudiants travaillent occasionnellement (hors vacances d’été), 17,6% à mi-temps, et si les conditions sociales d’origine continuent à limiter la représentation des enfants d’ouvriers (10%) [9], la population étudiante ne se limite plus majoritairement aux fils et filles de la bourgeoisie comme dans les années 1960, où ils représentaient un effectif dix fois moins important qu’aujourd’hui. Par le biais du travail à temps partiel, une partie de la population étudiante se mélange avec une autre partie de la jeunesse qui, elle, représente plutôt le nouveau salariat précaire. Il existe ainsi, au moins pour une frange, une certaine porosité avec le prolétariat moderne. A l’extrême, une minorité est même fortement ou totalement paupérisée [10].
De ce point de vue, au moins pour ce que nous avons pu en observer, les contacts avec le prolétariat ont été réels et dénués de l’hostilité que pouvaient porter les ouvriers de 1968 aux étudiants venus porter la « bonne parole » aux portes des usines. Les distributions de tracts, actions de blocage dans des zones industrielles relevaient d’une vraie mixité et pas seulement d’une intervention extérieure. On a pu voir par exemple des formes rusées introduisant une vraie division des tâches dans la lutte, les étudiants par exemple cadenassant des dépôts de bus et les machinistes derrière, solidaires et empêchés de travailler sans pour autant faire grève [11]. Il ne s’agit certes là que de formes élémentaires et peu radicales de mouvement, mais elles ont le mérite (et l’ambiguïté) de jouer sur une certaine sécurité, les prolétaires ne se plaçant pas alors dans une situation susceptible de répression, mais se posant comme « victimes/complices » du mouvement. Inconsciemment, c’est le retournement dialectique de la rhétorique de la « prise d’otages » énoncée ad nauseam par la bourgeoisie et ses médias dès qu’il y a un conflit dans les transports par exemple.
D’autre part, sur les 2,2 millions d’étudiants recensés, tous n’étudient pas réellement. Le taux d’échec en première année est important, et au total ce sont 20% d’étudiants qui ne terminent pas le premier cycle et sortent de l’université sans aucun autre diplôme que le Bac [12]. Cette population va ensuite grossir les rangs des chômeurs faiblement qualifiés (niveau Bac malgré tout), ce qui ne fait que révéler un des rôles actuels de l’université : celui de retarder l’arrivée de nouvelles générations sur la marché du travail et donc d’effectuer le gardiennage de l’armée de réserve. Durant la crise du CPE, selon ce qui pouvait les arranger sur le moment, les différents intervenants dans le débat ont avancé alternativement deux chiffres : le taux de chômage des jeunes de 16 à 24 ans serait de 23%, soit deux fois et demi la moyenne nationale ou de 9%. Pour le gouvernement, avancer le chiffre de 23% signifiait : voyez le désastre et comprenez la nature des mesures que nous avançons, et pour les syndicalistes et la gauche bourgeoise : regardez où en est arrivée la politique de ce gouvernement. Or, ce chiffe est ambigu : si on ramène les inactifs à la fraction salariée de la tranche d’âge, on obtient effectivement 23% de jeunes chômeurs ; mais si on ramène ces chômeurs à l’ensemble de la classe d’âge, y compris les lycéens et les étudiants, on revient à 9% de chômage, soit un chiffre proche de la moyenne nationale.
Les séries de l’INSEE montrent qu’entre 1975 et 2002, le pourcentage de jeunes en activité a diminué de plus de 40%. En 1975, 55,6% des hommes de 15 à 24 ans et 45,5% des femmes de 15 à 24 ans travaillent ; ils ne sont plus respectivement que 37,3 et 29,9% en 2005. Cela signifie d’une part que globalement le niveau de qualification de l’ensemble d’une classe d’âge s’élève (voir la politique initiée par les gouvernements de gauche de pousser 80% d’une classe d’âge au Bac - rappelons que le baccalauréat est, en France, le premier des titres universitaires et qu’il donne donc de plein droit l’entrée dans le premier cycle universitaire), mais aussi d’autre part que l’université joue également un rôle de réserve de chômeurs [13]. Il se constitue ainsi un enseignement supérieur à deux vitesses où les universités généralistes survivent avec de faibles moyens, tandis que les écoles d’ingénieurs, écoles de commerce et grandes écoles drainent une partie des classes moyennes destinées à former l’encadrement moyen et supérieur des entreprises. Ainsi la bourgeoisie française est elle en retard sur une partie de ses homologues européennes, puisque les dépenses annuelles par étudiant en France sont, selon l’OCDE de 9 276 dollars [14], contre 12 448 pour l’Autriche, ou 15 183 pour le Danemark, 12 019 pour la Belgique, par exemple (chiffres 2002).
D’une manière diffuse, cette dévalorisation du statut étudiant, même si elle ne date pas d’aujourd’hui, a contribué également à entretenir la révolte. Entre 1990-91 et 2004-05, le nombre global de jeunes poursuivant des études supérieures a augmenté de 32% (1.717.060 en 1990, 2.268.423 en 2004). Mais l’effectif des facultés généralistes a augmenté nettement moins (20%) que l’ensemble sur la même période, tandis que les effectifs d’élèves ingénieurs augmentaient de 57%, et ceux des écoles de commerce de 80% [15]. Aujourd’hui le ratio global de ceux qui font des études supérieures hors Université est de 35% (mais tous ne deviennent pas forcément cadres ou ingénieurs, car ce chiffre comprend également par exemple les écoles paramédicales et sociales qui forment les personnels infirmiers, assistantes sociales, éducateurs, etc.)
Cette orientation de plus en plus marquée des études supérieures vers des cursus professionnels ou techniques (ingénierie, informatique, commerce, gestion...) est d’autant plus marquée que, au sein même de l’Université traditionnelle, la part des diplômes de 3° cycle, professionnels, a eu tendance à augmenter et que ce mouvement redescend maintenant, à la faveur notamment de la réforme des cycles universitaires pour les calquer sur le modèle européen (LMD : 3 ans/5 ans, 8ans), vers les premiers cycles : création de nombreux diplômes de « licence professionnelle » dans des domaines divers. Ceci a le don de susciter l’ire de « l’élite » universitaire qui considère que cette institution déroge ainsi à sa vocation première qui est de dispenser des savoirs et non pas de former à des métiers. A ceci, nous objecterons que le seul vrai projet révolutionnaire en matière d’instruction, celui qui était défendu par Marx et en général par le mouvement ouvrier du 19° siècle, consiste dans l’unité de l’apprentissage intellectuel, du travail manuel et de l’exercice physique, et ceci dès le plus jeune âge. Le modèle d’enseignement bourgeois, à rebours de ce modèle - particulièrement en France - dissocie totalement un enseignement abstrait et un enseignement professionnel qui est socialement méprisé et dévalorisé. Aussi, pour nous le problème n’est pas que les étudiants fassent des stages en entreprise ou que les entreprises mettent leur nez dans les programmes scolaires et universitaires, le problème c’est qu’il y ait des entreprises (c’est-à-dire des entités juridiques qui consacrent l’exploitation du prolétariat par la classe capitaliste) et qu’il y ait des universités (c’est-à-dire des lieux de savoirs déconnectés de la réalité et réservés à une minorité même si les phénomènes de massification existent). A ce sujet, nous pouvons reproduire ici la réflexion de Michel Delord sur la marchandisation de l’éducation en général :
« Une des faiblesses des analyses courantes de la mercantilisation de l’enseignement est (...) au nom de la lutte contre l’emprise réelle et négative des entreprises sur l’enseignement de justifier la coupure entre la théorie et la pratique, les mathématiques et la physique, la science, la technique et la production, c’est-à-dire en fait de reproduire au niveau des « idées » l’autonomisation formelle des domaines de la pensée et la parcellarisation sociale produite par le marché qui est formé d’unités autonomes juridiquement indépendantes. » [16]
Nous pouvons noter aussi que ce mouvement global d’évolution que connaît l’université ne fait que poursuivre la contradiction déjà pointée par Marx :
« Une autre réforme très appréciée des bourgeois est l’éducation, et particulièrement « l’éducation professionnelle universelle ». Nous ne voulons pas relever l’absurde contradiction selon laquelle l’industrie moderne remplace sans cesse davantage le travail complexe par le travail simple pour lequel il n’est besoin d’aucune formation. » (Marx. Le salaire. 1849, in Travail salarié et capital.)
De fait, la situation est complexe parce que la société moderne a besoin de travailleurs à la fois globalement plus qualifiés, plus instruits, moins limités dans leurs connaissances particulières que ne l’était l’artisan ou le travailleur manuel d’autrefois, mais en même temps, une grande partie des tâches est de plus en plus réduite à du travail simple, parcellisé, non seulement dans la sphère industrielle, mais également dans le tertiaire. Il en ressort qu’une partie des étudiants qui mène jusqu’au bout leurs études supérieures (90 000 diplômés à Bac+5 par an venant de l’Université et des écoles) sont d’un côté surqualifiés dans des domaines extrêmement pointus et d’un autre côté assez rarement employés au niveau de compétences et de qualification correspondant. En même temps ils ne disposent pas de la polyvalence nécessaire au travailleur moderne appelé à remplir un ensemble de tâches de qualifications très inégales. Il est connu par exemple que, pour ce qui concerne la fonction publique française, les concours de catégorie « C », c’est-à-dire ceux qui correspondent au grade le plus bas et à des tâches de simple exécution bureaucratique, sont visés par une population grandissante d’étudiants ayant un niveau correspondant au moins à la licence, voire à des maîtrises ou mastères (Bac+4/5) [17]. Cet état de fait génère une grande frustration sociale dans une partie de la classe moyenne et des phénomènes qui font se lamenter patrons, « décideurs » et sociologues sur « l’absence de motivation » et « d’implication pour l’entreprise » de cette génération. Mais de la frustration à la conscience révolutionnaire, il y a un pas important, et un pas que la petite-bourgeoisie ne pourra franchir seule. Elle ne le pourra que si elle est entraînée massivement dans un conflit social dont le moteur et la force dominante serait le prolétariat, ce qui, une fois encore, n’a pas été le cas.
C’est aussi pour cela qu’une des plus grandes craintes de la bourgeoisie et de l’état, au cours de ce mouvement a été une reprise du mouvement de révolte dans les banlieues au cours de laquelle aurait pu s’effectuer une jonction avec la jeunesse scolarisée, les travailleurs précaires et les jeunes prolétaires employés. On aurait alors assisté à une toute autre forme d’événement. D’une certaine manière, là où, comme nous l’avons souligné, Novembre 2005 correspondait à la « révolution laide », celle des classe dangereuses, des prolétaires fauves que dénonçait la littérature du 19° siècle, Mars 2006 retrouve partiellement les accents de la « belle révolution », de la « fête », dont bourgeois et réformistes déplorent à l’unisson les « excès », lorsqu’ils ont lieu.
4.3 - Formes de lutte
Ce mouvement aura été aussi intéressant par ses formes de lutte même s’il n’en a inventé aucune : comme dans les autres mouvements spontanés échappant partiellement aux appareils des partis et des syndicats, ce sont les assemblées, les assemblées générales, les coordinations qui constituent les instances de discussion et de décision du mouvement. On aura pu noter, dans certains cas, la volonté de ne pas cristalliser d’appareil émanant de ces organes, en favorisant la rotation des responsabilités, la non permanence des bureaux d’AG, etc.
Certains de ces lieux ont pu, même temporairement, devenir des lieux de parole et de rencontre entre des prolétaires qui sont d’habitude séparés [18], non seulement par le travail, mais aussi, actuellement, par le non travail. La précarité, l’exercice de plusieurs « boulots » à temps partiel, outre le fait qu’elle fragilise la capacité de lutte, n’offre même pas de lieu récurrent où les prolétaires pourraient se compter et agir ensemble. De manière certes parcellaire, ce mouvement a pu parfois trouver des formes d’organisation ou au moins de rencontres dont l’unité n’est pas le lieu de travail (et pour cause) mais le territoire, le quartier, la ville, exactement comme les jeunes de banlieue luttaient simplement là où ils sont, (ce qui a été, dans le cas précis, à la fois une force et une faiblesse de leur mouvement.)
D’autre part, la rue a été un lieu d’expression et même un lieu d’organisation. Au-delà des manifestations cortèges traditionnelles, de nombreuses actions ont eu la rue pour théâtre, avec des manifs totalement inorganisées, sans itinéraire négocié et qui inventaient leur trajectoire au fur et à mesure de la rencontre des barrages de police.
Cette tendance est importante, parce qu’elle prend en compte l’évolution réelle de l’exploitation de la force de travail aujourd’hui : les citadelles ouvrières ont tendance à laisser la place à des établissements plus modestes et répartis différemment sur le territoire ; le recours à une main d’œuvre précaire (temporaires, intérimaires) contribue à faire hésiter sur l’entrée dans la lutte (il semble que ce facteur ait été déterminant chez les postiers par exemple, dont les effectifs précaires sont aujourd’hui importants) ; les travailleurs à temps partiel ou les chômeurs n’ont par définition pas de lieu où se retrouver, et ainsi de suite. Elle confirme ainsi, toutes proportions gardées, les leçons des grands mouvements révolutionnaires du passé : c’est le territoire, le quartier, la ville et non l’atelier, l’usine qui doivent être les terrains de la lutte et de la représentation prolétarienne, comme l’ont été la Commune ou les conseils (soviets). A contrario, puisque l’on célèbre cette année le 70° anniversaire du mouvement de 1936, l’enfermement dans les usines ne peut conduire qu’à une impasse car il est impuissant à poser la question de la prise du pouvoir politique par le prolétariat.
Enfin, on aura pu observer, comme dans d’autres mouvements ces dernières années, le rôle très important des nouveaux moyens d’information : internet, téléphones portables, à la fois pour coordonner les actions et favoriser la mobilité du mouvement, mais aussi pour battre en brèche l’autorité des médias officiels (qu’il s’agisse des médias d’état ou de ceux des appareils syndicaux).
Conclusion.
Novembre 2005, Mars 2006, deux mouvements s’évanouissent. Le premier ne fut ni défait sur le plan militaire (il n’y eut pas d’affrontement frontal avec l’état), - même si la répression a été très forte [19]- , ni sur le plan des revendications, puisqu’il n’en avait aucune. Il s’est éteint comme les flammes des incendies lorsque manque le combustible. Le second fut défait par sa propre « victoire » (le retrait du Cpe) succombant à son ambiguïté intrinsèque. Paradoxalement, c’est là que réside l’espoir. Aucun des deux n’a obtenu quoi que ce soit sur le fond, parce qu’il n’y a rien à obtenir. Ni la question du chômage, ni celle de l’intégration des fils et filles de l’immigration, ni celle de l’enseignement ne peuvent trouver de solution définitive au sein de la société bourgeoise. Les gouvernements bourgeois, de droite comme de gauche, resteront à jamais impuissants face à ces contradictions qui minent la société. C’est pourquoi, à moins que la lutte des classes ne soit, elle aussi, victime du zapping qui colle à l’esprit du temps, tôt ou tard, ces mouvements resurgiront, plus forts, plus violents. En l’absence d’un mouvement prolétarien généralisé, que l’on sent à chaque fois en toile de fond, sans que les conditions soient mûres pour qu’il s’exprime pleinement, ils resteront eux-mêmes impuissants. Mais leur défaite momentanée laisse intact le potentiel qui les a animés. Ils sont suspendus, mais pas encore battus tout simplement parce que le vrai combat n’a pas encore été engagé. Ils n’en sont que les prémisses et devront retrouver des chemins que 90 années de contre-révolution ont presque effacés de la mémoire collective, tout comme ils devront en inventer de nouveaux. Mais la trajectoire ne peut être qu’ascendante et pour cela, nous nous réjouissons.
[1] Et même de l’ultra-gauche comme le Courant Communiste International.
[2] Avec la nuance suivante : par définition ne passent devant les tribunaux que les majeurs.
[3] Elle reprend aussi un vieux discours des possédants sur le caractère nécessairement fainéant de l’ouvrier qu’il faut contraindre pour qu’il accepte de travailler plutôt que de ne rien faire. C’est pourquoi, en guise de mesures contre le chômage, c’est surtout une politique systématique de contrôle et de radiation par les agences pour l’emploi qui est mis en place en 2005-2006.
[4] On peut voir un signe annonciateur du mouvement étudiant dans le mouvement des stagiaires qui a eu lieu au début de l’année 2006. Défilant masqués, un collectif d’étudiants hautement diplômés (Bac+4/5) dénonçait son utilisation comme main d’œuvre d’appoint dans les entreprises, au moyen de l’enchaînement de périodes de stages, sous-payés. En même temps, ce collectif par la suite, ne s’est pas associé au mouvement, témoignant là sans doute d’une rupture sociale entre les étudiants qualifiés et non reconnus et la masse des étudiants de premier cycle, plus proches d’une sorte de prolétariat « flottant » et qui ont été les plus actifs dans la lutte. (Dans certaines universités, le blocage est resté filtrant pour permettre aux étudiants de master (Bac+5) et à ceux préparant les concours d’état (Capes et agrégation) de continuer à assister aux cours.
[5] IRES, Les mutations de l’emploi en France, La Découverte, coll. Repères, Paris, 2005, p.8
[6] D’un point de vue qui peut sans doute sembler anecdotique mais qui n’est pas si neutre que çà, on pourra noter que le mouvement a suscité son propre vocabulaire ; les camps en présence se sont qualifiés comme « bloqueurs » et « anti-bloqueurs ». Les barrages de tables et chaises empêchant la circulation ont été nommés « barricades ». On pourra noter aussi que Mai 68 est passé de l’état de vieillerie radotée par des gens majoritairement passés aujourd’hui dans le camp du pouvoir (nous parlons ici des anciens leaders du mouvement étudiant, pas de la masse des grévistes) à un événement digne de figurer au panthéon révolutionnaire. De nombreux slogans ont été repris. Malheureusement, ce n’est pas dans sa dimension de plus grande grève de l’histoire du mouvement ouvrier que l’événement est le plus cité.
[7] Cependant ici la rationalité compte moins que la volonté de poursuivre la guerre engagée contre le code du travail, afin de l’adapter dans un ses plus favorable à l’évolution du marché mondial.
[8] A certains égards, cette fausse conscience peut être rapprochée de l’épisode du projet de constitution européenne, rejeté en France par referendum. L’évolution économique du mode de production capitaliste en Europe ne peut qu’engendrer un désengagement croissant de l’état providence, une circulation accrue des travailleurs, des délocalisations de postes de travail, une tension sur les salaires due à la concurrence des travailleurs entre eux, etc. Tout ceci avait lieu, aurait eu lieu en cas d’adoption de la constitution et aura de toutes façons lieu en son absence. Mais le projet de texte a écrit noir sur blanc ce qui se pratique concrètement dans la vie réelle. De ce point de vue, il a rendu visible quelque chose qui permettait alors, par la voie électorale, d’exprimer un refus de la « politique libérale », alors que les aspects qui, du point de vue du prolétariat révolutionnaire pouvaient être positifs, comme le recul des représentations nationales, étaient ignorés. De la même manière la « Loi sur l’égalité des chances », dont l’article 8 présentait le CPE avait à la fois le mérite et le tort d’inscrire noir sur blanc les pratiques d’exploitation de la classe capitaliste.
[9] A pondérer par le fait que la classe ouvrière représente une part moindre de la population.
[10] Selon une enquête de l’Observatoire de la vie étudiante), publiée en 2004, on dénombrait 22 000 étudiants en situation de très grande précarité, c’est-à-dire sans logement et en grande difficulté pour se nourrir. Parmi ces étudiants, un grand nombre d’étrangers, dont une partie utilise le statut étudiant pour justifier d’un départ de leur pays d’origine. Soit au total 1% de la population étudiante.
[11] Le mouvement a aussi montré que dans certains secteurs habitués à la lutte comme la poste, l’emploi grandissant d’une force de travail non titulaire constituait une forte entrave à la mobilisation.
[12] A ce chiffre de 20%, il faut ajouter le fait qu’un grand nombre d’étudiants mettent plus de temps que prévu à obtenir leur diplôme (par exemple de 4 à 5 ans pour décrocher un diplôme de premier cycle en deux ans -avant la réforme LMD-).
[13] Du même coup, s’ils étaient capables de l’admettre, les enseignants du supérieur pourraient comprendre que leur rôle est autant de faire du gardiennage de force de travail que de la dispense de « savoirs ». Mais cette caste, incapable, à l’instar des chercheurs, d’admettre la banalisation de son statut, ne s’est que très faiblement mobilisée dans le mouvement du printemps 2006. La majorité d’entre eux a au contraire pu réaliser pendant quelques semaines son rêve secret d’une université sans étudiants...
[14] Encore ce chiffre n’est-il qu’une moyenne. Il existe une forte disparité en France entre la dotation d’un étudiant à l’Université et la dotation d’un étudiant de grande école.
[15] De ce fait, l’Université n’est plus comme dans les années 1960 le lieu unique de formation des futurs cadres (hors les « grandes » « grandes écoles » comme Polytechnique, Centrale, l’Ena, etc.) ; cette formation se déroule plutôt dans les myriades d’écoles d’ingénieurs et écoles de commerce qui ont fleuri sur tout le territoire et dont les effectifs globaux sont de 200.000. Les autres, la grande masse des étudiants qui arrête après deux ou trois années d’Université (pour 20% sans même avoir obtenu de diplôme) va surtout grossir les rangs des petites classes moyennes, des travailleurs précaires et, pour une partie, du prolétariat. L’analyse qui renvoie aujourd’hui le mouvement étudiant à une base sociologique purement bourgeoise n’est donc pas juste.
[16] Delord, Michel : NTIC à l’école : un pas de plus dans l’enseignement taylorisé d’une pensée taylorisée.
[17] « La part des titulaires de BTS ou de DUT embauchés depuis moins d’un an sur des emplois d’ouvriers et d’employés non qualifiés (hors stages, emplois aidés et apprentis) atteignait 9,9% en 2000, en dépit du contexte économique favorable ; de même, la part des diplômés de grandes écoles et du 3° cycle nouvellement embauchés sur des emplois d’ouvriers et d’employés dépassait 9% en 1999. » (Garrouste, Laurent, Supprimer les licenciements, Syllepse, 2006)
[18] Pour anecdotique qu’il soit l’épisode suivant est révélateur d’un certain état d’esprit du mouvement. A l’université de Lille-3 avait lieu tous les lundis soirs une assemblée générale interprofessionnelle. Dès les premières semaines de grève s’est présenté spontanément un jeune travaillant dans un centre d’appel tout proche de l’université pour décrire les conditions de travail dans ce secteur. Apparemment licencié par la suite, cette personne a créé une section syndicale dans cette entreprise.
[19] Parmi les tendances les plus radicales du mouvement étudiant, certaines ont inscrit très tôt, y compris dans les axes des coordinations nationales, la revendication de l’amnistie pour les condamnés de Novembre.
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incendies sans paroles: On nous promettait l’islam et le terrorisme, et c’est la question sociale !
mercredi, 7 juin 2006
Oiseau-tempête • Numéro 13 • printemps 2006 • pages 1 - 7
ETAT DES LIEUX. - Les violences policières et les révoltes dans les quartiers ouvriers pauvres ne datent pas d’aujourd’hui. Construites, dans les années cinquante, pour loger le prolétariat de la grande industrie, les villes-dortoirs à urbanisme vertical hideux ont subi les effets de la crise économique, la désindustrialisation et de l’accroissement du chômage.
Conséquence inévitable, on trouve concentrées dans ces quartiers les populations ouvrières les plus pauvres, notamment d’origine immigrée ; ce sont souvent des familles qui sont en France depuis deux ou trois générations (le grand-père d’un des jeunes tués parla poursuite policière avait émigré en France en 1938), ainsi que des familles arrivées plus récemment, dans des situations précaires, voire sans papiers. Beaucoup de jeunes ont la nationalité française même si ce n’est pas celle de leurs parents. La majorité des travailleurs est d’origine maghrébine, turque ou africaine, il y a aussi dans ces quartiers des prolétaires d’origine portugaise, asiatique, française ou autre. Les jeunes, qui constituent presque la moitié de la population de ces quartiers, sont les premiers touchés par le chômage. Le taux de chômage moyen est de l’ordre de 25 % mais par endroits, comme c’est le cas à Clichy-sous-Bois, où a commencé la révolte après la mort des deux jeunes, il peut atteindre 40 %.
Dans ces quartiers, la crise de l’école publique prend des formes extrêmes. Les conditions matérielles y sont en constante dégradation, les budgets réduits. Et la majorité des jeunes se trouve tout naturellement en « échec scolaire ». L’état de l’enseignement public ne peut plus être abordé de façon uniforme. Il n’y a plus une École publique mais des écoles publiques, selon la richesse ou la pauvreté des quartiers. Depuis le début de la révolte, des voix « raisonnables » proposent le rétablissement des crédits pour les éducateurs qui étaient censés encadrer les jeunes des quartiers. C’est là une légende. S’il est vrai que les crédits furent coupés de moitié par les derniers gouvernements, ces éducateurs n’avaient jamais eu un poids réel. Par contre, le soutien scolaire pour les jeunes en difficulté fut progressivement abandonné, rejetant encore plus rapidement ces jeunes hors de l’école dans un cadre de chômage de masse, d’économie « parallèle », d’implosion familiale.
Ces dernières années, la répression s’est accentuée sur les jeunes. Elle a changé de forme, désormais, le harcèlement policier est constant, plus violent et plus agressif, il cherche à humilier, à écraser l’individu. Et pas seulement les jeunes. Comme le rappelait une femme : « Maintenant, quand je descends les poubelles je fais attention à avoir mes papiers d’identité sur moi ! »
Le droit étant un édifice idéologique essentiel au fonctionnement du capitalisme, on peut rappeler ce que disait Marx : que les formes de gouvernement et de droit tendent à correspondre aux formes d’exploitation. Une exploitation plus sauvage et violente implique un droit plus dur et des gouvernements plus autoritaires [1]. Ainsi, la récente réforme du Code pénal permet une multiplication des poursuites et des peines. Les événements sont venus confirmer que les modifications de la loi ont rendu son cadre plus vague, tout acte devient délit selon les lieux et les personnes et, s’il n’y a pas de délit, on peut facilement l’inventer. Les peines concernant l’interdiction de « regroupement dans les cages d’escalier
des immeubles » en sont un parfait exemple. Cette nouvelle situation a engendré une peur constante du contrôle et de la police, l’idée même du pouvoir étant que les espaces que les jeunes considèrent encore comme les , leurs, immeubles, quartiers, ne doivent plus l’être.
Consubstantiel du système capitaliste et de la division sociale du travail, le racisme prend des formes spécifiques à chaque société. En France, ce sont l’histoire coloniale et les conflits de la décolonisation qui le façonnent. La place des immigrés dans la division sociale du travail a, par la suite, renforcé le racisme et aussi masqué la crise sociale, dans la mesure où l’appauvrissement d’une partie du prolétariat est assimilé à un problème d’immigration. A l’inverse, le racisme renvoie nécessairement à la question de la colonisation. Le récent décret demandant d’enseigner à l’école les « bienfaits » de la colonisation fut compris comme une véritable provocation. Les récents incendies criminels ou accidentels (conséquence des conditions dans lesquelles on parque les gens) d’hôtels d’immigrés, les successives expulsions d’immeubles occupés par des travailleurs immigrés, tout renforce l’idée que « ce sont toujours les mêmes qui payent ». Les jeunes des quartiers périphériques ont le sentiment de faire partie d’une population qui est désormais superflue, qui ne compte pas, qui est méprisée, qui est traitée comme pègre. Mais ce « destin » leur apparaît comme étant indissociable de leur origine immigrée. Le « racisme social » mêle le racisme tout court et la nature même du système.
Une impuissance généralisée
CETTE RÉVOLTE s’est développée dans un contexte et une atmosphère particuliers. On y retrouve exprimé le sentiment de blocage et d’impasse qui traverse la société. Par exemple, le rejet électoral de la Constitution européenne fut méprisé et considéré comme une « erreur » par les organisations politiques dominantes. Les membres des associations, religieuses ou autres, qui incitent les jeunes à intervenir dans la vie municipale, s’entendent invariablement répondre : « Ça ne sert à rien ! ». Une manifestation organisée à Paris par des associations demandant « la fin des violences » et un plus grand investissement des jeunes dans la vie électorale eut un échec retentissant. Surtout, depuis 1995, toute grève et mobilisation sociale ou syndicale se heurte à un mur. Cette impasse sur le terrain des luttes (mouvement enseignant, mobilisation contre la réforme du système des retraites) est fortement ressentie dans ces quartiers de prolétaires comme partout ailleurs. L’impuissance et le manque de perspectives de cette révolte sont aussi, jusqu’à présent, celles du mouvement social dans son ensemble.
La politique de désengagement de l’État dans les mécanismes d’intégration sociale est assujettie à la crise capitaliste, ainsi que l’orientation libérale s’opposant à la ponction des profits privés et de la richesse bourgeoise. Les moyens, et donc l’espace pour la voie des réformes, ont été réduits à néant. La réponse du gouvernement s’est faite avant tout dans le domaine de la répression. Il en profita pour mieux museler toute mobilisation sociale, interdisant tel ou tel rassemblement classé comme menaçant pour l’ordre public. La décision du Premier ministre de ressortir une loi - votée par les socialistes à l’époque de la guerre d’Algérie - pour appliquer le couvre-feu dans les banlieues inquiéta jusqu’à la presse conservatrice (« Fébrilité » titrera Le Monde). Un jeune dira à un journaliste : « C’est clair, pour eux, nous serons toujours des Arabes ! »
Grosso modo, cet État d’urgence, modulable, permit d’isoler les « quartiers à problèmes », les occuper par la police, y effectuer des perquisitions en tout arbitraire. Idéologiquement, cette mesure souligne l’identification qui doit être faite entre « population dangereuse » et « population des banlieues », « population immigrée ». Depuis plus de vingt ans, la question sociale ne cesse d’être ainsi transformée en une commode question sécuritaire [2]. Réduire la question sociale à la question sécuritaire justifie de ne plus gérer l’exclusion des travailleurs immigrés par le social mais par le répressif.
Mais la conflictualité de la société française, la rage profonde des classes exploitées et le fragile équilibre politique provoquent quelques hésitations du côté du pouvoir. La classe politique et les capitalistes ne semblent pas prêts, dans leur ensemble, à s’engager dans une orientation unique, de criminalisation de la pauvreté, aboutissant à une séparation des exclus. Le discours « républicain » de l’égalité formelle des chances a toujours cours, même si chacun sait qu’il ne correspond pas à la réalité sociale. Car reconnaître la faillite de cette idéologie d’intégration reviendrait à affirmer la fin du réformisme et l’inéluctable avènement d’une société à chômage de masse. Aussi, l’option qui repose sur la seule répression soulève-t-elle quelques problèmes et contradictions. Comment, en effet, faire fonctionner une société moderne avec des villes occupées militairement ? L’exemple récent de Perpignan 3 en a montré les limites. L’économie marchande se trouva vite étouffée par l’occupation policière de la ville obligeant les commerçants à demander la levée de l’opération. Plus récemment, l’application du couvre-feu à des villes-dortoirs a également posé problème. Ainsi la police fut forcée d’assouplir les mesures de contrôle dans des quartiers de la banlieue nord de Paris où vivent les ouvriers qui font fonctionner l’aéroport de Roissy et qui doivent se déplacer la nuit.
La différence avec hier
LES RÉVOLTES ACTUELLES n’ont pas de rapport avec des affrontements de gangs, ou avec des faits liés à l’économie de la drogue et au petit banditisme. Cela ne veut pas dire que les bandes des quartiers soient absentes des affrontements, l’appartenance des jeunes aux bandes peut parfois déterminer les formes de leurs actions. Mais les enjeux de l’« économie parallèle » étaient absents. Ces concepts d’« économie parallèle » et d’« économie de la drogue » ne sont d’ailleurs pas fondamentaux pour la compréhension de la situation. D’une part, ils sont de nature policière et introduisent une moralisation du débat, d’autre part ils sont difficilement mesurables. L’« économie parallèle » est la forme dominante de survie dans les quartiers pauvres et l’« économie de la drogue » n’est qu’un de ses aspects, au même titre que le travail illégal. Cela étant, l’« économie de la drogue » se base sur une forte hiérarchie et sur des pouvoirs forts et répressifs au sein des quartiers. Comme on le sait par l’expérience passée - et pas seulement en France - l’« économie de la drogue » développe de forts liens avec la police, liens qui accélèrent l’implosion des quartiers. À long terme, les caïds de cette économie se rangeront sans doute du côté de l’ordre, car l’occupation policière des quartiers dérange les affaires. Autrement dit, si l’économie parallèle (et celle de la drogue) complète la panoplie de survie trouée du travail précaire dans les banlieues, elle n’a pas
DÉBUT NOVEMBRE 2005, trois jeunes cherchant à échapper à un contrôle policier se réfugient dans un transformateur électrique, à Clichy-sous-bois, banlieue ouvrière pauvre de la région parisienne. Deux d’entre eux meurent électrocutés et le troisième est gravement brûlé. Bien qu’ils connaissent la dangerosité des lieux, les policiers ne leur portent aucun secours et les présenteront comme des délinquants connus, ce qui, plus tard, sera reconnu faux. Ces faits provoquent immédiatement des manifestations suivies d’émeutes dans la ville. Lesquelles s’étendront rapidement à d’autres quartiers de la région parisienne et ensuite à toute la France. Les émeutes ont duré un mois et se calment juste avant que le gouvernement décrète l’état d’urgence. Ces événements surviennent [3] à la suite de propos méprisants et agressifs du ministre de l’Intérieur (l’intention de « nettoyer les quartiers au Kàrcher » et la référence à « la racaille » pour définir les jeunes) qui avaient fait monter la tension. La mort des deux jeunes a mis le feu aux poudres et a été un facteur déterminant dans l’explosion de rage des quartiers.
On n’a pas constaté de réaction violente de citoyens réactionnaires ou excédés contre les jeunes. Sauf quelques « accidents » isolés, il n’y a pas eu de règlement de compte dans les quartiers. Malgré l’insistance médiatique sur les « violences urbaines », le pouvoir n’a pas mobilisé à son profit l’exaspération des « honnêtes citoyens ». Si le couvre-feu a mis les habitants des quartiers visés dans la même situation, les moyens par lesquels s’exprime la rage se sont retournés, et le plus souvent, contre les révoltés, suscitant une hostilité, créant une division supplémentaire dans les quartiers. Dans un premier temps, le pouvoir politique en a tiré profit pour fabriquer de l’« opinion publique » : à long terme, il espère récupérer ce désarroi sur le terrain électoral.
En France, la communauté des jeunes pauvres n’a pas implosé, comme aux États-Unis ; elle n’est pas cloisonnée selon les communautés ou les religions, comme en Grande-Bretagne. Elle réagit toujours comme une communauté d’exploités, d’exclus. Les révoltes ont été avant tout celles des jeunes pauvres des quartiers ouvriers et non uniquement celles des jeunes « issus de l’immigration ». Dans des régions où la pauvreté touche une partie importante de la vieille classe ouvrière non immigrée, comme c’est le cas dans le Nord, beaucoup des interpellés étaient des « émeutiers loin des clichés », des jeunes « Blancs [4] ». On n’a pas observé non plus de séparations « raciales » dans les actes de révolte. C’est là une différence importante avec les émeutes précédentes ; comme celles de Perpignan. Cette fois-ci, il s’agit plutôt de la révolte d’une « figure sociale », le jeune pauvre de banlieue. Lorsque les jeunes ont affronté la police, ils exprimaient un sentiment de solidarité et une revendication de respect, un rejet du mépris d’État. Lequel lui retourne le mépris des classes nanties vis-à-vis des pauvres. Les « jeunes révoltés » affirment la revendication de ne pas être traités comme des « criminels ».Ils n’ont cessé de réclamer des « excuses » au pouvoir politique sur les mots employés et des explications sur la mort des deux jeunes. Engagé dans une dynamique répressive, le pouvoir politique s’est interdit de céder, de s’excuser de la mort des jeunes et des mensonges officiels et médiatiques. Car un tel revirement reviendrait à légitimer la révolte.
On peut discuter si on s’est trouvé devant un mouvement au sens traditionnel ou plutôt devant un mouvement composé d’actes qui se revendiquent consciemment, solidairement, d’une attitude commune, opposée à des conditions de vie misérables, à la répression de l’État ; mouvement qui exige justice, rejette une condition insoutenable à la longue. Les jeunes des quartiers périphériques pauvres ont retrouvé un sentiment de collectivité dans ces émeutes. On est bel et bien devant une révolte dans les quartiers pauvres qui s’est unifiée autour de ces sentiments, contre les forces policières de l’État et les politiciens, ses institutions, ses symboles ; enfin, contre les capitalistes qui profitent de cette situation de misère pour s’installer dans les zones pauvres en échange d’exonération d’impôts.
Les jeunes et l’école séparés par le feu
DEPUIS QUE LES QUARTIERS voient éclater des révoltes et des émeutes, c’est la première fois que les très jeunes se sont trouvés massivement impliqués. Sur les quelque 3 000 personnes placées en garde à vue, presque 700 ont été condamnées, dont 118 mineurs. Au total plus d’un demi-millier de mineurs ont été présentés devant un juge. La question de l’absence de jeunes femmes soulève aussi quelques questions, révélatrices des conditions de
survie dans les quartiers. Les filles sont en général peu visibles dans la vie de rue et des bandes ; encore moins la nuit. Leur rapport avec l’école est aussi différent de celui des garçons. Pour elles, l’école reste la seule possibilité de sortir des quartiers et, malgré les difficultés croissantes, elles arrivent plus facilement à trouver du travail que les garçons. Elles sont aussi plus « protégées » par les « grands frères », dans le bon et le mauvais sens du mot, car il s’agit souvent d’une oppression. Il faut signaler qu’il y a une résistance grandissante des filles à ce contrôle, souvent avec des conséquences tragiques. Tous ces aspects portent la marque des valeurs religieuses, souvent musulmanes, chrétiennes parfois, par exemple dans les communautés de travailleurs portugais, martiniquais, Cap-Verdiens ou guadeloupéens. La séparation des sexes n’a pas été dépassée, elle a même été renforcée par le caractère physique des affrontements. C’est sans doute un signe des limites de la révolte et de son isolement. Cela étant, l’absence des filles ne veut pas dire qu’elles ne se sont pas senties concernées par la révolte et par ses causes. D’ailleurs, elles ont été très présentes dans les diverses manifestations de soutien aux jeunes arrêtés, et devant les tribunaux.
Il existe un lien direct entre la jeunesse des révoltés les attaques subies par de nombreuses écoles, mises à sac et incendiées. Certes, si on met volontiers l’accent sur la destruction des écoles, c’est souvent pour passer sous silence les attaques de commissariats, centres des impôts et entreprises qui refusent d’employer les jeunes des quartiers. Pour ce qui est des écoles détruites, même un bureaucrate du syndicat des professeurs est capable de déceler ce lien : « Ces actes sont un symbole. On croit beaucoup à l’école, censée être un ascenseur social. La brûler, c’est dire que ça ne marche pas. On se retourne contre elle parce qu’elle nous a déçus [5]. » Si les écoles sont incendiées, c’est aussi parce que leur fonction sociale est de faire le premier tri de la future division du travail. De ce point de vue, l’école marche toujours bien. La preuve : 1’âge moyen auquel les jeunes des cités décrochent de l’école pour errer ensuite de petits boulots en petits boulots. Un récent rapport parlementaire sur la « prévention de la délinquance » prône même la création d’un système de détection des signes de délinquance dès la crèche [6]. Plus qu’une rupture, il faut voir dans cette proposition une adaptation de l’école publique à la situation actuelle.
Les religieux hors jeu
FACE à CES RÉVOLTES, l’argument de la manipulation religieuse est tombé à plat. Au contraire, les questions sociales ont pris le dessus sur l’asservissement religieux. En pleine période du Ramadan, et contre les attentes même du pouvoir, les religieux se sont trouvés débordés, le recteur de la Mosquée de Paris a été malmené à Clichy juste après la mort des deux adolescents, et les barbus qui ont cherché à s’interposer entre la police et les jeunes n’ont rien pu faire. La grenade jetée devant la mosquée de Clichy, provocation policière majeure, n’a pas pu être mise à profit par les religieux. Pis, les religieux, leurs associations, se sont trouvés parmi les premiers à accepter l’idée de création de « milices de protection », allant même, par endroits, à organiser des « patrouilles de nuit » pour tenter de calmer les jeunes. Une des plus importantes associations islamiques de France (l’OUIF) a poussé le ridicule jusqu’à lancer une fatwa condamnant les violences. En vain, évidemment ! Un responsable islamique s’est plaint à un journaliste : « Ces jeunes sont des paumés, qui ont un lien très mince avec la religion. Quand on leur dit « Salam aleykum », ils répondent : « Bonsoir ». [7] » On pourrait inversement parier qu’au bonjour du journaliste ils auraient répondu, Salam aleykum ! Autrement dit, chez les jeunes les références religieuses jouent souvent comme repères collectifs, comme identité d’opposition, mais non comme ciment de la révolte.
Le terreau sur lequel se développe la religion est celui de la poursuite du désastre et de l’exclusion. Or cette révolte exprimait le rejet de cette situation, elle aurait voulu arrêter le désastre et l’exclusion. Cela ne veut pas dire que le religieux a disparu. Le religieux est le socle du repli, de l’identité qui comble l’absence de collectivité centrée sur la question sociale. Les religieux n’ont plus qu’à attendre la fin de l’agitation pour récupérer les déçus et les meurtris. Leur rôle reste essentiel pour l’ordre et on peut prévoir que les idéologues du pouvoir réviseront la place à donner aux institutions religieuses dans le maintien du contrôle social.
Quand la question sociale s’exprime dans le refus
LES RÉVOLTES ont mis en évidence la misère, l’inégalité et l’injustice de classe, bref, elles ont fait le constat du désastre social général. Dans les discours des participants - autant qu’on leur a donné la parole dans les médias -, les questions sociales ont pris le pas sur les problèmes d’immigrés, de « race », pudiquement appelés « ethniques ». Ce n’est plus la question des banlieues qui a été posée, mais celle de la logique actuelle de la société.
Parmi les jeunes arrêtés, nombreux sont ceux qui avaient de petits emplois précaires. L’image d’une « population » qui serait totalement en marge du monde du travail est fausse. Comme un grand nombre des habitants des quartiers, ils font partie du monde du travail - un jour salarié, chômeur le lendemain. En fait, les protagonistes des révoltes donnent une photo, en négatif, de l’état de l’ancienne classe ouvrière. D’un côté, ils aimeraient en faire partie. D’un autre côté l’image qui leur est laissée via leurs parents est celle d’un sacrifice sur l’autel du profit, motivant chez eux un fort rejet du monde du travail et du salariat. C’est dans ce sens qu’on peut dire qu’il y a eu un rejet de l’intégration perçue comme l’acceptation du monde tel qu’il est. « La culture occidentale ne se maintient que du désir du reste du monde d’y accéder. Quand apparaît le moindre signe de refus, le moindre retrait de désir, non seulement elle perd toute supériorité, mais elle perd toute séduction à ses propres yeux. Or, c’est précisément tout ce qu’elle a à offrir de « mieux », les voitures, les écoles, les centres commerciaux, qui sont incendiés et mis à sac. Les maternelles ! Justement tout ce par quoi on aimerait les intégrer, les materner !... [8] »
Ce mouvement de révolte peut être lu comme une réponse violente, sans paroles, à la faillite du vieux mouvement ouvrier et de ses institutions, à l’état de défaite de la classe ouvrière. Les jeunes prolétaires sont condamnés à vie, exclus du salariat classique, à statut permanent ; les syndicats et partis de gauche n’existent plus dans les quartiers et n’y représentent plus rien.
Éclairages, limites et impasses
LA RÉVOLTE DES EXCLUS de notre époque ne peut pas prendre les voies de la lutte collective du passé, celle des syndicats et des partis, encore moins la voie électorale. Les prolétaires marginalisés des sociétés contemporaines ne se reconnaissent pas dans les schémas politiques anciens, forgés pendant les années de luttes réformistes. Les limites, l’impuissance et l’absence de perspectives des révoltes sont celles du mouvement social tout entier. La révolte les met en évidence à partir de ce qui n’est plus supportable. Il n’en reste pas moins que ce mouvement de rage social porte en lui une impasse. De par sa nature même, il rencontre une difficulté à se généraliser car il n’a pas la capacité de bloquer la reproduction de la société.
De nombreux commentateurs ont décelé dans cette révolte une force de détonation puissante. La compréhension critique d’un mouvement de contestation sociale, même limité comme celui-ci, recherche toujours des références, des filiations, ressent le besoin de se réapproprier des « âges d’or ». Ainsi, par référence à Mai 68, on a remarqué que la grande différence résidait dans l’absence d’utopie sociale. On pourrait y ajouter l’absence de relais avec d’autres secteurs de la société qui, en 1968, conduisirent à la grève générale sauvage. En mai 1968, il y a eu un passage (la transmission de la colère) des étudiants vers les ouvriers qui, eux, pouvaient bloquer la société. Vu l’état des rapports de classe dans la société, l’état de la combativité des salariés, ce passage semble actuellement plus qu’improbable, rendant les limites des révoltes d’autant plus évidentes.
Ces révoltes et émeutes éclairent aussi la crise de la politique bourgeoise, l’identité des visions de gauche et de droite. Avec à gauche des nuances, qui sont de l’ordre de la méthode, l’usage des associations et des « éducateurs » comme pompiers des quartiers, le retour à une police plus « douce », dite « police de proximité ». Projet qui semble aujourd’hui impossible à mettre en application. Pour ce qui est de la revendication d’un autre avenir, d’une baisse du chômage et de la fin de la précarité, la gauche n’a rien à proposer et reste prisonnière des exigences capitalistes. L’application même du « couvre-feu » fut soutenue par le PS au nom du nécessaire « retour à la loi et l’ordre », il demanda juste son application « limitée dans le temps », votant timidement contre sa prolongation à trois mois. De son côté, le parti communiste cherche à jouer une dernière carte dans le cadre du système. Certains de ses maires, qui dirigent la plupart des villes pauvres de banlieue, restent les derniers faibles interlocuteurs du système politique face aux jeunes [9].
Ces évènements soulignent les difficultés du traitement répressif de la surpopulation ouvrière dans des sociétés ayant une culture historique particulière. Malgré leur marginalité et leur exclusion, les jeunes restent marqués par l’histoire de la société française, comme le montre l’usage revendicatif des valeurs « égalité » et « justice ». Mais classer les révoltes comme « un mouvement très français [10] » est excessif. Il s’agit plutôt d’un mouvement d’exclus qui revendique par la révolte des valeurs ancrées dans la société française. Qui fondèrent l’idéologie de la démocratie formelle et du réformisme du passé, qui peuvent aussi être portés par des aspirations égalitaires. D’où l’impact de ces événements sur les classes dirigeantes des autres pays européens. Ce fut un deuxième choc, après le non français à la Constitution européenne.
Les questions de la révolte
LES VALEURS EXPRIMÉES par cette révolte sont-elles, pour l’essentiel, le reflet des valeurs barbares du système ? Celles de la violence de l’exclusion, qu’on retrouve souvent dans les bandes et les gangs dé quartier ? Il est vrai, ces jeunes ont dit non, mais ils n’ont dit oui à rien de précis. Cela étant, il y a, dans ce mouvement, des valeurs qui ne sont pas celles du système. Ne pourrait-on pas voir, dans cette forte revendication de respect, de la fin de l’humiliation, de l’abolition des formes de racisme à l’usage de l’exploitation, de sentiment d’injustice sociale et d’aspiration d’égalité, les jalons d’une exigence, un désir d’une société différente ? Il y eut aussi le rejet du mépris de classe et du mensonge, le regard politique sur leur propre situation, enfin une solidarité. Dans les quartiers, elle s’est manifestée, entre les habitants, avant tout dans leur opposition à la répression, à l’humiliation, au mensonge et au mépris. Et, il est un fait, l’appel à la délation lancé par la police ne fut pas suivi d’effet. Certes, ces attitudes ne sont pas dégagées des contraintes propres à toute communauté... Inversement, on peut souligner que l’adhésion massive aux émeutiers ne s’est pas manifestée non plus. L’État d’urgence fut somme toute accepté sans trop de manifestations de mécontentement. Comme quoi la compréhension d’une situation ne traduit pas nécessairement un accord avec les moyens utilisés. Enfin, les émeutiers avaient-ils conscience de lutter contre l’État ? Ils exprimèrent en tout cas leur rage et leur opposition contre les institutions de l’État qu’ils connaissent au quotidien, la police, l’école, les services sociaux. D’autre part, ce fut la répression de l’État qui unifia la révolte, dans le temps et dans l’espace.
La révolte des jeunes des cités intéresse surtout pour la crise qu’elle ouvre, pas tant pour ce qu’elle fut. Car, et c’est bien là leur essence tragique, il n’y a rien dans la condition des jeunes qui peut être porteur d’avenir, de dépassement de leur misère. Seuls, ils sont condamnés à s’affirmer en négatif seulement, face au système. Autrement dit, le vrai problème posé par leur révolte est leur isolement du reste de la société, des autres secteurs exploités, avant tout. Nous savions que la résignation et la passivité sont des caractéristiques dominantes de notre époque. Les jeunes sont venus le rappeler et le souligner.
La révolte n’est pas en soi une valeur émancipatrice. On le sait, dans l’histoire elle a pu alimenter des formes politiques fascistes ! Mais, là aussi, la comparaison tombe à plat. Car le fascisme possible de nos jours - qui reste à définir au même titre que toute forme de réformisme - n’a que faire de ces jeunes prolétaires exclus. Reste le mot d’un jeune au journaliste, chargé de sens : « On n’a pas la haine, on a la révolte ! [11] »
Or, tant qu’il y a de la révolte, il y a de l’espoir. Et sans révolte, il n’y a pas de subversion possible. Ce possible dépendant, lui, des circonstances historiques, de la situation générale.
CHARLES REEVE
15 décembre 2005
Ce texte a été discuté et enrichi lors de discussions collectives au sein d’Oiseau-tempête. Des divergences sont apparues à l’intérieur du collectif, plusieurs appuyant ce texte, d’autres exprimant en revanche des« points de désaccords ». Le LEXIQUE (en page 14) a voulu apostiller ce texte, signaler, commenter, étirer des idées peu abordées.
[1] « Comment ce monde va ? », Oiseau-tempête, n° 12, été 2005.
[2] cf. Oiseau-tempête, n° 10 (2003), n° 11 (2004) et n° 12.
[3] À Perpignan, en été 2005, deux communautés pauvres, celle des Maghrébins et celle des Gitans se sont affrontées, suite au meurtre d’un jeune d’origine marocaine par un jeune Gitan. Les bagarres entre les deux communautés ont duré quelques jours, sur fond de manipulation politique de la mairie (la population gitane étant un électorat captif de la mairie depuis des années), obligeant à l’occupation policière de la ville pendant des semaines.
[4] Libération, 18 novembre 2005
[5] Métro, 8 novembre 2005.
[6] Le Monde, 9 novembre 2005.
[7] Le Monde, 8 novembre 2005.
[8] « Nique ta mère ! », Jean Baudrillard, Libération, 18 novembre 2005.
[9] Dans les quartiers et villes où la présence des classes moyennes modernes s’impose, les maires communistes s’alignent volontiers sur la politique sécuritaire dominante, procédant à des expulsions et à la marginalisation des immigrés sans papiers. Ce fut tout récemment le cas à Montreuil.
[10] Olivier Todd, Libération, 21 novembre 2005.
[11] Le Monde, 7 novembre 2005.
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Pour qu’un mélange détonne...
mardi, 13 juin 2006
A propos des émeutes, attaques contre des bâtiments publics et contre les flics, de la situation insurrectionnelle et des réactions qu’elle a provoquées
Cela fait maintenant plus de 15 jours que des émeutes secouent de nombreuses villes en France. Il ne s’agit pas pour nous de prendre la parole à la place de quiconque ni même de penser qu’il serait bon que quelques uns des acteurs de ces attaques la prennent ou qu’apparaissent des représentants.
Si nous voulons nous pencher sur les attaques qui ont été menées, c’est juste pour énoncer comment ces faits nous parlent.
Si l’on regarde les cibles incendiées, que ce soit des bâtiments de l’Etat, des écoles, des commissariats, ou encore des entreprises semi-étatiques (comme la Poste ou EDF), des bus, des tramway, des métros et autres transports publics ou des entreprises privées, c’est véritablement une guerre ouverte qui est menée. Au delà de chaque cible particulière il s’agit d’attaques massives. Et même si l’éventail est large et sans cesse renouvelé, il s’agit d’attaques ciblées. En effet, c’est de dévastation qu’il s’agit, avec la puissance qui est à l’oeuvre et qui s’en dégage, avec ce que cela comporte de joyeusement spectaculaire. Un commissariat qui brûle, c’est le lieu de travail des flics qui est détruit, avec tout ce que cela contient de menaces mises à exécution, de désorganisation et de démoralisation infligées aux policiers (ils doivent en plus essuyer l’affront de ne pas avoir sû protéger leur base). Cette traînée de poudre, après avoir flambé de manière exponentielle, ne pouvait sans doute pas croître éternellement, mais la contagion a frappé d’autres territoires, comme si le relais circulait, même si certains tentent de coller une lecture concurrentielle sur cette propagation. Même si son avenir est inconnu. Les transports, les bus, métros et tramways sont les lieux mouvants d’un contrôle quotidien (par la montée à l’avant, les contrôleurs, les caméras, et les injonctions omniprésentes aux passagers). Ils participent du quadrillage du territoire. En rapport avec le travail, ils sont un déversoir à prolétaires, ils sont un moment du chemin qui mène au chagrin. Quant aux écoles, il y aurait trop à dire pour que nous en parlions sérieusement, mais l’omniprésence et la multiplicité des formes de contrôle mise en place dans ces établissements, les rapports sociaux imposés par ces lieux suffisent à appeler à la flamme.
Ces incendies, ces affrontements, pleins de vitalité et de puissance nous réjouissent. Nous ne voulons sûrement pas, comme on a pu le voir ces derniers jours (alors que tout le monde enterre bien vite ces émeutes et destructions), expliquer le pourquoi et le comment, essayer de recycler des merdes conceptuelles telles que « les jeunes veulent plus de justice » alors que des tribunaux reçoivent des cocktails molotovs. Chacun essaye de refourguer ses vieux morts et ses saloperies théoriques que ce soit pour dénoncer la « justice coloniale » ou pour en appeler à la « justice sociale » ou à la « justice en banlieue ». Et chacun de ressortir des fumisteries sur le racisme et le dit « néo-colonialisme ». Nous devons supporter toute la vieille rhétorique post-maoïsante. Nous devons écouter les témoignages de syndicalistes révolutionnaires qui parlent du chemin de croix qu’est pour eux l’engagement politique et qui refusent (quel courage !) ce qu’ils considèrent comme des conneries star académique de voitures brûlées.
Nous devons patienter devant ces tentatives, pas forcément volontaires, d’enserrer ce qui se passe dans des concepts inopérants, faibles et souvent dégueulasses.
A ceux qui réclament plus de justice nous voudrions rappeler que la justice est la machine à produire de la punition, du contrôle des comportements. C’est l’antichambre de la prison, le commandement des matons et des flics, des murs froids et des barreaux. C’est le lieu de traitement de ce qu’ont ramené les petites mains policières, le lieu des aveux et du dépôt, le cirque d’où l’on repart enchaîné et encagé. C’est comparaître entravé, devoir s’expliquer et se justifier sur sa vie. C’est l’impuissance des proches, le lieu des petites misères quotidiennes et des négociations sordides, le lieu des parties civiles et des réquisitoires.
Concernant la fuite des jeunes à Clichy, tous ceux qui refusent le contrôle, un désir de liberté chevillé au corps, ne peuvent que comprendre ce geste, comme le réflexe vital de se soustraire à la pénible et contraignante suspension de temps qu’est un contrôle de police. C’est peut-être parce qu’ils n’ont pas été tués par des flics (mais par le fait même de vouloir leur échapper) que les pacificateurs qui jouent les durs, les habituels vendeurs de punition et de ressentiment victimaire comme les grand frères du MIB, n’ont pas essayé de faire leur beurre sur cette affaire. Peut être que justement les deux morts ne correspondaient pas assez au statut de victimes, puisque dans ce qui a provoqué leur décès intervient un geste de vitalité.
Il apparaît délirant que ces faits et ceux qui s’en sont suivi, l’embrasement de nombreuses villes, ne soient pas aussi compris comme le refus de la police dans son existence même, dans sa matérialité, et dans l’une de ses pratiques les plus minimales : le contrôle d’identité.
Prenant des formes multiples, deux types de discours sont très présents : vouloir ramener l’ordre et condamner ce qui se passe. Chacun y va de sa petite recette miracle pour, vainement, étouffer ce climat insurrectionnel, soit par une opposition frontale, soit dans un jeu de nuances. Mettre plus de CRS dans les cités ou rétablir la police de proximité, supprimer les allocations familiales, expulser ceux qui ne sont pas français, rétablir un service civil ou encore renforcer la présence des médiateurs, donner des fonds aux associations de quartier, multiplier le nombre de travailleurs sociaux... Chacun d’un peu conséquent sait que le maintien de l’ordre ne se fait pas dans une opposition entre prévention et répression, mais par l’usage de ces deux types de contrôle pour former une tenaille, par la mise en oeuvre complémentaire de ces deux forces d’imposition de l’ordre et de la paix. Il ne suffit pas d’occuper les gens avec toutes sortes d’activités (ou avec un travail dès l’âge de 14 ans), il ne suffit pas que les flics connaissent les jeunes grâce à la présence amicale de leurs patrouilles ou à des activités communes (tournois de foot, découvertes VTT, initiation citoyenne à la sécurité routière...), pour que tout le monde se tienne tranquille, pour que chacun intériorise la contrainte et se fasse flic de soi même et de ses colères, par la peur et la raison.
Avec un entêtement notable, tout le monde s’est opposé à ces événements, le gouvernement et son parti évidemment, le PS bien sûr, les imams locaux puis l’UOIF à travers une fatwa... Les appels au calme sont venus de toutes parts : associations proches des jeunes, partis de gauche, élus locaux, éducateurs... Rien n’y fait, le nombre d’affrontements et d’incendies n’a cessé de croître. En revanche, dans les médias (vecteur principal de colportation des faits dont on parle), il a fallu attendre très longtemps, et encore de manière très poussive et faible, pour que se dise une hostilité de la part des gens, victimes, témoins, badauds et autres interviewés. Pour exemple même la femme de l’homme qui est mort en défendant ses poubelles n’a pu que présenter de lui un portrait peu amène, où, sur fond de photo avec son berger allemand, elle dit à la caméra : « Il voulait que tout soit propre, je lui disait tu es fou, arrête tu va te faire tuer »...
Dans ce flots de discours inutiles, l’extrême gauche et certains ultra gauchistes amènent leur flaque de saloperie à ce ruisseau d’étouffement. Chacun y va de son petit cours de morale, de sa petite dénonciation, de son petit conseil avisé, quand ce n’est pas de son prêche sur ce qui est politique et ce qui ne l’est pas, de ce que tout ça veux dire en gauchistement correct, de ce qu’il faut excuser, justifier faiblement... Et chacun de faire le tri éclairé dans le réel pour nous livrer son point de vue sur ce qui est bon et ce qui n’est l’est pas, ce qu’il est correct de brûler et ce qui à respecter. Bref, d’un point de vue complètement extérieur, chacun condamne à sa manière le réel ou le nie (on a pu lire que cette explosion n’était pas violente, ou alors d’une violence insignifante, minuscule, ridicule par rapport aux méchantes violences du capitalisme).
Dans la cacophonie des manifestations fort tardives se sont côtoyés ceux qui comprennent sans excuser mais sont contre l’état d’urgence, ceux qui justifient sans comprendre sauf pour les voitures brûlées, ceux qui dénoncent en excusant mais sont contre Sarkozy.
La question pourrait être de réfléchir sur des cibles que l’on se donnerait, mais décidément pas d’improviser (comme au moment des émeutes de Gênes en 2001) son petit catéchisme pour dire ce qu’il fallait détruire et ce qu’il fallait conserver, et d’émettre jugement sur jugement sur ceux qui s’attaquent à ce qui nous entoure. On aura entendu jusqu’à plus soif les rengaines du type « mais pourquoi ne brûlent-ils pas plutôt le 16éme arrondissement ou Neuilly » (même dans la bouche d’Eric Raoult), variantes sur le thème « les barricades oui mais ni ici ni maintenant, ailleurs, avant ou après ». Il faut apparemment rappeler qu’il n’y a pas de copyright sur le cocktail molotov et que chacun pourrait mettre Neuilly à feu et à sang si cela lui chante.
Ils brûlent les voitures de leurs voisins ? Mais, dans les cités comme ailleurs, ce n’est pas Disney Land, tout le monde n’est pas copain, et que ce soit avec le concierge, le voisin-citoyen ou le vigile local il peut exister un peu d’inimitié. Il faut comprendre aussi que brûler une voiture dans ce genre de guerre ouverte, ce n’est pas forcément vouloir emmerder son propriétaire et sa rentabilité potentielle. C’est une guerre de territoire qui se joue. Une guerre qui dispute aux flics, à l’Etat et à ses agents, aux rapports sociaux imposé le capitalisme, du territoire dans des affrontements. Contrairement à une niaiserie passée en boucle, il n’y a rien de suicidaire (est-ce pour les circonstances atténuantes ?) dans tout cela. Il n’y a rien de suicidaire à mettre le feu, à tirer ou à jeter des boules de pétanque sur les flics. Il n’y a rien d’autodestructeur à arracher par la force, à la pacification et au contrôle, des zones où le droit et la justice cessent enfin de s’exercer.
C’est inattendu et il n’est jamais trop tard.
Cette guerre nous réjouit, nous parle. Son existence nous appelle à agencer un rapport avec la puissance diffuse qui s’est constituée et densifiée. Parce que nous en avons un besoin impérieux. Parce que nous ne voulons pas être des révolutionnaires de papier. Parce que tous ces feux nous réchauffent le coeur et raniment des perspectives. Parce qu’il faut de l’oxygène et de l’hétérogène bien dosés pour qu’un mélange détonne.
Il nous appartient désormais de ne pas nous satisfaire de gérer - toujours aussi inefficacement - la répression, ni de rabattre la puissance qui est à l’oeuvre et l’enthousiasme que sa vitalité a provoqué chez nous sur des pratiques qui, du moins ces derniers temps, ont prouvé leur stérilité, comme des rassemblements ou des manifs, sans parler des "marches des banlieues et de la politisation" ou autre initiatives du même acabit. Peut être faut-il partir d’ailleurs et se donner les moyens d’inventer des formes d’interventions à la hauteur de la situation.
Fils de la république ? - Alors nique ta mère !
Décembre 2005
Les Indigestes de la république
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Lorsque le feu s’en prend aux métropoles... - Les Indigestes de la république
mardi, 13 juin 2006
A propos des émeutes, attaques contre des bâtiments publics et contre les flics, de la situation insurrectionnelle et des réactions qu’elle a provoquées
Les émeutes qui font flamber les métropoles ont, dans la bouche pleine de cadavres des commentateurs de tous bords, vite abandonné (pour ne pas dire jamais eu) un caractère vivant, exponentiel, autoentretenu, autonome et fondamentalement anti-discursif pour se fondre justement dans des discours, des interprétations, des palabres politico-morales, pour perdre dans les catégories misérables de l’analyse éclairée tout ce qui les subjective et en fait la force. Expliquer, il faut expliquer ce qui se passe. Pour condamner, pour justifier, pour trouver un réceptacle à sa bonne conscience humaniste, pour se rassurer, pour évacuer la peur de ce que l’on est pas en mesure de vivre et d’étreindre.
L’inflation discursive, dont le ressort est toujours au final de désamorcer, neutraliser, canaliser, enterrer, accompagne en général l’inflation des dispositifs du contrôle. Dans la guerre qui est menée, rien d’étonnant donc que l’Etat, le Capital et l’ensemble de leurs composantes mettent en discours le réel pour mieux condamner dans les mots et surtout les prétoires, pour éradiquer, enfermer, reléguer, expulser. Que la gauche en fasse de même pour resservir sa soupe d’alternative gestionnaire à visage humain, ses misérables petites stratégies de pacification de proximité, de gentil contrôle préventif qui viendrait s’opposer on ne sait trop comment au méchant contrôle répressif.
Mais le ressort de la mise en discours, l’hystérie explicative deviennent plus problématiques lorsqu’elles sont censées justifier ce qui s’émeut. Comme si un mouvement qui, de lui-même, ne formalise pas le besoin de justifier ce qu’il entreprend, de revendiquer, de caractériser sa dynamique (alors, révolte politique, émeutes spontanées, étincelle pré-révolutionnaire, insurrection désespérée contre la discrimination néo-coloniale et l’exclusion sociale ?) avait besoin des habitués de la rhétorique militante pour le faire après coup et à sa place. « Ils ont raison de se révolter », « Ils en ont marre de subir au quotidien la violence de cette société », « Ils se sentent exclus de tout », « Leur révolte est légitime et on doit la comprendre » etc. Comme si l’incendie appelait à sa rescousse une instance de légitimation qui lui est exogène, pour rendre acceptable et intelligible ce qu’il est, pour fournir à l’insaisissable une continuité politique et pourquoi pas déboucher sur « quelque chose ». Mais ce qui se passe est là pour démontrer qu’il n’y a rien sur quoi déboucher.
L’invocation perpétuelle de la légitimité est de surcroît assez étrange. En instituant une zone supérieure de principes universels auxquels on doit se référer pour évaluer la justesse et la pertinence de telle ou telle action, elle constitue une autorité concurrente de celle du domaine de la loi. Mais qui définit ces principes, et au nom de quoi ? Ce qui est définit à travers le prisme juridico-judiciaire comme crime ou délit est réinterprété à la lumière de la légitimité pour retrouver toute sa dignité. Ce qui est légitime n’est pas un crime, n’est pas un délit. Ah bon ? Dans ce cas, il conviendrait de rédiger un Code Pénal alternatif, car jusqu’à présent, un crime ou un délit est ce qui est produit comme tel dans les textes de loi et devant les tribunaux, et non pas imaginé dans la tête de chacun en fonction de son petit code de légitimité.. Tirer sur les flics, incendier un commissariat sont des délits ou des crimes. Laissons cette évaluation à l’Etat et à la justice. La question n’est pas de recaractériser quoi que ce soit, mais d’en prendre acte et de s’en réjouir.
En opérant une symétrie par rapport à la zone de la légalité, l’invocation de la légitimité procède en fait à un odieux mimétisme avec les catégories de l’Etat et de la justice. Car c’est au nom de la légitimité que sont répandus les discours judiciaristes, que l’on proclame des envies mortifères de punition, que l’on s’improvise procureur en mettant en accusation la police et la « justice coloniale », que l’on fantasme des tribunaux populaires où pourront avoir lieu les procès de la prison ou du capitalisme prédateur etc.
Contourner le réel pour mieux le piétiner. Les discours explicatifs et interprétatifs procèdent trop souvent d’une logique d’extériorité à l’égard de ce qui s’ébranle sous les yeux de ceux qui les formulent. Une extériorité des postures qui vient renforcer le triomphe de la séparation. Mais c’est oublier que chacun fait ce qu’il a à faire. C’est oublier que l’exploitation, le salariat et le chômage, le travail et sa discipline, la précarité des vies et l’isolement des désirs nous enserrent tous dans le même rapport capitaliste. Que l’Etat, ses prisons, ses tribunaux, ses flics, ses législations d’exception, ses écoles, ses assistantes sociales nous mutilent tous. Que le quadrillage du territoire, le contrôle, les déplacements sous surveillance, l’urgence sécuritaire nous placent tous dans le même étau. A partir du moment où nous établissons un même rapport de classe. Peu importe les seuils de pauvreté décrétés par la sociologie et l’Etat, la forme de nos logements, les lieux que nous fréquentons, nos rêves et nos attentes.
Nous sommes la même classe qui se constitue en s’exerçant. Nous réchauffons nos cœurs auprès du même brasier.
En face, les vieilles dichotomies sont resservies à chaque fois, pour à tous prix constituer, face à ce que tout un chacun ne veut pas ou plus incarner, un « nous », une ligne de conduite, une communauté d’appartenance solvable.
Sans même s’appesantir sur la césure entre immigrés animés du désir de s’intégrer et mauvais étrangers (tant pis d’ailleurs s’il sont français...) dont l’incompatibilité avec les mœurs de la République n’a d’égal que le goût du chaos, il y a l’opposition classique et multiséculaire entre bons et mauvais pauvres, méritants et non méritants : travailleurs, chômeurs et même bourgeois (bohème ou pas) tous ensemble unis dans une unanime identification aux bons prolos qui galèrent tous les matins pour aller suer au turbin et gagner difficilement de quoi nourrir leur gentille famille authentiquement ouvrière, et qui en guise de récompense se font cramer leur caisse par des petits agités sans scrupules. Pleurnichons à l’infini sur un travail de merde et un salaire de misère, comme s’il ne restait que ça à quoi se raccrocher, comme si l’amour de l’usine ne permettait plus d’apprécier quelques jours de chômage forcé...
Vient ensuite la dissociation consubstantielle aux - déjà anciennes - naissance et croissance du mouvement ouvrier, entre : d’un côté, la classe ouvrière, classe du travail consciente d’elle-même, dressée fière de sa condition dans la lutte pour le salaire et l’emploi, raisonnable dans ces revendications légitimes, ancrée dans le compromis syndical ou dans la perspective révolutionnaire, au coeur du rude combat quotidien pour l’égalité économico-sociale et l’émancipation de toutes-et-tous ; de l’autre : le sous-prolétariat infantile et incontrôlé dont les modes d’action primitifs ne vivent que le temps d’une flambée sans lendemains, dont la vocation est d’être récupérée par la bourgeoisie et dont le principal effet est de venir graisser la machine répressive qui s’abattra sur la classe ouvrière en lutte...
Quid de la violence ? D’un côté une violence révolutionnaire salvatrice, saine et juste car destinée à faire rendre gorge à l’odieux exploiteur. Une violence qui surtout vient en son temps, respectant le timing du Grand soir et le protocole de la théorie du prolétariat. De l’autre une violence archaïque, absurde, qui frappe à l’aveugle, et de toutes façons inutile car non-accoucheuse de l’Histoire. Comme si la question était d’opérer sans cesse des discernements (aucune violence prolétarienne n’est « propre », ni inscrite dans l’agenda de la lutte des classes, et tant mieux), et de reléguer dans les limbes de la Révolution à venir l’absolue nécessité de la confrontation : il s’agit plutôt de cerner là où se situe l’antagonisme de classe sans lui accorder de bon ou de mauvais points, et de faire croître l’implosion qui mine la société, ici et maintenant.
Postures irréconciliables ? Sans doute. En effet, comment un brave travailleur syndicaliste, convaincu des vertus de la négociation salariale, et son camarade adepte de l’une des chapelles gauchistes, tous deux engagés de tout leur être dans la défense bec et ongle du Service Public peuvent-ils se solidariser avec des jeunes prolétaires qui crament justement des commissariats, des écoles, des postes, des prisons (non ? tant pis), des centres d’impôts, des bus ? Sortons des obscénités sociologiques, des analyses politiques, et plaçons nous du seul point de vue qui vaille le coup : celui de la classe.
Si l’explosion joyeusement incontrôlée a eu lieu, et si elle est appelée à se poursuivre, c’est justement à cause de longues décennies de défilés syndicaux et gauchistes pacifiés, mornes cortèges d’un enterrement perpétuel de la combativité de classe, avec parfois mais trop rarement des irruptions de fièvre. Des décennies de négociations collectives, de collaboration sociale, de journées nationales d’action perlées et inoffensives, de campagnes électorales et référendaires, de grèves ponctuelles et bornées à tel secteur d’activité, de mobilisations citoyennes... Les incendiaires savent très bien les impasses des canaux traditionnels de la revendication politico-sociale, des modalités des luttes dans lesquelles leurs parents se sont engagés et ont perdu.
En ce sens, l’incendie s’affirme aussi comme une insurrection interne au prolétariat, et peut-être contre une certaine praxis du prolétariat, intégrée aux rouages du capital et assurant sa reproduction. L’incendie est une prise en acte de l’inutilité et de la tristesse des luttes revendicatives actuelles, syndicales, gauchistes, citoyennes, altercapitalistes.
Et c’est la conscience de cette inutilité et de cette tristesse, qui, si elle peut un jour conduire à la déréliction et à l’abattement, peut se métaboliser le jour d’après en une pratique subversive et venir happer dans une même force de frappe ceux qui d’habitude se tournent le dos : lorsque les prolétaires s’affrontent aux flics et menacent de faire sauter leur usine, lorsque la sauvagerie ouvrière déchire le compromis syndical, lorsque les machines du cauchemar industriel et du contrôle sont sabotées, lorsque une prison ou un centre de rétention implose grâce à une évasion collective, à chaque fois que la monotonie d’un défilé bêlant se brise en même temps que les vitrines, lorsque le feu s’en prend aux métropoles.
Décembre 2005
Les Indigestes de la république
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La lutte anti-CPE - Roland Simon
samedi, 1er juillet 2006
texte destiné à étayer un débat pendant une réunion internationale cet été.
Une mesure nécessaire
Tout le monde sait que le CPE n’est pas en lui-même une mesure plus agressive que la multitude des situations existantes, il n’apporte de ce point de vue rien d’essentiellement nouveau. Dans sa globalité, le patronat n’était pas très demandeur, ce qu’il souhaitait c’était la généralisation du CNE aux entreprises de plus de 20 salariés. Le CPE était une mesure nécessaire mais une demi-mesure qui renforçait encore la spécificité française de la segmentation de la flexibilité et de la précarité sur les jeunes comme "variable d’ajustement". Quand le patronat indique l’objectif du contrat unique (disparition du CDI), que le gouvernement cherche à moduler les étapes, que les syndicats sont adeptes de la flexsécurité, de « l’accompagnement du salarié sur l’ensemble de sa carrière », il apparaît que la modification entreprise est une nécessité. On ne combat pas une nécessité comme s’il s’agissait d’un mauvais choix ayant chassé le bon choix (de toute façon, la continuité des politiques de "droite" et de "gauche" depuis trente ans nous vaccine contre l’idéologie du choix). Contrairement à ce qui s’était passé à propos des retraites en 2003, le mouvement anti-CPE n’a jamais formulé de "politique alternative" à celle du gouvernement. Quand Laurence Parisot, présidente du Medef, tire pour le patronat les leçons du mouvement, elle le trouve éminemment positif dans la mesure où "on a parlé de la précarité". Elle a raison, la lutte de classe se déroule maintenant sur cette base, comme étant sa situation acquise. Il s’agit de l’affronter comme acquise et non dans un rêve de retour au salariat imaginaire des "Trente glorieuses" et du Welfare. Du côté patronal comme du côté du prolétariat on marche désormais au pas de la réalité.
Au-delà de la précarité formelle du contrat de travail, la précarisation générale du travail salarié jusqu’à y inclure "l’exclusion" du marché du travail s’impose, dans le mode de production capitaliste tel qu’il est issu de sa restructuration, comme mode privilégié de l’exploitation et de la gestion de la force de travail. Tous n’en mouraient pas mais tous étaient atteints. Elle signifie un système de reproduction capitaliste mondial. Le principe général de cette gestion et exploitation de la force de travail au niveau mondial réside dans la disjonction entre la valorisation du capital et la reproduction de la force de travail. Là où il y avait une localisation jointe (sur une aire nationale pour simplifier) des intérêts industriels, financiers et de la reproduction de la main-d’œuvre peut s’installer une disjonction entre valorisation du capital et reproduction de la force de travail. Les schémas de la reproduction élargie doivent être pensés mondialement. La mondialisation n’est pas une extension planétaire, mais une structure spécifique d’exploitation et de reproduction du rapport capitaliste.
Les acteurs
Au premier abord, la lutte anti-CPE dont l’étalement sur trois mois est une donnée de base apparaît comme le fait de six acteurs :
* La masse des salariés, favorable au retrait du CPE, mais ne participant à la lutte que comme "mouvement d’opinion" se manifestant par deux jours de grève, à une semaine d’intervalle, accompagnant les grands défilés syndicaux, il s’agit essentiellement des travailleurs du secteur public. Cette masse a toujours coïncidé avec sa représentation syndicale.
* La masse des étudiants, favorable au seul retrait du CPE et opposé à l’attaque de la "valeur des diplômes", participant de façon épisodique aux AG et aux "grandes manifestations" et qui ne désirent pas autre chose que faire pression sur le gouvernement.
* Les participants aux AG : une attitude de participation minimale, souvent on vote la reconduction de la grève et on rentre chez soi.
* Les fractions actives : elles réalisent le blocage des facs (les blocages sont antérieurs à la grève) puis les blocages des voies de circulation, en elles sont recrutés les représentants aux Coordinations Etudiantes. Une partie non négligeable de ces fractions se sent de plus en plus coincée dans le carcan autolimitatif des AG de fac et s’organisent (ou non) ailleurs, passent d’une fac à l’autre ou errent de manifs en actions et s’opposent au camp des "minorités responsables". Au long du mouvement, le fossé se creuse de plus en plus entre l’ensemble de ces minoritaires et la masse des étudiants (motion de soutien aux émeutiers de novembre, élargissement de la revendication à l’ensemble de la loi "Egalité des chances", annulation du CNE, mouvement "ni CPE, ni CDI"), mais ils ne peuvent se passer de la légitimité que leur donne cette masse.
* Les lycéens dont l’entrée dans le mouvement provoque, par leur nombre et par le caractère souvent violent et "incontrôlable" de leurs actions, un changement de dimension de celui-ci.
* Des "indésirables" (regroupés sous l’appellation "jeunes de banlieues") qui s’auto-invitent naturellement dans le mouvement, souvent de façon violente et qui jouent un rôle de plus en plus important dans les manifestations tant dans l’affrontement avec les flics que dans l’agression d’étudiants et qui surtout sont, contre le point de départ du mouvement, l’existence physique de l’inanité de cette revendication et sa remise en cause.
Clivages, contradictions et dynamique du mouvement
La composante étudiante de la fraction active du mouvement, si elle a multiplié les appels vers "les salariés", "les chômeurs" ou les "sans papiers", a tenu dans la réalité à conserver ses formes d’organisation sur son "lieu de travail" et, en fait de salariés, elle ne s’est liée occasionnellement qu’avec le personnel enseignant et non enseignant des universités. Pour les autres ( - salariés - souvent syndicalistes de SUD - chômeurs, précaires ou sans papiers) un délégué de temps en temps à la tribune pour affirmer "les passerelles" virtuellement possibles entre des luttes qui ne feront que se côtoyer épisodiquement, et après une belle salve d’applaudissements chacun retourne dans son coin. L’auto-organisation des étudiants en tant qu’étudiants n’a été qu’un corporatisme qui a paralysé le mouvement. Les syndicats ne s’y tromperont pas, ils se garderont bien de dénoncer le "gauchisme" et "l’extrémisme" des Coordinations Etudiantes. La force d’inertie de la masse étudiante, le fonctionnement extrêmement lourd des débats et l’isolement catégoriel posé en principe se révélant des moyens d’autolimitation bien plus puissants que les méthodes de magouilles ou de calomnies classiques. Les syndicats étudiants abandonnent les AG aux "radicaux" en se réservant la représentation médiatique, les négociations avec le gouvernement et la diffusion omniprésente du discours limité au refus du seul CPE. Les AG se radicalisent en vase clos, les Coordinations se condamnent à produire des déclarations toujours plus déconnectées des pratiques réelles dans les facs, jamais les AG parisiennes (sauf celle de la "Sorbonne en exil") ne se poseront la question de ce qu’elles peuvent faire à partir de leurs propres forces. En province, les AG, à partir de leur propre force organiseront les "blocages de flux" et les "déménagements".
La nature du mouvement l’amenait à un conflit avec sa revendication initiale. La revendication initiale contenait la nécessité, pour la faire triompher, de l’élargir et de ne pas se cantonner au simple retrait du CPE, d’étendre la lutte à d’autres secteurs, ce qui aurait impliqué d’ouvrir les assemblées pour en faire des pôles de convergence et surtout de ne plus se considérer en tant qu’étudiants. Mais alors ce n’est pas le triomphe de la revendication, mais sa remise en cause qui était à l’arrivée. La minorité active était enfermée dans une contradiction : d’une part la nécessité de s’organiser sur SA fac pour garantir la pérennité des AG, d’autre part la nécessité contenue dans la revendication initiale de son élargissement au risque de sa disparition. Mais ce n’était pas que la minorité active qui était enfermée dans cette contradiction, c’est l’ensemble du mouvement. Cette contradiction reflétait toutes les coupures et les clivages du monde étudiant actuel en France et encore plus fondamentalement l’anomalie de départ de ce mouvement : ce qui fut objectivement un mouvement étudiant n’avait rien d’étudiant dans son sujet. Le CPE est un contrat de travail, non la énième réforme des universités et du cursus scolaire. En dehors du caractère objectivement général du mouvement de précarisation et de la nature de la revendication, la nécessité de cet élargissement existait de fait dans la situation des étudiants eux-mêmes. Dans les universités les plus combatives (qui correspondent aux filières offrant le moins de débouchés) l’immense majorité des étudiants sont salariés, souvent à temps partiel, beaucoup viennent de la banlieue, certains sont sans papiers...et tous ne s’expriment pourtant qu’en tant qu’étudiants. Si, individuellement, beaucoup des acteurs (actifs) portent des critiques qui sortent du cadre étudiant, la position collective exprimée nivelle cela au plus petit commun dénominateur. Dans la pratique la plus terre à terre, cela signifie que les facs "occupées" et "bloquées" le sont avec l’accord de l’administration, d’ailleurs ce n’est qu’une partie des locaux qui est concédée pour "l’occupation" et selon des modalités et des horaires négociés consensuellement avec elle (les amphis ne sont pas pris mais quelques uns sont accordés par le président, les piquets sont tenus sous le contrôle des vigiles qui en règlent les modalités, les grévistes s’emploient à ce que soit respecté le règlement intérieur - parfois contrôle des cartes d’étudiants pour accéder à certains couloirs). Le fait est que le blocage ne s’est jamais fait contre la direction de la fac mais est toujours considéré comme une décision démocratique prise par l’AG représentative des étudiants à laquelle l’administration serait censée être obligé de se plier : les usagers de l’université (grévistes et non-grévistes, étudiants et profs, personnel et direction administrative) occupent démocratiquement leurs facs. En s’organisant en tant qu’étudiant, en reproduisant la séparation avec "les autres", on produit une identité commune fictive que vient sanctionner l’auto-organisation exemplaire du mouvement.
La frange active du mouvement oscille constamment entre d’une part l’identification à l’ensemble des exploités non comme simple déclamation mais sur la base objective qui fait du CPE une mesure entrant dans le cadre d’une précarisation généralisée (que beaucoup connaissent déjà) et, d’autre part, la défense d’une condition d’étudiant devant tout de même offrir quelques garanties supplémentaires par rapport au prolo lambda. Entre les deux, c’est toujours le second terme qui majoritairement l’emporte. C’est là la racine de cet ultadémocratisme-bureaucratique qui sera l’outil (non la cause, mais sa forme d’apparition) empêchant toute liaison avec les lycéens de banlieue qui, à Paris, mènent au même moment et à quelques stations de RER de distance une lutte massive (plusieurs milliers extrêmement actifs qui développent leurs actions et leurs modes d’organisation de manière complètement parallèle). Les lycéens vivent au rythme local des manifs sauvages, caillassages, affrontement avec la police, blocages des voies de circulations, pillages de quelques supermarchés, sans que les étudiants parisiens n’en soient nullement informés. Quand le lycée se trouve dans les abords immédiats d’une fac, des actions coordonnées sont organisées, c’est-à-dire qu’il y a alliance, mais jamais fusion. Les quelques tentatives d’AG communes (Nanterre et Tolbiac) furent un véritable "bordel". Les lycéens étant incapables de se couler dans le moule ultra-policé du mode d’organisation étudiant, il y fut mis un terme immédiatement
Une dynamique contradictoire et un dilemme
Cependant, dans toutes ces limites énoncées, il apparaît que la classification faite au début de ce texte ne correspond pas à des identités définies une fois pour toutes, ce sont des instances ou des moments du mouvement entre lesquelles les individus circulent, passant de l’une à l’autre et en assumant même parfois plusieurs à la fois. En effet, il n’y a pas plusieurs mouvements, mais un mouvement unique dont la différenciation fonctionnelle des acteurs est le fruit de sa dynamique conflictuelle et même contradictoire.
La lutte anti-CPE était un grand mouvement revendicatif dont la dynamique consistait à se remettre en cause en tant que tel.
Positivement, tout le monde sait ce qui, à terme, va sortir d’un retrait du CPE, au mieux, si les projets syndicaux triomphent ce sera une flexsécurité à la française. Qui en veut ? Certainement pas la majorité des étudiants, précaires, lycéens qui étaient dans la rue. En tant que mouvement revendicatif, cela est pourtant la seule issue. Issue que le mouvement ne peut pas se dire à lui-même. Un mouvement revendicatif dont la satisfaction de la revendication est inacceptable pour lui-même en tant que mouvement revendicatif. En tant que mouvement revendicatif, le mouvement des étudiants ne pouvait se comprendre lui-même qu’en devenant le mouvement général contre les conditions actuelles du marché du travail et de l’exploitation, c’est-à-dire un mouvement général contre la précarisation. Mais alors soit il se sabordait lui-même dans sa spécificité, soit il ne pouvait qu’être amené à se heurter plus ou moins violemment à tous ceux pour qui les émeutes de novembre 2005 (qu’ils y aient participé ou non) ont montré que la lutte contre la précarité passe par le refus de tout ce qui produit cette situation, de toute cette société et le refus de ce que l’on est soi-même, la volonté de ne plus continuer à être ce que l’on est. Faire aboutir la revendication par son élargissement, ce à quoi le mouvement ne pouvait que tendre pour se comprendre lui-même, sabotait la revendication.
Inversement, la généralisation du mouvement qui le conservait en tant que mouvement revendicatif dans sa revendication initiale était paradoxalement la condition de son étouffement. Malgré la manifestation du 18 mars, le "front de luttes" n’échappait pas aux syndicats, il leur était étranger, les syndicats n’étaient pas encore des représentants susceptibles d’être reconnus du mouvement, ils devaient le devenir. Ce fut le rôle des immenses manifestations et journées de grèves du 28 mars dont tout le monde, syndicats et gouvernement, souhaitaient la réussite. Seule une grande journée de grèves et de manifestations pouvaient placer les Confédérations en situation de représentantes du mouvement lui ayant donné toute son ampleur. A partir de là tout ce qui pouvait se faire sans elles pouvait apparaître dans la tête de ses acteurs et dans sa réalité de mouvement revendicatif comme une décroissance, comme un recul.
Bernard Thibaut (secrétaire général de la CGT) pouvait déclarer en novembre : "On n’a pas vu de banderoles, de drapeaux syndicaux certes, mais il est bien question d’emploi, de moyens pour vivre et de dignité". Qui pouvait croire, pendant le mouvement anti-CPE, à la jonction avec les émeutiers de novembre sur la base d’un CDI pour tous ?
De novembre à mars
Les émeutiers de novembre sont objectivement par leur situation et subjectivement par leur pratique la disparition du CDI pour tous et ils le savent. Que le mouvement anti-CPE le veuille ou non cette jonction est d’une part objectivement inscrite dans le code génétique du mouvement et, d’autre part, cette nécessité même de la jonction induit une contradiction toute aussi objective.
On peut considérer comme une évidence qu’aucune compréhension du mouvement anti-CPE n’est possible en dehors de l’ensemble formé par cette lutte et les émeutes de novembre. Au-delà de l’objet commun que représente le mouvement général de précarisation de la force de travail, la liaison entre les émeutes de novembre et la lutte anti-CPE fut consciemment vécue et pratiquée dans le mouvement anti-CPE. C’est précisément là le problème. Les classes moyennes ont vu l’ascenseur social se bloquer, les "exclus" savent qu’ils ne pourront jamais le prendre et on fait savoir en novembre que leur propre situation, dans tout ce qui la représente, leur est devenu insupportable et est une cible. L’élargissement du mouvement ne pouvait être le résultat d’une addition de situations, mais leur rencontre conflictuelle. En allant à son fondement, parfois malgré lui, le mouvement revendicatif rencontre, dans les "casseurs", son impasse comme mouvement revendicatif. La dynamique revendicative est alors rompue dans la généralisation du mouvement sur sa base propre, sur sa raison d’être, la généralisation devient un conflit à l’intérieur du mouvement. Par sa nature même, la lutte ne se généralise comme lutte revendicative qu’en se trouvant confrontée avec ceux qui n’ont aucun espoir à mettre dans la revendication de la lutte. Dans son propre processus de lutte revendicative, la lutte revendicative rencontre sa propre incohérence par rapport à sa revendication même.
Les jeunes de banlieues mais aussi les marginaux de tous les systèmes scolaires ne pouvaient qu’être là, mais leur seule présence était la manifestation physique (personnalisée) de l’inanité de la revendication du retrait du CPE. Une telle nature du rapport à l’intérieur du mouvement entre ses divers éléments ne prend pas la forme d’un long fleuve tranquille.
La reconnaissance d’une unité objective entre les émeutes de novembre et la lutte anti-CPE est un point de départ minimum. Cependant cette base objective commune donne des analyses divergentes si ce n’est franchement opposées. Pour les uns cela ne veut pas dire que les "deux bouts du bâton" (les "émeutiers" et les "étudiants") peuvent se rejoindre, bien au contraire, les différences d’origine sociale pour ne pas dire de classes entre les émeutiers de novembre et les opposants au CPE font que chacun demeure dans sa sphère et dans sa lutte (la coïncidence est renvoyée à un possible futur qui réunira les éléments aujourd’hui distincts). Pour d’autres, la base objective s’est manifestée comme unité d’action et de lutte, la lutte anti-CPE est devenue lutte contre toute forme de précarité et plus fondamentalement lutte contre le salariat en tant que lutte revendicative anti-CPE s’élargissant. Enfin, d’autres affirment que la rencontre a eu lieu car les acteurs ne sont pas très différents (pas de "classes dangereuses", "vrais prolétaires" d’un côté et "classes moyennes" de l’autre), mais ils remarquent que la rencontre ne fut que partielle du fait de "manques" dans la pratique des uns et des autres.
Toutes ces analyses se situent dans le cadre de la coïncidence soit pour dire qu’elle est inexistante, malgré la situation commune, soit pour dire qu’elle est quasi totale, soit pour dire qu’elle ne fut que partielle. Donc, on va juger le mouvement par rapport à la position du curseur sur l’axe de la coïncidence. Ce qui n’est pas pris en compte dans tous les cas de figures, c’est que l’unité objective est elle-même un problème et qu’en conséquence la coïncidence soit dans son absence, soit dans sa présence, soit dans sa partialité, ne peut être jugée par rapport à ce qui aurait pu ou dû être, mais comme un antagonisme qui n’a pas été massivement dépassé.
L’absence de coïncidence ne peut se limiter à la constatation d’une distance d’origines et de pratiques sociales, elle n’est pas un manque qui pourra se résorber, une solution de continuité à combler par des "revendications plus générales" ou "l’entrée en lutte de l’ensemble de la classe ouvrière", elle est un conflit, une contradiction qui a traversée la lutte anti-CPE.
Ce qui échappe à toutes ces analyses c’est la dynamique conflictuelle de la lutte anti-CPE. L’enjeu de l’élargissement revendicatif du mouvement était la remise en cause de la revendication, de sa pertinence même. La simple présence nécessaire des émeutiers de novembre, ou la simple existence de ces émeutes trois mois auparavant, étaient l’existence physique de cette contradiction. La dynamique était contradictoire, une contradiction pouvant aller jusqu’à la violence entre les acteurs. Nous avons là un écart (gap) à l’intérieur de l’action en tant que classe entre n’exister que comme classe du capital et, par là même, se remettre en cause comme classe : une contradiction interne de l’action en tant que classe.
Retour sur la dynamique contradictoire du mouvement et son expression
Si l’on part de cette base objective commune qui est la restructuration de la gestion et de l’exploitation de la force de travail en France et à l’échelle mondiale et qui nous contraint à analyser conjointement les émeutes de novembre et la lutte anti-CPE, nous sommes amenés à envisager la lutte anti-CPE non seulement comme animée d’une dynamique, mais encore d’une dynamique contradictoire.
C’était là, la dynamique de ce mouvement et que la majorité des étudiants et scolaires s’y soit opposée n’y change rien mais souligne son côté conflictuel. Même minoritaire quantitativement, c’est paradoxalement de cette dynamique de dépassement du simple contenu revendicatif initial du retrait du CPE qu’est venue la satisfaction de la revendication. Sans le bouillonnement diffus et incontrôlable dans les collèges et lycées de la banlieue parisienne et son débordement sur les alentours (supermarchés, voies de communications), sans la jonction entre scolaires et jeunes prolétaires déscolarisés à Grenoble, Nantes, Rennes, Paris et dans une moindre mesure à Toulouse ou Marseille, sans les risques soulevés par des occupations comme celle de la Sorbonne ou de l’EHESS, sans l’ouverture réelle effectuée par les AG des facs de Nanterre ou Villetaneuse, sans l’ampleur prise en quelques jours par les blocages routiers et ferroviaires, sans les "cortèges improvisés" de parfois plusieurs milliers de personnes, il n’y aurait pas eu de retrait du CPE.
Quand le mouvement a commencé à prendre de l’ampleur à Paris, c’est-à-dire surtout après le manifestation du 7 mars, la dynamique contradictoire de ce mouvement est apparue dans l’autotransformation, dans la lutte entamée, d’une grande partie de la fraction active de ce mouvement. La revendication anti-CPE rencontrait très vite, mais contre elle dans sa singularité, l’ensemble de la question de la précarité et de l’évolution du rapport salarial. Ceux qui demeuraient insatisfaits des formes stériles développées dans les AG étudiantes voulaient se donner le moyens de se rencontrer. Il ne s’agissait pas d’introduire dans le mouvement une dimension qu’il n’avait pas, encore moins de lui montrer la voie ou de servir de modèle, mais de mettre en pratique ce qui était déjà là dans le mouvement. Cette mise en pratique passait par l’occupation permanente d’un lieu.
La première occupation, celle de la Sorbonne fut tout à la fois un échec et un succès. Ce fut un échec car l’administration répondit à l’occupation par un blocus immédiat : on laissait quelques dizaines d’étudiants isolés s’attarder dans un amphi surveillé par les vigiles. Mais ce blocus fut dans les jours qui suivirent tourné par des centaines de manifestants, pas tous étudiants, qui entrèrent de force dans les bâtiments. La réaction fut immédiate, il était hors de question pour le gouvernement de laisser la Sorbonne être le point de ralliement que les occupants voulaient qu’elle soit. Le rectorat justifia explicitement l’expulsion par le fait que des non-étudiants avaient rejoint l’occupation. Ce fut un succès à cause du retentissement que cette occupation eut dans le mouvement, même si l’occupation de la Sorbonne n’avait absolument pas pour objectif premier d’être un acte "symbolique".
L’occupation de l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), permise par la complicité (apparente) avec un certain nombre d’étudiants de cette institution, succéda dans la foulée à celle de la Sorbonne. L’assemblée qui se réunit chacun des quatre soirs de l’occupation réunissait autour de quatre cents personnes (avec un fort renouvellement, c’est quelques milliers de personnes qui sont passées à l’EHESS soit pour les assemblées, soit en dehors). L’assemblée se tenait à 19 heures pour permettre aux gens qui travaillaient d’y participer et il y eut de fait une importante présence de jeunes précaires essentiellement de la restauration et autres intérimaires. N’étaient pas admis les opposants au mouvement et les observateurs (par définition les journalistes). L’assemblée était plutôt un "forum" qu’une "instance souveraine" ou "décisionnelle". Une décision ne pouvait exister que parce qu’une partie des gens avait décidé de la rendre effective.
Il y eut cependant beaucoup de propositions et peu de réalisations. Elle posa la nécessité du dépassement du cadre étudiant du mouvement, elle appela, la première, à la généralisation du blocage des voies de circulation et organisa des actions dans ce sens, elle appela et organisa la "bifurcation" des manifestations qui réalisa même très partiellement la jonction avec les "éléments extérieurs", elle réalisa, au moment de la fin programmée du mouvement par la satisfaction de sa revendication, la brève occupation d’une Bourse du travail près de République affirmant dans le texte du moment "notre situation dans le capitalisme ne peut aller qu’en empirant" (4 avril 2006). Dans la dynamique du mouvement, la grande mesure de l’assemblée d’occupation de l’EHESS ce fut sa propre existence.
Ses limites furent celles du mouvement en général, parce que cette assemblée n’était pas une formation extérieure au mouvement, tout cela se confiait, se murmurait ou se disait de manière diffuse dans le mouvement. Son problème a été celui général du mouvement qui ne pouvait parvenir à son propre fondement que dans une conjonction encore aléatoire et constamment réversible entre, d’une part le refus de la précarité "particulière" du diplômé, d’autre part, le refus de la précarisation générale existante, et, enfin, le refus de tout ce qui produit cette situation. Disons le clairement : entre les étudiants refusant comme étudiants le marché du travail ; les travailleurs stagiaires et les lycéens conscients que les études supérieures soit leur sont inaccessibles soit, comme ils le voient par expérience dans leur famille, n’apportent pas la solution espérée, et les "émeutiers de novembre" qui n’étaient pas enfermés dans une particularité comme les rapports de police des « Renseignements généraux » l’ont montré ou les audiences des tribunaux.
Le mouvement est demeuré de fait un mouvement contre l’extension de la précarité formelle aux diplômés, mais, dans la situation actuelle du capitalisme il ne pouvait échapper à sa dynamique, tout comme l’expression pratique de celle-ci ne pouvait s’échapper de ce dont elle était seulement la dynamique et non le dépassement. Dès les débuts du mouvement, le 22 février, à Rennes, les étudiants les plus actifs dans le mouvement, ceux qui ont initié le blocage de la fac afin que soit « libéré le temps et l’énergie sans lesquels il n’y aurait pas de lutte », posent en principe : « Nous considérons que rejeter une réforme qui aggrave nos conditions de vie ne doit pas signifier la valorisation unilatérale de l’état de chose préexistant » (Rennes, Tendance gréviste ni CPE / ni CDI). « Ne nous leurrons pas : le CPE ne sera pas retiré si nous commençons à nous dire qu’il faudra peut-être reprendre les cours si le gouvernement ne cède pas très vite. Il ne sera retiré que si, partout, est reprise l’idée qu’il faudra la police pour nous faire plier, que nous n’accepterons pas que l’immobilisme et la lassitude de ceux qui restent spectateurs du mouvement décident pour nous » (ibid)
Ce sont aussi les étudiants qui votaient avec leur carte d’étudiants à la main qui ont participé à l’envahissement des gares, au blocage de dépôts de bus, aux barrages de pneus en flammes sur les axes routiers, à la construction de murets sur les autoroutes. Non seulement, même marginalement (une "marge" significative), la jonction a eu lieu, mais encore la violence n’est pas demeurée le fait de ses spécialistes, mais s’est diffusée parmi les tenants "ordinaires" de la lutte anti-CPE, même les spectateurs non-dispersés de ces affrontements les rendaient matériellement possibles par leur présence (la frontière entre les spectateurs et les acteurs étant souvent très mince). Tant et si bien qu’il fallait pour l’Etat, les syndicats et la police recréer la différence. Sarkozy donnait comme consigne aux flics de bien "distinguer les casseurs des bons manifestants", ce qui signifie que cela devenait difficile. La collaboration des SO syndicaux avec les forces de l’ordre n’est pas une pratique nouvelle, en revanche l’entreprise de communication des directions syndicales visant à afficher leur travail avec la police pour assurer la dispersion des manifestants et l’arrestation des "retardataires" est relativement nouveau. Il marque la limite dans laquelle se retrouve le syndicalisme : quand bien même le mouvement est revendicatif et les syndicats veulent négocier, l’identité du manifestant à lui-même comme individu-moyen-raisonnable-désirant-la-négociation n’est plus assurée. Importante, quoique minoritaire, la "jonction" a eu lieu, c’était la dynamique du mouvement, en quelque sorte inscrite dans son code génétique (la "base objective"), mais alors cette dynamique n’a pas été un simple élargissement revendicatif, mais une remise en cause de la revendication... qui seule a fait aboutir la revendication.
La violence indique le niveau atteint par le rapport de forces, crée une communauté de lutte, montre que l’on attaque pas des idées mais une société concrète qui est présente dans des bâtiments (attaque d’une ANPE à Rennes, saccage des locaux de l’UNI et de l’UNEF lors de l’occupation de la Sorbonne), des lieux, une configuration urbaine, qu’il s’agit d’un système qui n’est pas un monstre automatique se reproduisant par sa propre inertie. L’exploitation est une contrainte et il y a des institutions spécialisées de la contrainte. La violence est quelque chose qui à un moment s’impose, naît spontanément du mouvement, devient une de ses formes d’expression. Mais si, dans le cours du mouvement, la violence demeure en son sein une affaire de spécialistes ou l’affaire d’une catégorie particulière, sa mise en œuvre ou pire sa valorisation devient la représentation, le spectacle de ce dépassement. Elle devient étrangère à elle-même, étrangère à ses propres auteurs. Le mouvement anti-CPE s’est tenu avec difficulté sur cette ligne rouge car si dans la violence s’est exprimé la rupture nécessaire de sa dynamique de mouvement revendicatif, cette rupture a été le fruit d’une conjonction aléatoire, constamment réversible. La conjonction est non seulement conflictuelle, ce qui n’est pas grave, mais elle peut confirmer et entériner la conflictualité, la bloquer comme conflictualité interne : impasse du mouvement qui ne parvient pas lui-même, dans sa pratique, à se dépasser.
Que certains ne se soient pas reconnus dans le mouvement, c’est ce qui est apparu de manière frappante lors de la manifestation qui s’est achevée aux Invalides. Cette segmentation en groupes antagonistes ne peut être interprétée comme l’opposition entre les "jeunes de banlieues", qu’on les qualifie de "vrais prolétaires", de "classes dangereuses" ou de "lumpen-barbares" et les "étudiants des classes moyennes". D’un côté, les étudiants sont loin d’être un groupe homogène comme "classe moyenne" et encore moins les étudiants qui étaient dans l’action ; de l’autre l’identification par la casquette ou le capuchon et les Nike n’a jamais fourni la base d’aucun groupe social, ni celle de comportements unifiés. Il est important d’interpréter la segmentation comme étant celle d’un tout, le prolétariat, dont une des caractéristiques communes est justement d’être en permanence segmenté. La segmentation est telle que les catégories segmentées - que ce soit les "étudiants", les "jeunes de banlieue" ou même les "classes moyennes" - sont dépourvues des caractéristiques communes qui font qu’on pourrait les considérer comme classe (aucune partie ne possède en elle-même la qualité du tout). Il n’y a pas de catégorie "tout en bas" qui serait seule à même de recueillir la légitimité prolétarienne. La dynamique était contradictoire, une contradiction pouvant aller jusqu’à la violence entre les acteurs.
C’est fondamentalement, dans cette contradiction de la dynamique que se sont situées une multitude d’initiatives foisonnantes, on peut les repousser et les négliger comme minoritaires, comme le fait d’activistes, ou comme "paroles verbales". Cependant, bien que minoritaires cela dépassait et de loin les supposés activistes professionnels (qui, comme les "casseurs", ne sont pas des extra-terrestres), ensuite il n’existe aucun lien logique, théorique, historique, empirique entre la dynamique d’un mouvement et l’aspect minoritaire ou majoritaire de ceux qui a un moment donné l’ont exprimée. Dans la mesure où ces actions ne furent que la mise en pratique d’une dynamique et de nécessité apparues dans le mouvement, elles ne peuvent pas être qualifiées d’activisme. Elles ne peuvent l’être que dans la mesure où cette mise en pratique de la dynamique du mouvement s’est retrouvée comme étant une pratique particulière dans le mouvement qui vivait de la conflictualité de sa dynamique mais ne la dépassait pas.
Théorie
Cette dynamique contradictoire du mouvement n’est pas un trait accidentel, spécifique de la lutte anti-CPE. Elle est la forme particulière d’un trait général des luttes actuelles. Dans la revendication qui, dans sa logique même, se retourne contre elle-même, nous reconnaissons la contradiction interne des luttes actuelles. Exister et lutter en tant que classe de ce mode de production, agir en tant que clase, c’est d’une part n’avoir pour horizon que le capital (maintenant, de ce que l’on est en tant que classe dans le mode de production capitaliste ne surgira aucune libération, ni affirmation, aucune prise du pouvoir par le prolétariat) ; c’est, d’autre part, dans la contradiction avec le capital qui est devenue le seul lieu pour le prolétariat de son existence comme classe ne comportant plus aucune confirmation pour lui-même, être en contradiction avec sa propre reproduction comme classe. C’est un conflit interne et général de l’action de classe actuelle qui génère dans la plupart des luttes un écart entre les pratiques qui les constituent. Agir en tant que classe comporte le fait qu’être une classe est une contrainte existant dans le capital, face à soi. Les émeutes de novembre ont été une forme paroxystique (une totale extraversion en tant que reconnaissance de soi même comme catégorie du mode de production capitaliste), la lutte anti-CPE a été une forme ordinaire des contradictions interne que cela implique
Dans de telles circonstances, l’autonomie ou l’auto-organisation du mouvement étudiant ne pouvaient être qu’une pratique appartenant aux limites du mouvement, le fixant dans son identité étudiante et revendicatrice. L’auto-organisation elle-même (les Coordinations nationales) a été traversée par cette contradiction. D’un côté, elle ne parvenait pas à exprimer la réalité du mouvement dans son ensemble, de l’autre, elle se déséquilibrait elle-même dans un constant appel à son propre élargissement. L’enjeu de l’élargissement était non seulement la remise en cause de la revendication initiale, mais de quelque chose à revendiquer. Dans le cas spécifique de cette lutte contre la précarité, un élargissement qui aurait été le refus de la précarisation générale de la force de travail ne pouvait trouver, par l’objet même de la lutte, dans l’existence de la force de travail rien d’autre que le capital. Qui va trouver dans l’affirmation libérée de la force de travail précarisée la base de la société future ? Se reconnaître comme classe, c’est poser sa propre existence de classe comme une contrainte extérieure existant dans la reproduction du capital. Se reconnaître comme n’existant comme classe que dans l’existence du capital peut donner lieu à toutes sortes d’organisation, mais ce sera le contraire exact de l’auto-organisation, c’est-à-dire de la classe, du sujet, se prenant elle-même comme objet de son affirmation.
Ce qu’annonce une dynamique contradictoire comme celle de la lutte anti-CPE, c’est que le prolétariat n’a plus, dans la reproduction du capital, de base pour se constituer en classe autonome, c’est inversement l’unification du prolétariat contre son existence en tant que classe, dans son abolition.
Avis de recherche pour mouvement disparu
Le retrait du CPE "obtenu" tout est "rentré dans l’ordre en un clin d’œil" (ou presque). La manif du 1er mai n’a même pas été un enterrement, mais une inexistence. Le mouvement, dans son cours même, montrait bien que le retrait ne serait pas vécu comme une victoire. Aucun discours démocrate radical n’est venu positiver la "victoire", le contenu de celle-ci, tout le monde le connaît : au mieux, la fameuse "flexsécurité" syndicale. La satisfaction de la revendication n’était pas satisfaisante, mais l’empilement des revendications n’était pas non plus la dynamique du mouvement.
Tout s’est arrêté.
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La lutte anti-CPE, , 3 juillet 2006salut
j’avais envoyé ce texte en précisant que c’était une sorte de synthèse personnelle des textes sur le sujet qui seront publiés dans Meeting 3. Donc ce texte est là pour info. Je tiens également à préciser que dans ce texte je pille sans guillemets des textes à la rédaction desquels je n’ai pas participé. Je tiens à ce que cela soit dit non par souci des "auteurs" mais pour signifier que la signature RS est une commodité que je me suis octroyée parce que j’étais d’accord avec ce que je citais et par facilité par rapport à la réunion durant laquelle je présenterai ce texte.
Amitiés, Roland
Comments
Pour tuer l’argent, brûlons tous les diplômes !
jeudi, 15 juin 2006
Tract dénonçant clairement dès le début du mois de mars 2006, le tour corporatiste du mouvement antiCPE et son prétendu caractère "égalitarien", solidaire de toutes les classes.
Le soulèvement de novembre 2005 a été un soulèvement contre l’exploitation et l’humiliation subies par plusieurs générations de prolétaires. La critique en acte des inégalités sociales a été menée par les fractions les plus fragilisées de la société de classes contre le désir de cette société de se perpétuer dans le mensonge de l’égalitarisme républicain.
Dorénavant, le CPE consacre officiellement la dévalorisation marchande des études et des diplômes et remet en cause les vieilles bases de l’inégalité et de l’exploitation sociales pour les radicaliser.
Aujourd’hui, défendre la valeur des diplômes, c’est défendre la logique d’un contrat social et d’une société qui nous a menés tout droit au CPE. Il n’y aura pas de retour à des formes antérieures et masquées de l’exploitation, l’exploitation marchande doit se poursuivre dans des formes collectives toujours plus visibles.
Ici et là, une certaine candeur veut encore croire à l’avenir possible d’une société humaine reposant sur l’élimination systématique des pauvres. Mais aucun gouvernement de droite ou de gauche, ni aucun projet de réforme sociale de l’économie, n’ont pu et ne pourront mettre fin à la violence physique des inégalités réelles subies chaque jour par des millions d’individus isolés.
S’attacher à défendre un système basé sur la sélection sociale au nom de règles soi-disant équitables et scientifiques, c’est accepter un monde divisé en perdants et en gagnants.
La seule arithmétique qui opère en ce monde, c’est la régulation de tout échange humain sous le règne de l’argent. L’argent dirige toutes les possibilités, toute élaboration de l’existence. Aucun marchandage des diplômes ne nous préservera du nivellement généralisé de la vie à son équation marchande. Contre cela, la seule égalité qui vaille c’est le refus organisé des institutions de reproduction du patrimoine et de la propriété privée dont l’Université est un des maillons. La mixité sociale entre les classes au détriment des pauvres n’est que la continuation de l’égalitarisme républicain sous d’autres formes.
Vouloir un autre monde possible avec la conservation des chances d’accéder à un statut économique confortable condamne le plus grand nombre d’entre nous à la misère capitaliste.
Car, dans la société marchande, il n’y a pas de satisfaction économique sans sacrifices humains. Un mouvement qui se limiterait au seul retrait d’un projet de sélection sociale radicalisé comme le CPE serait le maintien du mythe de l’humanisme marchand.
Le mouvement contre la sélection sociale doit maintenant partir de toutes les sphères de la société s’il ne veut pas mourir. Chômeurs, travailleurs, pauvres, immigrés, non-diplômés, étudiants ont un seul et même ennemi à abattre : la démocratie des exploiteurs marchands.
Des esclaves non-diplômés solidaires des esclaves diplômés.
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Obamaniaco- dépressif (réflexions d’un…) – Bernard Lyon
November 2008 article by Bernard Lyon on the election of Barack Obama.
Même en étant un opposant résolu au capitalisme et à son système politique préféré la démocratie et en boycottant sans cesse et sans illusion les élections (sans prendre la seconde pour l’essence du premier, ce qui amena la mort de l’ultra-gauche des années 80), on ne peut qu’être content et même heureux de l’élection triomphale d’Obama car la joie profonde des noirs d’Amérique et du monde entier est ressentie par tous ceux qui subissent ou imaginent l’humiliation qu’infligent tous les racismes. On ne peut qu’être heureux de voir le dépit et la rage de tous les racistes à commencer par les folkloriques red-necks du sud profond et par Sara Palin si parfaite dans son rôle de Cruella !
Obama est la nouvelle icône, mais comme tous les portraits gravés sur les pièces, ce côté face a son côté pile qui, une fois passée l’euphorie du moment, va sans doute s’imposer comme l’aspect essentiel de cette élection, une fois encore la bonne vieille formule ‘les deux faces d’une même médaille’ sera justifiée.
Un président démocrate noir, avec une majorité très nette et même un consensus quasi unanime en tant que « refondateur du rêve américain », est élu dans le cadre d’une crise qui menace d’être la pire depuis 29. Dans un contexte de guerre, il a toutes les raisons d’être un président de combat. Combat pour la liberté et la démocratie comme lors de la 2ème guerre mondiale. En effet l’Amérique qui nous arrive essaie d’être celle qui a chassé le nazisme d’Europe occidentale, permis son écrasement par l’URSS, et abattu l’empire de la « Grande Asie » que voulait fonder le Japon militariste et colonialiste.
L’élection d’un noir rénove l’image de l’Amérique. Elle va, au moins un temps, écarter le terme ‘l’impérialisme US’ tant cette formule était intriquée à l’idée de racisme et ce d’autant plus qu’Obama veut refocaliser la guerre contre Al Qaïda et les Talibans en exigeant l’envoi de troupes européennes et en recadrant sévèrement le Pakistan grâce à un dégagement d’Irak où un Etat ad hoc semble se stabiliser sur la base d’une tripartition ethnique : chiites, sunnites, kurdes. Pour l’Iran, l’orientation semble être d’essayer de favoriser le remplacement d’Ahmadinedjab par des mollahs rendus conciliants par des sanctions, qui mettant l’économie à genoux, engendrent des grèves et font passer le Bazar (la bourgeoisie nationale) à l’opposition. Les USA et l’Iran ont depuis la chute de Saddam Hussein des intérêts convergents en Irak (cessez-le-feu de Moqtada Sadr), c’est peut-être maintenant le moment où cette convergence peut se boucler contre les Talibans les plus durs (on pense négocier avec les « modérés ») et contre le Pakistan, le contentieux sur le nucléaire étant gelé au passage.
Cette évocation un tantinet « café du commerce » se fonde sur l’idée que les USA vont tenter de solder tous les comptes ouverts depuis la guerre du Viêt-Nam, de redevenir chevalier blanc (!) de l’après-guerre et prendre le leadership d’une nouvelle forme du « nouvel ordre mondial » après celle bien décatie de Bush. Cela amène inévitablement à se poser la question : Obama sera-t-il un nouveau Roosevelt, sa politique intérieure s’articulant à sa politique extérieure offensive comme le New Deal s’articula à la mise en place des conditions de la 2ème guerre mondiale ?
Les années qui s’ouvrent avec la crise et l’élection d’Obama vont être celles de la restructuration du capital restructuré, il est d’ailleurs clair qu’Obama a été élu non seulement dans le cadre de la crise, mais grâce à la crise et pour la crise, qu’il est un président de crise, crise interne et externe, crise du capital financier américano-centré et crise du leadership américain mondial.
La crise financière qui devient crise de « l’économie réelle » et la crise du capital tel qu’il s’est restructuré entre 71 et 95 avec comme acmé 74 et la 1ère crise pétrolière, les politiques de Thatcher et Reagan, rapidement suivies par tous les Etats occidentaux, ont été ce que l’on appelle couramment le néolibéralisme. Cette restructuration a liquidé l’identité ouvrière, le socialisme réel et le tiers monde en tant qu’ensemble cernable, il a établi la libre circulation des capitaux et a financiarisé le capital. Le profit a été augmenté massivement par rapport au salaire, équilibrant de manière nouvelle les plus-values relative et absolue et contournant les limites de la plus-value relative. Les limites de la plus-value relatives sont produites par le niveau inaccessible requis pour des investissements permettant une hausse notable du profit par la baisse de la valeur de la force de travail grâce à la hausse de la productivité du travail abaissant suffisamment le contenu valeur des biens et services entrant dans la valeur de la force travail. Cette baisse absolue imposée au salaire réel direct et indirect, a eu pour conséquence que la réalisation de la plus-value entravée par la faiblesse des salaires est passée par la financiarisation du salaire, par l’explosion du crédit à la consommation. Le capitalisme tout entier est devenu financier (voir l’article de Endnotes). La crise actuelle est donc crise du rapport capital/travail, crise de l’implication réciproque du prolétariat et de capital. Ce qui se manifeste par les expulsions des habitants de leurs maisons mises à l’encan et par les vagues de licenciements qui commencent.
L’intervention massive des Etats, à commencer par l’Etat américain, pour sauver le système financier et les banques, ainsi que le laisser-filler des déficits budgétaires est une réaction radicalement différente de celle de 29 qui amène à parler de retour du Keynésianisme. Va-t-on avoir un nouveau New Deal ?
Les premières mesures attribuées à Obama (hausse des indemnités de chômage, grands travaux, assurance maladie) ainsi que l’évocation d’un « nouveau Bretton Wood » pourraient le laisser penser, partout on ne parle que re-régulation et de contrôles, dixit : Strauss-Khan du FMI et Lamy de l’OMC ( deux grands socialistes devant l’Eternel). Mais il est invraisemblable que toute l’œuvre de la restructuration soit détricotée, que le Wellfarestate soit rétabli et surtout que la gestion conflictuelle raisonnée de l’exploitation avec les syndicats soit rétablie. L’identité ouvrière a été détruite, elle ne se reformera pas, l’exploitation a été restructurée en profondeur et pas seulement le salaire baissé, la précarité et la flexibilité en sont les caractéristiques essentielles, et cela ne changera pas pour la bonne raison que c’est justement maintenant qu’elles vont être mises à l’épreuve dans leur fonction la plus importante : attaquer la force de travail.
La dévalorisation du capital a frappé et frappera encore bien plus (Général motors, Ford, etc.), la contradiction de classe va s’aggraver. La politique d’Obama va devoir faire avec, et ici l’inquiétude qui s’exprime c’est le protectionnisme, chose peu vraisemblable à grande échelle puisque c’est dans et par la mondialisation que le capital US fonctionne. C’est ici qu’un nouveau leadership américain mondial est indispensable pour imposer les mesures nécessaires au capital transnational. Une nouvelle domination américaine est indispensable (on parle d’un nouveau « soft power » plutôt qu’un « hard power » à la Bush, et l’on verra que le soft power démocrate peut être bien plus efficace que le hard power néoconservateur, qu’il reconstituera le monde libre à direction américaine.
La restructuration du capital restructuré sera le redoublement de l’offensive antiprolétaire, mais par d’autres voies, celles d’une union sacrée démocratique pour sauver l’Amérique et le monde en accentuant la hiérarchisation fractale du cycle du capital. Les pays du BRICS et les pétromonarchies ont intérêt à bien se tenir et à cracher au bassinet des bons du trésor américains, les alliés ont intérêt à envoyer des troupes et eux aussi du cash.
A l’interne moyennant certaines mesures incontournables (maladie), il sera possible de faire « patienter » les masses jusqu’à ce que « The change » l’emporte partout pour toucher les dividendes. La fuite selon laquelle la nouvelle administration souhaiterait un renforcement du rôle des syndicats pour qu’ils puissent négocier des hausses de salaires fait plutôt penser que les syndicats pourraient être de bons relais pour défendre une politique un peu plus protectionniste dans certains secteurs et pour faire passer une « modération » salariale partout. « Modération » qui ne pourra maintenant plus être compensée par le surendettement.
Au total la politique d’Obama sera probablement l’austérité consentie à l’intérieur et l’augmentation des transferts massifs de l’extérieur vers des US relégitimés comme gendarme du monde.
Tempus Fugit
BL, mardi 11 novembre 2008
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Silence sur Gaza… – Bernard Lyon
samedi, 10 janvier 2009
On a beaucoup parlé de l’élection d’Obama, on a beaucoup plus parlé des émeutes en Grèce mais nous ne disons pas un mot de la guerre à Gaza pourquoi ?
Est-ce parce que ça ne nous concerne pas ? Parce que ça n’a aucun intérêt « du point de vue de la révolution ». On peut le dire mais je pense qu’on sent bien que ce n’est pas la vérité, que l’importance de ce rebond de la guerre de Palestine nous gêne ou peut être pire nous angoisse.
Cette nouvelle guerre nous angoisse parce que les prolétaires de Gaza se font massacrer et n’ont aucune possibilité d’échapper au piège dans lequel ils sont, ils ne peuvent que « choisir » de mourir sous les bombes israéliennes ou au combat avec le Hamas, ils ne peuvent même pas déserter la bataille ils sont enfermés dans un champ de tir, ils ne peuvent pas s’insurger contre leur propre camp qui les tient en otages. C’est la tragédie absolue il n’y a rien à espérer, Obama laisse Bush endosser l’affaire il n’y a que notre clown national qui en profite pour faire son show pitresque.
Cette horreur nous, nous terrorise parce que nous y voyons quelque chose qui pourrait se répandre dans le monde avec la crise catastrophique du capital (encore à venir), les fractions capitalistes de tous ordres étatiques ou non pourraient bien se jeter les unes contre les autres sans qu’une issue communiste ne s’ouvre.
Attention ceci n’est pas une analyse, tout ce que je pense me fait dire que cette catastrophe est impossible qu’elle nie la contradiction des classes, que Gaza n’est strictement pas représentatif de la situation dans le reste du monde ; mais pourtant dans sa spécificité de ghetto à prolétaires surnuméraires Gaza est aussi paradigmatique de la restructuration en abîme du capital et c’est pour cela, qu’au fond, on n’ose pas y penser on détourne les yeux, car nous y verrions un avenir inenvisageable.
BL, samedi 10 janvier 2009
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2007? Non merci!
mardi, 7 novembre 2006
« Le problème c’est qu’aujourd’hui, c’est qu’y en a qui croient faire la révolution par les urnes. Moi, personnellement, ppfff. j’en ai rien a foutre, j’y crois pas, j’irais pas voter » C. étudiant bloqueur, dans un bistrot
LE RETRAIT DU CPE n’est pas réellement une victoire puisqu’il a été remplacé par un nouveau contrat aidé, que le reste de la loi sur l’égalité des chances (LEC) est passé sans encombre (apprentissage dès 14 ans, travail de nuit dès 15 ans etc.), sans compter les autres revendications officielles du mouvement (lois Sarkosy.), le CNE qui reste en place. difficile de parler de victoire. Ce qu’il faut signaler c’est que la mobilisation a tout de même obligé le gouvernement à un recul tactique. Cette reculade, orchestrée avec l’action de ses alliés objectifs que sont médias et syndicats, a permis la démobilisation. Mais, lors de ces deux mois de lutte, la rue a rappelé qu’elle conservait tout son pouvoir corrosif, l’état la craint et fait de son mieux pour la combattre.
LES SYNDICATS n’ont pas trahi le mouvement après lequel ils couraient, mais ont assumé pleinement leur rôle, celui de médiateur, de canaliseur, de modérateur, de négociateur. brandissant bien haut le possible appel à une grève générale que tous les pouvoirs craignaient (eux en premier). L’utilisation de grandes journées de dé-mobilisation tout en calmant la base était une condition nécessaire pour qu’il se pose à tous en représentant d’un mouvement auquel ils étaient totalement étrangers.
LES POINTS POSITIFS du mouvement dit anti-CPE :
Rejet des syndicats considérés très lucidement comme inutiles et nuisibles.
Rejet des leaders et fonctionnement collectif horizontal (parfois en se passant de délégués élus et révocables).
Action directe, au-delà du symbolique (s’attaquer à l’économie), le refus des manifs pépéres, planplan, de digestion.
Utilisation de la violence, questionnement quant à son usage (contre la condamnation initiale des « casseurs » et du moindre semblant de dégradation, on en est venu à se questionner, à proclamer « nous sommes tous des casseurs ! », à parler de « réapropriation de la violence »).
Passer outre la légalité, outre les directives de la police, les services-d’ordre syndicaux (manifs sauvages.).
Volonté de dépasser le catégoriel. Appel à l’amnistie des « émeutiers de novembre ». Très rapidement, dans la lutte quotidienne, les actions, les AG, les étudiants ont été rejoints par les lycéens, puis de jeunes travailleurs et chômeurs. Les trois millions de manifestants, même si la reconduction de la grève n’a pas eu lieu, montrent qu’il ne s’agissait pas de soutenir, d’aider, les étudiants, mais que cette lutte était celle de tous. Travailleur et chômeurs « plus âgés » ont individuellement rejoint le mouvement. Appel à des AG interpro constant (le terme « interpro » reste pourtant encore limitatif, puisqu’il prend en compte la division capitalistique en différentes « professions » qui s’y trouveraient ainsi juxtaposées, alors qu’il aurait été bien plus percutant de les dépasser).
Envies de dépasser le cadre revendicatif. Contre de simples réformes, conscience de se battre contre un système (le Capitalisme que certains n’osent nommer).
Création d’espaces de vie, d’expérimentation, de solidarité, de réflexion collective.
Les acteurs du mouvement, tout comme ses adversaires, ont pris conscience que la généralisation de ces points était LE réel danger.
LA POURSUITE DU MOUVEMENT ? Courons-nous assez vite pour le rattraper ? C’est plutôt lui qui viendra nous chercher. Les « irréductibles » ne provoqueront pas sa réapparition, ne le referont pas revivre artificiellement par la constitution de collectifs, les gesticulations politiciennes ou l’adhésion à des syndicats et organisations politiques. Les récupérateurs, recycleurs de cadavres encore chauds préparent déjà le terrain pour Ségolène (le mélange Thatcher/Blair à la française). Les élections de 2007 ? Rien à foutre !
GUERRE SOCIALE ! MORT AU CAPITAL !
CREVE LA DEMOCRATIE ET TUTTI QUANTI !
BIC (Brigade d’Intervention pour la Communisation et l’anarchie)
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Autogestion piège à cons?
lundi, 26 février 2007
Autogestion piége à cons ?
Lors de la réunion publique de Marseille jusqu’à 50 personnes ont discuté du mouvement contre le CPE, des « émeutes de banlieue » ainsi qu’autour de la présentation du reportage sur l’entreprise récupérée « Chilavert » en Argentine
La discussion sur le mouvement contre le CPE et les « émeutes de banlieues » a eu du mal a démarrer et une participante a attribué cette difficulté à un phénomène de « zapping » très répandu actuellement qui fait disparaître les événements de la conscience aussitôt que finis.
On avait relevé sur le moment cette disparition immédiate « comme on éteint la lumière » (cf. sur ce site : « Un mouvement vainqueur sans victoire ») mais elle a été contestée par un copain de Paris qui s’est très investi dans le mouvement (AG en lutte entre autres) en évoquant des suites dans les lycées de banlieue, suites qui on été occultées par la presse.
Cette apparente évanescence des luttes a donné lieu à une discussion qui s’est focalisée sur la disparition de la mémoire des luttes de classe, et sur la nécessité ou pas d’avoir cette mémoire et (C‘est du moins la conséquence que je tire) la nécessité d’avoir une analyse de ce qu’est l’exploitation capitaliste pour lutter contre elle. Il semble que ces conceptions sont la marque d’une grande difficulté parmi nous, à intégrer complètement la fin du mouvement ouvrier et du programme d’affirmation du travail, tant comme pratique que comme corpus théorique. Les disparitions du « socialisme réel » et du stalinisme, ont été reçues positivement par tous ceux qui sont dans la sphère des idées issues de l’anarchisme et de l’ultra-gauche, mais la disparition par la même occasion de la totalité des courants du mouvement ouvrier et de la connaissance de leurs corpus théoriques n’arrivent pas à être vraiment intégrées. L’impossibilité de la reconstitution d’un mouvement ouvrier et/ou révolutionnaire qui serait débarrassé de son histoire sociale-démocrate et stalinienne est encore moins intégrable pour beaucoup d’entre nous.
Cette question de la connaissance (la notion de conscience n’a pas été évoquée mais planait évidemment) des luttes du passé, et de l’impossibilité pour les ex-soixante-huitards de transmettre leurs expériences, a glissé vers un éducationnisme ce qui confirme cette difficulté à acter la fin définitive du mouvement ouvrier.
Le paradoxe de ces discussions c’est que les raisons de la projection du film du Chilavert ont été assez mal comprises, puisque plusieurs participants ont dit que ce document aurait pu être présenté par des gauchistes faisant l’apologie de l’autogestion. Cette critique implique une vision normative de la révolution s’énonçant ainsi :
« Puisqu’il est établi entre nous que la révolution ne saurait être la gestion des entreprises par les travailleurs quel intérêt y aurait-il à en connaître le détail et à entendre ces travailleurs se féliciter de travailler ‘à leur compte’ ? ».
Cette critique est en effet paradoxale. On veut des luttes « radicales » qui dépassent le capital ou au moins qui l’affrontent sans concession, sans le prendre en charge, mais par ailleurs on voudrait un mouvement dont les participants connaissent l’histoire du mouvement ouvrier et l’analyse théorique de l’exploitation, c’est à dire qu’on veut des militants ouvriers qui ne pourraient qu’affirmer le travail. C’est toute la question du mouvement de communisation comme dépassement du capital et des classes qui est posée là, la question des luttes de classe commençant dans l’auto-organisastion pour la dépasser au travers d’antagonismes aigus.
Les luttes de classes de ce cycle portent la révolution comme communisation, abolition de toutes les classes, mais elles la portent telles quelles sont, comme luttes de classe et c’est cela même qui est leur limite. Si les prolétaires s’emparent des entreprises ce n’est pas « pour faire le communisme » mais pour défendre leur reproduction immédiate. Les projets de réorganisation de la société sur la base du travail (Le socialisme) ont été très vagues en Argentine même si les termes de « pouvoir ouvrier » ont circulé. Aucune possibilité réelle de révolution programmatique n’existe plus (depuis très longtemps) il faut donc appréhender ces prises en mains d’entreprises dans leur dynamique qui peut amener à leur dépassement. Il nous faut savoir que ce dépassement aura comme sa médiation l’entrée en crise de l’économie, comme rapport capitaliste d’exploitation dans sa reproduction. En Argentine il y avait crise profonde de l’économie mais c’était en Argentine et pas ailleurs ! La révolution ne peut être que mondiale, dans et contre une crise mondiale du capital en aggravation permanente. Nos références de luttes de classe récentes « les mouvements sociaux » ou même plus anciennes ne sont pas à l’échelle de la dimension de la communisation.
Cette réunion a fait se déplacer beaucoup de personnes, relativement à notre audience, Meeting doit commencer à être un peu connu, et semble poser une perspective qui correspond aux questions qui se posent dans le courant qui s’oppose à la démocratie radicale. Il est normal que face à tout ce qui peut être rattaché à celle-ci ou à l’ex-socialisme, nous ayons d’abord une attitude critique négative - que j’appelle normative- mais il nous faut intégrer que la communisation est un dépassement, qu’elle devra s’opposer à ses propres formes initiales, même si déjà dans les formes actuelles on peut saisir les lignes de brisures à venir.
Il ne nous a pas été possible, au moment de la projection du film, de faire connaître la façon dont on peut voir la dynamique dans laquelle cette récupération se trouvait. En voici des éléments importants :
Citation : « En Argentine, le problème est que nous n’avons pas de politiques en direction des E.r (...) Nous n’avons fait qu’arracher des expropriations (souligné par moi), mais il n’y a pas de politique claire, sinon nous serions 200 000 employés des E.r au lieu de 14 000 que nous sommes. » (Murua).
La lutte, de par son contenu même, devient système par la stabilisation de son résultat qui se détache en résultat particulier du processus général qui l’a produit et dans lequel sa particularité était objectivement contestée. « A Chilavert, quand des gars viennent nous voir pour former une coopérative et produire, je leur demande s’ils ont occupé et résisté, s’ils ne l’ont pas fait, je me dis que ces gars veulent juste être des patrons. » (Un ouvrier de Chilavert). « Nous nous constituons en coopératives mais nous ne sommes pas des coopérateurs » disaient les travailleurs.
Le processus de récupération des entreprises outrepasse le cadre de l’entreprise et peut contenir la remise en cause de celui-ci, tout comme il se fige dans un résultat qui contredit la dynamique qui l’a produit, ainsi, à l’intérieur de l’auto-organisation, la mise en avant de la subjectivité et de l’interindividualité (inséparable de la production, le contenu et le but principal de celle-ci est, momentanément, les rapports eux-mêmes entre les personnes) s’opposent au cadre même de l’auto-organisation qui la définit et lui impose ses règles parce que ce sont, en fait, les siennes propres.
Le processus de récupération inclut que l’usine récupérée n’est pas seule, qu’elle est dans un tout. Production, distribution posent des problèmes qui ne peuvent se régler dans les catégories qui définissent strictement la condition prolétarienne et sa reproduction sans être le renversement de la lutte qui avait mené à la récupération.
La généralisation est à la fois leur mouvement nécessaire et pose leur existence de sphères particulières comme la limite et la possibilité du conflit entre elles. « Aller plus loin », à partir de la situation que l’autogestion de ces sphères pose, c’est rompre le cadre de l’entreprise, de l’échange, du travail et du chômage, et cela est une possibilité dans le processus de récupération. Un dépassement de ce qui est auto-organisable, c’est-à-dire la situation antérieure. Soit il y a généralisation mais alors il y a abolition de cela même qui est auto-organisable, soit il y a auto-organisation, mais alors la généralisation est un rêve. L’auto-organisation, non dépassée devient un enfermement.
« L’auto-organisation est le premier acte de la révolution, la suite s’effectue contre elle », c’est exact, mais l’auto-organisation peut également être le retour à la normale d’une lutte pouvant contenir son dépassement
Tempus Fugit
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Autogestion piège à cons ?, , 3 mars 2007salut
je profite de cette chronique pour signaler que je ne verserai aucune rançon au fils ou à la fille de pute qui lors de cette soirée m’a subtilisé les deux grandes boites plastique frigo (il / elle a oublié un couvercle) dans laquelle j’avais apporté de succulentes boulettes de viande.
Roland Simon.
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Bien commode et raisonnable: Commentaires critiques sur la déclaration du groupe No One Is Illegal du 5 février 2007 - Amer Simpson
mardi, 13 mars 2007
Après lecture, je pense que la déclaration des membres du groupe Personne N’est Illégale-Mtl (voir annexe à la fin de l’article) est le meilleur exemple de ce que peut proposer le démocratisme radical. En fait, se retrouve concentré dans cette déclaration citoyenne l’actualisation militante du discours social-démocrate sur les vertus de la justice et de la démocratie bourgeoise… la monté en puissance de la classe ouvrière en moins. Fidèle aux bons vieux principes de la liberté, de l’égalité et de la fraternité des peuples, ces démocrates radicaux se portent activement à la défense des droits des opprimées… « articulés dans le paradigme traditionnel des « droits humains » » comme ils le disent eux-mêmes… contre toutes les oppressions existantes qui s’empiles comme des assiettes. De l’humanisme en veux-tu en voilà ! Et c’est peu dire que dans ce fouillis politique de droits à défendre, résultat de la division sociale du travail, il n’est pas étonnant de voir s’effacer la luttes de classes et ses contradictions… c’est là tout la bonne vieille sollicitude professionnelle du veilleur de grains idéologiques si honorable à la petite-bourgeoisie contestataire et combien perfide pour le reste de l’humanité.
* * *
À propos des femmes… racialisées
Le terme « racialisées » en est un que j’ai déjà lu ailleurs pour parler des récentes émeutes dans les banlieues françaises : jeunes prolétaires racialisés … ce dernier est toutefois beaucoup plus explicite sur le caractère de classes qui fonde cette structuration étatique de la division sociale du travail et des cloisonnements raciaux… ici, les femmes racialisées en sont l’expression matérielle. De plus, ce terme apporte des nuances qui sont d’ordre actuel : (1) l’état fait présentement face aux contradictions interculturelles et aux conflits ethniques que provoque la globalisation de l’économie, contradictions souvent orchestrées par la classe capitaliste elle-même au travers « l’État et ses structures… » ; (2) la fluidité des capitaux est devenue une menace tranquille pour les frontières, ce qui oblige à redéfinir les statuts de citoyenneté et les lois sécuritaires… ; (3) sans oublier les bouleversements sur le marché du travail : mondialisation de la circulation de la main-d’œuvre et de la valeur salariale attribuée au prolétariat. Bref, la racialisation par l’état est un fait social et historique avec lequel le prolétariat international doit composer au travers ses luttes et sur ce point, le mouvement No One Is Illegal est très d’actualité.
Par contre, le terme « femmes racialisées » est utilisé dans cette déclaration pour critiquer l’état dans sa gestion peu démocratique du dossier immigration. En effet, la critique du débat publique autour des « accommodements raisonnables » ne vise pas le cadre social dans lequel se fait ce débat, cadre effectivement « paternaliste et fondamentalement misogyne », mais plutôt celui au niveau du discours… le point de départ de la déclaration est un subjectif outrage « devant l’infamante propagandes xénophobe et raciste. » Autrement dit, cette déclaration s’en prend tout le long de ses phrases au discours et à ses déclinaisons… à un point tel que le discours est lui-même non seulement « raciste et sexiste », « féministe impérialiste », mais également « manipulé et instrumentalisé par la machine de propagande pro-guerre et anti-immigrante. » Ici, de toute évidence, rejeter le « modèle simplistes et réductionnistes » que le gouvernement expose et que les média de masses entretiennent ne dépasse en rien le simple fait de dénoncer « le rôle de l’État et de ses structures. » C’est donc ainsi que le cadre étatique du débat devient par sa contestation le terrain où les négociation peuvent commencer pour le camps adverse : les démocrates radicaux… et leurs victimes d’oppression.
* * *
À propos de la culture
Tout le monde se rappellera de ce slogan situationniste : la culture est la marchandise qui fait vendre les autres. D’autant plus vrai que plusieurs croient encore qu’en sauvant et protégeant ce qui leur semble « authentique » et « propre » culturellement face au monde uniformisé du capitalisme les épargne d’être un simple capital variable sur le tableau des investissements parmi les courbes de profits. La réalité est que défendre « nos propres cultures » contre l’oppression du capital c’est engager une négociation directement avec « l’État et ses structures » pour protéger et sauver cette richesse qui par la même occasion pénètre dans le cycle mondial des capitaux… que cette exploitation culturelle protégée soit équitable et écologique ne change rien à l’affaire.
De plus, la culture, en tant que reflet abstrait de la vie social… de sa misère et de son spectacle… ne peut devenir qu’un enchevêtrement folklorique et consommable des « différentes manifestations de croyances ou d’identités culturelles » sur une planète où la loi du marché règne… chacune cherchant sa puissance économique par ses ressources naturelles ou humaines à exploiter et son autonomie politique par la voie diplomatique ou militaire dans l’arène des Nations Unies. Bref, et c’est ce que ne disent pas les membres qui ont rédigés cette déclaration, réclamer ses droits « à l’expression de nos identités culturelles et religieuses » et ça « tels qu’articulés dans le paradigme traditionnel des « droits humains » » ne peut avoir d’autre objectif que la reconnaissance des cultures et leur autodétermination à l’intérieur d’une démocratie planétaire… l’altermondialisme n’est rien de plus que ce phantasme.
En sommes, défendre « nos propres cultures » c’est à la fois les prendre en charge (protéger et sauvegarder) « au nom de la « différence » » avec tout ce qu’elle comporte de « pratiques oppressives et injustes » et ça malgré toutes les vigilances militantes… et à la fois les intégrer dans une culture plus générale qui a pour fondement la gestion démocratique des contradictions existantes et pour aboutissement la production et la consommation des mêmes marchandises frelatées… en d’autres mots, c’est la globalisation de l’exploitation dans le cadre des revendications particulières de son application selon les traditions de chacun et selon les avantages matériels que peut offrir l’ouverture mondiale des marchés.
* * *
À propos de la démocratie
Le principe moteur de la démocratie est de rendre fonctionnels des rapports sociaux complexes et contradictoires… ceux de deux classes réciproquement antagonistes… médiés par des instituions dont les deux points communs sont la valeur d’échange et le statut identitaire. Dans la réalité, l’état est une multitude d’oppositions à commencer par son propre opposé : la société civil… remplie de cette « diversité et [de ce] caractère dynamique de nos cultures et de nos identités. » Mais ce sont là les catégories du capital… celles qui nous divisent (pour les démocrates radicaux nous oppressent) dans nos luttes en tant que prolétaires… celles qui nous relient au travers « l’État et ses structures » … et celles finalement qui posent la question du droit et de l’oppression.
En démocratie, « l’action de l’État et du système capitaliste » est beaucoup plus profonde que de « rendre le statut des femmes migrantes plus précaire… » En fait, la précarité, la marginalité, l’illégalité, la criminalité sont autant de « discrimination systémique » restructurées par le capitalisme qui accentuent la vulnérabilité des prolétaires de ce monde… de tout age et de tout sexe… devant leur exploitation. Les catégories sociales discriminantes d’où naissent les « luttes de libération » sont la définition même de notre existence comme prolétaires face et à l’intérieure même du capital mondial. C’est pourquoi, ces catégories ne peuvent être libérées de leur oppression intrinsèque, parce que la première détermination de ces catégories est de réduire une grande partie de l’humanité en simple marchandise/force de travail… « en homogénéisant et en fossilisant » les rapports sociaux sous la rubrique de la valeur marchande… et par cette existence au travers les catégories du capital, le prolétaire peut enfin subvenir à ses besoins matériels et culturels… autrement dit : travailler. Voilà la limite de toute « capacité à [s’] auto-déterminer », soit l’impossibilité de faire abstraction du contenu foncièrement capitaliste de ce qui est auto-déterminé. C’est finalement pourquoi ces « luttes de libération » tout en cherchant « leur propre transformation » pour se libérer de l’oppression demeurent confinées dans les sillons revendicatifs de la défense de droits et de la régularisation des conflits par « l’État et ses structures. »
Ainsi, en confrontant par la dénonciation « le rôle de l’État et de ses structures » dans le cadre démocratique qui le légitime, les démocrates radicaux se voient obligés de dialoguer et de compromettre leur « authentique position de solidarité » qui consiste à « écouter les femmes » qu’ils prétendre « soutenir dans leurs luttes » et perdre de vue les « différentes positions de privilège et de pouvoir » que produisent nécessairement les négociations vis-à-vis de l’état… que d’humbles motivations « de solidarité et de respect » soient au cœur de cet engagement « contre la déshumanisation des communauté racialisées et de foi et contre la victimisation des femmes », cela n’empêche aucunement la lutte de se scinder entre « la victimisation des femmes » comme pole négatif et la prise en charge des victimes au travers la reconnaissance de leurs droits avec toute « la complicité du discours féministe » comme pole positif.
* * *
À propos de la religion
Le fondement de toute religion est de réunir des adeptes sous la même abstraction mystificatrice de la réalité… de les rassembler au-delà de leur rapports immédiats dans une communion qui les dépasse… de relier ce qui est diviser en sauvant et protégeant ce qui divise… dans le capitalisme : la valeur abstraite de l’argent relie les individus propriétaires entre eux dans leurs rapports réciproques, mais c’est « l’État et ses structures » qui formalise ce lien au travers la gestion contractuelle des nombreux intérêts contradictoires que provoquent le droit de propriété et l’échange de marchandises… de là, trop facile de caricaturer la démocratie comme une église et ses adeptes les plus radicaux à de véritables sectes en puissance… il n’y a donc aucune surprise lorsqu’il est question, dans la déclaration, d’une « liberté de religion » et d’un droit à exprimer son identité religieuse : c’est là protéger ses sources !
C‘est aussi ça le démocratisme radical : organiser une opposition morale à l’intérieure de la démocratie où peut se pratiquer la défense de droits et la dénonciation des oppressions… ; pour ce faire, concentrer « la diversité et le caractère dynamique [des] cultures et [des] identités, notamment [les] identités sexuelles » dans une revendication « simpliste et réductionniste » pour le droit « à l’expression de nos identités culturelles et religieuse… » ; et finalement, rassembler autour d’une déclaration les adeptes de la cause « femmes racialisées et migrantes » afin d’ouvrir un débat social qui leur échappe de toute évidence… pour ensuite communier dans la célébration « l’authentique position de solidarité » qu’ils sont incapable de créer. Pour tout dire, le démocratisme radicale est un excellent « accommodement raisonnable » avec le capitalisme… sans plus !
Amer Simpson
ANNEXE
(Voici la déclaration de Personne n’est Illégal tel que reçu pas un camarade… il se peut donc que la disposition des phrases ainsi que le contenu intégral fasse défaut. Toutefois, aucune phrase ne fut modifiée dans l’intention de porter préjudice de façon malhonnête.)
Des membres de Personne N’est Illégal-Montréal ont tenu á réagir au « débat » xénophobe remuant le Québec au sujet des « accommodements raisonnables » en rédigeant la déclaration suivante.
Si vous êtes un groupe ou individu qui désirez signer cette déclaration, contactez-nous ! Si vous désirez vous joindre à des actions visant à confronter et dénoncer le racisme et la xénophobie tapissant ce débat, contactez-nous ! – [email protected] ou 514-848-7583.
Déclaration en réponse au débat sur les « accommodements raisonnables »
5 février 2007
En tant que femmes racialisées et migrantes, nous sommes outrées devant l’infâmante propagande xénophobe et raciste articulée dans le cadre du débat autour des accommodements raisonnables.
En tant qu’actrices à part entières, affirmant notre capacité à nous auto-déterminer, nous rejetons le discours paternaliste et fondamentalement misogyne répétant la nécessité que les structures de l’État nous protègent et nous sauvent de nos propres cultures. Par ailleurs, on en appelle toujours dans leurs autres revendications à la protection et le sauvetage de l’état contre l’impérialisme américain pour la paix, pour le respect de l’état de droit pour les immigrants etc.
Nous affirmons qu’un tel discours est à la fois raciste et sexiste : raciste, car il perpétue la notion que nos cultures sont foncièrement rétrogrades et barbares, en contraste avec la culture blanche et occidentale, envisagée comme forme ultime de civilisation et de progrès ; et sexiste, car provenant d’une perspective qui tend à infantiliser les femmes, ou celles-ci sont perçues comme de simples victimes incapables d’oeuvrer à leur propre bien-être
Cette notion de « civilisation » est intrinsèquement liée à la rhétorique coloniale qui a mené au génocide des populations autochtones des Amériques, un génocide qui perdure jusqu’à ce jour, alors que la disparition de plus de cinq cent femmes autochtones au Canada continue d’être traité avec mépris et indifférence, réduit á un simple fait divers.
Nous rejetons le modèle simpliste et réductionniste de conception des « droits » des femmes véhiculé dans les médias de masse. Alors que nous réclamons activement nos « droits » à la liberté, à la sécurité, à la dignité tels qu’articulés dans le paradigme traditionnel des « droits humains », nous réclamons tout autant nos « droits » à l’expression de nos identités culturelles et religieuses.
Nous célébrons la diversité et le caractère dynamique de nos cultures et de nos identités, notamment nos identités sexuelles – en tant que femmes, et en tant que lesbiennes, bisexuelles, transexuelles ou toute autre forme d’auto-identification - et refusons la caricature simpliste et schématique réduisant nos multiples communautés à des représentations uniques, homogènes et incontestées d’une tradition monolithique.
À cet égard, nous réaffirmons le caractère dynamique des différentes manifestations de croyances ou d’identités culturelles alors qu’elles se recoupent avec un contexte politique et social extérieur plus large.
En particulier, nous insistons que l’analyse de l’oppression des femmes et de l’inégalité des sexes telle qu’exprimée dans les médias de masses, c’est-à-dire comme phénomène strictement interne aux religions ignore explicitement les systèmes extérieurs universels de patriarcat et de sexisme auxquels toutes les femmes font face, tout en homogénéisant et en fossilisant les religions de manière définitive.
Nous dénonçons le rôle de l’État et de ses structures dans la marginalisation des femmes racialisées et migrantes, qu’elles soient de foi ou non.
L’action de l’État et du système capitaliste contribuent à rendre le statut des femmes migrantes plus précaire en multipliant les barrières à l’obtention d’un statut légal, en cautionnant les différentes formes de discrimination systémique et en décuplant la criminalisation des femmes, accentuent leur vulnérabilité.
Nous dénonçons également la complicité du discours féministe impérialiste qui, sous couvert de solidarité, impose des conceptions eurocentristes et assimilationnistes d’égalité des sexes. Nous sommes critiques du paradigme féministe dominant qui place les choix des femmes occidentales comme l’unique et ultime chemin vers la libération des femmes, malgré l’accablante réalité que les femmes en Occident font face à un sexisme quotidien.
Nous sommes conscientes de la manière dont ce discours a été, et continue d’être manipulé et instrumentalisé par la machine de propagande pro-guerre et anti-immigrante.
Nous reconnaissons la continuité historique de l’appropriation et de la manipulation du discours féministe par les mouvements colonialistes et impérialistes à travers le monde.
Toutefois, nous ne sommes pas partisanes du relativisme culturel qui tend à justifier des pratiques oppressives et injustes au nom de la « différence » et restons vigilantes afin que la liberté de religions ne nous empêche pas de lutter activement contre l’oppression.
Afin d’adopter une authentique position de solidarité, nous devons écouter les femmes que nous prétendons soutenir dans leurs luttes et comprendre que nous occupons différentes positions de privilège et de pouvoir.
Pour ce faire, nous devons activement lutter contre la déshumanisation des communautés racialisées et de foi et contre la victimisation des femmes. Nous devons soutenir les femmes qui sont à l’avant plan de leurs propres luttes de libération et les actrices de leur propre transformation. Nous devons nous engager dans ce processus non pas motivées par la pitié ou la charité, mais animées d’un véritable sens de solidarité et de respect.
— Personne N’est Illégal-Montréal
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Corde, mensonges et vidéo
samedi, 13 janvier 2007
L’exécution de Saddam Hussein a vu une immense clameur de scandale monter de toutes les poitrines. Tous les gouvernements démocratiques et tous les média occidentaux (de gauche en premier) ont dénoncé « l’indignité » de la pendaison, ce n’était que condamnations morales et /ou analyses subtiles expliquant que cette mise à mort publique (La vidéo « pirate » ou pas - plutôt pas - a joué le rôle de la Place de Grève) ne pouvait, paraît-il, qu’aggraver la situation de guerre civile rampante en Irak et nourrir le terrorisme. Ce chœur des vierges et des fins politiques fait consciemment l’impasse sur l’essentiel : « Le cadavre de mon ennemi sent toujours bon ». Il est évident qu’en Irak l’exécution publique et sous les injures du tyran sanguinaire était absolument nécessaire et utile. L’invasion de l’Irak ne peut encore se justifier auprès des victimes du régime déchu que par le droit de vengeance. l’Etat mis en place par l’envahisseur devait impérativement, pour exister, mettre en œuvre son « monopole de la violence légitime » (M. Weber) .
Le démembrement de l’Irak en trois zones ethniques quasi-indépendantes nécessitait aussi cette exécution pour ancrer l’idée que l’Etat baathiste était un Etat sunnite. Bush déclare que justice est faite (pas très correctement mais...) et organise le renforcement du corps expéditionnaire pour « sécuriser » Bagdad c’est-à-dire pour créer le district fédéral forcément impliqué par la partition de l’Irak et pour remettre plus ou moins en état l’extraction et l’exportation du pétrole.
La situation en Irak est décrite par tout le monde comme totalement chaotique. Pourtant, si l’on regarde d’à peine un peu plus près, on voit qu’au sommet une coalition de façade est maintenue vaille que vaille pour prolonger un temps la fiction d’un Irak uni, mais qu’à la base la partition du pays est bien entamée, le pouvoir est entre les mains des milices politico-ethniques des trois communautés, l’armée et la police étant également loties entre elles, et globalement le nord et le sud sont plutôt stabilisés - ce qui n’empêche pas des affrontements inter-chiites pour le contrôle de leur zone. Le nettoyage ethnique, systématiquement provoqué par des massacres et des assassinats ciblés, est déjà bien avancé avec des exodes croisés. L’Etat rentier mais nationaliste unitaire et développementiste baathiste liquidé, laissera la place à trois para-Etats ethno-religieux adversaires dans lesquels le pétrole sera exploité de façon purement commerciale (comme les actuels détournements à grande échelle le mettent en place).
Les USA et l’Iran sont fondamentalement d’accord sur la réorganisation de l’Irak en dépit (ou à l’abri ?) des imprécations contre la nucléarisation de l’Iran d’un côté et les appels à la destruction d’Israël et la négation du génocide des juifs de l’autre côté.
Le problème le plus délicat pour réaliser la partition est la crainte de la Turquie d’avoir à sa frontière un pouvoir Kurde pouvant soutenir la guérilla au sud-est du pays, mais les intérêts bien compris des partis kurdes irakiens (UPK et PDKI) devraient limiter les risques d’intervention turque, d’autant qu’un contingent turc est déjà installé préventivement, apparemment avec l’accord des kurdes irakiens.
Le mouvement de constitution de moyens ou petits, voire très petits, Etats en Europe d’abord, puis maintenant au Proche-orient après l’effondrement du socialisme et la fin d’un tiers-monde globalement identifiable, c’est la manière dont se réalise la mondialisation dans une mise en abîme des divers niveaux d’articulations au cycle mondial du capital restructuré. Est-ce à dire que l’on se dirige vers une pacification générale de la région ? Certainement pas, mais à l’heure actuelle il n’est nulle part question d’autre paix que des gestions en temps réel de conflits de basse intensité. (Les métropoles du capital, n’ayant pour le moment que de très limitées « émeutes de banlieues », sont épargnées). Ces conflits n’empêchent ni ne gênent sérieusement le fonctionnement d’une économie capitaliste maintenant très prospère. Non seulement le pullulement de micro-Etats locaux n’entrave pas le cycle du capital mais, bien plus, ils en sont les relais. Il faut aussi qu’ils soient intégrés dans la « guerre contre le terrorisme » et l’exécution de Saddam Hussein (paradoxalement à première vue) y contribue en renforçant l’antagonisme Sunnites - Chiites.
Le nouvel ordre mondial que la propagande d’Etat américaine annonçait à la chute du socialisme s’est installé. Il n’est pas le paradis libéral et démocratique que l’on chantait, ni la fin de l’histoire, ni non plus la guerre des civilisations, il est une lutte de classe mondiale intriquée inextricablement dans des luttes nationales.
C’est au travers de cet ordre mondial que le capitalisme se dirige résolument vers la crise de ce cycle de luttes du prolétariat, d’exploitation et d’accumulation du capital face à lui.
Si l’exécution de Saddam Hussein ne nous scandalise pas, elle est la vengeance des victimes, elle nous fait horreur car comme justice des vainqueurs - et il n’y en aura jamais d’autre - elle nous montre comment les Etats se constituent dans la mise à mort de leurs ennemis, et nous en sommes.
Tempus Fugit
-
Corde, mensonges et vidéo., , 13 janvier 2007Voici quelques réflexions
vite fait :
. Un point de détail d’abord. Que signifie «
développementiste » ?
. Un autre point un peu moins de détail. L’expression
« nous fait horreur » en parlant de l’exécution de
Saddam Hussein est-elle vraiment adéquate. Je
comprends bien ce qui veut être dit mais quand même.
Saddam Hussein était l’un de nos plus grands ennemis
et si « le cadavre de mon ennemi sent toujours bon »,
cette vérité ne s’applique pas qu’à l’Etat irakien mis
en place par l’invasion américaine. C’est la mise en
scène de cette exécution qui nous répugne car elle
avait des objectifs bien autres que de simplement
éliminer un criminel notoire.
. Sur la globalité de l’analyse du texte ensuite. Le
texte donne l’impression que la partition de l’Irak a
été voulue comme meilleure solution pour l’extraction
du pétrole dès avant l’invasion de 2003. Je pense
plutôt que, si cette solution prévaut, elle s’imposera
comme un pis-aller. Le maintien d’un Etat uni sous la
houlette des USA aurait été bien préférable pour la
poursuite des objectifs capitalistes américains.
L’éclatement des tensions contenues en Irak n’avait
pas été prévu par les décideurs américains. Il est
favorisé par l’écrasement du prolétariat depuis 1991
et est issu de la volonté des satrapes du capital en
Irak et en Iran (et entériné par les USA car ils sont
incapables de faire triompher une autre solution) pour
éviter le retour du prolétariat sur le devant de la
scène historique. A ce sujet, je pense que l’absence
totale de rappel de la révolte prolétarienne des
années 80 et 90 manque dans une explication des
événements actuels. Au même titre que pour les
révoltes de banlieues des « métropoles du capital »,
les conflits qui déchirent aujourd’hui l’Irak
expriment une des formes de l’affrontement des classes
(attention je n’ai pas dit qu’on y discernait
directement l’expression de l’activité prolétarienne).
Il aurait été intéressant de mettre en valeur dans
l’actuelle guerre civile en Irak la place qu’y occupe
la contradiction capital/prolétariat.- Corde, mensonges et vidéo., , 14 janvier 2007
Tout d’abord sur "développementiste" ça désigne les politiques de développement du capital sur une base auto-centrée de constitution d’un capital national, et dans le triers-monde d’avant la restructutration ça s’appelait "socialisme" et au besoin "socialisme arabe".
La partition de l’Irak aurait-elle était prévue avant même l’invasion ? Je n’en sais rien et je ne l’ai pas écrit mais puisque tu en parles, on peut remarquer que le kurdistan était de fait indépendant avant l’attaque ey que le sud étan déclaré zone d’exclusion aèrienne était déjà bien délimité par les USA/ONU. Dire que c’est pour "éviter le retour du prolétariat sur la scène"(formule je trouve bizarrement "radaicale") me parît ne pas tenir compte des médiations réelles les prolétaires sont totaleùent partie prenanate des luttes qu’on déclare etniques ce ne peut être compris comme du détournement.
- Corde, mensonges et vidéo., , 14 janvier 2007
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Devenirs communistes
vendredi, 7 juillet 2006
Appel des jeunes des cités rennaises en faveur d’une alliance avec les intellectuels révolutionnaires communistes.
Devenirs communistes.
Affirmer la rupture.
Oui, l’heure nouvelle est au moins très sévère. Affirmer radicalement que nous ne nous reconnaissons pas, avec une société dont les valeurs, les vérités, l’idéal, les privilèges nous sont étrangers, n’ayant donc à faire qu’à un ennemi d’autant plus redoutable qu’il est complaisant, avec lequel il doit être entendu que, sous aucune forme, même pour des raisons tactiques, nous ne pactiserons jamais.
Comité d’action étudiants-écrivains, 1968.
Voilà maintenant la dixième semaine de grève que nous commençons contre le CPE, le CNE, l’ensemble de la loi dite d’égalité des chances et le projet de contrat unique. Depuis une dizaine de jours, différentes instances, le gouvernement avec la complicité de certains partis et syndicats, cherche à nous détourner de la voie que nous avons choisie, la plus cohérente — grève illimitée jusqu’à satisfaction de l’ensemble des revendications — avec un aménagement, voire une promesse d’abrogation du seul CPE. S’il est bien vrai que ce mouvement est le premier depuis 1994 à avoir fait reculer — même d’un pas un gouvernement, alors l’erreur à ne pas commettre serait de reculer à notre tour, laissant ainsi à notre ennemi le loisir de reconstituer ses forces, d’élaborer la contre-offensive, et aux médias le soin d’occulter à nouveau les questions politiques aujourd’hui incontournables ( le caractère insupportable des politiques libérales, la nécessaire sortie du productivisme, l’épuisement définitif de la démocratie représentative...) en leur substituant les jongleries électoralistes des politiciens. Les gouvernements successifs le savent bien : vaincre un mouvement, c’est d’abord obtenir son arrêt, quoi qu’il en coûte.
La politique, la démocratie ne sont pas ailleurs que dans les luttes ; quand celles-ci s’arrêtent, c’est le retour à la tranquille gestion politicienne d’une économie dont on s’accordera à dire que la logique prédatrice — se soumettre l’ensemble des activités et des formes du vivant — a été clairement désigné par ce mouvement comme ce qu’il fallait abattre. Nous l’avons combattue, nous la combattons par le blocage des rocades et des centres commerciaux, par l’occupation et le déménagement symbolique des institutions qui participent de cette logique, par l’interruption du fonctionnement normal de l’université et de l’entreprise Rennes Métropole dans son ensemble. Nous la combattons également en instaurant, avec les grévistes qui refusent l’idée de négocier avec le gouvernement, une communauté de vie et de lutte où s’expérimente, à Villejean et place du parlement, une mise en commun offensive des idées, affects et moyens matériels, une réappropriation de nos forces habituellement amoindries par le cours normal du sympathique désastre capitaliste-libéral. Attaquer l’ennemi, partager une vie collective sont les deux face d’un même désir, de la même urgence éprouvée d’un communisme non programmatique mais directement vécu contre toutes les bureaucraties, d’une même exigence de rendre chaque chose, d’abord parmi nous, à l’usage commun. D’abolir les rapports d’exploitation en faisant du mouvement une nouvelle conspiration des égaux.
Aujourd’hui, ce qui fonde implicitement la communauté gréviste, c’est une évidence sensible : la logique susceptible de battre en brèche la logique capitaliste n’a pas d’autre origine, ne se nourrit pas d’autre chose que ce communisme-là. La communauté de lutte est protéiforme : elle s’est enracinée dans les amphis réappropriés du hall B, elle s’est esquissée, prometteuse, aussi bien dans le front commun qui s’est constitué dans entre certains étudiants, lycéens et jeunes des quartiers que dans le blocage du centre de tri postal de Saint Jacques où nous avons fait face avec les ouvriers à l’intervention du GIPN. Il n’est pas permis à ce communisme de subsister sans s’élargir : dès le début notre mouvement a affirmé son caractère offensif, en refusant de se contenter des défilés traditionnels Mairie-Mairie et des journées de mobilisation ponctuelles. Continuer l’offensive, aujourd’hui, c’est pour nous, renouer durablement avec la révolte de Novembre dernier et la tradition révolutionnaire du mouvement ouvrier — deux expressions d’une irréductibilité éthique à la prédation culturelle opérée par le capitalisme.
Novembre
Les révoltés de novembre se sont soulevés contre la banlieue, c’est-à-dire la logique de concentration et de relégation des pauvres en marge des centres urbains ; ils l’ont fait depuis leur position de banlieusards : ainsi n’aspiraient-ils pas à intégrer les lieux du pouvoir et de la richesse mais à détruire la séparation entre ces lieux et la banlieue, et la ségrégation qu’elle entraîne. Les étudiants sont aussi, dans leurs campus au décor stalinien, avec leur faibles revenus, tenus en marge des instances de décision : c’est pourquoi nous avons pu nous retrouver, dans les rues, à combattre le même ennemi. C’est maintenant notre ghetto commun, villejean, ses barres et tours, ses cités U, sa fac, que nous devons reconquérir ensemble, à partir de notre position de force dans ce quartier, contre les émissaires du pouvoir, banquiers, propriétaires immobiliers, policiers, administrateurs, patrons et managers. Il s’agit de faire des quartiers populaires le terrain d’une lutte explicite entre communisme et capitalisme : imposer des baisse de prix et de loyers, s’approprier des logements vides, rendre à un usage commun des lieux et des moyens matériels, instaurer en place des administrations les délibérations et décisions d’assemblées générales, constituer des maisons du peuple où se dégager ensemble des contraintes du salariat, du cadre juridique de l’Etat, de l’éthique libérale. Repenser les conditions d’un travail commun contre le productivisme et le moralisme travailliste : réfuter la centralité du travail comme valeur suprême.
Les luttes ouvrières
La pression salariale et la régression patronal d’un côté, l’inanité des appels abstraits à la « grève générale reconductible » de l’autre, doivent nous confirmer dans la voie inaugurée avec le blocage du centre de tri postal par les ouvrier du site et le comité de lutte rennais : rejoindre les salariés désireux de s’unir au mouvement en bloquant leur entreprise, et décider avec eux des modalités de la lutte commune : grève, reconductible ou non, actions de blocage économique. La réussite de cette opération indique assez qu’en certains points du tissu productif l’antagonisme de classe reste toujours vivace — les administrateurs ont été fort malmenés, et que l’irréductibilité éthique d’un certain monde ouvrier persistant malgré le libéralisme ambiant demeure une composante incontournable de la subjectivation révolutionnaire.
Nous croyons avec ferveur à la compatibilité des expressions politiques issues de ce qui demeure vivant ( de ce qui, précisément, fait monde en dépit de l’appauvrissement existentiel contemporain ) dans le monde étudiant, le monde ouvrier, le monde des cités, expressions politiques (grèves, blocages, occupations, réappropriations, émeutes ) qui se nourrissent du refus du libéralisme, du désir de communisme. Il ne s’agit pas de dénier les différences éthiques entre ces mondes, tout aussi évidentes que leurs convergences et proximités. ces différences qui se figent en rigidités indiquent l’absence d’un monde commun qui soit réellement partagé, et qui n’est rien d’autre que le mouvement révolutionnaire lui-même, se constituant par les luttes, les amitiés et solidarités : le processus de communisation à l’oeuvre dans ce mouvement et qu’il nous faut dorénavant étendre pour dépasser l’alliance ponctuelle.
Ces deux mois de grève ont ouvert la brèche par laquelle un mouvement de contestation — et de réfutation — de la conception capitaliste du monde peut enfin s’affirmer. Notre tâche est maintenant d’élaborer une politique communiste, c’est-à-dire de rendre impossible, impensable, tout retour à la normale, et d’amorcer le processus par lequel nous commençons à vivre en accord avec nos convictions révolutionnaires.
Rennes, le 9 avril 2006
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Désaccords et convergence - Bernard Lyon
dimanche, 9 mars 2008
Voici, pour commencer, quatre extraits de l’article « Accords et divergences », certes, comme toute citation d’extraits, il semblera réducteur voire tendancieux de ne se fonder explicitement que sur des bribes d’un texte pour élaborer un commentaire critique, cependant il me semble que ces très courts extraits sont essentiels à la thèse essentielle de l’article (publié ici même). :
« Le processus démarre (la communisation Nd BL) sans cesse, mais ne s’achève pas, il avorte. Roland traduit cela par un écart qui s’ouvre entre dynamique et limite, puis se referme. Si on veut une concordance entre nos deux manières de poser les choses, je dirai que chaque fois que Roland voit un écart, je vois un démarrage du processus, et chaque fois que Roland voit un retour à l’identité entre dynamique et limite de ce cycle de lutte, je vois un toussotement du moteur et un arrêt du processus. Je suis d’accord avec Roland sur un point. A l’origine du processus, il ne peut y avoir que « l’agir en tant que classe » et celui-ci se fait dans « l’horizon des catégories de reproduction du capital ». Mais là où je ne suis plus d’accord, c’est que cet agir en tant que classe produise la « remise en cause » sans que jamais cet horizon ne bouge. L’horizon bouge car nous le voyons déjà bouger et nous en posons nous-même déjà un autre, celui du communisme. Mais si nous ne le faisons bouger qu’à partir de processus avortés et sans cesse redémarrés, nous le faisons bouger quand même, c’est cela qui importe et nous apprend beaucoup sur la manière dont le processus victorieux de la production du communisme peut avoir lieu, et qui nous donne des indications sur ce que nous appelons la communisation. »
………………………………………………………………………………………
« Certes, je pense aussi que la connaissance fine de la manière dont les luttes peuvent redécouvrir le fait théorique fonde une conception possible d’un certain type d’intervention : car il se pourrait bien que ce qui rend possible la redécouverte la plus large et la plus profonde possible du fait théorique, c’est aussi un certain rapport à la lutte, une manière de se mettre en lutte qui laisse d’avantage saisir ce que la lutte elle-même ne peut que nous apprendre sur le monde contre lequel et dans lequel elle lutte, sur le rapport social capitaliste, et qui permet par la même que la lutte elle-même se prolonge et s’étende. »
……………………………………………………………………………………………………
Le propre de la théorie communiste, c’est d’être la pensée de la révolte au sein de la dynamique centrale et totalisante de l’époque. Une telle révolte ne peut se comprendre elle-même que dans une relation intime avec ce qu’elle combat. Autrement dit, sans capitalisme pas de communisme, et sans lutte à la fois « au sein de » et « contre » le mode de production capitaliste pas de production du communisme envisageable. « Au sein de » et « contre », et non pas « hors de » et « contre ». Donc pas d’extériorité du communisme par rapport au capitalisme, et pas d’alternative.
………………………………………………………………………………………
Malgré toutes les précautions prises pour ne pas faire passer cette aire comme productrice de la question de la communisation par elle-même, indépendamment de la lutte qui ne devient plus alors que l’occasion de poser la question, il est quasiment impossible, peut-être à cause de la métaphore spatiale que le terme « aire » induit nécessairement, de ne pas voir celle-ci comme une sorte de spécialiste de la question qu’elle pose. (…)
C’est pourquoi je pense qu’il est préférable de renoncer au terme « d’aire ». Effectivement, il n’existe pas de position au sein de la lutte des classes qui pourrait se perpétuer et exister par elle-même par le seul fait qu’elle pose la question de la communisation (ou du communisme)
L’article « Accords et divergences » est fondamentalement une adaptation de la théorie de l’écart à une pratique interventionniste. « L’aire de la communisation » est abandonnée au profit de « démarrages » du processus qui est bien celui de la communisation dans les luttes de la période actuelle, dans le nouveau cycle (plus si nouveau que ça) de luttes postérieur à la restructuration des années 70 et 80.
La théorie de l’écart décrit une situation dans laquelle, au sein des luttes de classes, et entre ces luttes, la limite générale des luttes actuelles (leur caractère de classe lui-même) est très transitoirement critiquée. Cela a pu être la remise en question de l’autogestion au sein de l’autogestion en Argentine, celle l’auto -organisation du mouvement dit « des Archs » en Algérie, celle du salariat dans le mouvement des chômeurs ou du CDI dans le mouvement contre le CPE. Mais pour « A. & D ». il s’agit dans ces luttes de démarrages de la communisation, même si ces démarrages ressemblent plutôt à ceux d’un moteur qui tousse qu’à de vrais démarrages. Considérer comme des démarrages (ou des tentatives au moins) de la communisation ce qui pour TC est appelé écarts dans la limite est extrêmement important pour fonder en théorie une pratique interventionniste (« d’un certain type d’intervention »). Bien entendu ce n’est pas la présence active dans les luttes qui est ici en cause c’est l’action concertée destinée à influer sur ces luttes dans un sens révolutionnaire ou radical (« que la lutte elle-même se prolonge et s’étende. »), en somme influer sur les luttes pour qu’elles soient visiblement ces démarrages. Le caractère interventionniste c’est de poser l’action comme allant vers des luttes qui sont ainsi posée comme extérieures comme un cadre d’intervention justement.
Des participants à Meeting globalement d’accord avec ‘A&D’ appellent d’ailleurs ‘communisation’ la formation du rapport entre les personnes engagées dans une lutte contre le capital, contre tel ou tel de ses aspects ou contre telle ou telle mesure consubstantielle à l’évolution du capital restructuré mais qui n’en aura jamais fini avec sa restructuration, car telle est sa nature en ce qu’elle est l’ultime restructuration et qu’elle ne finira que lorsqu’elle entrera en crise révolutionnaire.
Le rapport de lutte contre le capital a pu s’appeler « constitution en classe » à l’époque du programme ouvrier, mais, actuellement où aucune affirmation du prolétariat n’est plus possible, il est tentant d’appeler le rapport de lutte, communisation. En se fondant sur le fait que tout rapport humain est rapport social, on peut dire : Il y a un nouveau rapport entre les « lutteurs » contre le capital, c’est la communisation des rapports entre nous dans la lutte, c’est la communisation des rapports sociaux même si elle est encore balbutiante, les rapports dans la lutte deviennent rapports immédiats entre ceux qui luttent contre l’indépendance de leurs rapports, le capital. Indiscutablement, pour moi, il y a surestimation de la profondeur de l’affrontement, surestimation qui se justifie en parlant « d’emparement » (terme qui signifie pour moi : décapitalisation sans appropriation des éléments constitutifs du capital synthétisés en société, devenant éléments de la communauté des individus en rapports immédiats entre eux) pour toute occupation d’un lieu public de la société : entreprise, fac ou rue.
L’intervention que suppose ‘A&D’ n’est en aucune façon programmatique, elle ne cherche nullement l’établissement d’une quelconque organisation de classe ou d’un quelconque « débouché politique » mais elle est intrinsèquement immédiatiste, pour avoir une certaine « force de frappe » elle s’adresse à un milieu globalement alternativiste qui a souvent une propension à opposer sa « radicalité » ou la conflictualité de son mode vie avec le capital (explicitement ou implicitement) à une soumission de fait des salariés au capital.
L’existence d’une théorie de la communisation, et donc de ses partisans, se situe dans – est produite par - la possibilité même de la formation d’écarts dans la limite actuelle des luttes de classe, c’est-à-dire dans la reproduction permanente –mais instable- du rapport capitaliste, dans le fait que tout l’être du prolétariat est sans cesse reproduit face à lui dans le capital devenu définitivement société capitaliste. Pour A&D cette situation ne constitue pas une aire de la communisation (formule géométrique objectivante), dont le contenu : « poser la question du communisme » est celui des luttes dont on peut dire qu’elles sont des démarrages (c’est du moins ce que je comprends) ou pour TC des écarts. Mais la compréhension de leurs annonce dans les luttes, comme des remises en cause réelles de leur appartenance de classe par des prolétaires, promeut un immédiatisme du communisme, avec certains et contre d’autres alternativistes (Le « contre » c’est la violente opposition à « L’appel », aux insurrectionnalistes)
Si on prend un peu de recul sur la divergence on peut dire qu’existe dans Meeting (plus exactement dans les articles de la revue Meeting et parmi les participants à ses assemblées rédactionnelles, car en dehors de ça aucune « Organisation- Meeting » ne se déclare exister) une courant essentiellement théorique publiant par ailleurs la revue TC et un courant beaucoup plus interventionniste, proche (bien que critique) de l’immédiatisme ( c’est le contenu de la thèse sur les démarrages)– dualité dont A&D - en insistant sur l’importance de sa publication expose la nécessité, cohérent en cela avec les buts exprimés de Meeting- mais sans la mettre en perspective dans une possible dynamique de la revue. Ce 2ème courant partage le principal des analyses du 1er en les articulant avec à un mode d’être en lutte dans le capital qui constitue en soi une alternative (non revendiquée).
Cette coexistence ce trouve d’abord dans la réalité sociale actuelle ; dans la revue qui est essentiellement théorique elle est problématique et doit être débattue, même si cette revue se veut « en situation » et intégrable dans sa sphère de réception bien que ne reprenant pas l’ensemble des éléments de la théorie communiste, au sens restreint d’analyse critique sociale historique du capital tant dans sa nature que dans son actualité, sa trajectoire et son devenir révolutionnaire.
Cette coexistence a été d’emblée, elle s’est installée en même temps que s’éloignait la possibilité de la coexistence dans la revue de plusieurs théories élaborées de la communisation, avec le refus de Dauvé et Nésic, le non – intérêt d’Astarian et le départ de Charrier. Les allers-retours de Patloch dont les, critiques abruptes bien que très différentes, de TC et de Denis mettent le doigt sur ces deux faits (départs et coexistence).Cette coexistence a été critiquée par Franck Degun et justifie pour lui sa non participation à Meeting Ensuite cette coexistence a toujours été confrontative avec un moment de particulière conjonction lors de l’élaboration de Meeting 3 dans et après les luttes de la fin 2005 et du début 2006. Aussitôt passée cette période les participants à TC ont critiqué l’autocritique ! rétrospective des participants parisiens à l’occupation de l’EHESS et à l’AG en lutte, autocritique essentiellement d’ordre tactique renforçant la qualification de leur action comme intervention, les participants à Tc contestent cette autocritique en pensant au contraire que la justesse de l’action s’inscrivait dans le développement spécifique et productif des contradictions aux sein de la lutte, en en partageait forcément les limites qui ne sauraient être dépassées à posteriori. Toute tentative d’élaborer après coup une autre action réifie la réalité de la lutte, la séparant en cadre, et action dans un cadre, constituant ainsi effectivement l’action en intervention, et qualifiant à l’avance toute action ultérieure d’intervention. Cette confrontation des compréhensions de l’action circonscrit le nœud de la divergence sur la pratique dans les luttes.
L’article A&D théorise cette divergence d’un point de vue interventionniste, postulant une immédiateté déjà en acte du communisme (un immédiatisme). L’article exprime le désir de faire perdurer la coexistence de ce qui peut apparaître à son auteur comme attentisme (Tc) avec ce qu’il pose comme pratique adéquate de communisateurs dans les luttes actuelles. Cette volonté de maintenir le caractère de meeting (réunion) d’approches diverses de la communisation de Meeting semble se fonder sur une compréhension de la théorie de Tc du capital, de son dépassement et de la lutte de classe comme juste, d’un point de vue « macro » et erronée d’un point de vue « micro », erreur se focalisant sur le refus par Tc de voir dans les éléments annonçant la communisation des démarrages de celle-ci, mais de simple écarts dans la limite des luttes.
Cette coexistence dans la période de ces deux compréhensions (immédiateté et immédiatisme du communisme) est théorisée par Tc mais cette coexistence dans la revue n’était pas théorisée pour elle-même, l’article le fait, d’un point de vue immédiatiste qui ne fonde pas la nécessité de l’existence des deux points de vue, tout en éloignant toute interprétation alternativiste par l’abandon la notion d’aire de la communisation qui, en effet faisait, de par son caractère géographique même, des éléments nouveaux dans les luttes une réalité politique et sociologique pérenne, un milieu.
Le concept « d’écart dans la limite des luttes » a été élaboré, dans le moment de la constitution de Meeting, non pas pour répondre à la thèse de « l’aire de la communisation » mais tout de même dans la problématique générale de la critique d’un l’alternativisme affirmé (en particulier dans le texte L’Appel) auquel cette « aire » répondait à sa manière. La théorie de l’écart s’est constituée dans la mise en perspective d’un certain nombre de faits saillants dans les luttes qui « à la lumière » des luttes en Argentine a amené Tc à considérer que si la limite des luttes n’était en aucune façon dépassée,même ponctuellement et transitoirement , par des débuts de communisation, cette limite était cependant désignée comme telle et à dépasser, par des déclarations de prolétaires en lutte remettant en cause une appartenance de classe qui leur est maintenant renvoyée par le capital restructuré comme une contingence à abolir. C’est cette théorie de l’écart dont la critique par A&D est faite en avançant l’idée de démarrages de la communisation au lieu et place de l’aire de la communisation. Cette aire de la communisation a pu être rapprochée brièvement de la « communisation externe » du texte : « communisme de l’attaque et de la défection » venu de Suède où il a provoqué explosion du groupe - revue Riff Raff mais considérer qu’il y ait des démarrages de la communisation dans les luttes c’est autre chose, il n’y a pas dans cette conception de contradiction externe (« communisation externe ») s’ajoutant à une contradiction de classe dite « communisation interne » qui à elle seule ne pourrait que mettre le capital en crise sans le dépasser.
Si cette coexistence confrontative existe dans Meeting c’est certainement qu’elle est produite dans et par la situation de la période et qu’elle répond, telle qu’elle est (confrontative), au besoin des divers participants qui même s’ils ne réalisaient plus ensemble une revue resteraient tout aussi proches et tout aussi divergeant mais probablement moins réciproquement productivement critiques. Cette coexistence peut aussi être exprimée caricaturalement : D’une part, les « interventionnistes » paraissent être le bras armé de Tc une liaison problématique mais réelle avec certaines luttes importantes et avec une sphère activiste plus ou moins immédiatiste ; d’autre part Tc est leur hinterland théorique de fond
Le point théorisé dans A&D pose qu’il se produit des démarrages, « des ratés » de la communisation dans les luttes du point de vue de Tc c’est une surestimation et une marque d’immédiatisme, mais A&D ne postule jamais que l’on puisse capitaliser des forces sur la base de ces démarrages, il dit au contraire :
« Mais ce qui est important de relever ici, c’est que la lutte doit toujours retrouver le fait théorique comme sa production propre. C’est pourquoi il n’y a pas de transcroissance, pas de capitalisation de l’acquis des luttes, etc. Rien n’est jamais acquis parce que dans le redémarrage du processus tout doit être redécouvert, même si dans les faits cette redécouverte est rarement de la pure spontanéité »
A&D précise aussi que la rupture est toujours nécessaire et à venir qu’il n’y a pas de transcroissance des luttes actuelles à la révolution…
« Que nous ayons le début du processus ne signifie pas que nous pouvons en avoir la totalité. La révolution demeure donc ce moment décisif où le processus de production du communisme passe dans une phase totalement différente, ou le communisme cesse d’être seulement projet plus ou moins clair, plus ou moins compréhensible, pour devenir réalité au travers des mesures communisatrices prises dans la lutte »
Mais c’est ici qu’il y a quelque chose qui cloche dans l’exposé car il peut d’abord y avoir démarrage sans qu’il y ait mesures communisatrice, mais ce sont ces mesures qui justement marquent « une phase totalement différente » les démarrages de A&D sont donc finalement exactement ce que Tc appelle des écarts ! Car ce caractère « non total » des démarrages en fait bien n’être que des écarts dans la limite.
Il semble donc bien qu’en dépit de l’aspect immédiatiste que pose la notion de démarrage d’A&D - imposée par le choix général d’intervention - ces démarrages soient une surestimation légitimante qui au fond n’est pas poussée au bout mais qui « sense » l’intervention, qui la dépolitise, la « dégauchise ». De ce point de vue l’exemple du « Bloquons tout » est probant, la proposition faite par ce tract n’a pas semblé pertinente à l’auteur d’ A&D car venant proposer une action avant même que le mouvement des cheminots ne commence vraiment et bien sûr en dehors de toute dynamique et de toute apparition d’une contradiction interne, de tout écart ou « démarrage ». Mais ce « dérapage » tient à l’interventionnisme qui comporte toujours une pente normativiste, on peut dire « On s’en fout des cheminots », en tant que cheminots bien sûr ! Mais toute la question est de savoir comment « l’être cheminot » pourrait se dépasser en dehors de toute dynamique et de toute « contradiction au sein du peuple ». Les partisans de la communisation, le courant communisateur ; au sens restreint, comportera vraisemblablement toujours des aspects interventionnistes marqués d’immédiatisme et tendant au normativisme, la coaction autour de l’élaboration de la théorie communisatrice, pourrait permettre l’évitement de ces dérives mais aussi l’évitement d’une dérive inverse : inéluctabiliste tout aussi normativiste, dérives symétriques, se produisant spontanément , dans le cours du cycle qui produit le dépassement. Il n’est pas possible d’imaginer échapper à ces deux dérives, elles sont consubstantielles à l’activité spécifiquement théorique, à la relation critique aux luttes actuelles. La pratique active dans les luttes et l’abstraction critique de ces luttes sont et seront toujours tiraillées entre ces deux dérives, qui de ce point de vue ne sont pas des déviations d’une hypothétique route droite et juste. L’élaboration théorique permanente (rien n’est jamais ni acquis ni fini) de la communisation intègre et devra toujours intégrer les critiques réciproques que s’adressent les deux dérives sans les considérer pour autant comme détenant chacune une part de vérité, intégrer les critiques n’est pas faire une synthèse harmonieuse, l’intégration est elle-même critique !
Pour l’heure il est urgent de critiquer la désignation de tout moment d’unité intense dans les luttes comme communisation, la mise en commun de forces ne peut être comprise comme étant déjà création d’immédiateté sociale entre les individus en lutte, en dehors de toute décapitalisation on ne peut avoir que des annonces fugaces, des écarts. Si la communisation sera la production immédiate du communisme contre le capital, cette production de nouveaux rapports se fera dans la décapitalisation des éléments constitutifs du capital, transformation de ces éléments en forces offensives pour de nouvelles décapitalisations. S’emparer des éléments du capital comportera toujours comme limite potentielle interne de pouvoir n’être que socialisation, réorganisation économique et politique, c’est l’existence même de cette dualité conflictuelle potentielle ou actuelle qui sera paradoxalement la marque même de la communisation, cela la distinguera radicalement de toute simple occupation d’espace-temps du capital.
Un autre aspect définitoire de la communisation c’est la dimension, ce sera un mouvement à la fois issu de la crise généralisée du capital, et l’aggravant en luttant contre elle à sa manière. Être un mouvement gigantesque (même seulement dans un pan géographique de l’économie - monde qu’est le capital) n’est pas un simple épithète c’est un aspect essentiel, la communisation s’attaque au rapport de production capitaliste et cette attaque a d’emblée une portée mondiale, le capital se défend sur son terrain qui est le niveau mondial - en « sous-traitant » ou pas cette défense aux Etats selon leur niveau d’articulation au cycle mondial, cette articulation hiérarchisée et en abîme implique une réponse de même type du capital - la restructuration a été mondialisation ou globalisation, bien qu’insuffisante pour caractériser la restructuration cette mondialisation en était bien un élément essentiel. Cette globalisation est un acquis définitif, le capital exploite tout segment particulier ou local du prolétariat en relation avec sa valorisation mondiale et coordonne l’exploitation des divers segments en « temps réel ». Dans la crise le cycle globalisé verra des fractures se faire entre Etats, mais aucune autarcie ni même cycle régional n’est plus possible, la hiérarchie en cascades, de l’hyper-développement aux ghettos-poubelles en passant par les zones émergentes, le tout existant dans chaque zone, nous réserve quelques conflits interprolétariens dont le dernier au Kenya est un exemple et Gaza un autre.
Ce rappel morbide n’est pas destiné à refroidir les enthousiasmes précoces mais il est certain que certaines formes anticipables de la crise mettent brutalement en perspective les luttes actuelles dans lesquelles l’interventionnisme voit de la communisation, A&D évoque ce que dit Joachim Fleur et ce n’est pas très différent de ce je dis.
-
Désaccords et Convergence, D.A., 27 mars 2008Salut
Questions : Si l’affirmation du prolétariat est impossible, que peut faire la théorie du prolétariat ?
Si on dit que la communisation ne se fera pas sans décapitalisation, ne dit-on pas : il est nécéssaire d’attendre ce moment ?
Impressions :
L’impossible affirmation du prolétariat, c’est la caducité du programme révolutionnaire, mais est-ce que la classe ne peut s’affirmer dans la société-capital et non dans et contre le capital comme au cours de la période"programmatique" ?
Salud y fraternidad- Désaccords et Convergence, , 10 août 2008
eh bien cher ami, il faut dépasser la théorie du prolétariat, mais sans jamais la renier, en la pensant et en la vivant comme un moment ; un moment qui est terminé, car il ne peut plus penser adéquatement la réalité et prolonger les racines du futur hors de la société-communauté du capital.
il faut à partir de cela constituer un nouveau pôle théorique et sensible, une nouvelle dynamique dont tu trouveras une formulation chez Jacques Camatte
pagesperso-orange.fr/revueinvariance/
bien à toi,
f.
http://pagesperso-orange.fr/revuein...- Désaccords et Convergence, Emilie, 11 décembre 2008
Article intéressant je découvre ce site et je reviendrais ça c’est sur :)
Citation
- Désaccords et Convergence, Emilie, 11 décembre 2008
- Désaccords et Convergence, , 10 août 2008
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Fin de récré?
lundi, 14 mai 2007
« …les deux candidats ont proposés une rénovation de la vie politique. La France en avait besoin, après une crise morale, économique, et sociale qui dure depuis une vingtaine d’années : du « ni…ni » de François Mitterrand en 1988 aux fausses promesses de Jacques Chirac sur la fracture sociale en 1995, du 21 avril 2002 au non à la Constitution européenne en 2005, la France était devenu le pays malade de l’Europe. L’intérêt pour la présidentielle et la participation massive ont montré que ce temps est révolu. La population ne croit plus à l’idéologie et ne se satisfait plus de promesses vagues. »
Voilà ce qu’on lit en page une du Monde du 8 mai 2007, on peut évidemment considérer cet article comme un cocorico d’un « réformiste » (L’article s’intitule : L’Obligation de réformer de Sarkozy) acharné qui s’illusionne et que les prolos et les jeunes vont bien vite remettre sur ses pieds, mais rien n’est moins sûr tout semble montrer qu’une étape est franchie le mise en place du capital restructuré est globalement accomplie, il y des reste à liquider, ils vont le faire, la résistance est brisée depuis 2003 la 2ème phase de la domination réelle connaîtra des crises mais ce sera plus du genre de celles démarrées en 1995.
Dans les années 80 on a assisté à une vaste offensive de restructuration capitaliste d’ampleur mondiale. Cette politique avait deux versants dont l’un était la déconstruction de l’Etat providence keynésien (l’autre était la fin de la grande usine fordienne comme paradigme de l’industrie et le début de la révolution informatique/télématique). Cette offensive a été initiée de manière extrêmement brutale sur le plan social par Thatcher en Angleterre et Reagan aux Usa. Ce fût la fin de la cogestion et l’effondrement du syndicalisme, la mise au chômage de secteurs entiers de la classe ouvrière, tels les mineurs après des grèves qui auront duré un an. Cette politique délibérée et cohérente n’a pas été appliquée avec la même brutalité et la même systématicité en France sous Mitterrand. (La liquidation de larges part des charbonnages et de la sidérurgie avait cependant déjà été accomplie sous Giscard à la fin des années 70). La flexibilisation du rapport salarial, par rapport à sa codification relativement protectrice issue des années de la reconstruction de l’après-guerre et des années 50 et 60 de prospérité capitaliste, ainsi que la libéralisation économique, par rapport à la régulation et à la planification « colbertistes » de la IVème république et de la période gaulliste, ont été effectuées en France. Cette libéralisation s’est faite après les nationalisations de 81 à 83 - parenthèse atypique qui a quand même permis des recapitalisations bien très rentables une fois ces entreprises reprivatisées - mais en protégeant le cœur du salariat (emploi public, salariés qualifiés et à ancienneté des grandes entreprises) et en conservant les grands éléments du Welfare comme la sécu. , le SMIC, les allocs. (le salaire socialisé) puis en créant des dispositifs comme le RMI la CMU et la kyrielle « d’emplois aidés » pour « les nouveaux pauvres » - comme on a commencé par dire pour ensuite devenir les « exclus ». Les 35 h ont été un chef d’œuvre de flexibilisation maquillée (avec l’aide d’un Medef hurlant « A l’assassin ! ») en conquête salariale.
La succession d’alternances gauche – droite, droite – gauche…, à la tête de l’Etat (la majorité à l’assemblée changeant à chaque élection en 81, 86, 88, 93, 97 et 2002) a induit une attaque contrôlée et plus ou moins contrebalancée des conditions de travail et des salaires réels (directs + indirects). Il y a bien des différences entre les gestions de droite et de gauche, et les plus efficaces du point de vue capitaliste peuvent être celles de la gauche infiniment mieux au fait de la réaction des salariés et plus capable de trouver des formes relativement acceptables et d’organiser les correctifs nécessaires. L’accessibilité, tant pécuniaire que de proximité, aux services publics a ainsi été préservée, ce qu’en Angleterre Blair a dû plus ou moins reconstruire. Les résultats concernant la baisse des salaires réels, la flexibilisation, et la mise au travail des femmes ont été considérables, à tel point que la productivité du travail en France est reconnue comme la meilleure et les salaires comme très « raisonnables », mais toujours ralentis et étalés par la résistance combative considérable des luttes de toute cette période. On a eu le refus victorieux du CPI de Balladur, la grande grève de 95 contre le plan Juppé contre les retraites des cheminots et la Sécu. , le mouvement des chômeurs, la grève et les manifs géantes de 2003 contre le recul de l’âge de la retraite, le mouvement des intermittents bloquant les festivals l’été suivant (« pris en otages ! » comme la droite a dit sans rire), la révolte des banlieues et le mouvement anti-CPE.
Sur le plan électoral l’alternance a sérieusement dysfonctionné à l’élection présidentielle de 2002, qui a vu le spectre hurlant de la défunte identité ouvrière au 2ème tour, de même le politiquement correct a été bousculé, à l’occasion du référendum de 2005 sur la constitution européenne qui a vu le rejet « agoraphobe » (c’est-à-dire, pour continuer de perler grec, non pas xénophobe, mais anti-grand marché) de l’attaque des dernière protections salariales via des disposition européennes comme la directive « Frankenstein » (jeux de mots du moment sur Bolkenstein) sur le « plombier polonais ». Ce sont des dysfonctionnements électoraux par rapport au fonctionnement harmonieux de la démocratie comme autorégulation du rapport capital à lui-même se dédoublant en rapport entre l’Etat et la société civile, niveau de l’existence sociologique réifiée des classes. Ces couacs auront-ils été les derniers à-coups de la résistance à la restructuration ? (Le mouvement anti-CPE, en connexion avec les « émeutes », ayant déjà été au-delà de cette résistance.)
Cette longue séquence a vu se développer le démocratisme radical qui manifeste à la fois la disparition de tout au-delà socialiste du capital et la contradiction entre les prolétaires et leur condition même de prolétaires, qui manifeste que c’est le caractère de classe des luttes qui est leur limite même. L’analyse du démocratisme-radical a été longuement faite par ailleurs (cf. « Le démocratisme radical » R. Simon Ed. Senonevero) nous n’allons pas y revenir ici, il me semble que le démocratisme radical a commencé de régresser très rapidement après les affrontements autour du sommet de Gênes en 2001, où le mouvement anti-sommet a explosé entre altermondialistes et « black blocks », où la critique de la mondialisation n’a plus pu unir les partisans du « fare trade » et les partisans du communisme immédiat. Ce n’est pas l’explosion interne en, elle-même qui a été le début de la régression du DR, c’est le succès global de la mondialisation et de libéralisation qui en sont la cause, ce succès global ne se déroule pas partout de la même façon et au même rythme l’Argentine le montre, mais même en Amérique du sud la tendance dominante est à la réussite de la restructuration.
Pour revenir à la France le mouvement anti-cpe n’a pas vu de contre-plan démocratique être présenté, le rejet du CPE ne donnant même pas de défense du CDI , la « langue DR » qui avait été la langue spontanée du mouvement de 2003 n’a pas été entendue en 2006. Parallèlement la crise d’ATTAC, vestale de la démocratie, sombrant dans le ridicule du trucage des élections internes et l’incapacité de la « gauche de la gauche » de se réunir sur une candidature unique sont les formes proprement politiques du déclin rapide du DR qui de toute façon n’avait jamais pu avoir de débouché politique véritable dans la mesure où aucune politique d’Etat DR n’est possible. (Le cas du Venezuela de Chavez n’a rien de DR c’est du clientélisme populiste permis par la rente pétrolière et en aucun cas de l’économie solidaire et de la démocratie participative).
Les luttes de Oaxaca et des échos de luttes de quartier en Argentine sont actuellement les seuls mouvement de classe explicitement démocrates radicaux, le contre-sommet du G8 en Allemagne sera un symptôme de l’Etat du DR. Le rapport de fond qui a donné naissance au DR est que le caractère de classe des luttes de classe est immédiatement leur limite, cela ne peut pas être dépassé d’ici à la communisation, mais cela pourrait n’avoir pris la forme démocrate radicale que pendant la crise de passage à la 2ème phase de la domination réelle.
Cette élection présidentielle me semble se situer après la fin de cette longue séquence de résistance active à l’achèvement en France de la restructuration. La fin de cette période de la résistance à la libéralisation de la régulation d’Etat de l’exploitation, n’est pas la fin des luttes contre les mesures concrètes d’attaque, mais on est probablement maintenant après les vagues de grandes mesures qui sont maintenant faites. Celle annoncée instituant le service minimum dans les transports, pour casser toute possibilité de blocage de l’économie en utilisant le caractère stratégique des transports, ne pourra probablement pas être combattue par un grand mouvement. (Toutes les autres mesures et en particulier la flexibilisation du CDI seront négociées avec les syndicats, la sécurité sociale professionnelle de la CGT est prévue pour ça.). Cette mesure contre les cheminots ira de pair (sans doute pas simultanément) avec la nouvelle attaque des régimes spéciaux et ce sera probablement le test essentiel du gouvernement Sarko, gouvernement poursuivant le combat anti-ouvrier. Contre une classe qui n’a plus d’identité, plus de programme, plus d’organisation ce gouvernement doit organiser et négocier l’après restructuration car bien que jamais finie, la longue offensive a réalisé l’essentiel et c’est sur cette base que Sarko va faire son Blair (Lors de cette élection le PS n’est pas parti de cet acquis en faisant l’aggiornamento voulu par Strauss-kahn, et a perdu.
La crise finale du programme prolétarien d’affirmation du travail a traversé plusieurs phases.
1° Pendant les 30 glorieuses la perspective d’affirmation de la classe s’est transformée en revendication de la fin de la contradiction, le socialisme se confondant avec la simple gestion pacifiée du capital et du travail. La domination réelle avait intégré la reproduction de la classe dans la reproduction même du capital. Qui plus est le capital a intégré concrètement la subsistance du prolétariat en liquidant le paysannat du même coup.
2° La 2ème phase de la domination réelle qui se met en place dans la grande crise de la fin des années 70 (Après qu’ait été vaincu le grand mouvement de lutte de classe qui commençant avec la lutte des noirs pour les droits civiques aux Usa, et comprenant les mouvement contre la guerre du Vietnam, mai 68, le mai rampant italien a fini en mettant en cause toutes les formes du mode de vie capitaliste tant dans la production ( avec l’autogestion) que dans la reproduction avec la lutte pour l’avortement et le développement des communautés, voit la fin des partis communistes et du syndicalisme ouvrier de masse.
3° Les années 90 voient le grand mouvement démocrate-radical combattre et accompagner conflictuellement la fin de la crise/restructuration, en même tant que disparaissent les pays socialistes et le tiers-monde. Dans les années 2000, la disparition officielle des partis communistes aura été le symbole de la fin de la restructuration et peut-être de la fin de la tentative du mouvement ouvrier de muter en démocratisme radical. Plus rien ne rattache l’actuel cycle de luttes à l’ancien cycle programmatique.
Tempus fugit
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Fin de récré ?, Patlotch, 23 juin 2007En complément, passées les élections, un petit texte sans prétention : Face à la classe capitaliste, la politique met à nu le prolétaire français, suivi de Symptomatiques, les contorsions démocrates radicales de Philippe Corcuff, à propos de son texte Sur le "sarkozysme", le PS, la possibilité d’une gauche radicale et le tragi-comique-
Patlotch, 23 juin
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Gardarem lou RMI
samedi, 17 mars 2007
Il y a en ce moment un film à voir « Volem rien foutre al païs ! » J’ai adapté son titre dans un sens plus proche de la réalité empirique. Il s’agit d’une critique du travail sous la forme d’un documentaire qui se donne comme le rebond, près de 40 ans plus tard, de « L’an 01 ».
On assiste à 3 réjouissantes attaques du travail qui se conjuguent
Une apologie didactique du RMI liée à des images hilarantes d’un imbécile politique expliquant qu’il y a quelques millions à récupérer sur les fraudeurs.
Plusieurs exemples de retour collectifs à la terre, mais retours raisonnés (appuyés sur le RMI) qui ne se donnent pas vraiment pour la révolution en marche.
Un reportage sur des actions à Barcelone en faveur du « Dinero gratis » ( Pognon gratos), d’occupations d’appartements vides et « d’expropriation » collectives et festives dans des supermarchés.
Des critiques polémiques publiques contre le productivisme et les consommations de produits « merdiques » élaborés comme nécessaire par le marketing.
La critique du travail prend le relais de la critique du salariat en ce que le programme de libération du travail et de l’érection du prolétariat en pôle absolu de la société a été liquidé par la restructuration capitaliste - et l’ « an 01 » montrait le début de cette liquidation. Cette critique est un élément constitutif du Démocratisme Radical avec lequel les théories de la communisations sont embarquées.
La critique que nous faisons du démocratisme radical est celle des propositions politiques et économiques alternatives, qui se constituent sur les limites des luttes actuelles et les solidifient en obstacles à la lutte. Dans ce film, on voit des tentatives d’échapper au travail mais elles ne sont pas présentées comme une véritable alternative, on assiste à des manifestations de salariés confrontés la fermeture de leurs usines, il n’y a pas de dévalorisation de leurs actions, mais profonde solidarité.
On voit aussi une discussion sur la différence entre le travail qui existe actuellement et « l’activité » libre. Les protagonistes passent totalement à côté du plus important : que le travail n’existe que comme travail salarié et « qu’après » on ne se livrera pas à « l’activité » mais à des activités infiniment diverses et incommensurables entre elles, et c’est ainsi que le travail ne sera plus, « l’activité », quant à elle, n’est qu’un travail honteux.
Une seule intervention explique que le prolétariat c’est fini et que maintenant c’est l’espèce et l’individu, mais ce n’est pas la tonalité générale du film qui est celle d’une perspective de lutte contre le capital. Lutte contre l’aggravation des conditions de vie, et images de modes de résistance à l’esclavage salarié.
Ce film est un moment de grand plaisir, qui n’est pas gâché par des dithyrambes politiciennes, altermondialistes ou « alter - économiques ».
Les images des discours aux patrons de Sellières donnent envie de lui faire rentrer ses paroles dans la gorge, mais sans se faire d’illusions, en sachant que c’est dans la crise qui vient que ce sera au finish
Tempus Fugit
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Insurrection?... oui, mais...électorale!
dimanche, 4 février 2007
Après les ébouriffants « Rupture tranquille » et « Ordre juste » l’office des oxymores échevelés a bien travaillé, il a, par inversions et échanges des adjectifs et des substantifs, traduit l’alternative entre Election tranquille et Rupture insurrectionnelle en novlangue postmoderne.
Dans ces oxymores il y a un des deux termes qui est pur mensonge, dont personne n’est dupe, mais qui par un consensus spontané et unanime est admis, tel le roi dont les habits merveilleux et invisibles ne le font décrire comme nu que par la bouche innocente de l’enfant.
Rupture tranquille signifie bouleversement par l’achèvement du démantèlement du wellfare-state, le fameux modèle social français, bouleversement tranquillement approuvé par le bon peuple.
De même « Ordre juste » signifie ordre imparable, irréfutable, aussi juste que 2 + 2 = 4 ou que le justicialisme de Peron !
Avec l’Insurrection électorale on se perfectionne puisque qu’en 2002 on a eu la Rupture électorale et l’Insurrection tranquille :
On a eu la rupture électorale avec la qualification de Le Pen pour le 2ème tour et l’éviction de Jospin et ensuite on a eu l’insurrection tranquille (mimée) avec le « mouvement » anti-Le Pen « mieux vaut un escroc qu’un facho ». Catharsis d’auto - absolution des électeurs de gauche s’apprêtant à voter Chirac, auto-absolution de n’avoir pas voté du tout au 1er tour, auto-absolution de reconnaître dans le vote Le Pen sa propre perte d’identité ouvrière, sa propre expulsion du champ de la démocratie, et sans doute même pour certains besoin de se pardonner une démangeaison un moment ressentie d’un passage à l’acte provocateur et « suicidaire »
Insurrection électorale signifie : Soumission au vote, à l’ordre étatique , à la démocratie réelle, les élections ne seraient ainsi plus des piéges à cons et contrairement à ce que disent les anars, élire serait agir il n’ y aurai plus qu’à voter pour être un insurgé !.
Cette géniale invention théorique qui vient se proposer en alternative aux « émeutes » des jeunes prols de banlieue est remarquable par sa volonté proclamée de ramener au vote beaucoup de ceux qui s’en étaient désintéressé en 2002, volonté de ramener au vote certains qui resteraient réfractaires au « vote utile » pour Ségo au 1er tour, ce vote étant l’étape nécessaire pour les rabattre sur le vote « anti-Sarko » du 2ème tour.
Le Démocratisme radical n’a jamais eu de débouché politique d’Etat en n’en aura jamais dans la situation mondiale actuelle issue de la restructuration, (Les questions de Chavez et de Morales nécessitent plus de développement mais montrent elles aussi qu’il n’y a pas de DR d’Etat) « l’insurrection électorale » est l’oxymore emblématique de cette impossibilité en posant à la fois absence absolue d’au-delà révolutionnaire du capitalisme et même d’en deçà alternativiste puisque sa seule perspective c’est de « battre la droite et l’extrême droite » Il n’y a pas de débouché politique démocratique radical tout simplement l’insurrection électorale c’est une arnaque (objectivement au moins) pour faire voter Ségo et très éventuellement pour avoir quelques fauteuils à l’Assemblée ( Clémentine qui ne se mouille qu’à moitié pour José se verrait bien « tribune du peuple » apparentée- mais pas trop - pc) .
A titre d’illustration drôlatique voici quelques extraits de l’article :
« Peut-on être libertaire et soutenir la candidature de José Bové »
De Michel Onfray et Yannis Youlountas dans Politis du 1er février 2007
« À chaque échéance électorale, il est d’usage que la plupart des libertaires mènent une contre-campagne qui se désigne ouvertement anti-électoraliste. Les urnes sont la cible d’un appel au boycott pour cause d’impuissance à changer radicalement la vie, promesses rarement tenues, surenchère démagogique, confiscation du débat par sa mise en scène et détournement de l’énergie des luttes. Elections : piège à cons ? (...). Mais ce premier février 2007, un événement politique nous propose de rompre pour une part avec ce constat et de réexaminer nos arguments : la candidature collective de José Bové à l’élection présidentielle. Pourquoi ? D’abord, parce que José Bové est tout sauf un produit politique stéréotypé. Sa parole porte celle des mouvements sociaux et, notamment, de nombreuses luttes communes : sans papiers, TCE, retraites, privatisations, CPE, brevetabilité du vivant, asservissement des paysans aux semenciers, répression d’Oaxaca, expulsions d’enfants scolarisés... luttes dans lesquelles nous avons agi ensemble, au-delà de nos différences : libertaires et non libertaires. Ensuite, parce que José Bové n’a rien d’un tribun volubile depuis sa tour d’ivoire. (...) Élevé au lait de Bakounine avant de rencontrer Jacques Ellul, ce syndicaliste paysan persiste à oser l’illégalité quand elle est légitime et la désobéissance civique quand la volonté populaire et, surtout, l’intérêt général sont ignorés par les pouvoirs publics (...). À circonstances exceptionnelles, intervention exceptionnelle. Il est des moments dans l’histoire lors desquels les événements nous incitent à agir, non sans concession, pour faire face à des enjeux immédiats au moyen de rares opportunités. Au vu de l’état du monde et de la société française, et au su de ce vers quoi nous nous dirigeons, la question se pose à tous les libertaires, notamment à ceux qui revendiquent certaines périodes d’engagement analogues dans l’histoire.
L’heure est-elle à résister jusque dans les urnes avec nos compagnons de luttes ? »
Vous avez bien lu ! : « À circonstances exceptionnelles, intervention exceptionnelle. Il est des moments dans l’histoire lors desquels les événements nous incitent à agir, non sans concession, pour faire face à des enjeux immédiats au moyen de rares opportunités la question se pose à tous les libertaires, notamment à ceux qui revendiquent certaines périodes d’engagements analogues dans l’histoire »
La formule ira droit cœur de tous qui refusent de penser que la CNT-FAI a été un élément actif de la contre-révolution (produite spontanément par les limites de la révolution programmatique à ce moment) en Espagne
Et si je parlais un peu de Bové ? (pas du slogan « josébové »). Le frondeur qui a remplacé le traître ultra social - libéral Cohn-Bendit, que la presse appelle affectueusement Astérix, il flatte l’ego franchouillard qui se rêve en irréductible gaulois face à « l’empire », la Macdomination, la malbouffe, et face à la mondialisation « libérale » qui a provoqué la réaction allergique agoraphobe du « merde » au référendum en 2005. Il est le seul à avoir une image à la fois consensuelle et impertinente, sa candidature pourrait écorner cette image, pourquoi s’est il décidé à y aller ? Bien sûr parce que ça coïncide avec ses conceptions politiques et qu’il adore qu’on fasse appel à lui et exister dans les media, mais peut-être - et ça c’est sympathique- parce qu’il ne veut pas aller en prison ! La cour de Cassation doit casser ou confirmer ses 4 mois de prison ferme, il est évident qu’envoyer en taule un candidat légitime dans l’arc démocratique français et à fortiori qu’il soit candidat depuis sa cellule ça marque mal, et d’autant plus mal en ces temps d’angoisse écologique que ce serait pour avoir fauché des champs d’OGM qui n’ont pas du tout bonne presse, et quand tous les candidats ont obtempéré à l’injonction de venir publiquement chez Hulot signer son pacte écologique.
Peut-être Bové pense-t-il - en cas de confirmation de sa peine - qu’après avoir eu un sursis à incarcération pour le temps de la campagne, un résultat honnête le mettrait à l’abri, faute d’insurrection électorale peut-être vise -t-il une évasion électorale, si c’est son but, il peut avoir raison, Chirac avec son sombrero neuf de Zapata de l’environnement (il en appelle à une révolution !) pourrait se payer le luxe du geste magnanime de le gracier avant de rejoindre le conseil constitutionnel pour y jouer les vieux singes.
Tempus Fugit
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La crise permanente dans l’Education : sur quelques luttes récentes en Grèce - Pépé
samedi, 13 décembre 2008
Un coup d’œil détaillé aux grèves et occupations des enseignants, étudiants et parents en 2006-2007 en réponse aux politiques néolibérales qui furent imposées au système éducatif grec.
Le développement capitaliste en Grèce durant les années 1960 signifiait la croissance du secteur secondaire, plus particulièrement la construction et l’industrie (basée principalement sur le faible coût du travail et non sur des investissements importants en capital fixes), l’exode rural correspondant et l’érosion des économies locales de subsistance. Graduellement, ce développement a généré un besoin de main-d’œuvre plus qualifiée et plus diversifiée. En conséquence, l’enseignement public s’est développé, l’éducation de base est devenue obligatoire et la population universitaire a commencé à croître. Les grèves sauvages étaient quotidiennes, les campagnes sur les bénéfices sociaux, les questions locales ou de logement étaient organisées dans quasiment chaque quartier. C’est aussi à ce moment que les luttes pour une « éducation libre et publique » ont commencé.
Les luttes de classe réformistes revinrent à l’ordre du jour après la chute de la dictature (1974) et l’enseignement – en particulier l’enseignement universitaire – devint le principal « mécanisme » d’ascension sociale à partir des années 1970 en Grèce, comme c’était le cas dans les pays capitalistes avancés, deux décennies auparavant. Les étudiants d’origine modeste, venant de famille ouvrières ou paysannes, pouvaient trouver un poste permanent dans le secteur public ou un emploi relativement assuré dans le secteur privé s’ils étaient en possession d’un diplôme universitaire (et, plus encore, ils pouvaient même acquérir une position de cadre ou démarrer leur propres petites entreprises, particulièrement dans le secteur de la construction). Ainsi, l’université publique est devenue une des plus importantes institutions pour l’intégration et la satisfaction des « attentes sociales », avec un accroissement constant des coûts dans le budget de l’État.
L’intégration des revendications « populaires » contribua à la légitimation des rapports d’exploitation capitalistes, ce qui est une des deux fonctions de base de l’Etat capitaliste démocratique moderne – son autre fonction étant de mettre en place les conditions à un procès d’accumulation capitaliste sans heurts, par la reproduction accrue de la force de travail et du capital. Mais les luttes de classe des années 1970 eurent pour conséquence qu’au début des années 1980, l’État commençait à connaître de grandes difficultés à exercer, de façon satisfaisante, ces deux fonctions complémentaires mais contradictoires. Les « attentes sociales » n’ont pas été réduites, même après l’introduction de politiques néolibérales dans les années 1990, qui visaient à résoudre cette contradiction par le biais de l’approfondissement des divisions dans la classe ouvrière. Pour preuve, la réapparition constante de luttes dans le secteur éducatif.
Ce qui suit est constitué de parties de texte que nous avons écrit durant les deux dernières années. Ces textes étaient une tentative d’analyse théorique de la crise du système éducatif, c’est-à-dire du processus de restructuration néolibérale mis en place depuis des années et des luttes qui s’y sont opposé. En dehors des occupations d’universités, une autre lutte récente qui a inspiré ces textes fut la grève de six semaines des enseignants d’école primaire à l’automne 2006. Sa durée, ses revendications et le fait que certains d’entre nous aient participé à la grève nous ont poussé à tenter de l’analyser dans le contexte général de la crise de l’éducation.
Bien que les enseignants du primaire, en Grèce, n’aient pas encore ressenti la pression d’un procès de travail aliénant, standardisé et soumis à de constantes évaluations – comme au Royaume-Uni par exemple –, il y a néanmoins une tendance croissante à rendre les cours de plus en plus intensifs. Les programmes tendent à devenir plus stricts, de nouvelles méthodes d’enseignement ont été introduites et, assez récemment, de nouveaux livres de classe ont été imposés aux enseignants et aux élèves avec beaucoup plus de difficultés matérielles qu’auparavant. La perte graduelle de contrôle des enseignants sur le processus d’enseignement s’accompagne lentement de l’entrée des lobbies vendant des programmes éducatifs. Pour couronner le tout, il y a eu une tendance croissante à réduire les coûts éducatifs, comme partie intégrante de la politique générale de réduction des dépenses publiques.
Dix ans plus tard
Comme nous l’avons dit plus haut, l’éducation, comme principale institution capitaliste qui forme, qualifie et alloue la force de travail comme marchandise, dans la division capitaliste du travail en développement continu, s’est élargie en termes de population universitaire depuis les années 1960, en Grèce. Ce développement a fait surgir de nouvelles revendications « populaires », des attentes, des opportunités de mobilité sociale et des « succès » individuels. Il a aussi conduit à l’accumulation des tensions et des contradictions, des frustrations et des « échecs » individuels (aussi nommées « échecs du système scolaire »). En 1998, déjà, nous avons participé au mouvement contre la précédente tentative de l’État de faire une réforme éducative qui était sortie sous le nom incongru de « Acte 2525 ». A ce moment-là, dans le numéro 7 de la revue, nous écrivions que :
« La démocratisation de l’éducation qui a généré une production massive d’attentes (et une hausse temporaire, corrélative, de fonctionnaires et de petits-bourgeois durant les années 1970 et 1980, à savoir que, en 1982, 68,7 % de diplômés travaillaient dans le secteur public), qui a généré une inévitable crise structurelle de la division hiérarchique du travail et une crise de la discipline et du bien-fondé de l’école ; en d’autres termes, une crise de légitimité qui frappe durement l’enseignement public. »
Dix ans plus tard, nous sommes obligés de dire que cette crise… continue. Peu importe qu’on nomme cette crise – une « crise de légitimité », une « crise du rôle de sélection et d’attribution de l’éducation », une « crise des attentes » ou une « crise dans l’adéquation des qualifications aux opportunités de carrière » – le fait est que l’enseignement a été sérieusement conduit à la crise et qu’il paraît raisonnable de penser que cette situation perdurera dans les années à venir.
C’est précisément le fait que l’enseignement public soit responsable de l’accomplissement d’un large spectre de fonctions, ayant une grande importance sociale qui le condamne à se trouver dans un état de crise permanent. Dans la mesure où il s’est approprié et a intégré des fonctions qui étaient historiquement accomplies par d’autres institutions sociales (la famille, la communauté ouvrière, l’atelier, la corporation), tous les conflits sociaux et les contradictions se manifestent sur son terrain. La socialisation n’est pas confinée seulement à la famille, l’apprentissage comme moyen de partage de la connaissance a quasiment cessé d’exister comme œuvre de la corporation, et les capitalistes individuels n’ont pas le droit d’organiser l’éducation de base de leur force de travail. Comme le rôle de l’enseignement public se développe, il est inévitablement transformé en terrain de lutte sociale, un terrain de revendications de classe et de mobilisations (et souvent, au niveau quotidien, en dure compétition entre individus). Plus encore, le fait que tous ces conflits prennent place dans la sphère des institutions éducatives les fait apparaître comme des aspects d’une crise éducative et non comme une crise des rapports d’exploitation de classe. De ce point de vue, même si l’école moderne a perdu son monopole dans la transmission et la gestion, en étant confrontée à des challengers puissants, et peut-être plus attractifs, tels les mass media et Internet, il n’en reste pas moins qu’elle conserve entièrement son rôle social (et il n’y a pas de signe qu’elle soit remplacée par d’autres institutions sociales). D’un côté, elle est utilisée par l’État capitaliste comme instrument de légitimation et de reproduction des rapports de classes, de l’autre, elle est utilisée par la classe ouvrière comme instrument d’amoindrissement des divisions et de sélection. Chacun de ces deux objectifs antagoniques s’attaque à la racine de la reproduction des rapports de classes capitalistes.
Les tentatives néolibérales de restructurer l’éducation, qui eurent lieu en Grèce il y a dix ans, ont rencontré l’opposition des mouvements étudiants, des élèves et des enseignants. Dans l’article cité précédemment, nous avons essayé de rendre compte théoriquement de cette réponse (multiple, et, plus ou moins, contradictoire). Une de nos erreurs fut de prendre pour acquis le fait que l’État capitaliste serait capable de se sortir de sa crise. A ce moment-là, le projet de sortie de crise de l’État était patent : pour autant il n’en restait pas moins un projet. En fouillant ses détails, nous faisions référence aux différents
« programmes éducatifs qui lient les directives éducatives européennes à une organisation postfordiste du travail et alignent les qualifications professionnelles sur les qualifications éducatives afin de former le futur travailleur-collaborateur polyvalent, qui se voit comme usager/consommateur de produits technologiques et de services… ».
Nous mentionnons aussi le rôle de
« La décentralisation qui vise non seulement à la fragmentation de la résistance et des revendications sociales, mais aussi au transfert des coûts éducatifs aux communautés locales, tout autant que le renforcement de “l’autonomie” de l’unité-école, comme unité d’une équipe éducative “s’auto-évaluant et collaborant”, qui autogère l’école (peut-être à l’aide de financeurs) – possiblement en compétition avec d’autres unités. »
Finalement, nous faisions mention de la transformation de l’identité enseignante depuis celle d’un « fonctionnaire » – « un mot qui est rarement utilisé aujourd’hui, alors qu’il y a quelques années, il indiquait une identité prestigieuse et une conscience de soi social-démocrate, “humanitaire”, désormais obsolète – à celle de “professionnel” ».
Dans le cas de l’enseignement supérieur, nous avions pensé que la tentative de creuser la séparation entre les travailleurs faiblement qualifiés et les diplômes, tout autant qu’entre les diplômés avec des qualifications faibles ou moyennes et ceux de haute qualification aurait été couronnée de succès. Mais il ne fallait pas prendre pour argent comptant la propagande néolibérale dans sa tentative de surmonter les contradictions héritées de la période sociale-démocrate. Il est vrai qu’au début, nos adversaires remportèrent pas mal de victoires, et, plus encore, certaines matérielles, lorsqu’ils firent passer l’Acte 2525 en 1997 : l’abolition de la liste d’ancienneté des enseignants signifiait qu’ils entraient dans une ère de « formation tout au long de la vie » et que la précarité serait renforcée au travers de l’idéologie de « méritocratie » et de la compétition, remplaçant un statu quo d’égalité formelle dans les rapports de travail ; dans le cas de l’enseignement supérieur, la sélection devint plus intensive avec la création de la nouvelle École secondaire polyvalente d’un côté et les “TEE” (instituts techniques) de l’autre ; dans le cas des universités, l’État tentait d’établir une « formation tout au long de la vie » au travers de nouveaux programmes de formation (appelés « PSE ») en imposant des frais d’inscription.
Toutefois, il s’ensuivit une série de luttes ouvertes : le mouvement des enseignants au chômage et les émeutes devant les centres d’examen contre l’abolition de la liste d’ancienneté citée plus haut ; les occupations d’écoles secondaires et d’universités par les élèves et étudiants plus tard cette même année. Il y eut aussi beaucoup de réaction invisibles et de refus exprimés par les étudiants, les enseignants et les parents qui amoindrirent la monstruosité des examens dans l’École secondaire polyvalente. Le résultat fut un relâchement relatif du processus de sélection et un pont jeté au-dessus de la séparation entre « l’élite » entrant dans l’enseignement supérieur et le « rebut » diplômé dans les instituts techniques. Plus encore, les programmes universitaires « PSE » ne furent jamais vraiment mis en place, et le projet initial pour l’abolition de la liste d’ancienneté des enseignants fut amendé, grâce à la création d’un système complexe de nomination, constitué de plusieurs listes, qui se substituait aux conditions de la loi de 1997.
Du fait des luttes de classe, de l’utilisation des subsides européens pour mettre en place de nouveaux départements universitaires dans des petites villes afin de renforcer les rentrées d’argent locales, et de la formation et de la gestion par l’État d’un réservoir de force de travail complexe, peu coûteuse pour le secteur tertiaire, il y eut une hausse dramatique du nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur. En 1993, seuls 26,7 pourcents des citoyens grecs entre 18 et 21 ans avaient été dans l’enseignement supérieur. En 2004, ce nombre avait été porté à 60,3 pourcents. Afin d’éviter une crise fiscale, la part du budget de l’éducation dans le PNB grec resta au même niveau durant les 15 dernières années (fluctuant entre 3,5 et 4 %).
Mais afin de diminuer les « attentes sociales », l’État devait faire quelque chose de plus. Ainsi il modifia sa stratégie éducative vers un projet néolibéral plus net. Les premiers signes de ce changement apparurent dès le début de cette décennie. De façon générale, cette réorientation consiste en deux recettes simples : des changements dans la gestion du système éducatif (ou, du moins, un mouvement graduel dans cette direction) et un financement étatique inadéquat de l’éducation. La mise en place de la première recette consiste seulement, pour l’instant, dans l’enseignement primaire et secondaire, dans la coopération entre les secteurs public et privé dans la construction et la gestion conjointe de nouvelles écoles. Cela se manifestera certainement dans le futur par l’apparition d’entreprises finançant des écoles primaires et secondaires, attestant de la sorte de leur droit à participer à la formation de leur future force de travail. La révision de l’article 16 de la Constitution grecque (nous approfondissons plus loin) est aussi partie intégrante du même processus, eut égard aux universités. La réduction des dépenses publiques pour le secteur éducatif est une caractéristique constante des politiques néolibérales. Il n’en est pas moins contradictoire, condamné à créer plus de problèmes que ceux qu’il est supposé résoudre. D’un côté, il permet à l’État de réduire ses dépenses et d’accélérer le processus de restructuration de l’éducation, affirmant que c’est une « revendication sociale ». De l’autre, les capitalistes individuels (que nous fassions référence aux futurs financeurs de l’enseignement primaire ou aux propriétaires d’universités privées) ont, à juste titre, la réputation d’être incapable d’aller au-delà de leurs intérêts propres et de se placer à la disposition des intérêts généraux de l’accumulation capitaliste. En d’autres termes, du fait de leurs priorités, une entreprise ou un secteur ne peuvent se substituer aux fonctions qui étaient historiquement assurées par l’État.
De surcroît, les néolibéraux peuvent difficilement dissimuler leur vulgarité au niveau idéologique. La « méritocratie » a écarté la supercherie de l’idéologie sociale-libérale qui prétendait à une supposée utilité sociale. Pour les néolibéraux, le droit individuel à agir comme s’il on était un entrepreneur privé conduit à une dépréciation historique de l’idée de justice sociale, alors que la « société » est vue comme un simple agrégat d’individus (ou de familles, comme disait Thatcher), qui sont supposés se trouver en état de compétition permanente. Le problème des néolibéraux est que de telles idées sapent les bases de leur légitimité politique, qui, en retour, fait revenir la nécessité de renforcer l’État (et donc le budget de l’éducation). C’est un cercle vicieux.
A tous les niveaux de l’enseignement, cette tentative de le transformer en entreprise capitaliste est contradictoire mais constante. Cette tentative est perceptible dans les écoles maternelles avec les nouvelles propositions d’intensification des programmes et donc l’insertion précoce dans le monde de l’évaluation, de la quantification et, par là même, du travail ; dans l’enseignement secondaire, avec la proposition – une fois encore – du Conseil de l’Éducation nationale d’une sélection plus stricte des étudiants de l’École secondaire polyvalente et la canalisation d’une partie de la population étudiante vers la formation initiale, via les « nouvelles » écoles techniques ; dans la nouvelle loi sur l’Université, qui intensifie le travail dans l’environnement, partiellement et subrepticement privatisé, de l’enseignement supérieur depuis les années 1990, menaçant le prolétariat intellectuel improductif (et donc excédentaire) d’expulsion.
Les luttes visibles ou invisibles des années précédentes ont mis des limites à la valorisation capitaliste de l’enseignement public et continuent à le faire de nos jours. Le mouvement des occupations d’universités qui a éclaté en mai 2006 et a duré pendant presque un an est un parfait exemple d’une lutte (spectaculairement) visible. Dans le second cas, elles appartiennent aux processus latents qui sabotent et sapent les « innovations » imposées. Par exemple, les tentatives de transformer les enseignants du primaire en « professionnels » – exécutant les ordres du ministre de l’Éducation, porteurs de « programmes » et de projets afin de trouver des financeurs – ont fait face à un rejet. Un programme appelé « Zone flexible », qui était supposé connecter les écoles aux activités commerciales locales et qui était présenté par les intellectuels d’État comme une tentative de mettre en pratique les vieux principes d’une éducation radicale et intégrée, n’a jamais été réellement mis en place. Ni le discours sur la « connexion de l’école avec la vie quotidienne », ni le bla-bla sur « l’abolition du modèle centré sur l’enseignant » et le « développement de la collaboration entre étudiants » n’eurent d’effets. En termes simples, la plupart des enseignants pouvaient voir que de tels programmes creuseraient les inégalités entre les élèves puisqu’ils étaient liés aux nouveaux systèmes d’évaluation et, après tout, qu’ils leur imposeraient plus de travail non rétribué. Dans le cours des évènements, il devint clair pour tous que la mise en place du programme cité plus haut était de toute importance pour le ministre de l’Éducation, dans la mesure où il incorporait les principaux traits de sa politique : une combinaison de contrôle centralisé, bureaucratique avec une décentralisation, une réduction des financements d’État et l’assimilation de la logique du capital, alors que dans le même temps la participation des financeurs était encouragée afin de trouver des ressources pour la réalisation des projets.
Quand la loi cède
Dans cette seconde partie, nous essaierons de résumer les actes de résistance contre les tentatives du capital de restructurer l’enseignement durant les dernières années. Comme nous l’avons déjà dit, les principales armes utilisées par l’État sont l’intensification du travail des étudiants et des enseignants, le financement insuffisant du secteur éducatif et une sélection stricte. De cette façon, l’État essaie de répondre à la crise de répartition hiérarchisée de la force de travail, qui s’est tout d’abord manifestée dans le milieu des années 1980, alors que dans le même temps, il s’échine à la légitimation perpétuelle des rapports sociaux capitalistes – un mélange qui, disons-le encore, tend constamment à créer de nouvelles crises et contradictions.
Le nouveau projet de loi sur l’enseignement supérieur, qui fut initialement soumis au milieu de 2006 (et fut finalement voté au milieu du second round du mouvement étudiant en mars 2007) tentait d’institutionnaliser légalement et de renforcer les tendances existantes de privatisation et de transformation en entreprises des universités. Une série de mesures de ce projet de loi mettaient en avant l’intensification des études (par exemple, en instituant une limite aux nombres d’années d’études accordées) et imposait un travail étudiant sous-payé ou même non payé (par exemple, en garantissant les prêts étudiants et les bourses concomitantes en échange d’emploi à temps partiel dans l’université). Plus encore, le financement de l’université a été lié à un procédé d’évaluation. De même, la tentative de réviser l’article 16 de la Constitution grecque afin de permettre l’établissement d’universités privées, vise au même but, c’est-à-dire à restructurer les universités publiques afin qu’elles tournent de plus en plus comme des entreprises privées. En utilisant l’arme du financement insuffisant et sélectif, l’État place les universités dans un contexte compétitif.
Cela a pour conséquence que les universités sont obligées de faire de leurs activités, des activités de profit, partout où cela est possible. Le critère de base de leur « bonne » marche et du financement étatique adéquat sera la taille de leurs investissements, le type de recherches qu’elles engagent et leur capacité à imposer de nouvelles règles disciplinaires et à encourager leurs étudiants à investir individuellement dans le capital humain.
Dernière chose mais non des moindres, la nouvelle loi change la définition du sanctuaire académique. Le sanctuaire académique fut le produit légal d’un précédent cycle de luttes de classe en Grèce. Il fut introduit au début des années 1980 par le gouvernement « socialiste » en reconnaissance du rôle de l’insurrection « étudiante » de 1973 dans le renversement de la dictature, et était une des mesures qui visaient à récupérer, non seulement le mouvement étudiant militant, mais tout le mouvement de classe des années 1970. Grâce au droit de sanctuaire, il y eut des occupations permanentes des universités pour des campagnes politiques et, dans une certaine mesure, d’autres usages sociaux des bâtiments universitaires (par exemple, les locaux de l’université dans le centre d’Athènes sont utilisés pour des rencontres politiques, des fêtes non commerciales, et ainsi de suite, sans la permission des autorités universitaires). Le nouveau projet de loi restreint le sanctuaire académique à la protection du « droit au travail » et prévoit des sanctions spécifiques. A partir de maintenant, les grèves des équipes d’enseignement ou d’encadrement, les occupations étudiantes etc. peuvent être considérées comme des actions violant la loi sur le sanctuaire académique et, en tant que telles, peuvent être réprimées par la police.
Le mouvement d’occupation des universités a éclaté en mai 2006. Les écoles et les départements universitaires entrèrent dans la lutte l’un après l’autre, et en très peu de temps, toutes les universités furent occupées. Le premier round du mouvement étudiant parvint à repousser l’adoption du projet de loi. Les occupations reprirent en janvier 2007, quand le gouvernement tenta de réviser l’article 16 de la Constitution et dura jusqu’à la fin mars. Le mouvement parvint à repousser la révision constitutionnelle pour deux ou trois ans (à chaque événement, le processus de révision est lent et requiert le retour d’une large majorité au parlement). Néanmoins, le projet de loi devint loi le 8 mars, alors qu’une émeute féroce, qui dura plusieurs heures, se déroulait à l’extérieur du parlement. Le mouvement gagna quelques concessions (pas les essentielles), mais la nouvelle loi n’avait pas encore été appliquée. Il y avait des signes qu’un nouveau mouvement pouvait apparaître lorsque l’application réelle de la loi commencerait. En ce qui concerne les caractéristiques qualitatives du mouvement, il est vrai que les occupations furent plus actives en termes de participation étudiante, organisation de rencontres, ateliers et ainsi de suite, durant le premier round du mouvement, et pas autant durant la seconde. Il y eut seulement quelques actions minoritaires qui tentèrent d’étendre le mouvement sur d’autres terrains (comme par exemples des blocages ou des interventions sur des lieux de travail, comme les centres d’appel où travaillent quelques étudiants), mais la participation aux manifestations fut réellement massive dans toute la Grèce (le 8 mars, on estime que 40 à 50 000 personnes participèrent à la manif).
Mais pour comprendre les raisons pour lesquelles ce mouvement a pris des dimensions si importantes, il ne suffit pas d’en appeler aux changements de législation, parce que certains de ces changements concernaient principalement les futurs étudiants. On ne peut comprendre ce mouvement qu’en le voyant comme une expression du mécontentement accumulé, que toute une génération de jeunes prolos avaient enduré depuis les précédentes réformes, dix ans auparavant. Ces réformes étaient l’instrument de l’intensification du travail, à l’école et dans le champ du travail salarié proprement dit. Il n’est pas fortuit que les mobilisations aient éclaté au milieu d’une période d’examens. Même si les porte-parole officiels du mouvement n’ont jamais cessé de jacasser sur le fait que l’année scolaire « ne serait pas perdue » et que les examens se dérouleraient après le mouvement, les occupations avaient aussi le caractère d’un « grève des examens », particulièrement pendant mai et juin 2006, puisque nombre d’étudiants, à la fois participants actifs et « passifs » du mouvement, ne voulaient pas passer leurs examens avant les vacances d’été, affirmant ainsi leur refus de l’intensification du travail. Plus encore, les étudiants mobilisés soulevèrent la question de la « libre » reproduction de leur force de travail (même de façon contradictoire) par la revendication d’une « éducation libre et publique ». Cette revendication fut exprimée plus explicitement par des tendances minoritaires du mouvement qui revendiquèrent « un logement et un inscription gratuits » aussi bien qu’un « transport gratuit », revendications qui furent soutenues par quelques blocages de routes et de gares, et quelques interventions dans les stations de métro.
Bien que la réforme de 1997 de l’enseignement secondaire fût parvenue à mettre au pas une génération d’étudiants pour quelques années, c’était une victoire temporaire. Cette génération ne pouvait être arrêtée dans l’expression de son mécontentement d’une vie qui se caractérisait de plus en plus par l’insécurité et la crainte. Une grande partie des étudiants réalisaient que les promesses d’une « carrière couronnée de succès » se réaliseraient seulement pour une minorité d’entre eux. En même temps, ils se révoltèrent contre une activité quotidienne qui ressemblait à n’importe quel travail. Cette révolte contre le travail étudiant fut propulsée par un nombre important d’étudiants qui avaient déjà fait directement l’expérience de l’exploitation et de l’aliénation comme salariés proprement dits. Dans ce contexte, il y eut des interventions pour de meilleures conditions de travail dans les centres d’appel où travaillaient les étudiants. Ce n’était néanmoins pas une tendance dominante du mouvement, puisque la plupart des étudiants dépendent de leurs parents alors que d’autres espèrent toujours d’une façon ou d’une autre devenir « professionnels ». Ainsi, les « travailleurs » étaient principalement considérés comme des soutiens extérieurs, et c’étaient principalement les parents. Bien sûr, la connexion avec d’autres fractions de la classe ouvrière dépend directement de l’existence de luttes en dehors de l’université. Par exemple, quand une lutte locale pour une amélioration des conditions de travail a éclaté dans un dispensaire d’État dans un village près de Thessalonique, les étudiants de la faculté de médecine qui étaient en grève exprimèrent leur solidarité.
Le syndicat des enseignants appela à la grève des enseignants du primaire durant le premier round du mouvement étudiant suite à une proposition faite par les syndicalistes gauchistes. Il faut noter qu’il n’y eut pas d’offensive de la part de l’État avant l’appel à la grève. La liste des revendications officielles comprenait à la fois des revendications salariales et sur les conditions de travail. C’était un ensemble de revendications plutôt important, mais bien qu’il fût venu « du haut », et en particulier du groupe gauchiste qui en avait pris l’initiative, elle amenait quand même le propos sur les besoins des enseignants, de façon indirecte.
La grève commença le 18 septembre 2006 comme une action de cinq jours et dura six semaines. Le syndicat n’avait pas l’intention de continuer la grève au-delà de la première semaine, comme l’a montrée l’attitude des syndicalistes dans les assemblées générales qui se déroulèrent après la première semaine de grève. Toutefois, le fait que la participation à la grève ait été très élevée, particulièrement à Athènes et dans d’autres zones urbaines (autour de 70-80 %), tout autant que le fait que le ministre ne faisait aucune concession, rendait le recul très difficile pour le syndicat. Ici, il peut être utile de remarquer que certains enseignants des zones rurales ne prenaient pas part à la grève, peut-être parce qu’ils avaient d’autres boulots comme à-côtés, l’élevage par exemple. Ainsi, bien que la grève ait été initiée par les dirigeants syndicaux, dans le processus elle devint plus une action de la base. La participation demeura assez haute dans certaines zones urbaines pour toute la période des six semaines, et durant cette période des manifestations massives se déroulèrent au centre d’Athènes. D’un autre côté, la participation aux AG n’était pas très importante à l’exception de quelques unions locales. Des comités de grève furent organisés dès le début. Ces comités étaient principalement les exécutants des décisions prises dans les AG locales et il n’y avait pas de coordination entre eux. Comme d’habitude, les AG furent l’arène de différents conflits. La lutte restait sous le contrôle du syndicat et ceci est en partie dû au fait que le groupe gauchiste qui, d’une certaine façon, représente et rassemble beaucoup d’éléments radicaux du secteur s’empara de l’administration du syndicat pendant la grève. Maintenant, portons notre attention sur les raisons réelles de la grève et sa combattivité.
Premièrement, nous devons souligner que les enseignants ne peuvent pas être considérés comme un secteur privilégié de la classe ouvrière : le salaire de base d’un enseignant est d’environ 900 euros alors que le salaire minimum en Grèce est d’environ 700 euros. Mais les revendications salariales ne prévalaient pas sur toutes les autres.
Les revendications principales que étaient réellement formulées par la base étaient principalement au nombre de deux : un budget plus élevé pour l’enseignement, et deuxièmement, la fin de la « marchandisation de l’école » en cours.
La première revendication exprime une opposition complète aux transferts des coûts de reproduction de la force de travail vers la classe ouvrière. Les conditions plus dures et la misère économique de l’école étaient assimilées, aux yeux des enseignants, avec la misère du manque de moyens dans leur travail. La conscience d’eux-mêmes positive, traditionnelle, des enseignants s’était effondrée sous le poids de la négligence économique et de l’aliénation. Le fait que tout cela n’ait pas été exprimé explicitement dans les revendications alors que c’était évident dans beaucoup de rencontres entre enseignants et parents, dans certains textes, dans des débats et dans la rue, est tout à fait significatif de la faiblesse de la base à s’exprimer tout autant que sa faiblesse à se débarrasser des porte-parole syndicaux officiels.
Les protestations contre la « marchandisation de l’école » étaient la seconde caractéristique principale de la grève. L’arrivée de financeurs concentrait toute la colère des grévistes, dissimulant le fait que l’enseignement public était déjà lié au capital et que ce rapport ne pouvait pas seulement être assimilé aux financeurs. Si les enseignants pouvaient parvenir à dépasser ce point de vue étroit, ils en diraient beaucoup plus sur leur aliénation quotidienne. A part quelques paroles isolées, ce sentiment contre le travail n’était pas articulé dans un discours et s’est exprimé seulement par la durée très longue de la grève. Des slogans comme « on fera grève jusqu’en l’an 3000 » et « on laisse tomber le salaire du mois prochain, aussi », expriment le désir de ne pas retourner à l’aliénation de la salle de classe. Ou alors, il est très difficile d’expliquer l’écart entre la longueur de la grève et sa combattivité et les revendications syndicales plus ou moins prévisibles. Notre interprétation des évènements repose plutôt sur le fait que ce fût une grève offensive : sans une attaque patente de l’État et avec un ensemble de revendications qui exprimaient seulement de façon indirecte les besoins des grévistes, il serait sinon difficile de comprendre pourquoi beaucoup d’enseignants ne voulaient pas reprendre le travail, même après six semaines de grève.
En poursuivant cette explication, nous pouvons mieux comprendre les revendications salariales. La revendication d’une augmentation de 500 euros était une revendication en compensation de la détérioration croissante des conditions de travail. De la sorte, c’était plus une revendication centrée sur les enseignants, sectorielle, et moins une revendication ouvrière : les slogans sur les salaires semblaient dire que « le travail est devenu impersonnel, aliénant et intensifié – au moins, il ne devrait pas être autant sous-payé ».
Néanmoins, la nécessité de s’unir avec d’autres fractions de la classe ouvrière (principalement les parents, mais aussi d’autres ouvriers qui soutenaient la grève) sur un terrain commun ne pouvait s’exprimer par la revendication d’un bon salaire pour les enseignants (qui implique aussi que le travail intellectuel est supérieur au travail manuel). Ce terrain commun peut seulement être des besoins communs, c’est pourquoi la revendication initiale fut transformée en « 1 400 euros pour tous » au milieu de la grève et fut alors acceptée par la majorité des enseignants. Toutefois, la communication avec les « autres » fut confinée à des manifs communes avec une minorité d’étudiants et à quelques rencontres avec des parents organisées par les grévistes. Comme nous le disions, la grève prit fin après six semaines. Confrontés à l’intransigeance de l’État et incapables de transcender les limites imposées par leur rôle social et la représentation syndicale, les grévistes ne parvinrent pas à faire le pas supplémentaire qui était nécessaire. Mais, bien sûr, cela n’était pas facile : un défi collectif et une critique de l’aliénation et de la nature sélective de l’enseignement accompagnés d’une critique du syndicat deviendrait bien plus qu’une grève ; ils deviendraient une insurrection. La grève n’a pas gagné de concessions matérielles, mais a-t-elle eu des aspects intéressants ? Notre réponse sera positive sous deux aspects.
Premièrement, la grève a délégitimé d’une certaine façon l’État néolibéral qui prétend garantir un système éducatif « de qualité » et « libre et public ».
Deuxièmement, à un niveau plus instructif, une grève d’un mois et demi a anéanti l’image d’un système scolaire fonctionnant « de façon lissée ». Et plus important, elle a détruit l’image de l’enseignant comme professionnel, un rouage de l’État pour l’application de son contrôle idéologique, et un « petit-bourgeois » qui, censément, profite de sa position privilégiée.
Néanmoins, la façon dont la grève a pris fin, avec aucune perspective future et aucun gain matériel, a des conséquences négatives et montre clairement qu’un fraction de la classe ouvrière ne peut pas gagner beaucoup si elle demeure isolée, quelque combative qu’elle soit.
C’est devenu patent au début de l’année lorsque le gouvernement a introduit une nouvelle loi qui était une attaque sur les bénéfices sociaux et les retraites. D’après cette nouvelle loi sur la sécurité sociale, il y aura un relèvement de l’âge de la retraite même pour les mères d’enfants en bas âge, une baisse du montant des retraites et une hausse du nombre de cotisations requises pour l’assurance maladie, quelque chose qui frappe durement, principalement les travailleurs jeunes, à temps partiel et précaires. Malgré l’attaque cinglante sur tous les travailleurs (étudiants compris), la résistance des enseignants et des étudiants fut très faible.
Juillet 2008
TA PAIDIA TIS GALARIAS (TPTG)
P.O. BOX 76149
N.Smirni
17110
Athènes, Grèce
Email : [email protected]
Comments
Le De profundis du démocratisme radical
dimanche, 21 janvier 2007
Aux dernières nouvelles Bové sera donc finalement quand même le candidat des collectifs antilibéraux. Après que Buffet - pour sauver ses députés et ses maires grâce à la mansuétude du « social-libéralisme » comme elle dit - ait essayé de les traiter comme le PS a traité la PC dans les années 80, les antilibéraux ont regimbé et désigné par acclamations « Josébové » comme leur candidat, ce dernier rebondissement ne change rien à la question qui me semble devoir se poser depuis quelques temps déjà : Le cycle du démocratisme radical est-il terminé ?
Ouvert en 1995 le cycle du démocratisme radical s’est peut-être globalement terminé autour de 2005. Un certain nombres de faits vont dans ce sens, je les cite ici en vrac :
Les régimes de gauche en Amérique Latines appliquent des politiques orthodoxes qui se rattachent soit au libéralisme le plus courant avec Lulla au Brésil et Bachelet au Chili, soit à un genre de blairisme 3ème voie avec Kirchner en Argentine, soit une politique de pur clientélisme rentier pour Chavez. Celui-là s’entoure d’une « bolibourgeoisie », pas pire que la bourgeoisie normale, qui gère la distribution d’une partie de la rente pétrolière à un prolétariat miséreux, c’est tant mieux, mais ça n’a rien à voir avec le développement durable et, l’économie solidaire, les altermondialistes vont encore devoir se trouver de nouveaux héros.
Les beaux jours des Forums Sociaux Mondiaux de Porto-Alegre et de la démocratie participative sont finis.
-ATTAC s’est effondré dans le ridicule d’un trucage des élections internes
Les FSM après Porto-Alégre, à Londres puis en Inde et en enfin en Afrique se sont banalisés et ne sont plus que des rencontres d’ONG et d’Humanitaires en quête de partenaires et de coopération avec les Etats locaux (surtout en Afrique).
Le cycle des contre-sommets combatifs ouvert à Seattle s’est terminé à Gênes L’objectif de démocratie des peuples s’évapore et ne laisse la place qu’à des revendications immédiates non articulées à un quelconque horizon prenant la suite de socialisme, non seulement tout horizon d’au-delà du capital a disparu depuis longtemps avec la disparition du programmatisme à la fin des années 80, mais dans la seconde partie des années 2000 même l’horizon démocrate - radical, horizon pourtant interne au capitalisme, a disparu.
En 2003 le démocratisme radical c’était le mouvement contre la guerre en Irak, cela aura été sa dernière manifestation importante.
Lors du mouvement contre le CPE il n’y a pas eu d’expression démocrate radicale, aucun contre-plan démocratique n’a été avancé, à l’inverse de ce qui c’était passé en 2003 lors du mouvement contre la réforme de retraites, où toutes sortes de contre-programmes pour défendre les 37,5 années de cotisations avaient été élaborés et où le démocratisme radical était tout simplement la langue spontanée de tous les participants au mouvement. Pour le CPE il n’y a eu aucune défense sérieuse du CDI et le seul contre-plan existant est resté dans le non-dit, puisqu’il s’agissait de la « sécurité sociale professionnelle » que les syndicats ont gardée sous le coude, tant c’est un projet qui entérine la précarisation et qui est partagé par le MEDEF et la gauche comme la droite politiques sans susciter d’opposition, ce qui prouve la profondeur de l’intégration de la restructuration dans les représentations sociopolitiques. Pendant le mouvement il n’a pas non plus été question de la mondialisation comme explication de la précarisation.
En 2005 le bon peuple avait répondu « merde » à la question « approuvez-vous ce qu’on vous fait ? » Mais la rhétorique altermondialiste n’avait plus embrayé, le refus pur et simple n’était adhésion à rien.
En France la tentative de faire un front pour capitaliser le « Non de gauche » a été un complet échec, elle se fondait sur l’idée que le « non » aurait été un « oui » à une autre Europe, un oui altermondialiste. De même la volonté d’articuler une candidature antilibérale au mouvement contre le CPE est un non-sens puisque le mouvement anti-CPE n’était pas démocrate-radical, ne portait aucune alternative, d’ailleurs on ne peut le comprendre en-dehors de son rapport aux « émeutes de banlieue » qui ne portait aucune revendication, mais était « antisocial », s’opposait au capital tel qu’il apparaît hors la production, comme la société.
Tout le corpus idéologique du Démocratisme Radical s’est évaporé, les luttes, dont il était l’expression des limites, ne génèrent plus une mise en forme de ces limites postulant une adéquation du capital à son image idéologique de producteur de la richesse et de donneur d’emploi. Les limites des luttes semblent immédiates à elles-mêmes, les luttes se réduisent à leur caractère revendicatif, elles ne se donnent plus comme pouvant être projet de réaménagement social, les militants DR ne « méritent plus de claques » on ne peut plus leur attribuer un quelconque rôle dans la limitation des luttes et dans leurs fins. Avec le CPE la chose a été aveuglante, le projet retiré, le mouvement s’est arrêté comme on éteint la lumière !
L’altermondialisme qui était la forme la plus connue et la plus synthétique du démocratisme radical a disparu totalement d’un paysage maintenant occupé par l’invraisemblable alliance Chavez - Ahmadinejab, sont caractère ubuesque souligne cruellement la disparition de l’altermondialisme intelligent des années 90, la fin de la rêvée 5ème internationale des rescapés du « pablisme ».
Du point de vue du caractère général des luttes, la situation serait donc que la contradiction du prolétariat au capital non seulement ne pose plus une appropriation du capital par la classe du travail (le socialisme du programme), mais ne pose pas non plus une mise en conformité du capital à lui-même comme travail social dans le partage des richesses (l’économie solidaire et le développement durable). On peut imaginer que l’alternativisme (qui est l’essence du DR car ce qui doit succéder au capital est un « autre » développement de ce qui est, au sens propre une alternative et pas un dépassement révolutionnaire) est aussi obsolète de même que l’immédiatisme - qui considère que la révolution est toujours immédiatement possible - ne pouvant plus incriminer les citoyennistes, devrait reconnaître que la limite réelle des luttes c’est le capital qui se reproduit. L’alternativisme et l’immédiatisme qui se sont constitués dans le début du nouveau cycle de lutte - démarré à la fin de la restructuration - dans et par la liquidation du programmatisme, ne disparaîtront pas mais ne pourront plus faire l’impasse sur la crise économique du capital comme médiation au rapport révolutionnaire.
Cette petite chronique devrait paraître sur le site Meeting chaque 2ème et 4ème semaine du mois, ce sera soit un texte provoqué par un événement du moment, soit un document moins d’actualité, mais qui ne constitue pas à priori une proposition d’article pour Meeting-papier.
Tempus Fugit
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Le De profundis du démocratisme radical, leniveleur, 24 janvier 2007mais le cadavre bouge encore, il me semble
Tu y vas peut être un peu vite en besogne pour enterré le démocratisme radical
Ce qui me gêne c’est que tu ne parle que l’exemple français, le démocratisme radical est il propre à notre beau pays ?Et ce qui vient de se dérouler au Mexique pendant des mois c’est quoi ?
Amitiés
Leniveleur- Le De profundis du démocratisme radical, , 26 janvier 2007
Hey Theleveler ! et Salut à tous,
Oui le cadavre du DR bouge encore, oui ce n’est pas qu’un phénomène spécifique à la France et à la Navarre, j’ai évoqué les FSM de Porto Alègre, Lula, Chavez, Kirchner , mais le Démocratisme radical comme orientation synthétique, comme idéologie cohérente et englobante me semble plus qu’à l’agonie, et dans le texte que tu as mis sur la liste Meeting et que j’ai demandé de mettre à la suite de ma chronique il y a je crois une confirmation de ma formule : « Les FSM après Porto-Alégre, à Londres puis en Inde et en enfin en Afrique se sont banalisés et ne sont plus que des rencontres d’ONG et d’Humanitaires en quête de partenaires et de coopération avec les Etats locaux (surtout en Afrique). » puisque voici se qu’on y trouve : « Une optique « basiste » qu’il s’agit de mettre en oeuvre ‘dès maintenant, immédiatement’, sans attendre l’apport miraculeux d’éventuelles révolutions lointaines. Les espaces à conquérir abondent : ‘La lutte contre le sida en Afrique pour assurer la prévention et les médicaments nécessaires aux malades, les nouvelles variantes de l’économie solidaire en construction ou les logiciels libres d’informatique représentent des défis importants’. » . Je n’ai pas beaucoup réfléchi à Oaxacha et je ne peux rien en dire de sérieux mais il m’a semblé que ce mouvement ne se conformait pas aux conceptions de l’EZLN, qu’il ne développait pas un discours se voulant de portée « intergalactique » que le mouvement se centrait sur un objectif précis le retrait du gouverneur et d’ailleurs que les communautés indigènes se sont mises de côté quand elles ont vu la façon dont ça tournait, (tout ça sous toute réserve bien sûr). En tout cas bien finis les contre-sommets, bien finie la taxe Tobin, bien finie l’autre mondialisation. La déconfiture apparente du DR en France n’est qu’un symptôme mais un symptôme important si l’on pense à l’audience internationale du Monde Diplomatique avec ses éditions en une dizaine de langues, et à l’écho qu’a eu notre « french farmer » national.
Le démocratisme radical n’a jamais été l’obstacle à la communisation le DR, idéologie se construisant sur les limites des luttes et les mettant en forme ne produisait pas (ou ne produit toujours pas) ces limites, donc s’il est, comme je l’avance ici, réduit à n’être plus qu’un ectoplasme cela ne n’ « ouvre la voie » à rien. Il y aura toujours DES discours démocratiques s’articulant aux luttes, la question c’est l’existence d’un CORPUS et de structures allant avec, promouvant une alternative d’ensemble au libéralisme et/ou au capitalisme.Pour donner encore un exemple franco-français, la Ségo a réussi, au moins dans sa bagarre contre les éléphants du PS, à recycler les éléments les plus digestes (déjà pourrissant) du DR : la démocratie participative, l’expertise citoyenne, prendre le pouvoir pour le rendre au peuple en restant à son écoute ( « commander en obéissant » disait le « SOUS commandant »), il est probable que cette captation d’héritage n’a pas été pour rien dans l’explosion des antilibéraux, même si le recul du PC devant son sabordage est aussi essentiel.
Pour finir, la question c’est : Est-ce que les luttes de classe actuelles portent encore le DR comme LEUR mise en forme ?
- Le De profundis du démocratisme radical, , 26 janvier 2007
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« Réinventer l’émancipation » : quelle voie vers la démocratie radicale ?, , 26 janvier 2007ecrit par SERGIO FERRARI, NAIROBI, Date : Mercredi, 24 janvier @ 00:00:00
Sujet Solidarité
in "le courier"
DEBAT - En Afrique comme en Amérique, les acteurs sociaux s’interrogent sur leurs relations avec le pouvoir politique et les partis. Echos du Forum social mondial.Beaucoup des grands thèmes politiques et internationaux de l’actualité ont « atterri » pour quelques jours dans la capitale kenyane. La septième édition du Forum social mondial (FSM) constitue un cadre propice pour les approfondir à la chaleur des apports des acteurs sociaux les plus variés. La relation entre les mouvements sociaux, la société civile en général, les partis politiques et l’Etat a occupé différents espaces de discussion ces derniers jours, confirmant des différences sensibles entre l’Afrique et l’Amérique latine et à l’intérieur de ces continents mêmes.
Changer le pouvoir
« Cela n’est pas seulement un débat essentiel, mais un exercice qu’il faut absolument approfondir », affirme Antonio Martins, cofondateur du FSM en 2001 en représentation d’Attac-Brésil. Et quand il dit « essentiel », M. Martins sait qu’il provoque la colère de certains militants de la gauche internationale qui attribuent aux mouvements un « rôle subalterne », ceux-ci devant « chaque quatre ou cinq ans, au moment des élections, transférer leurs décisions aux partis ». « Il faut réviser les conceptions qui considèrent les partis politiques comme représentants et les mouvements sociaux comme représentés », insiste le jeune militant brésilien.
Membre du groupe qui organise le conclave africain, Antonio Martins revendique l’apport significatif du FSM comme espace-clé pour débattre et construire une nouvelle culture politique citoyenne, car « sans une forte pression des mouvements sociaux, on ne modifiera pas les mécanismes du pouvoir ». Son programme est clair : « Réinventer l’idée d’émancipation, ré-élaborer le concept de démocratie à partir de la participation et délégitimer la violence du système. »
Une optique « basiste » qu’il s’agit de mettre en oeuvre « dès maintenant, immédiatement », sans attendre l’apport miraculeux d’éventuelles révolutions lointaines. Les espaces à conquérir abondent : « La lutte contre le sida en Afrique pour assurer la prévention et les médicaments nécessaires aux malades, les nouvelles variantes de l’économie solidaire en construction ou les logiciels libres d’informatique représentent des défis importants. »
« Les relations entre les partis et les mouvements sont complexes et sont conditionnées par l’existence d’un pouvoir d’Etat », modère Javier Díaz Canseco, militant du Parti socialiste péruvien. Défendant les structures partisanes, il souligne que « les mouvements sociaux - et pas seulement les partis - pratiquent aussi des négociations avec l’Etat. »Codifier les rapports entre mouvements et partis
Pour le militant péruvien, aujourd’hui, en Amérique latine, ont lieu des phénomènes novateurs tels que « l’émergence des peuples indigènes qui ont une autre conception de la démocratie ». La démocratie participative que ces peuples défendent et exercent prouve que « la démocratie n’est pas une invention de l’Occident ».
M. Díaz Canseco voit dans le FSM le résultat d’une construction collective « entre mouvements et partis » et propose, pour le futur, une série de « codes » qui permettraient d’assurer une relation correcte entre partis et acteurs sociaux : l’autonomie des uns envers les autres, la transparence dans l’échange, le contrôle mutuel et un suivi attentif envers ceux qui détiennent le pouvoir.
Leopoldo Mansai, militant social et membre d’une ONG chrétienne du Cameroun, acquiesce : « La priorité est de redéfinir la relation de la société civile de [son] pays avec les partis politiques. » Récemment créés, ceux-ci ont encore pour objectif d’assurer la réélection des gouvernants.Contrôler, dialoguer
Analysant la jeune histoire politique camerounaise depuis l’indépendance, M. Mansai souligne le rôle joué par la société civile - en dialogue avec les partis - pour élaborer la Constitution de 1996 et pour observer les dernières élections de 2002, évitant des risques de fraude. Des priorités, commente Titi Nwel, de la Commission Justice et Paix de l’Eglise catholique camerounaise, qui en disent long sur les différences de dynamiques politiques et même de nature de la société civile entre l’Afrique et l’Amérique.
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Le De profundis du démocratisme radical, , 7 février 2007Déclaration adoptée le 24 janvier 2007 par l’Assemblée des Mouvements sociaux réunie à Nairobi lors du 7e FSM [1]
Nous, les mouvements sociaux d’Afrique et du monde entier, nous sommes venus ici à Nairobi, au Forum Social Mondial (FSM) 2007 pour célébrer l’Afrique et ses mouvements sociaux ; l’Afrique et son histoire permanente de lutte contre la domination étrangère, le colonialisme et le néo-colonialisme ; l’Afrique et ses contributions à l’humanité ; l’Afrique et son rôle dans la quête d’un autre monde.
Nous sommes ici pour célébrer et réaffirmer l’esprit du Forum Social Mondial qui est un espace de lutte et de solidarité ouvert à tout le monde et aux mouvements sociaux quelle que soit leur capacité de paiement.
Nous dénonçons les tendances à la marchandisation, à la privatisation et à la militarisation de l’espace du FSM. Des centaines de nos frères et sœurs qui nous ont souhaité la bienvenue à Nairobi, ont été exlu(e)s en raison des coûts élevés de participation.
Nous sommes également profondément préoccupés par la présence d’organisations qui travaillent contre les droits des femmes, les droits des secteurs marginaux et contre les droits sexuels et la diversité en contradiction avec la Charte des Principes du FSM.
L’Assemblée des mouvements sociaux a créé une tribune pour que les Kenyans, Kenyanes et les autres Africains et Africaines, venus de divers horizons, présentent leurs luttes, leurs alternatives, leurs cultures, leurs talents et leurs capacités. C’est aussi un espace pour que les organisations de la société civile et les mouvements sociaux interagissent et partagent les thèmes et les problèmes qui les touchent.
Depuis la première assemblée en 2001, nous avons contribué à édifier et à consolider avec succès les réseaux internationaux de la société civile et ceux des mouvements sociaux. Nous avons renforcé notre esprit de solidarité et nos luttes contre toutes les formes d’oppression et de domination.
Nous reconnaissons que la diversité des mouvements et des initiatives populaires contre le néo-libéralisme, l’hégémonie du monde capitaliste et les guerres impérialistes, sont une expression de la résistance mondiale.
Nous devons maintenant avancer vers une étape d’alternatives effectives. Beaucoup d’initiatives locales existent déjà et elles doivent être amplifiées : ce qui se passe en Amérique latine et dans d’autres parties du monde - grâce à l’action conjointe des mouvements sociaux - montre le chemin pour mettre en pratique des alternatives concrètes à la domination du capitalisme mondial.
En tant que mouvements sociaux des cinq continents réunis à Nairobi, nous exprimons notre solidarité avec les mouvements sociaux d’Amérique latine dont les luttes persistantes et continues ont conduit aux victoires électorales de la gauche dans plusieurs pays.
Actions
Nous appelons à une ample mobilisation internationale contre le G8 à Rostock et Heiligendamm (Allemagne) du 2 au 8 juin 2007.
Nous mobiliserons nos communautés et mouvements le Jour de l’Action Internationale en 2008.
Nairobi, 24 janvier 2007
Notes :
[1] Plus de 2000 personnes participaient à cette assemblée qui a été animée par Trevor Ngwame d’Afrique du Sud et Wahu Kaara du Kenya.
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Le De profundis du démocratisme radical, Patlotch, 16 février 2007Grand bon soir à toussétoutes, bonsoir de bons soirs grands !
Ces réflexions théoriques à partir d’éléments très concrets rejoignent mes fumosités d’un temps, sur la pertinence du démocratisme radical comme cycle jusqu’à la révolution.
Sinon, très bonne initiative que cette chronique, et bonne mesure que d’avoir suspendu, ne serait-ce que pour un temps, le genre forum. La forme me semble plus compatible avec le bon rythme, le juste tempo, dans lequel peuvent s’exprimer des idées fécondantes, confondantes, ou confrontantes. Poil aux denses.
Bon courage à toussétoutes donc.
Amical’
- Le De profundis du démocratisme radical, FC , 2 mars 2007
En plus de voir finir le démocrartisme radical, expression qui comprends ceux qui luttent contre le citoyennisme, le citoyennisme, l’alternativisme et même l’immédiatisme, vous souhaitez également l’agonie de la société capitaliste et conssumériste. Je n’y voit rien à redire et donc ne questionerais ni votre tactique, internet et quelques brochures en langage codé mais je suis chagrin que votre théorie communiste manque de modernité, quid de la critique du patriarcat comme système économique utile aux multiples reproduction des élites et des classes, des luttes homosexuelles en tant que critique de la répréssion sexuelle ?
- Le De profundis du démocratisme radical, Sinistre Spectacle, 16 mars 2008
Thèses sur leur démocratie
« La démocratie, c’est Sarkozy. »
Une banderole (Rennes, novembre 2007)
« Pourquoi les chiffres fascinent-ils tant de simples d’esprit et les impatients toujours friands de références et de certitudes ? Un chiffre ne se discute pas, en quelque sorte par définition ; il y a bien une virilité imbécile du chiffre entêté et toujours prêt à s’abriter derrière une espèce d’immunité scientifique. »
Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs, De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés
I
Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, les partisans de l’ordre établi, de gauche comme de droite, n’ont qu’un mot à la bouche : démocratie. Selon leur idéologie, un homme politique est « légitime » dès lors qu’il a été « élu démocratiquement ». En France, pour être élu démocratiquement président, il faut obtenir 50% des voix plus une voix, lors d’un vote à bulletin secret au suffrage universel ( ?) direct. A ce titre, Sarkozy bénéficie d’une « forte légitimité populaire » puisqu’il a obtenu pas moins de 53% des voix le 6 mai dernier. La conclusion logique de tout ceci nous est matraquée quotidiennement par les journalistes aux ordres : si Sarkozy est « légitime », ses « réformes » le sont aussi, donc sont « illégitimes » et « anti-démocratiques » toutes les tentatives d’opposition à la politique sarkozienne.
II
Les sarkozystes, de droite comme de gauche, avoués ou honteux, hommes politiques, journaleux ou autre, savent pertinemment qu’il ne leur sera pas possible de se servir durant 5 ans des minables « 53% » du 6 mai 2007 comme d’un bouclier. D’où l’utilité du recours aux sondages : grâce à des instituts de sondages tels que l’IFOP (appartenant à Laurence Parisot, présidente du MEDEF), c’est le 6 mai 2007 tous les jours ! 57% des Français adorent Sarkozy par ci, 60% des Français condamnent la grève par là, une majorité de Français approuvent les tests ADN… et ainsi de suite. Le seul problème, c’est que ces sondages ne valent rien : les échantillons de « sondés » ne sont pas « représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus » (ce qui est l’extravagante prétention des instituts de sondage), ils sont uniquement représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus acceptant de répondre au sondage. De surcroît, au risque d’enfoncer une porte ouverte, la formulation des questions joue pour beaucoup dans les réponses obtenues : voila pourquoi plusieurs sondages réalisés le même jour et portant sur le même thème aboutissent à des résultats très différents.
III
L’invocation permanente des si merveilleusement démocratiques « 53% » du 6 mai 2007 et la mise en avant des divers sondages favorables à Nicolas Sarkozy participent d’une seule et même problématique : il s’agit pour la bourgeoisie de trouver une justification à la poursuite et la radicalisation des contre-réformes néo-libérales (initiées par le social-démocrate François Mitterrand il y a 25 ans) sans se référer à une quelconque morale. En effet, la bourgeoisie ne peut pas se référer à sa propre morale, en tant que classe sociale, pour une raison simple : elle n’en a pas, elle est parfaitement amorale. Seul compte pour elle le pognon. Habituellement, elle s’en fout plein les poches par des méthodes nettement répréhensibles (guerres impérialistes, exploitation des esclaves salariés…), mais elle ne répugne pas non plus à s’enrichir grâce à la pléthorique et très hypocrite industrie de la bonne conscience : CD pour sauver le Darfour, livres de Nicolas Hulot, produits bio, places pour le prochain concert du chanteur degauche à la mode, cartes d’adhérent au Parti Socialiste ou à Attac... Certes, il faut reconnaître que Sarkozy s’acharne (en fait, depuis 2002) à redonner un nouveau souffle aux religions et à leur morale toujours en faveur des riches : en nommant la catholique intégriste Christine Boutin dans son gouvernement (et une ou deux musulmanes, pour ne pas faire de jaloux), en promettant la destruction de la loi de 1905 sur la laïcité, et cætera. Mais les classes populaires du pays sont massivement athées, et il est probable que les curés – même secondés par les imams, les rabbins et autres gourous – échouent à les convaincre de l’utilité de se faire exploiter plus pour gagner moins. Et, de toute façon, Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa et sa clique savent pertinemment que remplir de nouveau les lieux de cultes de pauvres est un projet de longue haleine ; d’où, en attendant un hypothétique succès de ce projet, le rappel fréquent des « 53% » et, surtout, des derniers sondages bidons en date.
IV
Les réactions des partisans de l’ordre établi face au mécontentement généré par la politique sarkozienne – et, surtout, face aux formes par lesquelles il s’exprime – aident à comprendre ce qu’est, pour eux, la démocratie. Quand le premier ministre François Fillon dénonce les actuelles grèves dans les facs comme étant « politiques », cela peut surprendre quelques personnes crédules qui se demanderont : comment nos dirigeants peuvent-ils se réclamer de la démocratie tout en faisant un usage dépréciatif de l’adjectif « politique » ? C’est très simple : pour la classe dirigeante et ses laquais, la démocratie idéale est une démocratie-marché dans laquelle l’individu-consommateur bénéficie de tout un tas de libertés de choix : Leclerc ou Auchan, Quick ou Macdo, TF1 ou Arte, VSD ou Paris Match, et bien d’autres dilemmes tout aussi cruels… Pour ce qui est de la politique, par contre, dans la démocratie si chère à nos gouvernants, cela consiste uniquement à choisir, à chaque élection, entre quelques candidats qui se disputent sur la manière adéquate de gérer le capitalisme mais qui, tous sans exception, acceptent le postulat de base du caractère éternel de l’État et des classes sociales.
V
Dans la conception dominante de la démocratie, il est préférable que les masses ne s’intéressent pas à la politique. C’est pour cette raison que nos dirigeants n’hésitent pas à faire ouvertement l’éloge de la « majorité silencieuse », celle qui ne prend pas part activement à la vie de la Cité. Ce concept de majorité silencieuse est, pour le Pouvoir, un joker de luxe : à chaque fois qu’il est un tant soit peu dérangé par les actions de tel ou tel secteur de la population (jeunes des quartiers populaires/cités qui caillassent les flics, salariés du public en grève…), il peut opposer à celui-ci sa fameuse « majorité silencieuse » qui condamne lesdites actions. Et, puisque cette fameuse « majorité » favorable au gouvernement est « silencieuse », ceux qui l’invoquent sont, bien entendu, dispensés de prouver qu’elle existe.
VI
Cette glorification de la « majorité silencieuse » par la bourgeoisie et ses merdias se change instantanément en une haine non dissimulée pour les classes populaires à chaque fois qu’il n’est plus possible de cacher le fait qu’elles sont majoritaires – au regard même des critères démocratiques dominants – à ne pas penser comme il faut (c’est-à-dire : à ne pas penser comme l’élite). Suite à la victoire du non lors du referendum du 29 Mai 2005, les partisans de l’Union Européenne capitaliste nous ont alors expliqué que ce salaud de peuple (en particulier ces salauds d’ouvriers, qui ont presque tous voté non) était tour à tour ou simultanément : nazi, inculte, ringard, réactionnaire, poujadiste, illettré, antisémite, nationaliste, archaïque, conservateur… De même, si la vaste majorité des salariés et de la jeunesse a soutenu les grandes grèves de février à avril 2006 – et que des millions d’entre eux ont pris part aux manifestations – ce n’est pas parce qu’elle avait de bonnes raisons de refuser le CPE et son monde… Non, détrompez-vous : c’est uniquement parce que tous ces gens-là n’étaient que des naïfs manipulés par les syndicats et l’extrême-gauche, ou alors des staliniens, ou bien des débiles inaptes à comprendre les sacrifices rendus nécessaires par la mondialisation, ou enfin des anti-démocrates qui osent demander le retrait d’une loi votée par les députés – ces inénarrables « représentants de la Nation ».
VII
La réponse des gouvernants aux récents blocages (des trains par les cheminots, des avions par les stewards et les hôtesses d’Air France, des facs par les étudiants…) est sans ambiguïté : envoi des CRS, des gendarmes mobiles, matraquages, lacrymos, gardes à vue, projet d’élargissement du service minimum au transport aérien, assimilation des grévistes à des « terroristes », menace d’intervention de l’armée... Ces réactions de fureur nous rappellent opportunément que « la démocratie-marché sera fluide ou ne sera pas » (cf. Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs…), que les flux (de marchandises, de personnes, d’informations…) y jouent un rôle prépondérant et que sa devise est : « tu bouges ou tu crèves ! » (Ibid).
VIII
Le blocage des facultés nous permet de constater encore une fois que le vote à bulletin secret est une arme entre les mains des anti-grévistes. Ces derniers savent bien que les grèves commencent à main levée et se terminent à bulletins secrets. Le président de la République le sait aussi, qui veut rendre obligatoire le vote à bulletin secret au bout de huit jours de grève dans une usine, une administration ou une faculté. Ce type de vote – que l’on veut nous imposer au nom de la démocratie, mais qui rend possible bien des tricheries – est complètement en phase avec la présente tendance à déresponsabiliser les masses, à les infantiliser, à faire en sorte qu’elles n’aient rien à assumer – et surtout pas leurs opinions politiques. Les partisans de la conception dominante de la démocratie rejettent le vote à main levée parce que la démocratie dont ils font l’apologie ne peut fonctionner que si la société n’est, conformément aux fondements de l’idéologie « libérale », qu’un agrégat d’individus égoïstes préoccupés uniquement par leur intérêt personnel. Or, lors d’un vote à main levée en AG, après débats, chacun se détermine en tant que membre d’un collectif. Le vote à bulletin secret est nettement plus acceptable, puisque les individus passent par un isoloir – le terme n’est pas anodin – avant de glisser leur bulletin dans l’urne. Cependant, le vote à bulletin secret sera bientôt remplacé par le vote électronique à domicile, qui permettra encore plus de fraudes et règlera également le fâcheux problème posé par tous ces gens qui ont tendance à discuter – catastrophe ! – aux abords des bureaux de vote.
IX
Lorsqu’ils sont confrontés à ceux qui dénoncent le charlatanisme de leur démocratie de consommateurs apolitiques, atomistiques et fluides, les valets du système capitaliste s’en sortent très souvent par une acrobatie sophistique du genre de celle-ci : « mais, au fond, puisque vous aimez si peu la démocratie et que vous êtes communistes, pourquoi n’iriez-vous pas vivre en Corée du Nord ? ». Certes, le caractère outrancier de la question lui ôte son pouvoir de nuisance. Mais, parce que des propos de ce type sont récurrents – un président d’université, ancien mao mais toujours salaud, ne vient-il pas de traiter les grévistes de « Khmers rouges » ? – ils requièrent qu’on y consacre quelques lignes. Tout d’abord, remarquons que le régime nord-coréen n’est guère plus dictatorial que le régime gabonais que Sarkozy considère comme démocratique (cf. ses propos du 27.07.2007, à Libreville). Parions que si les dirigeants nord-coréens annonçaient la découverte dans leur pays d’importantes réserves de pétrole ou de gaz naturel, il ne s’écoulerait pas une heure avant que Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa ne range Kim Jong-il dans la catégorie des « démocrates ». Quant à Bernard Kouchner, s’il n’a pas encore rédigé de rapport affirmant que les travailleurs nord-coréens sont bien traités, c’est simplement parce que le groupe Total, son employeur, ne le lui a pas demandé. Le stalinisme, dans toutes ses variantes, est coupable du meurtre de millions d’exploités, à commencer par les plus révolutionnaires d’entre eux ; et la clique bureaucratique au pouvoir en Corée du Nord a beau être peinte en rouge, elle n’en reste pas moins une classe dominante donc, pour nous, une cible à abattre. De plus, les staliniens ont à maintes reprises volé au secours du pouvoir français (lors des grandes grèves de 1936, à la Libération, en Mai 68…) et, sans leur précieux concours, il y a bien longtemps qu’une révolution l’aurait balayé. Ce sont donc les philistins démocrates qui auraient une bonne raison de faire un pèlerinage en Corée du Nord : c’est grâce au stalinisme (de notre point de vue : à cause de lui) que la forme de démocratie dont ils se réclament perdure.
X
Les démocrates bien-pensants aiment voir partout des atteintes à leurs « libertés » (liberté d’étudier, liberté de travailler, liberté de circuler…) et les dénoncer vigoureusement. Ces dénonciations horrifiées paraîtraient plus sincères si leur conception étriquée de la liberté (selon la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, qu’ils invoquent fréquemment contre les grévistes, « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ») ne s’était pas imposée hier par des méthodes qu’ils condamnent aujourd’hui lorsque d’autres y ont recours. En effet, pour que la bourgeoisie française triomphe de la monarchie absolue et la remplace par un régime parlementaire, il a fallu en passer par des mesures éminemment dictatoriales et liberticides (y compris, bien sûr, avant la période robespierriste de la Révolution). Seulement, la Révolution française ne relève pas de l’actualité, elle fait partie de l’Histoire. Comme la connaissance historique tend à disparaître, les bataillons de démocrates militants ont beau jeu de montrer du doigt les « fachos d’extrême-gauche » (rien que ça !) qui entravent leur « liberté ». Mais si l’on demandait à ces fervents démocrates de renoncer immédiatement à bénéficier de toutes les avancées sociales et économiques qui résultent de luttes populaires et non pas d’un vote à bulletin secret au suffrage universel, combien s’y risqueraient ? Ce serait pourtant la moindre des choses, s’ils veulent être en accord avec leurs idées. S’il y en a parmi ces gens-là qui se soucient de la cohérence de leur démarche, on ne saurait trop leur conseiller de travailler à une interprétation globale de l’histoire de France, avec pour boussole leur conception de la démocratie. N’en doutons pas, le résultat serait détonnant : on imagine d’ici les passionnants développements sur les thèmes « insurrection de juillet 1830 : un complot des barricadiers contre la liberté de circulation des Parisiens », « grève des cheminots d’août 1944 : les soldats allemands pris en otage » ou encore « 2 décembre 1851 : des prolétaires hostiles à la démocratie se soulèvent contre un président élu au suffrage universel ».
XI
Quant à nous, nous disons clairement que les grèves, insurrections et révolutions dont nous nous voulons les continuateurs ont toujours été, du moins à leur commencement, le fait d’un nombre restreint d’individus. Mais les minoritaires d’hier – Sans-Culottes, Communards, Résistants – dominent les sommets de l’Histoire tandis que les « majorités silencieuses », si chères à l’orthodoxie démocrate, n’y ont aucune place. Si cela peut consoler ces braves démocrates, dans la panoplie des misérables « libertés de… » dont ils disposent, il y a aussi celle de regarder silencieusement – quand ce n’est pas, carrément, en applaudissant des deux mains – les capitalistes mettre à mort la planète. Comprenez-les : après tout, les Bush, Sarkozy, Merkel, Prodi et Cie sont parfaitement légitimes … N’ont-ils pas été élus démocratiquement ?
Thèses sur leur démocratie
- Le De profundis du démocratisme radical, Sinistre Spectacle, 16 mars 2008
- Le De profundis du démocratisme radical, FC , 2 mars 2007
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Lip en avant vers le passé ! Ou on vous l’avait bien dit!
jeudi, 3 mai 2007
Dans une petite chronique précédente « L’autogestion, piège à cons » je constatais que lors de la rencontre de Marseille, « les raisons de la projection du film du Chilavert ont été assez mal comprises, puisque plusieurs participants ont dit que ce document aurait pu être présenté par des gauchistes faisant l’apologie de l’autogestion. Cette critique implique une vision normative de la révolution s’énonçant ainsi :
« Puisqu’il est établi entre nous que la révolution ne saurait être la gestion des entreprises par les travailleurs quel intérêt y aurait-il à en connaître le détail et à entendre ces travailleurs se féliciter de travailler ‘à leur compte’ ? »
Cette condamnation de l’autogestion de ces entreprises récupérées dans la situation de l’Argentine dans ce moment là précis, je la qualifie de « normative » car ne prenant pas en compte la situation d’ensemble de la lutte des classes dans le cadre d’une crise catastrophique – locale du point de vue du capital mondial, et c’est sa limite absolue- mettant l’Etat en grandes difficultés ; cette condamnation de l’autogestion fixe une norme au processus révolutionnaire elle le nie comme processus. C’est toujours la dynamique d’ensemble de la lutte de classe qui est déterminante et l’extension du mouvement des récupération aurait été le dépassement des récupérations, le dépassement de l’autogestion l’enclenchement du mouvement d’abolition du capital et de classes, la communisation, ce n’aurait pas été la transcroissance de l’autogestion mais son dépassement produit dans la crise révolutionnaire générale. Il ne s’agit pas de dire que la révolution a manqué avoir lieu mais de s’intéresser, de se lier au moins théoriquement à ces luttes d’expropriations ; ces luttes que seront prises dans les conflits de leurs dépassement dans le mouvement de communisation contre une dimension incontournable de socialisation potentiellement porteuse de contre-révolution.
Il se trouve que sort maintenant le film « Lip l’imagination au pouvoir » cette sortie nous est vantée ainsi dans le petit journal de présentation :
« Lip est resté dans la mémoire de ceux qui ont milité dans l’après 68 comme un sommet, certes, mais surtout comme l’affaire de chacun. Qui parmi ceux qui ont vécu cette période, ne porte pas en lui un petit bout de Lip, un lambeau de mémoire en éveil, sa façon à lui d’avoir vécu le conflit ? Lip on y est tous un peu pour quelque chose. Qu’on soit d’ici ou de là, on a fait des grèves de soutient, collé des affiches, diffusé le journal Lip-unité, participé à des galas, vendu des montres, on est allé à Besançon visiter l’usine, on a fait la manif monstre sous la pluie, tenté de boycotter la banque qui étranglait Lip, on a diffusé des films, des casettes, des chansons, fait des meetings, on est allé sur le Larzac, on a encouragé d’autre travailleurs à imiter les Lips… »
La critique de l’autogestion a été faite radicalement au sein du courant qui promeut la communisation au moment même où l’autogestion a fait irruption dans les perspectives révolutionnaires il y a trente ans et c’est cette critique que nous avons entendue énoncer de manière intemporelle à cette réunion et l’occasion est bonne pour la republier.
Le texte qui suit est la reproduction de la deuxième partie de l’analyse parue dans le N° 3 de la revue Négation en 1974, sous le titre « Lip et la contre-révolution autogestionnaire ». Dans ses limites, qui sont celles de la théorie de l’autonégation du prolétariat, cette analyse a le double mérite d’avoir été faite à chaud et de n’être pas trop normative. Ses fondements sont exposés dans « le Prolétariat comme destructeur du travail » reproduit dans l’anthologie Rupture dans la théorie de la révolution - Textes 1965-1975 parue aux éditions Senonevero. On peut aussi lire la présentation générale des textes, « La Production de la rupture », sur le site de L’Angle mort.
LE « CAS » LIP
« Ce socialisme ne consistera pas à permettre à l’ou- vrier de sortir de l’usine avec une paire de chaussures en bandoulière ; et ceci, non parce qu’elles auraient été volées au patron, mais parce que cela représenterait un système ridiculement lent et lourd de distribution des chaussures à tous. » (Bordiga, Propriété et Capital)
Des ouvriers licenciés s’assurant eux-mêmes leur salaire grâce à la vente de la marchandise produite sous leur propre direction, le geste était spectaculaire et leur valut d’ailleurs la célébrité. La lutte des ouvriers de Lip portant atteinte au droit de propriété sur les moyens de production et tendant à la réappropriation du produit par les producteurs semblait renouer avec un mouvement qui devait faire passer la direction de l’appareil social de production aux mains de la classe ouvrière. Or cette perspective était le propre du mouvement ouvrier, produit d’une époque de la lutte de classes où le capital ne dominait que formellement le procès de travail et la société.
Si la lutte des ouvriers de Lip a pu s’inscrire initialement comme manifestation du mouvement ouvrier, c’est parce qu’elle a été déterminée, dans le cadre de l’entreprise Lip, par des rapports sociaux entre le capital et les prolétaires largement identiques à ceux qui ont produit le mouvement ouvrier. Mais le cadre plus vaste de la société capitaliste nationale et internationale a aussi conféré à cette lutte son actualité : la propriété personnelle des moyens de production est devenue aujourd’hui une entrave à la propriété capitaliste qui n’a plus besoin de propriétaires, mais de gestionnaires. Aussi l’actualité de la lutte des ouvriers de Lip ne tient-elle pas à la tendance à la réappropriation, mais bien plutôt à la tendance à la gestion du capital par les ouvriers eux-mêmes : Lip est devenue une foire à l’autogestion. Ceci, d’ailleurs, sans intention délibérée des travailleurs de Lip qui demandaient seulement un patron capable d’assurer leur survie.
Lip : une manufacture
à l’époque de la domination réelle du capital
Le conflit Lip s’est produit dans un secteur (l’horlogerie) où la domination du capital ne s’est pas encore parachevée en domination réelle. Plus exactement, la domination réelle du capital sur l’ensemble de la société n’y a pas encore promu le procès de travail spécifiquement capitaliste.
La soumission formelle précède historiquement la soumission réelle. Mais dans certaines branches de la production, « cette dernière forme qui est la plus développée peut constituer à son tour la base pour l’introduction de la première » (Marx, Un chapitre inédit du Capital, éd. 10/18, p 201).
Dans la production horlogère, la forme de la production capitaliste correspondant à la soumission réelle du travail au capital s’empare d’abord de la production des pièces détachées : cette production est assurée par des machines-outils servies par des O.S. Cette partie de la production à haut degré de productivité a permis d’introduire la forme capitaliste dans la production des montres, sur le mode de la domination formelle du capital sur le procès de travail de montage des montres, dans le cadre d’une manufacture. (Avant la manufacture, le montage des montres se faisait dans le cadre d’un mode de production artisanal, par les artisans horlogers du Jura et de la Franche-Comté, « région de tradition horlogère ».) Le mode de production capitaliste s’emparant du montage des montres, la domination est d’abord formelle : les procédés techniques à ce niveau diffèrent peu de ce qu’ils étaient dans le mode de production artisanal. Le montage des montres pourra se poursuivre même après que les ouvriers auront été expulsés de l’usine : c’est dire l’importance du travail humain à ce stade de la fabrication. La manufacture repose sur le travail qualifié des ouvriers, et c’est bien parce que Lip est la dernière manufacture horlogère que sa fermeture pose un grave problème d’emploi : les travailleurs de Lip « ne pourront jamais retrouver un travail correspondant à leur qualification » (Lip, dossier d’information publié par la Commission Popularisation des travailleurs de Lip, p 9).
De plus, la production manufacturière repose sur une division du travail peu poussée : elle comporte la fabrication des matériels nécessaires à la fabrication complète d’une montre (c’est le fameux département des fabrications mécaniques).
En définitive, le capital Lip, opérant sur une échelle trop restreinte, incorpore au produit une quantité de travail excédant la moyenne sociale. Les grands producteurs américains et japonais produisent à l’échelle de la production de masse : la dimension de leurs capitaux permet de compenser la baisse du taux de profit, engendrée par l’élévation de la composition organique, par la masse du profit et les superprofits, car leur productivité plus grande fait jouer la péréquation du taux de profit en leur faveur. Dès lors, la domination de la société à l’échelle nationale et internationale se faisant sur le mode réel, une crise de maturation devait affecter le capital Lip, dont la forme de domination sur le travail était archaïque, s’exprimant dans le cadre de la production manufacturière : Lip doit disparaître en tant que capital indépendant et en tant que manufacture.
Or, autre trait archaïque, le capital Lip était la propriété d’une personne physique : Fred Lip. En tant que propriétaire de son capital, il tenta de s’opposer ou tout au moins de retarder la crise de maturation qui nécessitait sa dépossession. Il tenta de rationaliser sa production en introduisant une certaine taylorisation du montage des montres et de diversifier ses activités en créant un secteur machines-outils et un secteur équipement militaire. Ces essais de rentabilisation de la manufacture n’étaient que des palliatifs. Ce n’est pas comme on l’a dit parce qu’il était fantasque et brouillon qu’il a fait des fautes de gestion, c’est parce que la seule gestion conséquente était d’accepter l’intégration de son capital dans un ensemble plus vaste et l’abandon de la production manufacturière. Il n’a eu que le tort de vouloir éterniser l’indépendance de son capital, et pour cela il lui a fallu trouver des palliatifs, que l’on a baptisés « fautes de gestion » (ce qui montre bien le caractère ambivalent du conflit Lip, conflit retardataire au sein d’une situation avancée). Ces fameuses fautes de gestion n’étaient dues qu’au réflexe de défense du propriétaire devant la menace de sa dépossession.
L’accession à la domination réelle s’accompagne de la dissolution de la propriété personnelle du capital. C’est entre autres parce que la société capitaliste française est en train d’achever cette mutation que le cas Lip a pris une telle résonance à tous les niveaux de la société. Au cours du conflit, on a pu voir certains représentants du capital et les syndicats faire la critique de la propriété personnelle, à l’abri de laquelle et pour la défense de laquelle peuvent être commises des fautes de gestion dont ils soulignaient les conséquences sociales : cf Syndicalisme Hebdo (C.F.D.T.) : « Le droit actuel est le protecteur tout-puissant de la propriété privée des moyens de production. Entre les patrons, qui ne trouvent pas leurs profits assez élevés, et les travailleurs, qui risquent de se retrouver jetés à la rue, le droit tranche en fonction des premiers. » (cité par Le Monde du 9 août 1973)
« Les salariés ne doivent pas supporter les risques financiers de l’échec d’une gestion. » (Ceyrac, cité par Le Monde, 21 septembre 1973)
« Les fautes de gestion sont souvent payées à retardement par ceux qui ne les ont pas commises … Il n’est pas tolérable qu’on puisse mener une entreprise à sa perte, s’en retirer à temps, et couler des jours tranquilles quand des centaines de salariés sont menacés de chômage. » (L’Expansion, septembre 1973, p 100)
Aussi pour remédier à cette inadéquation, le gouvernement a fait voter une loi garantissant les droits des salariés en cas de faillite ; et les autorités locales se préoccupaient à l’époque de la situation des commerçants bisontins devant la disparition de 1300 salaires et de celle de nombreux sous-traitants.
On sait que Fred Lip n’a pas évité la perte de contrôle progressive de son capital : Ébauches S.A. prend 33% des actions en 1967, 43% en 1970, la majorité en 1973. Cette pénétration progressive d’Ébauches S.A. devait trouver naturellement son achèvement dans la transformation de la production horlogère, de manufacture fabriquant la totalité de ses matériels et pièces détachées, en atelier de montage alimenté en pièces détachées par les autres unités d’Ébauches S.A., réalisant ainsi une plus grande division du travail inter-entreprises.
Dans cette optique, il fallait licencier la force de travail surnuméraire : de 866 personnes, le personnel horlogerie devait passer à 620 (cf document 3, plan Ébauches S.A. du 8 juin 1973, in Lip 73, Seuil). Le plan Giraud avait retenu le même chiffre dans le secteur horlogerie ; mais il prévoyait la création d’un secteur de fabrication de boitiers, permettant de ramener à un niveau plus acceptable, pour les ouvriers en lutte, le nombre des licenciements. En cela, il se trompait, comme devait le prouver le rejet des accords de Dijon.
Mais Giraud était également désavoué par le patronat, et si les ouvriers avaient accepté son plan, on peut se demander s’il aurait obtenu les moyens de financement nécessaires. Le patronat reprochait à Giraud ses trop grandes concessions à la force de travail : « "M. Giraud est en train de nous bâtir un monstre", déclare une haute personnalité officielle intéressée de près au règlement de l’affaire Lip. » (Le Monde, 22 septembre 1973) ; « "Seule une réorganisation totale peut remettre à Lip à égalité de coût de production, donc de chances commerciales. Or l’on est déjà sûr que ce grand nettoyage n’aura pas lieu.", assure un horloger de Besançon. » (Le Monde, 22 septembre 1973). À la veille des accords de Dijon, la mise en garde de François Ceyrac était claire : « Il faut que le chef d’entreprise garde sa liberté dans le domaine de l’emploi. » (Le Monde, 7 octobre 1973)
Le plan Giraud souffrait d’un autre défaut aux yeux du patronat : il prétendait pouvoir se passer d’Ébauches S.A. Or celui-ci est le plus gros producteur européen de pièces détachées d’horlogerie, si bien que sa participation à Palente est de loin la solution la plus rentable ; en outre, c’était le principal créancier de Lip.
Rappelons que les dettes de Lip s’établissaient comme suit : 30 millions à Ébauches S.A. ; 15 millions aux fournisseurs (bracelets, boîtiers) ; 10 millions d’emprunts bancaires (Le Monde, 14 août). Se passer d’Ébauches S.A. signifiait donc lui rembourser ses dettes, et le plan Giraud avait donc besoin d’un financement minimum de 40 à 50 millions. Un tel handicap financier, conjointement à une structure productive où la force de travail était trop nombreuse : le projet était voué à la faillite.
Le plan Interfinexa de novembre 73 souffrait du même handicap financier. Son financement était de 40 millions, car il voulait se passer lui aussi d’Ébauches S.A. et faire appel à l’horlogerie française (Le Monde du 23 novembre 73). La Société Générale a refusé de financer ce plan, et il faut être le sieur Rocard pour croire ou dire que ce refus a été motivé par des raisons politiques.
Le plan Interfinexa-Bidegain-Neuchwander, qui a été adopté par le patronat et que les ouvriers ont finalement été contraints d’accepter, faute d’autre issue, présente, lui, un financement de 10 millions de capitaux privés et de 15 millions d’aide d’État (Le Monde, 2 février 74) auquel il faut ajouter 2 millions de reliquat des ventes sauvages !
Ce plan marque la réintégration d’Ébauches S.A. en tant que protagoniste de l’affaire, d’où économie de financement et perspective de rentabilisation accrue : le nouveau capital va opérer sur une échelle double de la précédente : Neuchwander précise que l’objectif est de fabriquer un million de montres par an, alors que la manufacture n’en produisait pas 500 000 … (cité par Le Figaro, 7 février 74). C’est la solution de la crise de maturation par l’accession de la production horlogère de Lip à la domination réelle.
C’est aussi la solution, dans le sens des intérêts du capital, de la contradiction interne à la revendication des ouvriers de Lip ; ils voulaient à la fois une bonne gestion du capital, les mettant à l’abri des licenciements, laquelle ne pouvait être que l’accession du capital Lip à la domination réelle, ce qui signifiait le licenciement de la force de travail excédentaire. Le plan Neuchwander-Bidegain « concilie » effectivement les deux pôles de la contradiction en subordonnant la réintégration plus ou moins complète des ouvriers à la bonne marche de la nouvelle entreprise.
L’autre revendication, le non-démantèlement, a trouvé elle aussi sa solution dans le sens des intérêts du capital. Le secteur machines-outils d’Ornans est indépendant depuis novembre 73 et, à Palente, l’horlogerie et les équipements militaires sont coiffés par une société holding, structure de mise en commun des capitaux et profits, qui ne laisse subsister aucun lien technique dans le domaine de la production.
On ne peut terminer ce chapitre sans faire remarquer que la Société Européenne de Développement horloger et mécanique comprend principalement dans son conseil d’administration les représentants de capitaux français tels que BSN, Rhône-Poulenc, Sommer, opérant dans les secteurs de la chimie et de la pétrochimie : nous avons vu au chapitre précédent la place et la signification qui reviennent à ces secteurs dans le cadre de la domination réelle du capital.
Le mouvement ouvrier chez Lip
« La revendication socialiste classique consiste dans l’abolition du salariat. Seule l’abolition du salariat comporte celle du capitalisme. Ne pouvant abolir le salariat dans le sens où l’on rendrait au travailleur la physionomie absurde et rétrograde de vendeur de son produit, le socialisme revendique dès sa formation l’abolition de l’écono- mie de marché. » (Bordiga, Propriété et Capital)
Quels qu’aient été ses développements ultérieurs, l’origine du conflit de Lip est indiscutablement prolétarienne en ce sens que l’impossible reproduction du capital de cette entreprise fit apparaître brutalement le statut de sans-réserves de ses ouvriers. Comme on l’a fait beaucoup remarquer, les difficultés de l’entreprise ne gênèrent pas la survie de son patron, Fred Lip. Les ouvriers, au contraire, étaient directement menacés dans leurs moyens d’existence, et ce d’autant plus que, comme nous l’avons rappelé, ils ne pouvaient trouver ailleurs une entreprise du même type (manufacture) qui les emploierait dans les mêmes conditions. Pour défendre leur survie, ils furent donc contraints de réagir. Mais comment ? Nous allons voir que tout le déroulement du conflit a été déterminé par l’isolement fondamental dans lequel ils se trouvaient et que l’on peut envisager d’un double point de vue, prolétarien et capitaliste.
D’un point de vue prolétarien, d’abord, car si l’impossibilité de la reproduction du capital Lip entraînait aussi celle du « prolétariat Lip », il n’en allait pas de même du reste de la société, et c’est évidemment là qu’est la cause réelle de l’échec de la lutte des ouvriers de Lip, par rapport à ses objectifs, et de sa non-radicalisation. C’est aussi pour cette raison que, dans le but de défendre leur salaire, ils furent amenés à faire une sorte d’apologie pratique du capital. Mais cela, ils l’ont fait sans choix préalable, et il est faux de prétendre qu’ils auraient pu opter pour des moyens plus radicaux. Ils agirent conformément à leur isolement réel de prolétaires en lutte contre la négation de leurs moyens d’existence. Pour ce faire, ils durent, entre autres, se constituer d’éphémères réserves sociales (main mise sur les stocks de montres terminées et de pièces détachées, fond de solidarité). Le moyen illégal de cette action a pu faire penser qu’une radicalisation serait possible avec le développement du conflit, à moins que les syndicats ne parviennent à la trahir ou la pervertir. C’est prêter aux syndicats un pouvoir qu’ils n’ont pas ; car comme le contenu de cette illégalité était la constitution de réserves - qu’on ne pouvait de plus traduire en monnaie - il était justement exclu qu’une radicalisation suive, puisqu’elles supprimaient pour les ouvriers la contrainte, du moins potentielle, à détruire le capital et le salariat. Et l’on retombe sur leur isolement profond de prolétaires, car seul un mouvement prenant racine dans des secteurs spécifiquement capitalistes eût permis de dépasser les limites intrinsèques à leurs lutte, en lui déniant son caractère purement ouvrier, en lui faisant en quelque sorte sauter une étape. Cette solidarité communiste eût évidemment été à l’opposé de la solidarité politique des autogestionnaires de tout poil, qui n’avaient d’autre souci que de renforcer cette fixation des ouvriers de Lip à leur entreprise.
En l’absence de mouvement de solidarité réelle, le caractère ouvrier de la lutte prévalut, au cours du développement du conflit, sur son origine prolétarienne : l’absence de réserves. Dans leur isolement, les ouvriers de Lip ne purent dépasser les conditions immédiates qui étaient les leurs, et c’est sur cette base qu’ils se lancèrent dans la lutte. Accrochés à leur manufacture, ils affirmèrent leur conscience de producteurs, et essayèrent de la réaliser pratiquement. Ils remirent donc en marche la production des montres. « Les Lip » - et c’est là l’origine de cette abjecte appellation populaire - devinrent un capitaliste collectif.
Ce qui est remarquable et caractérise Lip au plus haut point comme lutte du mouvement ouvrier, c’est que les travailleurs en lutte vont nier pratiquement la conséquence de la fermeture de leur usine (c’est-à-dire la suppression du salaire) en se versant eux-mêmes leur salaire, tel qu’ils le percevaient avant le 12 juin, date de l’annonce de la suspension des salaires :
« Nous avons reçu notre salaire habituel, celui que nous devait l’ancienne direction défaillante » (Lip, dossier d’information, op. cit.) Il ne s’agit pas seulement, en produisant et vendant des montres, de « financer » la grève - comme l’ont fait les ouvrières de Cerisay, en vendant les chemisiers qu’elles avaient fabriqué par leurs propres moyens, ou les travailleurs de chez Bouly (fabrique de bas et collants à Fourmies) qui décident d’exploiter leur violon d’Ingres, pour alimenter leur caisse de solidarité : « les unes tricoteront, crochèteront, coudront, tandis que les autres travailleront le bois et le fer forgé ; les produits ainsi obtenus seront mis en vente. » (dépêche AFP, 8 octobre 73). Non seulement la somme qu’ils perçoivent est identique à leur ancien salaire, mais en plus « chaque ouvrier ou employé a reçu sa feuille de paye régulièrement remplie, avec l’indication des retenues pour les assurances, l’Assedic, la retraite complémentaire … » (Le Monde, 4 août 73)
La garantie du salaire est donc prise à la lettre sous forme de « paye sauvage » et c’est bien là la volonté des ouvriers eux-mêmes : voir « l’interview Lip » (Jean Lopez, 18 rue Favart 75 002 Paris) - nov 73, pp 27-31.
En effet, (cf p 30) il y avait trois solutions concernant la somme à percevoir : 1 somme égale pour tout le monde 2 paye intégrale à tout le monde moins un pourcentage 3 salaire intégral, plus une caisse de solidarité où chacun mettra ce qu’il veut. C’est cette dernière solution qui a été retenue.
Certes, comme dit B., dans cette interview, le délégué syndical a appuyé la solution du salaire intégral, mais il serait faux de croire que l’adoption de cette mesure a été le résultat de la mise en condition de l’assemblée générale. La preuve, les interviewés la donnent eux-mêmes : « … puisqu’on avait du fric, pourquoi on aurait admis un nivellement par le bas … » - « alors que le patron nous donnait 200 000 [anciens francs - NdC], pourquoi on aurait eu que 150 000 ? »
Bien sûr, il aurait pu être envisagé un nivellement par le haut, mais ils auraient été dans ce cas traités d’irresponsables, dilapidant le capital de l’entreprise, ce qui s’opposait au sens de la lutte, le « non aux licenciements » signifiant le maintien du salaire et pas autre chose. « La paye normale à tous les ouvriers, ça a été quelque chose de formidable, et je pense que si elle a été faite comme ça, c’était bon ; et la deuxième paye aussi, et puis encore maintenant … j’aime autant qu’on me donne la paye qu’on a. » (Interview Lip, op. cit., p 31)
Par ailleurs, le choix du prix de vente des montres est lui aussi significatif : c’est celui du catalogue Lip-sortie usine. « Dans le prix de vente des montres sont inclus : le prix des pièces ; les impôts, la TVA, l’amortissement du matériel et son renouvellement, le salaire des ouvriers … et même le profit du patron » (Lip, dossier d’information, op. cit, p 11). Or, quelle raison objective à ce choix, puisque les ouvriers de Lip ne prétendent pas gérer le capital ? Aussi auraient-ils pu vendre toutes les montres au même prix, quel qu’en ait été le modèle. Il n’y a pas d’autre raisons à ce choix que de vouloir que tout continue comme avant ; le maintien du salaire nécessite le maintien du capital. Le « non aux licenciements, non au démantèlement » signifie la « sauvegarde de l’entreprise » (Lip - dossier d’information, op. cit. p 9), c’est-à-dire du capital. Dans le cycle du capital, les éléments-valeurs du capital total sont reliés les uns aux autres par la nécessité pour le capital de décrire son cycle.
Dès lors les ouvriers de Lip ne pouvaient assurer le salaire habituel en vendant les montres à n’importe quel prix - non qu’il eût été impossible alors de financer la lutte - mais parce que cela aurait eu pour effet de briser la cohérence qui relie le prix des montres aux salaires normaux ; et briser cette cohérence, c’est briser le cycle du capital et donc liquider l’entreprise : effet opposé à celui recherché.
De la même manière que le prix des montres ne pouvait être fixé en dehors du cycle du capital, le salaire ne pouvait être versé sans qu’un contrôle soit exercé sur l’emploi du temps des salariés. À l’usine d’Ornans, on a continué à pointer tous les jours jusqu’à la reprise du travail. À Palente, le contrôle était moins précis, mais existait cependant lors des assemblées générales. « Vous comprenez, dit une ouvrière à la Mutualité (12 décembre), si certains recevaient leur paye en se présentant seulement le jour de la paye, ce serait injuste … » Là encore, c’est bien la conscience du producteur, de l’honnête ouvrier qui s’exprime.
Cependant, l’existence d’un capital ne se résume pas dans le fonctionnement de la production. Le capital n’existe que s’il parcourt l’ensemble de son cycle harmonieusement. La solution consistant à sauver le salaire, c’est-à-dire le capital, en remettant en marche la production ne pouvait trouver son sens que si la suite du cycle fonctionnait également. D’où la nécessité de commercialiser les montres. [1]
Très rapidement se forma un marché « sauvage », « parallèle » qui fut en même temps un marché des montres et une foire de la solidarité formelle et intéressée des rackets. Pour vendre ces montres, « les Lip » furent amenés à employer une méthode tout à fait moderne de commercialisation [2], celle qui ne passe pas par les détaillants (d’où les protestations des horlogers-bijoutiers) et qui permet donc d’économiser leur marge. Leurs montres, « les Lip » les vendaient dans des réunions politiques ou chez des amis, exactement comme les Tupperwear sont vendus dans les salons mondains ou en tapant chez le voisin. Par ailleurs, ce marché des montres impliquait une part de frais improductifs, comme pour tout autre capital. En particulier, il fallait financer les déplacements des ouvriers, tant pour la vente que pour la popularisation de leur lutte (popularisation = opinion publique = publicité). S’il est vrai que ces dépenses ne furent pas couvertes par le produit de la vente, mais par les dons de solidarité (cf Piaget, Le Figaro, 16 novembre), Lip autogéré disposait d’un atout supplémentaire (en plus du mode de commercialisation économique) puisqu’alors les frais n’étaient pas à imputer au capital de l’entreprise.
Mais malheureusement pour « les Lip », le marché des bonnes volonté de gauche était voué à une saturation précoce, inscrite dans sa nature même. En fait, cette étroitesse du marché était conforme à la non-rentabilité de l’entreprise Lip.
Et ce marché parallèle était en même temps la foire aux idéologies. En échange des montres achetées, chacun voulait donner aux ouvriers de Lip ses encouragements et conseils pour continuer la lutte. [3] Les meetings de soutien et autres réunions politiques permettaient aux différentes tendances politiques de tester ou d’ajuster leur propagande en matière d’autogestion, de contrôle ouvrier, ou autre. Ce marché étant une condition sine qua non de leur lutte, les ouvriers [ne pouvaient - NdC] que prendre pour argent comptant ces recettes et voir se préciser peu à peu dans leur esprit l’image de l’entreprise redémarrant sur les bases du moment : l’autogestion.
Comme le dit un ouvrier interviewé : « … Y a des gens qui ont été à Marseille, des gars qui ont été à Lyon, tous ils ont le sentiment d’être vachement costauds. Ils reviennent ici avec des tas de projets dans la tête, avec des idées qui viennent de tout le monde. Ils pensent que ça va se réaliser et puis ils tombent sur des gens qui, ici, subissent la pression des syndicats, qu’ils soient CGT ou CFDT et qui sont complètement déballonnés. » (Interview Lip, op. cit.)
Attribuer à la pression syndicale le manque d’enthousiasme des ouvriers demeurés à Besançon, cela masque son fondement réel : la dure réalité sur laquelle les voyageurs retombaient en arrivant à Besançon avec l’argent de la vente des montres, c’est que cet argent était impossible à convertir en capital additionnel. La deuxième phase du cycle (conversion des marchandises en argent) pouvait s’effectuer à peu près, mais elle n’avait que la moitié de son sens, puisque la troisième phase (conversion de l’argent en capital) ne comprenait que la couverture du capital variable et non celle du capital constant. C’est cette situation que vivaient quotidiennement « les Lip » à Besançon et que ne faisaient que traduire les syndicats. Ces limites n’étaient pas la conséquence d’une non-généralisation de l’expérience autogestionnaire, au contraire celle-ci avait pour origine « l’absurdité logique » de la lutte : autogérer un capital en faillite. Dans l’état où était alors l’entreprise, « les Lip » ne pouvaient pas plus boucler le cycle que leur ancien patron. [4]
Il ne restait plus aux commis-voyageurs qu’à repartir vers d’autres saouleries perpétuellement : « On a des gens comme P. par exemple, ben il est venu de Paris avec nous, le lendemain il est reparti à Lyon. Il est rentré de Lyon, il est resté ici une journée, en boule, dégoûté. Il est reparti à Marseille, il est rentré que ce matin. Et envisage de refoutre le camp ailleurs. » (Interview Lip, op. cit.)
Ce qui précède nous amène au deuxième aspect de l’isolement de la lutte des ouvriers de Lip. D’un point de vue capitaliste, la bienveillance politique ou idéologique que le patronat ou le gouvernement accordèrent au cas Lip n’excluait nullement l’abandon économique de cette entreprise. Depuis plusieurs années déjà, elle avait montré son incapacité à se maintenir dans la communauté du capital ; et pour celle-ci, il n’y a pas de solidarité qui compte, il n’y a d’entente possible que dans le respect de la loi du profit. Pour être à nouveau rentable, il fallait que Lip passe par une restructuration fondamentale.
La preuve s’en trouve dans la somme (environ 2 millions) que, dans leur respect de la continuité du cycle, « les Lip » seront amenés à restituer aux nouveaux patrons, en plus des stocks restants. C’est ce qu’ils avaient accumulé en 7 mois de travail. Quand on sait que cette somme couvre juste un mois de salaire (pour 900 ouvriers), quand on la compare aux 15 millions dus aux fournisseurs, on voit combien la composition organique du capital Lip pouvait être basse et combien il était peu rentable.
Certes, « les Lip », capitaliste collectif, ont « tenu » plus longtemps que leur ancien patron. Cela vient de ce que, à la différence de ce dernier, et vu le caractère exceptionnel de la situation qu’ils avaient créée, ils n’ont pas eu à prendre en charge la totalité du [cycle - NdC] de « leur » capital. « Les Lip » ont pu jouer sur le fait qu’une fraction de ce capital a une rotation rapide (capital circulant, c’est-à-dire salaires et pièces détachées). Ils ont nié le problème de fond : celui de la rotation du capital total. Non seulement, ils ne se sont jamais trouvé dans l’obligation de renouveler leur capital constant, mais ils ont décliné toutes les dettes qu’avait contractées l’ancienne direction. De plus, ils se sont dispensé de renouveler le stock de pièces détachées au fur et à mesure qu’ils y puisaient. Tout cela, ajouté aux avantages dont ils disposaient sur l’ancienne direction - et que nous avons mentionnés plus haut - bien loin d’être une preuve de supériorité gestionnaire, montre a contrario l’impossibilité de la gestion viable du capital Lip sur les anciennes bases.
La question syndicale
On a beaucoup parlé du rôle des syndicats dans l’affaire Lip : des divergences entre CGT et CFDT, des rapports entre celle-ci et le comité d’action extra-syndical qui s’est formé. Alors que la CFDT prenait immédiatement la tête de la lutte, promouvait en grande partie le Comité d’Action et cautionnait l’illégalité, la CGT grognait ses sempiternelles revendications de « droit au travail », clamait son réalisme et devait finalement s’effacer devant l’activité de sa concurrente. Cette activité parut consacrer le remariage du mouvement ouvrier et du mouvement syndical et put redonner un certain vernis au vieux « syndicalisme révolutionnaire ».
En fait, au-delà de leurs discours respectifs, les dissensions entre la CGT et la CFDT à Lip n’ont pas pour origine un choix différent qu’aurait fait chacun de ces syndicats au niveau des modes d’action, mais une contrainte exercée sur eux par leurs différences générales qui étaient résumées fidèlement par leur situation particulière à Lip. À Lip, on a simplement assisté à l’expression la plus nette des divergences entre CGT et CFDT que Mai 68 avait publicisées et qui s’étaient plus ou moins réaffirmées depuis, à l’occasion de certaines grèves (Joint Français notamment).
C’est ainsi que la prétention gestionnaire de la CFDT s’est nettement concrétisée à Lip par l’élaboration de la publicisation des plans de relance, contrairement à la CGT explicitement silencieuse à ce sujet. Celle-ci fut contrainte, sous peine de discrédit total auprès des ouvriers, à un suivisme accompagné de critiques « discrètes », mais plus ou moins constantes à l’égard de « l’aventurisme » de la CFDT.
Le retour momentané à une pleine unité syndicale au moment des accords de Dijon, où les syndicats acceptaient le principe des licenciements, coïncidera avec le divorce renouvelé, et tout aussi provisoire, entre mouvement ouvrier et syndicats, lorsque se reposera dans les faits la question fondamentale, pour les ouvriers, qui se saisissaient encore comme prolétaires, mais secondaire pour la CFDT : le licenciement de la force de travail excédentaire.
Sentant venir le désaveu de la base, alors qu’elle n’existe que par celle-ci, la CFDT se verra obligée d’accomplir une pirouette très acrobatique, puisqu’elle réadoptera, lors de l’AG consultative du 12 octobre, la position du Comité d’Action, hostile à tout licenciement, et ne soumettra même pas au vote le contenu du compromis de Dijon (principe du licenciement avec garantie de réemploi), qu’elle défendait encore la veille. Inversement, ce type d’acrobatie lui est rendu possible par sa position « près de la base ».
La création dans le conflit Lip d’un Comité d’Action pouvait surprendre a priori, d’une part parce qu’aucune grève, même les plus dures et longues, n’avait, ces dernières années en France, entraîné la naissance d’organisations distinctes des travailleurs autres que d’éphémères comités de grève, d’autre part, et surtout, parce que la CFDT s’engageait à fond dans la lutte.
On l’a vu, la nature de la CFDT l’amène à susciter la création de tels comités dès que la force de travail doit se prendre en charge elle-même. Lip en est un exemple concret, dans un contexte spécifique et isolé. [5] La prise en charge du capital variable Lip par lui-même, en vue d’une reconquête du capital global, nécessitait une organisation qui, à la fois, soit une émanation de la CFDT et possède un certain degré d’autonomie vis-à-vis de celle-ci, car le contenu de cette pratique se situait temporairement au-delà de la stricte négociation de la force de travail, qui constitue la pratique fondamentale de tout syndicat, quel qu’il soit. Que cette relative autonomie puisse, à certains moments, se transformer en opposition virtuelle est inscrit dans sa nature ; ce fut le cas dans le bref laps de temps qui sépare les accords de Dijon de l’AG consultative. Mais cette autonomisation ne pouvait être l’expression d’un dépassement réel du syndicat par le Comité d’Action ; au sein du même contenu général de l’action - sauvetage de l’entreprise - aucune divergence n’est et ne peut être le prélude à une rupture. Le syndicat tenait toujours entre ses mains la clé du problème. Pour en être convaincu, il suffit de remarquer l’acceptation finale et unanime du plan Neuchwander-Bidegain (voir plus haut) qui consacre la défaite totale et définitive de l’origine prolétarienne du conflit devant son contenu capitaliste ; cette défaite était inscrite dès le début, comme on l’a vu, et dès lors était irréversible, les seules questions encore en suspens étant son amplitude et sa date de réalisation. Ainsi le problème du licenciement, primordial dans le rejet des accords de Dijon, sembla « disparaître » subitement dans l’acceptation des accords de Dôle ; la seule habileté conjuguée de Bidegain et des syndicats dans l’élaboration à ce niveau du nouveau plan n’explique pas ce revirement apparent ; cette « habileté » est au contraire l’aboutissement naturel d’un rapport social de forces qui était établi dès l’amorce de reconstitution du cycle capitaliste.
La création du Comité d’Action Lip et la pratique pour laquelle il a été fondé reflètent indiscutablement la fin du mouvement ouvrier, en tant que force historiquement progressiste. En effet, les sans-réserves en lutte ne peuvent désormais s’autonomiser des syndicats que de deux manières : soit sur des bases réactionnaires (retour tendanciel à la petite production et distribution marchandes), soit sur des bases révolutionnaires communistes (destruction de la valeur, du salariat, de l’entreprise et du marché). Ce sont tous les schémas de l’ultragauche conseilliste qui sont simultanément rendus caducs. [6] « On fabrique, on vend, on se paye - c’est possible ! » chantaient en chœur le Comité d’Action Lip et les ouvriéristes, ultragauchistes et maoïstes confondus qui lui assurèrent une grande partie de sa publicité. Eh bien non ! Ce n’est pas possible ! Le développement et la socialisation des forces productives par le capital interdisent le retour à un tel mode étriqué de production et d’échanges mercantiles, si ce n’est dans des crises limitées ou - avec d’autres modalités - générales, comme palliatifs à l’impossibilité de reproduction du capital. Par là même, la fin du mouvement ouvrier prend immédiatement un contenu légué par ce développement : la reconversion de ses éléments théoriques et pratiques en contre-révolution potentielle.
Ceci ne peut étonner que si on ne prend en considération ni le mouvement de l’histoire ni le lien étroit entre révolution et contre-révolution.
[1] L’argent de la « paye ouvrière » vient de la vente des seules montres produites depuis la remise en route de la production par les ouvriers. C’est bien une résurgence du thème proudhonien du droit du producteur sur son produit. D’une manière plus générale, on peut observer qu’à la réaction prolétarienne initiale de défense du salaire, vont se superposer, aux différents stades de développement de l’action, des caractères ouvriers archaïques et des caractères gestionnaires modernes : ainsi, la remise en route de la production a pour objectif superficiel (l’objectif profond étant la défense du salaire) de montrer l’essentialité de l’acte productif accompli par les ouvriers par opposition à l’inessentialité des patrons, ce qui est un trait proprement ouvrier. La mise en vente des montres produites (qui a aussi pour mobile profond la défense du salaire) est aussi le moyen de montrer la capacité gestionnaire des ouvriers dans ce domaine. C’est aussi en vertu des tendances (auto)gestionnaires, soutenues par la CFDT que les montres et les salaires revêtent un prix et un forme qui sont celles mêmes du capital (ceci pour la plus grande consternation des péri-situationnistes).
[2] Les ouvriers ont vendu 82 000 montres entre le 20 juin et le 16 novembre, réalisant un chiffre d’affaires total de plus de 10 millions (chiffres fournis par Charles Piaget, cité par Le Figaro du 16 novembre). Dans la conférence de presse du 24 août de la CFDT « Lip est viable », il est souligné que « la commission vente » est à même de fournir de précieuses indications sur les « rossignols » et les « chevaux de bataille », et aussi sur les améliorations esthétiques à apporter. En outre, la CFDT dit que « l’expérience des ventes directes aux particuliers et aux comités d’entreprises mérite d’être analysée sérieusement. »
[3] Les public relations de la gauche - gauchistes, syndicats, et autres - préparaient ces déplacements des ouvriers par un slogan simple qui avait déjà fait ses preuves : « les ouvriers de Lip luttent pour tous les travailleurs » (par conséquent, soutenez-les, et d’abord financièrement) équivalent du « je roule pour vous » qu’affichent les camionneurs pour vous convaincre de patienter au cul de leurs poids lourds. Ainsi va cette société où toute activité est en interaction avec chaque autre pour concourir à la reproduction du capital, où chacun assume sa fonction, pas pour le plaisir, croyez bien ! mais parce que toute interruption particulière nuit à l’intérêt général : logique implacable devant laquelle ne peut que s’incliner tout « homme » de bon sens !
[4] En fait, il semble que la conversion de l’argent en moyens de production (fournitures) ait été un moment envisagée. Voir Le Monde du 2 août : « Selon le responsable du service production … il sera possible d’acheter des fournitures - des propositions nous ont été faites, nous les étudierons. ». La logique gestionnaire qui sous-tendait l’action des Lip poussait effectivement à la remise en route totale du cycle du capital : cf Le Monde du 13 juillet « Le collectif ouvrier ajoute : nous établissons un plan d’activité pour un an, avec remise en route totale de l’horlogerie et redémarrage des autres secteurs. »
L’évacuation de l’usine de Palente, le 14 août, a certes mis un terme à ce projet. Mais l’impossibilité de la prise en charge de la rotation du capital total par les ouvriers n’avait pas pour raison première une opposition politique de la bourgeoisie, mais l’insuffisance de rentabilité de la production manufacturière.
On sait d’ailleurs que le ministre Charbonnel avait, le 12 juillet 73, dans une entrevue avec les syndicats, proposé que Lip devienne une coopérative. Parmi les arguments que la CFDT a avancés pour repousser cette offre, certains liaient l’inviabilité probable d’une telle formule à l’hostilité politique du patronat à l’encontre d’une entreprise dirigée par des travailleurs (voir Le Monde du 21 août 73). L’inviabiité des coopératives est due au premier chef à leur non-rentabilité (cf p 6), et ç’eût été le cas évident à Lip. En fait, la CFDT l’avait bien compris, et Roland Vittot, délégué, dans sa réponse à Charbonnel souligna que les syndicats repoussaient l’offre du ministre, car « il y aurait des réductions d’emploi à envisager » pour les ouvriers coopérateurs, non comme il le dit en conséquence des erreurs de gestion des anciens dirigeants, mais parce que Lip devait nécessairement devenir atelier de montage pour subsister.
[5] Remarquons au passage le rôle des Cahiers de Mai qui prirent en charge, en grande partie, le bulletin « Lip Unité ». Depuis quelques années, ce groupe émerge chaque fois, ou presque, qu’est contrainte une certaine autonomie de l’activité ouvrière vis-à-vis des syndicats. La souplesse organisationnelle des Cahiers de Mai leur permet d’être un complément, voire un palliatif, idéal de la pratique syndicaliste à laquelle ils sont immédiatement liés par leur vocation exclusivement usiniste (contrairement aux groupuscules politiques « classiques »). En 72, à Pennaroya, par exemple, ils organisèrent de bout en bout la grève des ouvriers immigrés en l’absence de syndicat. Puis, le conflit terminé, ils contribuèrent à la création d’une section syndicale dans l’usine. L’apparente ambiguïté de la critique des syndicats par les Cahiers de Mai (s’en prenant aux » hiérarchies diviseuses ») recouvre à la fois la fonction de ce groupe - être le ferment de l’unité d’une base atomisée dans l’entreprise - et son origine - Mai 68. On a beaucoup fait l’éloge du mouvement de Mai 68 dans sa dimension « antibureaucratique » et « anti-autoritaire », on a parfois marqué les limites que constitue cette seule dimension, il reste à montrer qu’à ce niveau le mouvement était aussi l’anticipation de certaines exigences contre-révolutionnaires de notre époque, ceci conformément à la crise de maturation du capitalisme français que Mai 68 exprimait pour une part.
[6] Au moment même où, évidemment, ils connaissaient une publicité sans précédent sous des présentations souvent empreintes du modernisme dominant (voir, en particulier, la réédition en livre de poche des œuvres complètes de Chaulieu, alias Cardan, alias Castoriadis, etc.)
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L’effondrement d’un rapport ? Réflexions sur la crise
dimanche, 2 novembre 2008
Envoyé par la revue Endnotes.
L’histoire du mode de production capitaliste est ponctuée par les crises. On peut dire que la crise est le « modus operandi » du capital ou du rapport capital – travail. Cela est vrai dans la mesure où le capital, l’auto-valorisation de la valeur, l’auto-expansion de la richesse abstraite, est à chaque instant revendication sur une extraction de plus-value à venir : l’accumulation de capital est aujourd’hui pari sur l’exploitation du prolétariat demain.
La crise a pris maintenant la forme d’une crise financière, alors qu’apparaît toujours plus la perspective d’une crise générale. Ces deux crises que, quelque soit la manière dont on établit la relation, elles ne sont pourtant pas seulement dans un rapport de cause à effet. Elles sont bien plutôt les manifestations différenciées d’une seule et même crise sous – jacente, la crise d’accumulation du capital, crise qui, simultanément, est crise du rapport d’exploitation entre capital et prolétariat.
Le capital financier est celui dont la forme est la plus proche de concept même de capital, en ce que la pléthore de formes, plus byzantines les unes que les autres, peuvent se réduire au procès dans lequel l’argent engendre l’argent ou la valeur engendre la valeur. Le rapport entre le capital financier et le capital productif, ou entre la finance et l’économie réelle et marqué, d’une part, par la discipline que le capital financier impose au capital productif et d’autre part par la possibilité et la tendance vraie du capital financier à s’échapper, à courir trop loin devant des possibilités de valorisation, possibilités qui ne sont finalement fixées que par le dégagement de profit dans l’exploitation de la force de travail dans la production.
Ce rapport entre capital financier et capital productif, ou entre finance et économie réelle, bien qu’il ait toujours existé dans le mode de production capitaliste, n’est pas resté inchangé. Depuis la crise générale de profitabilité du capital ou, autrement dit, depuis la crise du rapport de classe capitaliste à la fin des années 60 et au début des années 70 (avec une vague de malaise social et de luttes de classe dans l’industrie) la financiarisation a été un élément constitutif de la restructuration et de la contre – offensive capitaliste : La restructuration globale du rapport entre capital et prolétariat. D’une part la financiarisation a été le moyen par lequel l’exploitation de la force travail a été intégrée à une échelle mondiale ( avec l’émergence et l’intégration à l’économie mondiale des nouveaux pôles d’accumulation les pays du « BRICS » Brésil, Russie , Inde, Chine et Afrique du Sud,) d’autre part elle a été ce qui a permis affaiblir les positions retranchées du prolétariat à hauts salaires des économies capitalistes avancées .Ces deux aspects de la financiarisation correspondent à l’intégration du cycle de reproduction de la force de travail à celui de la reproduction du capital. Avec la financiarisation croissante du rapport entre capital et prolétariat, les salaires ouvriers dans les économies avancées ont stagnés et la reproduction de la force de travail a été de plus en plus médiée par la finance (hypothèques, emprunts, cartes de crédit, investissement en bourse des fonds de pensions). Cette nouvelle configuration du rapport de classe a offert à beaucoup de couches (mais pas à toutes) du prolétariat, des économies avancées, une hausse du niveau de vie liée à l’inflation des prix des actifs boursiers. La contre-attaque capitaliste et la restructuration ont développé des changements fondamentaux du rapport de classe de par la de la défaite du vieux mouvement ouvrier et l’obsolescence de ses institutions (syndicats et partis). Ces organisations promouvaient la montée en puissance du prolétariat à l’intérieur de la société capitaliste, la nouvelle structure du rapport de classe et la financiarisation de ce rapport dépendent finalement de la capacité du capital à extraire assez de plus-value de l’économie mondialisée (par la hausse de la productivité et l’intensification du travail).
La crise financière actuelle a ses racines en partie dans les emprunts à risque (subprimes) et dans les hypothèques fondés sur une continuelle tendance à la hausse du marché immobilier et sur l’inflation des prix des actifs boursiers (après l’effondrement de la dernière bulle, celle de l’économie de l’Internet) avec leurs énormes montants de capital fictif générés par le levage de fonds (« leveraging ») des institutions financières (banques, fonds d’investissements, fonds de « private equity » etc.). Le boom financier a fini par outrepasser les capacités de l’économie réelle, c’est-à-dire la capacité du capital productif à extraire la plus value dans l’exploitation des travailleurs employés dans la production (que cette production soit « matérielle » ou « immatérielle »). Par conséquent nous sommes témoins d’une « correction » massive – chutes des bourses, de l’immobilier – en termes marxiste la dévalorisation du capital (se manifestant par les : dépréciation, défauts de paiement, banqueroutes, fusions, bradage des institutions financières, et maintenant leur nationalisation partielle par les Etats capitalistes).
Ainsi la tendance à la suraccumulation du capital, qui déjà (cette tendance doit plutôt être comprise comme cyclique ou séculaire) empêchait l’investissement de capital productif d’atteindre le niveau requis par la valorisation, est exacerbée par la tendance du capital financier à produire du capital fictif (par le « leveraging », le financement par la dette, les « futures », les options, la pléthore croissante de dérivés et d’arcanes, que sont les instruments financiers). Même si le capital financier régente le capital productif (et le capital productif est toujours plus financier) l’extraction de plus-value par l’exploitation du prolétariat ne peut marcher au même pas que les exigences de valorisation du capital financier.
Le capital est en crise. La crise s’affirme comme dévalorisation. La dévalorisation est la seule façon qu’a le capital de poser les bases d’un nouveau cycle d’accumulation, et d’imposer la discipline nécessaire pour que la classe ouvrière accepte les nouvelles conditions de l’exploitation, mais cela met en jeu la reproduction - même du rapport capital – travail. La nationalisation des banques est insuffisante pour parer à la crise. L’économie fait face à la récession ou à la dépression et au spectre de la déflation. Les patrons d’Etat du capital sont pris dans en ciseau entre d’une part le déficit gigantesque augmenté par le financement de la caution du système financier (par l’achat des valeurs toxiques, la recapitalisation des banques et la garantie des nouveaux emprunts) et d’autre part la glissade des déficits, dont l’Etat capitaliste a besoin pour maintenir les niveaux de demande effective, et qui sera de plus en plus difficile à financer. La question de la valeur du crédit des banques se hausse maintenant au niveau de la valeur du crédit des Etats capitalistes (Les banques centrales et les trésors d’Etat)
Le capital doit trouver une sortie de crise : il va chercher à maintenir ou accroître la profitabilité dans l’économie réelle par la pression sur les salaires (bien que cela ait un effet déflationniste pervers) et l’intensification du travail (la hausse de l’exploitation des travailleurs) c’est-à-dire des stratégies pour accroître aussi bien la plus-value relative que la plus-value absolue. Chercher à sortir de la crise financière et de la crise économique intensifie l’exploitation à l’échelle planétaire et met en crise le rapport entre capital et prolétariat. Dès restructuration du 19ème et du 20ème siècle, jusqu’à la restructuration des années 70 et 80 le prolétariat pouvait s’affirmer comme pôle positif dans le rapport d’exploitation. Maintenant la reproduction du prolétariat est de façon croissante médiée par la finance, et ainsi immédiatement intriquée à la reproduction du capital( avec pour effet que la reproduction d’un nombre, croissant aussi, de prolétaires est de plus en plus précaire , comme le montre la vague actuelle de saisies) et à la financiarisation, cela permet l’intégration de l’exploitation de la force de travail à l’échelle planétaire, les mêmes moyens dont le capital use pour pouvoir se battre et trouver sa sortie de crise fait grimper la menace de crise au niveau même de la reproduction du rapport de classe
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Oaxaca - Amer Simpson
mardi, 31 octobre 2006
Voici la lettre d’un camarade mexicain, qui ne peut
attendre de paraître dans Correspondance du mois de
novembre.
Bien le bonjour, Je vais répondre à tes questions,
cela m’a paru intéressant de faire un petit topo sur
le fonctionnement interne de l’Assemblée populaire des
peuples de Oaxaca (APPO), je ne vais pas rentrer dans
les détails, du moins je vais essayer de trouver un
juste équilibre. A la suite de l’envoi des forces de
police le matin du 14 juin contre les enseignants, qui
manifestaient depuis le mois de mai, la population de
la ville de Oaxaca prit spontanément le parti des
maîtres d’école. C’est en grande partie avec l’aide
des habitants du centre que les enseignants purent se
remettre de l’attaque surprise des flics et reprendre
l’offensive, afligeant aux forces de l’ordre de l’Etat
de Oaxaca une défaite dont ils ne se remettent pas. A
la suite de cet affrontement, eurent lieu deux
manifestations, qui ont regroupé plusieurs centaines
de milliers d’habitants. Peu à peu les gens ont
commencé à s’organiser. Le 23 juin, les délégués des
colonies (les colonies sont des quartiers créés à
partir de la concession de terrains par les habitants
eux-mêmes), des associations civiles (de
développement, de communication, de culture,
d’éducation, de santé,
de droits humains, de protection de la nature... Il y
en a plus de 500 répertoriées dans tout l’Etat de
Oaxaca), des associations indiennes (UNOSJO, Service
Mixe, Cipo Ricardo Flores Magon, Conseil des anciens
de Yalalac, Service communautaire à‘uu Savi, Union des
communautés et peuples indigènes Chontales, Union des
femmes Yalatèques...), des représentants des communes
de l’Etat (plus de cent municipes se sont libérés à
cette occasion, de la tutelle du parti révolutionnaire
institutionnel - PRI), des artistes, des représentants
du secteur académique (université
autonome de Oaxaca - UABJO), des groupes politiques de
gauche et d’extrême gauche, des étudiants, des
individus sans qualité particulière, des libertaires,
des syndicats (de la santé, par exemple) et, bien
entendu la section 22 du syndicat de l’éducation (la
section 22 est la section syndicale qui correspond à
l’Etat de Oaxaca) se sont réunis en assemblée pour
désigner les membres d’une commission provisoire
négociatrice. Cette commission, comme son nom
l’indique, est chargée d’entreprendre les négociations
avec le gouvernement fédéral (pour l’assemblée, le
gouvernement de l’Etat d’Oaxaca n’existe plus), elle
doit continuellement rendre compte des négociations à
l’assemblée populaire, qui, en retour, lui dicte ses
volontés. Théoriquement, les décisions sont prises par
l’APPO, par la majorité des présents quand le
consensus ne peut être atteint, jusqu’à présent la
majorité a toujours été proche du consensus. J’écris "
théoriquement " et " jusqu’à présent " car il se
dessine une tendance, parmi les dirigeants syndicaux
proches des partis, qui cherche à passer outre aux
décisions de l’assemblée. La base ne se laisse pas
faire mais ces manouvres sont déplaisantes et à la
longue accentuent le divorce entre deux courants (les
modérés et les radicaux) et affaiblit par des
tensions internes l’assemblée. Le 10, le 11 et le 12
novembre aura lieu le congrès constituant de
l’assemblée populaire des peuples de Oaxaca. Une
dernière remarque, c’est une assemblée ouverte, tous
les habitants peuvent y participer, cependant il
existe comme une vigilance interne à travers une
chaîne ou réseau de reconnaissances, dans le sens oà¹
il est toujours possible de savoir qui est " ce
nouveau venu ". Il faut comprendre que la ville n’a
pas été ébranlée dans ses fondements par l’absence et
le non fonctionnement des institutions
gouvernementales. La vie continue comme avant, elle
est même plus passionnante et agréable, c’est une
ville touristique et les touristes l’ont désertée, ce
qui a entraîné une perte des profits de l’industrie
touristique et de ses satellites, mais les marchés
sont approvisionnés, les magasins sont ouverts, les
transports publics fonctionnent, les restaurants et
les cafés sont ouverts, on y dépense son argent,
seulement la ville est en alerte, des barricades
aux entrées d’Oaxaca obligent à de longs détours et
parfois, en alerte maximale, l’entrée de la ville est
interdite, ou alors très difficile. Il y a aussi des
barricades dans les colonies et dans les endroits
stratégiques, elles sont en général ouvertes la
journée, sauf celles qui se trouvent dans des endroits
à protéger comme la radio communautaire, le zocalo,
le siège de l’assemblée, ou des bà¢timents publics
désoccupés et interdits comme le siège du
gouvernement, le tribunal, etc.... Ces barricades ont
été dressées spontanément par les habitants des
colonies pour se protéger des opérations commandos des
escadrons de la mort (des policiers municipaux en
civil qui tiraient sur les gens, la nuit, à partir de
camionnettes). Ces opérations d’assassinat,
commanditées par le gouverneur déchu, à partir de
commandos et de francs tireurs continuent à faire des
blessés et des morts à proximité des barricades ou
dans des rues isolées. Des commissions ont été créées
par l’assemblée pour le fonctionnement minimal de la
ville, j’en cite quelques unes de mémoire : commission
de la santé, de l’hygiène, des finances, de la
logistique, de la presse, de la cuisine et de
l’approvisionnement (pour les campements et pour ceux
qui viennent de l’extérieur), commissions des brigades
mobiles et de la surveillance, de la sécurité. La
commission de sécurité a été constituée sur le modèle
des topiles, ou plus précisément de la police
communautaire telle qu’elle existe dans le Guerrero ou
au Chiapas parmi les zapatistes, ils ont été désignés,
ou plutà’t acceptés (ce sont pour la plupart des
volontaires) par l’assemblée. Les délinquants sont
remis à l’APPO, qui, en général, après leur avoir
expliqué la situation, les condamnent à un travail
d’intérêt collectif comme balayer les rues,
actuellement la situation se durcit et les voleurs
sont souvent frappés quand ils sont pris par les
commerà§ants. Quand il s’agit d’un assassin, d’un
paramilitaire ou d’un franc tireur, l’assemblée le
remet à la justice fédérale, la PGR, (Procuradurìa
General de la Repùblica) par l’intermédiaire du
syndicat des enseignants. Les revendications des
enseignants et la destitution par l’Etat fédéral
d’Ulises Ruiz restent au premier plan des
négociations. Les enseignants ont obtenu satisfaction
sur l’ensemble de leurs demandes, reste la destitution
du gouverneur ou la reconnaissance de la disparition
des pouvoirs dans l’Etat de Oaxaca,
qui est la revendication principale de l’Assemblée
populaire. C’est là qu’apparaît la fracture entre les
dirigeants syndicaux qui ont obtenu satisfaction sur
tous les points et l’Assemblée, qui comprend aussi
les instits de base, qui ne veut plus d’Ulises Ruiz.
C’est la partie qui se joue actuellement. Les
dirigeants syndicaux ont l’appui de l’opposition dite
de gauche et représentée par le premier parti de
l’Etat, le PRD, et avec lui une grande partie de la
société civile. L’APPO se trouve face à une union
sacrée de l’ensemble des forces politiques
capitalistes. Derrière ces objectifs du premier plan
se sont dessinés d’autres objectifs plus généraux et
plus pratiques à travers une réflexion sur un
nouveau pacte social, à laquelle a été conviée la
société d’Oaxaca (par l’assemblée). Ce travail de
réflexion et de proposition a commencé le 10 octobre
et se prolongera par le moyen de tables de discussion
et de dialogue, d’assemblées générales et de retour
aux tables de discussion, jusqu’au congrès constituant
de l’APPO. Environ 1500 personnes de
tous horizons (dont les délégués des communes
indiennes) participent à ce travail de réflexion sur
un nouveau contrat social. Les tables sont les
suivantes : 1- Nouvelle démocratie et gouvernabilité à
Oaxaca, 2 - Economie sociale et solidaire, 3 - Vers
une nouvelle éducation à Oaxaca, 4 - Harmonie, justice
et équité sociale, 5 - Patrimoine historique, culturel
et naturel d’Oaxaca, 6 - Moyens de communication au
service des peuples. La solidarité envers ce mouvement
insurrectionnel s’exprime sur plusieurs plans, il y a
d’abord une solidarité proche et quotidienne, des
familles des quartiers qui, à 2h ou à 3h du matin,
vont apporter du café chaud à ceux qui se trouvent
derrière les barricades, qui apportent des provisions
aux campements, des communes (souvent très pauvres)
qui font parvenir de l’argent à l’assemblée. La
marche sur Mexico a donné l’occasion à cette
solidarité populaire de s’exercer avec toute la
générosité dont elle est capable ; le campement qui se
trouve actuellement dans la capitale reà§oit de
l’aide, alimentaire ou autre, de la part de la
population. Il y a ensuite une solidarité plus
militante du fait de certaines organisations
syndicales, politiques et sociales qui s’est exprimée
au cours du forum national et international qui eut
lieu à Oaxaca le 14 octobre au cours duquel diverses
propositions de soutiens ont été avancées :
mobilisation nationale et internationale un jour
déterminé (à préciser), bloquer la circulation en
divers points de la capitale du Mexique, création
d’une alliance nationale unitaire, manifestation
devant la télévision pour exiger un droit de réponse,
campements dans tous les Etats de la république pour
exiger la libération des prisonniers politiques et de
conscience... En fait la solidarité s’est surtout
manifestée par l’intermédiaire de petits comités
(étudiants, libertaires, radios libres, associations
civiles, groupes d’extrême gauche, l’autre campagne
zapatiste) qui se sont constitués à cette fin et qui
offrent un appui logistique (au cours de la marche et
dans la capitale) et de communication, informer sur ce
qui se passe à Oaxaca (face à la désinformation et la
calomnie). Il faut savoir qu’au Mexique les principaux
syndicats ouvriers et paysans sont aux mains du
pouvoir par le biais du Parti révolutionnaire
institutionnel, qui a contrà’lé le
mouvement ouvrier, et plus tard paysan, à partir de
1920. Ce n’est qu’exceptionnellement que certaines
sections syndicales ont pu s’émanciper de la tutelle
de l’Etat, comme ce fut le cas de la section 22 du
syndicat de l’éducation nationale, le syndicat reste
dans son ensemble entre les mains de dirigeants "
charros ", c’est-à -dire des dirigeants qui sont dans
le cercle du pouvoir. Dans ce domaine d’une solidarité
effective c’est encore le monde indigène, et paysan,
(70% de la population d’Oaxaca est indienne) qui
l’apporte par sa détermination à mettre fin à la
domination des caciques, ceux qui, avec l’appui de
tout l’appareil de l’Etat, cherchent à s’emparer à
leur seul profit des biens collectifs. Je ne pense pas
avoir répondu à toutes les questions que vous vous
posez et surtout d’y avoir répondu avec la clarté et
la précision nécessaires à une bonne compréhension de
la réalité. J’ajouterai qu’à mon sens le mouvement
insurrectionnel d’Oaxaca est essentiellement empirique
et pragmatique, les idéologies sont à sa traîne et
elles ne cherchent même pas à le
contrôler. Il risque d’être marginalisé par la société
civile, cette part indéfinissable, mais importante, de
la société attachée aux droits de l’homme contre le
droit des peuples et des communautés villageoises (ou
de quartiers). C’est un mouvement désarmé face à
l’infanterie de la
marine mexicaine à laquelle s’ajoutent des bataillons
de l’armée de terre et les forces de la police
préventive fédérale. Sa marge de manoeuvre dans ces
conditions est très étroite. L’Etat attend sa
marginalisation dans la société pour intervenir au nom
du rétablissement de l’Etat de droit. A la suite de
cette intervention, les leaders dans les communes
isolées, qui n’auront pas été emprisonnés sous divers
prétextes, seront assassinés par des groupes de choc
paramilitaires. D’un autre cà’té, la société
mexicaine n’est pas disposée (du moins, il me semble)
à accepter un retour aux bonnes vieilles traditions
de la violence étatique, qui avait caractérisé les
temps, désormais révolus, du parti unique, dans ces
conditions, il appartient à l’assemblée populaire de
surmonter les tentatives de division, de trahison et
d’isolement instruites par l’Etat et ses partisans. Le
prochain congrès, le 10 novembre, pour la mise en
place d’une assemblée constituante sera déterminant
pour l’avenir de ce mouvement social.
Oaxaca le 18 octobre 2006.
George Lapierre
-
Oaxaca, , 31 octobre 2006Oaxaca : fin de la grève des maîtres
Après plus de cinq mois de grève, les enseignants reviendront en classe à Oaxaca. Lors d’une marathonique consultation qui a duré presque toute la journée, le syndicat de maîtres a décidé de terminer la grève par 31 mille voix contre 20 mille deux cents.Le président Vicente Fox s’est engagé à un programme "extraordinaire" pour assister l’Etat. Toute la journée a été marquée par la tension et la violence qui s’est déclenchée à seulement quelques mètres du lieu où ils votaient. A midi, des sujets non identifiés ont réalisé au moins 11 coups de feu depuis un véhicule en marche à moins de 500 mètres de l’hôtel du magistère, où se réunissaient les représentants des délégations syndicales. Le matin, cinq personnes encapuchonnées avaient incendié un autobus à une rue de distance du même local. "Ce ne sont pas des coïncidences", avaient prévenus des professeurs.
L’assemblée programmée pour mercredi dernier avait été suspendue avant même de commencer, après que cinq coups de feu avaient été entendus à l’extérieur des installations où ils se préparaient à sessioner. Devant ce panorama, la présidence de la République a reconnu hier qu’un éventule retour en classes n’en terminerait pas avec le problème politique et social que durant des décennies a souffert Oaxaca et a accepté publiquement qu’une solution réelle passe par des réformes de fond dans la vie institutionnelle de l’Etat. Le porte-parole présidentiel, Ruben Aguilar, a insisté pour que l’administration de Vicente Fox cherche des sorties de conflit négociées et que se fasse "n’importe quelle chose" pour l’obtenir, même offrir un emploi au gouverneur Ulises Ruiz dans le gouvernement fédéral pour faciliter son renoncement, condition indispensable et réclamée déjà non seulement par l’APPO et le magistère oaxaqueño, mais aussi par un groupe important de petits entrepreneurs et de commerçants locaux et même par la direction nationale du Parti d’Action Nationale (PAN), qui semble s’être convaincu de l’urgence de s’occuper de cette revendiacation sociale pour distendre une crise qu’héritera inévitablement le prochain président, Felipe Calderón, malgré l’insistance de celui-ci pour que le gouvernement foxiste le résolve avant sa prise de possession, le 1er décembre prochain.
De fait, Calderon reçoit information et est consulté par le secrétaire de Gouvernement, l’ultraconservateur CarlosAbascal, qui a présenté mercredi, les détails de l’opération policière qu’il prépare en coordination avec le Centre d’Information et de Sécurité Nationale (le Cisen, une sorte de police politique) et le reste du cabinet de sécurité foxiste. La réunion a eu lieu après que Calderon et son équipe se soient retirés dans la résidence officielle de Los Pinos avec le président Vicente Fox et son cabinet de Respect et Sécurité pour discuter précisément du cas Oaxaca. Cependant, lors d’une tournée au Canada, Calderon a nié hier qu’il participe à la prise de décisions sur ce conflit. "Je refuse catégoriquement d’avoir une intervention dans le cas Oaxaca", a-t-il dit lors d’une conférence de presse. De plus, il a défendu le gouvernement de Fox en raison de son "insistance pour résoudre la crise", même si -selon lui- le président n’est pas le responsable direct de son origine. "Il est clair que c’est un problème d’Oaxaca", a-t- il soutenu, et a accusé les maîtres de commettre "une violation aux droits humains des enfants" pour suspendre les classes depuis cinq mois.
L’Assemblée Populaire des Peubles d’Oaxaca (APPO) avait déjà abandonné hier les installations de la principale radio qu’elle maintenait en son pouvoir et depuis laquelle elle communication avec tous les membres du mouvement, après plusieurs jours d’interférences dans ses émissions, dont elle rendue responsable la Secrétariat de Gouvernement. Mais dans la ville de Mexico, vingt-et-un assembléistes en grève de la faim depuis 10 jours, exigeant le renoncement du gouverneur Ulises Ruiz, ont annoncé qu’ils cesseront d’ingérer des liquides et des médicaments à partir d’aujourd’hui, ce qui pourrait accélérer leur mort.
Mexico, D.F., Gerardo Albarrán de Alba, Pagina/12 (Argentine), 27 octobre 2006. Traduction : Fab, [email protected]
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Senonevero e ben mal capito
mercredi, 2 mai 2007
Mieux vaut sans doute être connu de travers que de ne pas être connu du tout ! Soyons donc plutôt contents que Serge Cosseron dans son « Dictionnaire de l’extrême gauche » (18 Euros Edition Larousse) cite Meeting, Senonevero et Théorie communiste et les sites Patlotch et Mondialisme.org, dans son chapitre consacré à l’ultra-gauche. Mais, en dépit d une certaine sympathie qui semble émaner de l’article, s’il y avait un concours du contresens Cosseron aurait gagné le coquetier, tant il est absolument impossible de faire mieux (ou pire). Certes il n’est pas question de demander à ce genre de dictionnaire de faire une analyse détaillée des positions de chaque groupe, de chaque publication répertoriés et des relations entre elles ; mais de quelqu’un qui se décrit comme : « …né à la politique dans la mouvance issue de Socialisme ou Barbarie » une lecture un peu moins hâtive aurait permis de ne pas attribuer comme dénomination à notre courant ce qui est le nom de ce qu’il critique !
Au demeurant la citation est bien choisie, c’est l’ interprétation qui pêche il y a même contradiction dans les termes entre la citation et la conclusion qui dit : « les bases du communisme existant dorénavant », et on ne voit franchement pas ce que veut dire : « …pratiquer la communisation des pratiques et de la politique révolutionnaires » à sa décharge reconnaissons que le terme communisateur que nous utilisons est trompeur, la forme anglaise est (peut–être) plus claire : communisation curent, courant de la communisation. Bien sur quand TC parle de nouveau cycle de luttes ce n’est pas en 1995 qu’il commence, c’est avec la restructuration en 1975, mais en 1995 a bien démarré une phase de luttes (qui s’est d’ailleurs peut-être terminée en 2005) où est né le démocratisme radical qu’on nous fonde, de fait, dans le DR est dommage mais normal on est (était ?) embarqués avec lui.
Pour juger vous–mêmes voici le paragraphe qui nous est consacré :
Au-delà du conseillisme, le courant programmatiste
Au cours des années1970 est née à partir du courant conseilliste, une branche qui s’est autodéfinie comme « programmatiste » (affirmation du prolétariat comme classe révolutionnaire et définition d’une période de transition politique). S’appuyant sur la revue Théorie communiste dont la première publication date 1977 ce groupe affirme dépasser la vielle ultra-gauche conseilliste et prendre encharge le nouveau cycle de lutte qui à partir de 1995 et de la résurgence des chômeurs et des précaires est en mesure de montrer « comment une activité de classe peut aller au-delà des classes, pour poser l’abolition des classes et donc du prolétariat lui-même » (Théorie communiste, n°15). Désormais ce courant s’affirme comme « communisateur », c’est-à-dire pratiquant la communisation des pratiques et de la politique révolutionnaires, les bases du communisme existant dorénavant. Il s’exprime également dans la revue Meeting ainsi qu’à travers les publications des éditions Senonevero
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